contexte

Le jour de la Grande Division naissent quatre factions : une dictature basée sur les principes de l’Institut qu’on avait connu ; une communauté qui fonctionne sous forme de vote et de code pénal ; un groupe retrouvé piégé dans le bunker ; et une anarchie qui s’est ancrée en pleine Nature. Des tensions, étincelles existants déjà avant la Grande Division et la Révolution, ont fait naître une ambiance de guerre froide entre les factions. L’Institut Espoir n’existe plus, mais cette ambiance survivaliste, à qui l’emportera sur l’autre prend racine.

Il ne reste plus que l’Espoir. +

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Béatrice DagmarMembre de la Famille
Ven 28 Mai - 12:05
NOTE : Cet OS a été écrit conjointement avec Vincent. On peut donc le considérer comme un OS à deux mains, ou un RP Discord condensé et résumé.



Le Grand Saut

Béatrice profitait du soleil, dans les plantations qu'elle avait délaissé. Elle appréciait l'obscurité tamisée du Bunker, mais jamais sa peau n'avait été plus pâle que depuis qu'elle y résidait, et jamais ses muscles n'avaient autant manqué de tonus. Elle dépérissait, elle autrefois si sportive et si contemplative. Bien qu'elle manque de motivation, elle avait besoin de se changer les idées. Aussi Béatrice faisait-elle quelques étirements, avant de courir un peu autour du Bunker. Elle connaissait suffisamment l'endroit pour ne pas nécessiter sa canne, sa vue ne lui était pas d'une grande utilité quand ses autres sens connaissaient les lieux à la perfection.

Vincent, quant à lui, rentrait d'une sacrée cuite la veille en compagnie de Béryl. Titubant, il sortit du bosquet où il s'était endormi, réveillé par un Bobby qui s'impatientait, et remit ses chaussures avant de se relever d'un bond. Il attendit que son mal de crâne lui passe, se recoiffa, et lissa son tee-shirt complètement froissé. Il avait de toute évidence perdu sa veste, ce qui l'embêtait d'autant plus qu'il l'avait troquée la veille auprès dudit Béryl. Néanmoins, le trou noir qui pimentait ses souvenirs lui confirmait que c'était une bonne soirée. Aussi, sans le moindre regret, prit-il la route de l'Institut Graham, se demandant nonchalamment s'il allait devoir affronter le courroux d'Amalia ou au contraire s'il pourrait réclamer un petit moment en tête à tête...

Il n'était que très peu discret, aussi Béatrice l'entendit-elle arriver de loin. Elle s'interrompit dans sa course et observa d'où provenaient les craquements et autres bruissements de feuilles. Une silhouette lui apparut alors, malgré sa mauvaise vue. C'était un garçon qu'il lui semblait avoir déjà aperçu auparavant, remarquable par sa crinière rose et par le gros chien noir qui le suivait à la trace. Béa se raidit, méfiante, et s'aperçut à l'immobilisation soudaine de la silhouette qu'elle était repérée également. Le garçon s'approcha de la porte du grillage, mais il ne sembla pas intéréssé par l'idée de l'ouvrir. Il se contenta de sourire, charmeur.

-Salut ! Tu n'aurais pas vu une veste abandonnée dans le coin par hasard ?

Béatrice arqua un sourcil.

-Non, répliqua-t-elle.

Le garçon parut embarassé.

-Ah...

Il soupira et se passa une main dans les cheveux.

-Bah merde...Elle était cool cette veste...T'en as pas une à me dépanner ?

-Non, répéta mécaniquement Béatrice.

Elle était un peu intriguée, autant qu'elle était méfiante. Elle ne comprenait pas l'attitude absolument décalée du garçon. Pourquoi diable lui demandait-il une veste ? Il semblait complètement perdu...et très vite la raison en sembla évidente lorsqu'il commença à s'allumer un joint et à le fumer nonchalamment.

-Bon...Ca va toi sinon ? s'enquit-il alors le plus innocemment du monde. Moi c'est Vincent.

-Tu n'as rien à faire ici, Vincent, lui fit remarquer Béatrice.

