Je me réveille, me redresse et regarde autour de moi. Toujours la même pièce. Quatre murs gris. Ça fait combien de temps que je suis là? Une semaine je crois. Je commence vraiment à m'impatienter... Quand je pense que cet espèce de mafieux m'a enlevé juste pour un chiffre que j'ai dans la tête! Et pour faire quoi? Voler du fric. Hyper original. Soupir.
J'en ai marre, je veux sortir de là... Et le beau visage de mon kidnappeur ne me ferra pas changer d'avis. Quoi que.. Mais à quoi je pense moi? Non, aucune chance que je ne change d'avis!

Il entre dans la pièce. Je retiens une inspiration. C'est dingue... J'ai l'impression qu'il me fait peur autant qu'il m'impressionne. Mais pourquoi faut-il qu'il soit un mafieux kidnappeur? Dans un monde parallèle où on serait seulement... Je ne sais pas moi, au lycée, je pense qu'il m'aurait attiré. Mais pour l'instant, je veux juste sortir.

- Si vous êtes encore venu me poser la question, non, je ne dirai rien.

Depuis que je suis là, il essaye sans relâche mais dommage pour lui, je suis d'un têtu difficilement descriptible. Et je ne veux pas lui donner ce qu'il cherche. Voler c'est... ça me dégoûte. Mais malgré ma répartie, je n'en mène pas large. J'ai conscience que je suis vulnérable alors je me contente de baisser la tête.

Il... Quoi? J'ai dû lui adresser un regard aussi méfiant qu'étonné. Comment ça il "peut venir m'admirer"? Qu'est-ce que c'est que cette technique d'approche? L'ironie a plus tendance à m'énerver qu'autre chose mais je préfère me taire. Ce n'est pas moi qui suis en position de force... Mais puisque qu'il veut "m'admirer" je peux au moins tourner la tête et me replier un peu plus pour lui rendre la tâche plus difficile.
J'entends ses pas approcher. Non, reste loin... Jusque là j'ai pu me tirer de leurs interrogatoires à peu près bien. Là j'ai peur qu'ils commencent tous à s'impatienter... Et je n'ai pas vraiment envie qu'il me touche ou me frappe. Je suis une battante mais pas une maso, merci bien. Un mètre nous sépare. Bien trop peu. Il s'accroupit pour être à ma hauteur et me mettre en confiance, je suppose, mais il me semble l'avoir vu du coin de l’œil observer ma poitrine. Pourquoi faut-il que j'ai cette robe? De toutes les tenues du monde, je ne pouvais pas avoir un gros K-way tout moche? Que ça me donne au moins l'impression d'être imperméable à son regard...

- Écoute, tu sais bien que ce n'est pas en te cachant dans ton silence que tu t'en sortiras. Tu as juste à dire le bon code, et on te laisse tranquille. Je ne pense pas que ce soit très compliqué.

J'ai envie, mais alors tellement envie de le provoquer... Non. Sheila, retiens-toi. C'est lui qui a le dessus pour le moment et l'énerver serait stupide.

- Si vous cherchez un numéro essayez de demander au 118 218. Il paraît qu'ils ont un bon système de renseignement.

Je suis stupide. Vraiment stupide. Et le pire c'est que je ne détourne pas les yeux quand il me fixe. Pourquoi? L'habitude de le faire avec tout le monde ou l'espoir de paraître plus crédible? Je n'en sais rien moi-même... Et je ne devrais pas faire ça. Déjà parce qu'il risque de le prendre pour une provocation mais surtout parce que ça me laisse beaucoup trop loisir de le détailler...  

Ses yeux son gris... L'espace d'un instant je me suis sentie perturbée. C'est l'exacte opposé de mon œil doré... Cette couleur m'intrigue et m'attire, je crois que je n'ai jamais vu ça. J'aurai pu l'étudier encore un moment mais son petit sourire en coin me fait revenir sur terre.

- Fais la maligne, on verra si tu continues dans quelques minutes.

Je déglutie. Je ne sais pas trop ce que je risque dans quelques minutes mais je commence à m'inquiéter. Ils s'impatientent, je m'entête. Forcément ça créé des tensions.. Une minute. Il fait quoi là? Mon regard suit le lancé de sa veste et sa cravate dans un froncement de sourcil. Il... Quand il déboutonne les premiers boutons de sa chemise je prends peur même si j'essaye de ne pas le montrer. Il ne va quand même pas...? Son souffle me frôle. Il est beaucoup trop près.

