Le syndrome de Stockholm désigne un trouble psychique qui affecte des personnes prises en otage et qui, au cours de leur captivité, tissent des liens d'empathie (voire d'amitié) avec leurs ravisseurs.

Dans le cas de Yuki, il voit les personnes qui l'ont maltraités depuis qu'il a été vendu quand il était enfant comme ses véritables parents et refuse d'admettre que cela pourrait ne pas être le cas.

Au fond, je suis plutôt banal comme garçon, si ce n’est que je me fonds très rapidement dans la masse. Mon caractère ne m’aide pas vraiment à équilibrer la balance puisque je suis du genre discret en général. Après tout, je déteste attirer l’attention car le regard des autres me tétanise. Pourtant, quand on a besoin de mon aide je réponds toujours présent. Certes, je ne suis pas forcément loquace dans ces moments-là et les mots peuvent cruellement me manquer, mais ce n’est pas si grave. Après tout, rien que le fait d’être à l’écoute d’une personne peut lui permettre d’avancer, d’aller mieux. C’est ce en quoi je crois… mais aussi ce que j’aurais voulu qu’on fasse pour moi.

Malgré le sourire que j’affiche devant les autres, je souffre à l’intérieur. Certainement que mon passé au Japon y est pour quelque chose, pourtant je ne peux pas accuser qui que ce soit. J’ai l’impression que si j’étais autrement on aurait pu me traiter différemment. Pourtant, je ne sais pas du tout comment j’aurais dû changer pour leur plaire. Du coup, je me sens mort de l’intérieur car abandonné et incapable d’être aimé par qui que ce soit. Je ne suis qu’un objet qui attend d’être utilisé avant de se trouver en fin de vie.
Parfois, il m’arrive de penser que ce serait bien que cette dernière arrive plus rapidement. Pour le moment, je n’ai pas encore eu le courage de faire face à mes idées noires, mais il est fort probable que j’y cède un jour. Ce n’est pas que je ne demande pas un petit coup de pouce pour voir la vie bien meilleure qu’elle ne l’est réellement, mais je ne vois pas pourquoi on le ferait maintenant.

A mes yeux, l’isolement est le meilleur moyen d’éviter les problèmes. Je n’en resterais pas moins poli et répondrais aux questions tout en aidant ceux qui en auraient besoin. Il n’empêche que je n’aurais aucune espérance concernant ces personnes. Je ne mérite pas d’avoir des amis, sinon j’en aurais déjà eu avant, non ? Il n’est aucune autre explication que m’eut paru logique à chaque fois que je m’étais posé la question. C’était ma faute, tout simplement.

Par rapport aux autres japonais, je suis plutôt de taille moyenne avec mon 1m70, si ce n’est légèrement plus. J’avoue que je ne me mesure plus depuis longtemps. Par contre, je suis plutôt maigre avec mes 52 kilos. N’ayant pas de maladie comme l’hyperthyroïdie, la raison doit être que je ne me nourris pas correctement. Pas comme une personne qui mangerait toujours gras, au McDonald ou des pizzas, mais bien insuffisamment, et ce malgré les nombreux conseils qu’on me donne. L’habitude peut-être ?
Ma peau est plutôt claire et j’ai tendance à pâlir de façon voyante dès que je commence à aller mal. Un peu comme une personne qui rougit facilement mais dans son contraire. Je pense que cela peut me rendre un peu effrayant, mais ce n’est pas vraiment ce qui pourrait me préoccuper le plus.

Mes cheveux sont châtains tirant sur le blond. Je sais que ce n’est pas très naturel pour un japonais, mais je n’ai eu aucun moyen de connaître mes origines jusqu'à peu de temps, ce que je n'ai pas accepté, le dialogue avec mes parents (adoptifs) étant inexistant. Je ne connaissais pas d’autres membres de ma famille, non plus. Du coup, il est possible que j’aie des origines lointaines qui soient la cause de cette couleur « étrange », mais je suis incapable de le certifier. Il en est de même pour mes yeux qui sont marron clair.

2003. Je suis né de parents européens qui avaient, dans leurs familles, bien des caractéristiques biologiques. Autant dire que si j’étais né noir, blond, avec des traits plus asiatiques ou autres, ils ne s’en seraient pas forcément aperçus. Alors quand ils eurent un enfant blond dans leurs bras ils ne s’inquiétèrent nullement. Ils m’aimaient déjà depuis bien longtemps. Certes, ils avaient très peu de moyens et ne savaient pas quel genre de vie ils pourraient m’offrir, mais ils espéraient de tout leur cœur que je serais un enfant heureux grâce à leur amour et que je ne leur en voudrais pas trop de m’avoir mit au monde dans ces conditions.

2006. J’avais trois ans depuis quelques mois quand ma vie bascula. J’avais, jusque-là été extrêmement heureux, ne manquant de rien. Mes parents se réjouissaient à chacun de mes progrès dans la marche, le langage, mes manières ou même lorsque je jouais à des jeux. De très belles années qui étaient les meilleures. Mais, un jour, alors que je faisais des courses avec mes parents, je me perdis dans la rue sur le chemin du retour. Les rues étaient pleines de monde et ma petite taille ne me permit pas de retrouver ma famille malgré les pleures qui me secouèrent assez rapidement. Un couple vint alors me trouver. Ils n’étaient pas mes parents, mais il me promirent de m’aider de les retrouver.