Il gloussa, et Béatrice suivit du regard le mouvement de sa cigarette jusqu'à ses lèvres. Elle ressentit un pincement à l'estomac en se rappelant la chaleur familière de l'alcool et à ses effets ô combien semblables. Sa maigre réserve s'amenuisait de jour en jour, d'autant qu'Aeden en avait partagé une partie. Béatrice se demanda si les effets de cette fumée parfumée partageraient cette douceur de l'âme. Elle se mordit la lèvre avidement à cette pensée, et se méprisa autant qu'elle en rêvassa. Chacune des perspectives d'effacer les élans de son âme lui semblait exaltante. Ce n'était pas un état d'esprit normal, mais c'était le sien.

Et peut-être celui de Vincent aussi.

-Tu n'as pas de nom ? s'amusa l'intéressé tout en laissant la fumée échapper de sa bouche. Je peux t'en donner un si tu veux. Que penses-tu d'Amy ?

Il avait une odeur d'herbe si forte que Béatrice pouvait sans mal en distinguer chacune des nuances malgré la distance qui les séparait.

-Béatrice, finit-elle par admettre pour éviter l'humiliation d'être nommée par un autre nom que le sien.

Elle aurait pu lui dire Béa. Ou Myo. Mais c'était des noms qu'elle réservait à ses proches, et il n'en faisait pas partie. En ce qui la concernait, il lui était aussi étranger qu'un Nevrabriel ou qu'une Ophélia. Elle avait appris à ne se fier qu'à ceux qui le méritaient. Mais Vincent était trop occupé à observer son petit manège pour s'apercevoir de sa réticence. Il avait vu l'éclat dans l'obscurité brumeuse qui composait les yeux de la jeune nordique, dès qu'il portait sa cigarette à ses lèvres. A travers le grillage, Béatrice l'observait comme un animal en cage auquel on apporterait une maigre friandise. Elle en avait d'ailleurs l'allure, haute et musclée, mais légèrement courbée comme ayant subi le joug d'une douloureuse sentence. Béatrice lui rendit son regard, le temps de ce curieux échange silencieux. Elle l'observait également, autant que ses yeux le lui permettaient tout du moins.

-Tu attends quelqu'un ? finit-elle par lui demander devant leur mutisme commun. Ou tu attends peut-être un laisser-passer pour récupérer sa veste ?

Le ton de Béa s'était voulu sec, mais une sincère curiosité contaminait sa méfiance.

Vincent sourit. Il avait le charme de celui qui ignore la honte et l'embarras, de celui qui ne vit que par plaisir d'exister, de celui qui ne craint que la peur elle-même. Il était déconcertant, ce Vincent : extravagant et extraverti, imbécile et imprévisible. Si ce n'était qu'une façade, elle était façonnée dans une roche inaltérable. Béatrice aurait voulu voir la lueur de son regard, découvrir l'homme derrière le sourire et les propos futiles. Elle ignorait, mais elle devinait, le regard scrutateur penché sur elle, et cette impression ne faisait que renforcer se méfiance et sa paranoïa.

-Tiens. Détend-toi, ma belle. La vie n'est pas faite d'ennemis et de pièges, tu sais.

Béatrice hésita, observant le joint tendu à travers le grillage. Elle n'avait jamais fumé, auparavant, mais si elle avait commencé à boire, ce n'était pas un vice supplémentaire qui scellerait son destin. Elle avait le droit - non, elle avait un besoin viscéral - de se sentir mieux, même pour quelques instants. Le droit d'oublier sa Colère, sa crainte, sa culpabilité. D'oublier cette île de malheur et ceux qui la peuplaient. De se souvenir le plaisir simple d'être vivant. Béa décida donc de s'en saisir en évitant précautionneusement les doigts de son interlocuteur. Elle porta le morceau de papier roulé à ses lèvres et inspira profondément, laissant la fumée remplir ses poumons, brûler sa gorge, envahir ses sens. Elle expira ensuite, sous le sourire toujours plus malicieux du Vietnamien, puis toussa.

-Alors ? la questionna-t-il en récupérant son joint. Ca fait du bien ?

Béa hocha la tête malgré ses quintes de toux, savourant la chaleur douloureuse qui gorgeait ses poumons et réchauffait son âme.

-Cela ne signifie pas que je vais te laisser rentrer dans le Bunker, le mit-elle toutefois en garde après avoir repris son souffle.

Vincent éclata de rire.

-Rentrer ? Ma belle, pourquoi je voudrais rentrer ? Les prisons, on veut s'en échapper. Pas s'y enfermer.

Béatrice fronça les sourcils.

-Ce n'est pas une prison, répliqua-t-elle.

