Oneirophrénie : Cette pathologie résulte en des hallucinations très proches de celles entrainées par de la schizophrénie, mais sans la dissociation de personnalité.

Echolalie : Connor répète partie ou totalité de ce que lui dit son interlocuteur en guise de réponse.

Vous cernez qui je suis ? Donc, ce mec normal dans la rue, vous l’observez en coin. Et là, il vous sort que la flûte, c’est pour la maison, pas pour la rue. En général, c’est le moment où vous faites genre de ne pas m’avoir vu ou entendu. Moi, j’n’réagirai pas, ou plutôt, j’ne réagis plus : j’ai bien compris, personne ne me comprend, je vous suis oh combien supérieur pour voir le vrai monde ! Et ouaip, y a que moi qui voit la vérité avec mon truc d’oneiro-chais plus quoi. En général, je vois après avoir manqué de sommeil, ce qui fait que je peux expérimenter mes visions tout en étant de mauvais poil. Mais cette confusion, j’la vois comme… comme un second état, où je peux expérimenter mes visions ! C’est nécessaire, c’est un mal pour un bien comme on dit. D'ailleurs, j'suis pas du genre à venir de mon plein gré vous parler. Mes visions me suffisent, et mes expériences du collège me paraissent bien trop révélatrices de c'te monde. Malgré tout, je m'estime être un gars sympa, peut-être un peu trop franc pour la majorité des gens, mais au moins, soyez assuré que je ne vais pas balancer des choses dégueulasses sur vous dans votre dos. Par contre, beaucoup vous diront que je suis un peu vantard voire mégalo, à m'estimer le seul à voir la vérité. Donc non, je ne me sens pas supérieur à l'humanité. Quoique…

Je suis un mec. Ça vous défrise ? Bah pas moi. Mec, fille, on s’en fout, non ? J’suis un mec normal, moi monsieur. Au moins de loin. Genre, si vous voyez un type avec des cheveux noirs un peu en bazar parce qu’il a la flemme de les coiffer, vous n’criez pas au loup, pas vrai ? Vous voyez qu’il a des yeux noirs, vous n’réagissez pas trop non plus ? Genre, j’suis un peu grand, pas trop de muscles mais pas maigrichon non plus. Stature normale, quoi. Ni fossettes, ni nez en pointe, ni rien du tout. Quand vous avez la base, vous remarquez alors son regard un peu perdu dans ses pensées, genre vague, de travers presque. Enfin, si un regard peut-être de travers… Après vous remarquerez que je n’marche pas toujours de façon logique. J’ferais un détour pour éviter un trou qui n’existe pas. Ou j’tournerais trois fois autour d’un arbre parce qu’il est sympa. Faut pas chercher, hein. J'suis comme ça, c'est tout.

Connor est né en Irlande, à Mallow plus précisément. Au début, tout allait bien. Il a dit ses premiers mots, a fait ses premiers pas, puis est allé s’amuser en maternelle (très exactement dans l'Ecole Nationale de Glantane). Il s’est fait des amis, est allé à un joli nombre de gouters d’anniversaires, bref, la vie normale d’un gamin normal. Puis il est rentré en première année. Patatras : l’enfant, à cause de son défaut de langage, ne se fit pas énormément d’amis. Isolé, il jouait tout seul avec la poussière. D’autres années passèrent, seul dans son coin, à répéter les paroles des autres pour y répondre. Ses parents s’inquiétaient déjà un peu de cette répétition, mais la pensaient temporaire. Au fur et à mesure qu’il passait ses évaluations de primaire avec un certain succès, il s’enfermait toujours plus dans son petit monde. Jusqu’à ce jour d’hiver, alors qu’il avait 13 ans. Le collège Davis ne lui avait pas fait beaucoup de bien. Cette solitude due à son défaut d’élocution l’affectait plus qu’auparavant, ne serait-ce que pour cette pression qu’impose le statut de collégien. Plus d’amis, plus de popularité. Tout ce qui lui manquait. Et un jour, en plein cours, il l’entendit. Ce son discordant, cette trompette qui sonna en plein cours de gaélique. D’un seul coup, le monde n’avait plus d’importance, seul comptait ce couac magistral, cette fausse note. Quand il revint dans le monde réel, son professeur le regardait bizarrement, de même que tous ses camarades. Sa feuille de brouillon broyée dans sa main droite, il était complètement perdu. Il ne savait même plus ce qu’il faisait avant, à savoir un premier jet d’une rédaction.

Quand ses visions se répétèrent, il en fit finalement part à ses parents. Plusieurs médecins et psychologues plus tard, le diagnostic tomba : oneirophrénie. Et écholalie en plus, mais ça, sa famille le savait déjà.

Curieusement, Connor ne parut pas le moins du monde affecté par cette nouvelle. Il s’était déjà bricolé une autre version de ce que ces médecins appelaient hallucinations. Plongé dans son monde, isolé des autres, il était normal pour lui de voir des choses que les autres ne voyaient pas. C’est ça, sa différence. Lui voit le vrai, les autres ne voient que ce qu’ils veulent voir. C’est tout.

Vers mi 2017, son père découvrit l’Institut Espoir. Toute l’année, il économisa avec sa conjointe pour pouvoir payer les frais astronomiques, désireux de voir son unique fils réussir, à la barbe de tous ces psys qui n’avançaient pas depuis deux ans. Connor ne voulait pas. On allait tenter de lui retirer son don ! La seule chose qui justifie son isolement, sa différence !

Il eut beau plaider des heures et des heures, rien n’y fait : en mai 2018, il prit l’avion, puis le bateau jusqu’à l’Institut. En soit, ce n’est pas un enfer, ni un paradis. C’est juste une école de plus, avec des règles en plus, et des médecins dans tous les coins. Et ça lui va. Quant à la révolution en cours, dont il entend bien les rumeurs entre deux visions (il ne veut pas appeler ça des hallucinations), il n’y participera le jour où un remède à son « don » aurait une chance d’exister… même s’il n’est pas du tout pour l’exécution de cette Lorelei…