Ces personnes, en réalité, faisaient partie d’un groupe de trafique d’enfants. Cueillir ainsi des oisillons perdus était une réelle opportunité. Alors, au lieu de m’amener à la police qui aurait pu me ramener à mes parents, je fus “jeté” dans un camion avec d’autres enfants. Certains pleuraient, d’autres tremblaient d’effroi. En même temps, l’endroit où nous nous trouvions sentait extrêmement mauvais et nous ne savions pas du tout ce qui allait nous arriver. Pour toutes ces raisons, le voyage nous fut extrêmement pénible. Peu nourris, déshydratés et sans possibilité de faire nos besoins correctement, nos conditions nous mettaient à rude épreuve. Au point qu’une fois arrivés à destination, nous n’avions même pas la force de nous rebeller.

Avant de nous vendre aux enchères de façon privée et secrète, nous fûmes lavés et enchaînés. Nous portions des vêtements très légers malgré le froid et usés quand on nous fit monter sur une estrade en bois dans ce qui semblait être une cave. Des rangées de chaise étaient placées juste devant avec des personnes qui nous regardaient avec des airs avides qui donnaient froid dans le dos. Un par un, nous fûmes vendus pour des prix exorbitants, même si cela ne valait pas les milliards dépensés pour des objets de valeur. Personnellement, la famille Nakamura m’acheta pour 64444,17 Yens (500 €). Je ne savais pas ce que cela représentait, mais une chose était sûre : à partir de là ma vie allait devenir un enfer.

De 2007 à 2017. Durant toute mon enfance je vis mon état se dégrader. Chez moi, j’avais le droit de garder le silence et la santé, voire de rester seul, mais rien de plus. Mes parents ne me nourrissaient pratiquement pas, considérant que je n’en avais pas besoin tant j’étais maigre. Lorsque j’avais le malheur de parler, pleurer ou même tenter de me rebeller (seulement la première année), je me faisais frapper, voire pire. Mais ce “pire” n’étant malheureusement pas fait pour les personnes sensible, je ne peux en parler plus amplement. Il faut juste savoir que ces personnes finirent par m’aimer comme un jouet au point de rester sur de petits détails pour finir par jouer avec moi d’une façon qui me brisait toujours un peu plus. Même user de drogues à mon insu était une bonne méthode à leurs yeux, ce qui finit par totalement me dégoûter de manger. Lorsqu’il m’arrivait d’être malade, on faisait comme si de rien n’était. Mes parents allaient même jusqu’à prétendre à qui voulait bien entendre que je simulais de la pire des façons. Ma survie, je ne la tenais donc pas d’eux mais du peu de soins qu’on parvint à me donner.

À l’école, ce que je vivais n’était pas beaucoup mieux. En arrivant, je trouvais dans mon casier et mes chaussures des mots me demandant d’aller mourir entre autres, des punaises et lames de rasoir. Il arrivait même que je tombe sur des nids d'insectes fraîchement sortis de terre. Dans les couloirs, les rumeurs sur mon compte pleuvaient, les insultes également. Il arrivait même assez souvent que je me fasse racketter et violenter assez sauvagement. Enfin, en classe, je retrouvais toujours mes affaires en piteux état. Mes livres et cahier déchirés, jetés à la poubelle au milieu des pires ordures, dans les couloirs, alors que ma table et ma chaise étaient tagués de mots aussi agréables que ceux dans mon casier. Je ne parle même pas des sauces sur lesquels je devais m’asseoir parfois.

Très souvent les idées noires me venaient tant je voulais en finir. Mais je parvenais toujours à trouver une raison de survivre. De temps en temps les nouveaux venaient à moi pour qu’on devienne “amis”. Pendant quelques temps, ils me prêtaient des jeux, des livres et tentaient de m’aider. Dans ces moments-là je les écoutais en retour me raconter ce qui n’allait pas et cherchais une solution avec eux, du moment que cela ne touche pas la famille. Mais, à chaque fois, cela ne ratait jamais, ils se retournaient contre moi sans que je comprenne pourquoi. Je ne savais pas les raisons qui les poussaient à me laisser seul finalement et pratiquer les mêmes horreurs que les autres avec toujours plus d’imagination.

À la fin de l’année scolaire, après avoir été conseillé à l’école concernant mon avenir, je demandai à aller à l’étranger. Personnellement, cela me donnait l’opportunité de changer d’air tant j'étouffais, bien que je ne souhaitais pas totalement me détacher des Nakamura. Et, scolairement parlant, peut-être de mieux me concentrer sur mon travail. Mes parents s’opposèrent à mon départ en premier lieu, me demandant de choisir d’autres écoles. Heureusement pour moi, aucune d’entre elles ne m’accepte pour des raisons différentes (travail insuffisant, pas assez bon résultats, examens ratés…). Alors, ils finirent par me payer mon école en Irlande à contrecœur, ne serait-ce pour paraître être des parents dignes aux yeux du monde. Qui sait, il était possible qu’ils se dirent qu’ils pourraient encore mieux me torturer à mon retour.