Pourtant, en prononçant ces mots, elle sut que ce n'était pas la vérité. Elle était enfermée par ses propres soins, prisonnière de ce bunker autant que de ses pensées, prise au piège par ses sentiments et par ses insidieuses terreurs. Elle n'avait pas vu la mer depuis plusieurs semaines. Elle n'avait pas franchi le grillage depuis plusieurs mois. Elle s'était empêtrée dans une geôle de sa propre création, sans espoir - ou volonté - de s'en échapper. Elle se demanda si le monde était aussi clairvoyant que Vincent, ou si elle était plus aveugle qu'elle ne le pensait. Cette pensée l'emplit d'une profonde amertume, et elle se rectifia presque à regrets :

-Je peux partir. Mais je ne le veux pas.

-Même pas pour une petite balade ? s'enquit Vincent en se reculant légèrement.

Béatrice cilla, l'observant faire. L'étrange énergumène tournait sur lui-même, les bras grand ouvert, en une ronde souple et rythmée dont la musique lui était étrangement familière. Il observait le ciel, un grand sourire et une clope aux lèvres, ses cheveux roses valsant autour de lui avec autant d'entrain.

-Allez viens ! l'encouragea-t-il avec un rire. Il fait beau, il fait bon, 'faut pas rester dans ses idées noires. Laisse-moi te montrer un coin sympa.

-Je...-

-Je sais que tu n'as pas confiance, mais crois-moi : tu peux me mettre à terre en deux coups à peine. Et puis, Bobby prendra soin de toi.

Béatrice en avait oublié la présence du chien. Elle l'observa à travers le grillage, imposante silhouette noire dans la brume de son regard, haletant nonchalamment à l'ombre d'un grand pin. Béa imagina la douceur de son pelage sous sa main. Elle n'avait pas touché d'autres êtres vivants depuis tellement longtemps...Un chien, ce n'était pas un humain. Il n'en avait ni la déloyauté, ni la rancoeur, ni la cruauté.

Et il n'en avait pas le contact.

Béa releva la tête. Derrière le garçon aux cheveux roses, elle apercevait la silhouette des grands arbres, brassés par le vent dans un murmure doux et menaçant à la fois. C'était un appel familier, celui d'une Liberté d'autrefois, d'un vent de renouveau baigné dans une odeur d'éternité.

-J'ai envie de voir la mer...admit alors Béatrice, sans s'en rendre compte.

-Alors nous irons à la mer ! s'exclama Vincent, enthousiasmé.

Et derrière le grillage, il lui tendit la main.

Et pour la première fois, Béatrice eut envie de s'en saisir.

Elle ouvrit la porte du grillage et s'engouffra à l'extérieur, marquant une hésitation. Le chien s'avança vers elle et sa truffe vint renifler sa jambe. Béa eut un mouvement de recul, puis instinctivement sa main vint se poser sur la tête épaisse de l'animal. La douceur de son pelage n'avait d'égal que la chaleur de son contact. Une bouffée d'émotion saisit Béa. Elle se rendit compte à quel point elle se languissait de la chaleur de l'autre, des marques d'affection, de la proximité humaine. Mais celle animale s'en rapprochait sans lui procurer le même sentiment de détresse. Souriant malgré elle, Béa s'accroupit et flatta l'encolure du chien, qui continua de la renifler, sa grosse tête poilue se nichant par dessus son épaule avant de lui lécher une oreille. Elle éclata de rire, ne remarquant pas que Vincent s'était approché, ni qu'une larme incontrôlable avait coulé sur sa joue sans qu'elle ne puisse en établir la cause. Une larme de solitude, peut-être. Une larme d'appel à l'aide, problement. Et Vincent la vit. Sans que Béatrice ne puisse s'en apercevoir, occupée par son étreinte, l'expression du Vietnamien changea. Une certaine pitié passa dans son regard, et son sourire malicieux prit quelques nuances plus douces avant de retrouver son énergie électrisante.

-Allons-y ! l'invita-t-il.

Il voulut poser une main sur son épaule, mais sa simple proximité eut l'effet d'une décharge électrique. Béatrice eut un mouvement de recul et Vincent l'observa avec surprise. Aucun des deux ne parla pendant quelques instants, puis Vincent haussa les épaules nonchalamment. Il lui tendit le joint avec un sourire bienveillant.

Et tandis que Béatrice s'en saisissait, le coeur encore battant, ils prirent ensemble le chemin de la mer.