- Le code, murmura-t-il.

Je réprime un frisson alors que j'ai un mouvement de recule, puis je détourne les yeux. Il faut que je me taise pour ne pas empirer la situation. Je ne peux pas donner ce code. Le coffre contient l'argent de beaucoup trop de monde. Je ne veux pas être responsable... Mais si je parle je risque encore de le provoquer et on va éviter.

Je l'entends se relever. Il abandonne? Même si je le souhaite très très fort, j'en doute... Son soupir veut tout dire, je l'agace. Et quand je capte le son du latex de ses gants alors qu'il les enfile, je fronce les sourcils. Je déteste vraiment ce genre de truc. Ça me rappel beaucoup trop les docteurs. Et dieu sait que j'ai une sainte horreur des docteurs. Quoi qu'aujourd'hui, avec la situation, je me sens plus anxieuse. Je ne sais pas ce qu'il veut faire et je n'ai pas envie de le découvrir.

Il m'a touché. Il a attrapé mon visage pour me forcer à le regarder. Je me sens tellement impuissante que j'enrage intérieurement... Lâche-moi. Lâche-moi. Lâche-moi.
Ne me regarde pas avec ces yeux là. Je n'arrive même pas à déterminer quel effet ça a sur moi. Je ne peux et ne dois pas admettre que tu m'attire. Dans ce contexte c'est beaucoup trop étrange. Je suis stupide et illogique.

- Ce n'est pas non plus en t'enfermant dans un mutisme que tu t'en sortiras. Je le répète une dernière fois, dit-il avant de marquer une pause, Le code, ma belle.

Ma belle? C'est ce qu'il m'a le plus choqué dans ses phrases. Le reste, je commence à connaître le refrain mais ça.. c'est la première fois qu'il me le dit. Pour me déstabiliser ou bien...? Non. Stop. Cerveau nul, tu te calmes!
Le plus important pour l'instant est cette histoire de code... Qu'est-ce que je fais? Je ne cède pas? Je cède? Je pousse un soupir fatigué en fermant les yeux.

- Je ne peux pas... Il y a l'argent de tant de monde dans ce coffre. Je ne peux pas...

Je ne cède pas. Et j'ai l'impression de signer mon arrêt de mort...

Je me sens un peu soulagée quand il retire ses mains. Pendant un instant j'ai vraiment eu peur qu'il me fasse du mal... Mais il a l'air assez calme malgré ma provocation de tout à l'heure. A moins que ce ne soit qu'une façade? Difficile à dire... Contrairement à moi qui suis facilement comme un livre ouvert, j'ai du mal à savoir ce que cet homme a dans la tête mis à part son envie d'avoir le code. Et ce sentiment se renforce lorsqu'il va calmement dans un coin de la pièce pour chercher une chaise, la ramener devant moi et s'asseoir.

- Et si on faisait connaissance? Je m'appelle Ange, j'ai la vingtaine et j'aime faire du sport.

Connaissance? Je... ne vois pas trop pourquoi il me demande ça... Un stratagème? Après tout, sa réflexion juste avant me confirme qu'il ne pense qu'à ce coffre fort. Et il a raison, je ne veux pas lui donner la combinaison. Par contre je ne peux pas croire qu'il s'appelle Ange. Trop ironique avec la situation actuelle. D'ailleurs ça existe comme prénom? Mais il aime faire du sport, ça nous fait au moins un point commun. D'abord méfiante et muette face à sa phrase de présentation, je finis par prendre la parole en me recroquevillant légèrement.

- Sheila.

Je ne devrais pas lui dire mon prénom, ça pourrait me porter préjudice... Quoi qu'il devait y avoir ma carte d'identité dans mon sac quand il m'ont attrapé.

- J'ai 19 ans et j'aime aussi faire du sport.

Dommage que ce soit plus de la danse et du parkour que du combat. Dans cette situation j'aurai bien aimé me sentir plus capable de me défendre... Quoi que si j'arrive à sortir de la pièce, le parkour pourra m'aider dans une fuite. Avec ma robe c'est moyen, mais j'ai quand même un petit short en dessous. Sait-on jamais, avec de la chance ça pourrait marcher.

J'ai volontairement fermé la conversation. Je ne comprends pas pourquoi cet homme tient tant que ça à entamer le dialogue. Je pense que c'est pour m'amadouer mais dans un coin de ma tête, j'espère que c'est parce qu'il commence à m'apprécier. Enfin, je ne pense pas qu'un mafieux puisse aimer une personne qui ne lui donne pas ce qu'il veut surtout lorsqu'il s'agit d'un code capable de lui offrir beaucoup d'argent. Faut croire que je suis un peu trop optimiste...