Année scolaire 2017-2018. Mon arrivée en cette académie d’Irlande ne fut pas de tout repos. Bien que le premier mois sembla se passer sans trop de problème, je finis par me faire détester par une bande de garçons de ma classe. Je ne savais pas du tout comment cela avait pu se produire malheureusement. Mais, maintenant, je dirais que certainement ne supportèrent-ils pas le fait que je me disais Japonais sans y ressembler. Tant et si bien que je ne sus pas comment réagir face à ce retour brutal de la violence qui dura longtemps avec toujours plus d’imagination et de violence.

Peu de temps après, alors que j’avais le moral au plus bas, je rencontrai une camarade de classe alors que nous étions en travaux pratiques de svt. La matière que je détestais le plus pour le sujet que je haïssais de toute mon âme. Tant et si bien que je me sentais mal avant même de commencer la dissection d’un oursin. Puis, l’odeur devint si forte qu’elle m’obligea à sortir de la salle de classe. Ma binôme vint à moi, me tenant compagnie. Son nom était Numa, et grâce à elle je rencontrai également Sheila. Ces deux personnes allaient devenir mes deux grandes et seules amies même si cela allait être difficile au début tant je me méfiais de ce genre de relations. Ce fut leur soutien, leur aide en toutes circonstances et leur affection qui me fit baisser mes barrières.

Pendant tout ce temps, certainement parce qu’ils finirent par trouver le temps long, mes parents trouvèrent le moyen de me torturer à distance. Les lettres qu’ils m’envoyèrent ne contenaient pas que du papier noircit de façon traditionnelle. Parfois je pouvais d’y trouver des photos obscènes qui me mettaient extrêmement mal à l’aise ou même des menaces de me faire du mal dès que je rentrerais si je ne leur répondais pas. Jamais je ne le fis, tout comme je gardait le secret sur le traitement que je subissais depuis longtemps maintenant. Pourquoi l’aurais-je fais de toute façon ? N’était-ce pas normal ?

Un peu sonné par toute cette violence à l’école malgré le changement de pays, un jour alors que je commençais à en avoir assez, j'étais resté dans le parc, près de l’école. C’est là que je rencontrai Hope, un chiot que je me mis en tête d’adopter. Malheureusement, je fus obligé de les quitter plus rapidement que prévu. Grâce à des professeurs qui faisaient leurs recherches de leur côté concernant leur propre famille ou autres (qu’en savais-je ?), je fus identifié comme étant Nicolas Lanvers. Je faisais partie de la liste des enfants disparus en 2006 qu’on n’avait toujours pas retrouvé. Grâce à cela, je fus ramené auprès de mes parents biologiques par la police, en Angleterre.

Début 2018 : De retour en Angleterre, je me sentis totalement perdu. Comme on m’avait parlé de retourner “chez moi”, j’avais tout de suite pensé chez les Nakamura, au Japon. Mais non, je m’étais retrouvé avec des personnes que je ne reconnaissais pas, dans un environnement totalement différent que celui que j’avais toujours connu. Je ne pus l’accepter. Très rapidement, je tombai dans une grosse dépression qui m’amena même à tenter de me suicider. Pourtant, ils m’avaient laissé beaucoup d’espace et de temps, donné l’occasion de garder le prénom avec lequel j’étais le plus familier, permit de ne pas aller à l’école. Mais rien n’y fit...

Ne sachant plus quoi faire, les Lanvers me firent suivre par un psychiatre. Ce dernier me diagnostique rapidement un syndrome de Stockholm. Attaché à mes agresseur, incapable de les dénoncer ou même de vivre d’une autre façon que comme je l’avais fait pendant toutes ces années, il conseilla à mes parents de me faire hospitaliser. Mais pas n’importe où. Il leur conseilla fortement l’institut Espoir en leur donnant un prospectus. Ce dernier était fort joli et donnait grandement envie de leur faire confiance. Pourtant, ils demandèrent à réfléchir un peu avant de se séparer totalement de moi. Après tout, ils venaient à peine de me retrouver. Comment auraient-ils pu me laisser partir sans rien dire ? Personnellement, cela ne changeait pas grand-chose : je n’allais pas pouvoir rejoindre les Nakamura quel que soit leur choix…

Le 3 février 2018, après avoir rempli toutes formalités nécessaires, mes parents m’emmenèrent au port. Malgré leurs maigres économies, ils avaient pioché dans leurs ressources et demandé de l’argent auprès de mes tantes, oncles et grands-parents pour me payer le bateau qui me mènerait dans une île au milieu de l’océan Atlantique. Ils étaient extrêmement tristes de me laisser partir, surtout après si peu de temps à nouveau ensemble, mais au moins ils nourrissaient l’espoir que je guérisse un jour, que je leur revienne vivant et en bonne santé. Personnellement, je ne voyais pas vraiment les choses de la même façon, mais accompagné par un employé de là-bas, je savais ne pas avoir le choix.