Béatrice se sentait étrange, au creux des bois. Elle n'avait plus l'habitude de cette immensité, elle s'inquiétait de chaque ombre et de chaque tronc. Tout semblait trop grand, trop large, mais en même temps, l'air frais n'avait pas l'aigreur viciée des idées noires du bunker et de ses environs. Si les souvenirs de Lucy y étaient inexistants, ceux de Jessy prirent petit à petit possession de la jeune fille. Elle se rappella la pluie, la boue, le sang, les morts, les arbres, les-...

-Je peux t'en vendre si tu veux, tu sais ? De l'herbe.

La voix de Vincent la tira de sa spirale infernale. Il l'observait, les mains dans les poches, tandis qu'elle enchainait les taffes sans réaliser que l'effet ne saurait tarder.

-Contre quoi ? demanda-t-elle. Il n'y a pas d'argent sur cette île.

-Des p'tits trucs. De la bouffe, des services, des vêtements...Tout ce que tu peux avoir d'un peu intéressant. J'adore le troc ! répondit-il joyeusement.

Béatrice était tentée par la proposition. Néanmoins, elle ne possédait rien qui ne puisse intéresser le marchandeur, et elle n'avait aucune envie de voler le Bunker. Elle se doutait pourtant que le Docteur Elpida ne la soupçonnerait jamais en priorité. Mais ce n'était pas un problème de capacités mais bien de moralité.

-Je ne volerais rien au Bunker pour toi, avertit-elle alors en tournant son regard de brume vers Vincent.

L'intéressé gloussa et s'alluma un nouveau joint, laissant l'autre entre les mains de la jeune nordique. Il tourna les yeux vers elle et l'observa à son tour, accompagnant son regard d'un clin d'oeil.

-Ne t'inquiète pas, je fais toujours des prix à mes amis.

Sur ces paroles énigmatiques, l'air apporta quelques embruns aux deux jeunes gens, qui tournèrent leur attention vers l'ouverture entre les arbres. Derrière la forêt se profilait la silhouette anguleuse de la falaise, sur laquelle venaient mourir les vagues dans un éclat d'écume et de seul. Le vent, jusque là doux et caressant, se faisait plus fougueux et plus impérieux. Il chassait les nuages et écartait la brume, si bien que dans le ciel d'un bleu parsemé de blanc, brillait un soleil d'or et de chaleur. Eblouie, Béatrice plissa les yeux, observant l'étendue bleutée qui comblait le vide de l'horizon. Elle s'immobilisa quelques instants, tandis que Vincent continuait d'avancer en compagnie de son gros chien. Il tapa dans ses mains et rit.

-Vivifiant, hein ?

Béatrice, quoiqu'absorbée dans sa contemplation, se demanda comment le Vietnamien pouvait passer en l'espace d'une seconde d'un négociateur imperturbable à un enfant naïf et inconstant. Elle le suivit jusqu'à la bordure de la falaise, et l'espace d'un moment, elle aperçut les rochers en contrebas et crut y deviner une silhouette blanche venue s'y écraser et pourrir, léchée et dévorée par les vagues affamées. Elle s'écarta précipitemment.

Béa ne laisserait pas les spectres lui prendre cet instant.

Vincent s'assit dans l'herbe, et après une hésitation méfiante, Béatrice l'imita. Immédiatement, elle se sentit bien. L'air était frais et salé, le soleil brillait confortablement, la mer berçait l'ouïe autant que le regard. Vincent avait raison : c'était vivifiant. Et, sous l'influence de la drogue qui infusait lentement ses veines, Béa commençait déjà à se sentir en paix. Elle n'avait pas ressenti une telle sérénité depuis trop longtemps hélas. Elle avait l'impression de combler le creux grandissant logé dans sa poitrine par une chaleur douce et bienfaisante. Elle soupira, d'aise ou de soulagement, difficile à dire. Vincent expira un peu de fumée et cette dernière vint rejoindre le ciel, propulsée par le vent.

-Qu'est-ce qui t'est arrivé ? demanda-t-il soudain.

Il devait hausser le ton pour se faire entendre. Béatrice tourna la tête vers elle. Sa méfiance et sa sécheresse étaient érodées par l'effet du cannabis. Elle répondit donc :

-De quoi tu parles ?

-On ne décide pas de rester enfermé dans un bunker, avec Elpida en plus, sans raison !