Le fait de le voir s'en aller me soulagement légèrement. Même s'il reviendra demain pour chercher les infos qu'il veut, je pourrai au moins être tranquille... Quoi que.. rester seule est presque.. désagréable. Je soupire en posant ma tête contre le mur.


Un nouveau jour, un nouvel interrogatoire à venir. Je me sens tellement fatiguée. J'ai envie que ça s'arrête. J'ai envie de rentrer chez moi. Et j'en ai marre d'être toute seule entre ces quatre murs gris... La porte s'ouvre et me fait vaguement tourner la tête. Ange... Il a une prestance dès qu'il entre dans la pièce. Et moi je suis assise dans un coin, recroquevillée. Je me sens vulnérable.. J'aimerai voir en lui le sauveur qui me sortira d'ici mais sa réplique me ramène très vite à la réalité. Il veut juste ce foutu code.

- Je n'ai rien à vous donner. J'aimerai juste sortir...

Je détourne le regard. Soupir. Il ne me laissera jamais partir. Je le sais mais j'ai quand même envie qu'il m'aide. Il ne peut pas être si cruel et me garder enfermer pour le restant de mes jours seulement à cause d'un numéro... Si?

Il se rapproche. J'ai tellement l'habitude de le voir venir vers moi que je n'ai plus aucun mouvement de recule. Je tourne seulement la tête pour mieux le regarder. Pendant un petit moment il m'observe tout comme moi. Il n'a pas l'air aussi... sévère que les autres fois. Ou bien C'est moi qui m'habitue?

- Je me doute que tu aimerais sortir, partir, très loin d'ici. Mais entre ce qu'on aimerait faire et ce qui est possible de faire...

Il baisse les yeux, l'air pensif. Je suis son regard un instant avant de le rediriger vers son visage. J'ai l'impression de rêver mais... il a vraiment l'air plus doux que les autres jours.

- Tu sais comment tu pourrais t'échapper. Tu connais la clé qui te permettrait de sortir.

Je sais oui. Mais rien ne me dit qu'il me laisseront partir. J'ai vu leurs visages après tout... Et je pourrai décrire celui de cet homme dans les moindres détails. Alors.. Qu'est-ce qu'il me reste comme option? Il a l'air moins sévère aujourd'hui alors, peut-être que...
Je me redresse. Le regarde. Mon expression doit refléter ma détresse mais je m'en fiche. C'est ma dernière carte.

- Vous.. Tu ne voudrais pas m'aider? S'il te plait... Ange..  

Ton prénom est si joli. Tu ne peux pas être aussi méchant que tu ne voulais me le faire croire au début, si? Ange... Qu'est-ce que tu fais dans ce groupe de mafieux? Tu as pourtant l'air doux lorsque tu regarde le sol ainsi, que tu ne joue pas le vilain hors la loi. Aide-moi. Aide-moi, s'il te plait. Je suis fatiguée d'être ici...

Il me regarde. Pour la toute première fois il n'a pas l'air si sûr de lui. Est-ce que mon appel à l'aide à marché? Est-ce que ma détresse l'a touchée? Je.. n'en suis pas sûre. Depuis qu'il vient régulièrement j'ai l'impression que quelque chose se passe entre nous. Je ne saurais pas l'expliquer mais... Je comprends quand il est agacé. Je vois lorsqu'il doute. Et là je le trouve... changé. Aide-moi. Tu es ma dernière chance...
De nouveau il se penche, s'approche tout près de moi pour murmurer à mon oreille. Un souffle qui me donne un frisson. Oh.. Je ne savais pas que j'étais si sensible des oreilles...

- Il me faut un code, ma belle.

Un code? Est-ce que... ça veut dire que peu importe ce que je dis, ça lui ira? Est-ce qu'il pourra m'aider si je fais ça? Timide, je tourne légèrement la tête pour articuler une suite de chiffre. Pas le code du coffre... C'est juste ma date de naissance. C'est bête mais j'espère que ça suffira. Et je pense qu'il comprendra que c'est un faux. Mais en même temps je ne veux pas qu'il ait des ennuis auprès de ses camarade alors... Est-ce que je devrais? Je ne peux pas... Mais il m'aide là, non? Je dois l'aider aussi...

- Je ne veux pas que tu ais des problèmes mais... Pardon.