-Le Docteur Elpida est loin d'être aussi mauvais qu'on le dit.

Vincent éclata de rire.

-Tu as l'air de l'apprécier ! Tu es au courant quand même que c'est un meurtrier ?

-Je connais un meurtrier dont personne ne parle, et qui continue à oeuvrer librement sur l'île, mais ce n'est certainement pas le Docteur Elpida, répliqua sombrement Béatrice.

Vincent arqua un sourcil, intrigué.

-Qui donc ? Jessy ?

-Je vois que tu le connais.

-J'ai entendu des rumeurs. Je sais que Nevrabriel ne le porte pas dans son coeur.

-C'est probablement le seul point commun que nous ayons, lui et moi ! ricana Béatrice avec amertume.

Elle arrivait bientôt à la fin de son joint. Son humeur n'en était que plus loquace, mais même la brume de la drogue ne pouvait effacer ses ressentis profonds. Vincent n'en était que plus intrigué, avide de ces informations qui, à son humble avis, ne devaient qu'être peu partagées par la jeune nordique.

-Qu'a-t-il fait ? demanda-t-il.

-Je croyais que tu avais entendu des rumeurs ? rétorqua Béa.

-C'est vrai. On dit qu'il a tué un médecin, et torturé deux patientes...mais j'ai aussi entendu que c'était Elpida, voire Graham, qui en était la cause. Cela dit, pour avoir rencontré le gaillard, j'ai l'intuition que ce n'est pas un tendre.

Il rit.

-J'ai de l'expérience en matière de gangsters, crois-moi !

Malgré elle, l'esprit embrumé, Béatrice sourit.

-Je n'en doute pas un seul instant...lui dit-elle, doucement moqueuse.

Vincent rit de plus bel. Bobby se releva et vint se placer entre les deux drogués. Béatrice posa son bras sur lui et le caressa, apaisée par ce contact. Elle n'aperçut pas le regard que lui lançait à nouveau Vincent. Il avait vu qu'à sa main venait manquait un doigt, d'une plaie encore rosée tant elle était récente. Il n'était pas aussi stupide qu'on pourrait le penser.

-Je ne te savais pas capable de sourire, ma belle ! la taquina-t-il gentiment, comme si de rien n'était.

Béatrice haussa les épaules. Il enchaina :

-Nous sommes d'accord pour dire que Jessy est un gros con. Mais dis-moi, t'as quoi contre Nevrabriel ?

Béa sourit à nouveau devant l'insulte, amusée malgré elle. Elle aimait entendre ces mots dans la bouche d'un autre.

-C'est aussi un con, répondit-elle. Mais il n'est pas aussi gros.

L'effet du joint commençait à effacer ses filtres autant qu'il adoucissait ses émotions.

-Oh ça non ! Il est même sacrément bien foutu ! rit Vincent.

-Disons juste qu'il est grand.

-Un grand con. Un très grand con même ! J'adore !

Les deux rirent ensemble. Béatrice n'avait pas ri depuis très longtemps, même Aeden ne la faisait pas rire. Il était un soutien silencieux, une autre épave sur une mer noire. Mais la mer en face de Béa était bien plus lumineuse. Elle se demanda comment elle avait pu l'éviter si longtemps - oubliant alors que c'était à cet endroit qu'elle avait cru à la mort de Lucy -. Elle ne se rendait pas compte que Vincent était bien moins défoncé qu'elle, mais à vrai dire elle s'en moquait. Soudainement, elle se moquait de tout. Et elle adorait ça.

Vincent, toujours très intrigué, n'en avait pas fini :

-Mais alors : pourquoi un grand con ?

-Il a quitté le Bunker au moment où on avait le plus besoin de lui. Il est arrogant et insensible. Je pense qu'il n'est pas très différent de Jessy, mais qu'au moins, il n'est pas cruel.

-Jessy est si cruel que ça ? demanda Vincent.

Béatrice coupa court à la conversation, sentant une émotion menacer de submerger sa nouvelle sérénité :

-Je ne veux plus en parler.

Elle s'allongea dans l'herbe et observa le ciel, autant que sa mauvaise vue le lui permettait. Vincent l'observa, la surplombant quelques instants avant de sourire malicieusement et de s'allonger dans l'herbe à côté d'elle.

-Tu me fais penser à quelqu'un. Eizenija, tu la connais ?

-Non.

-Tu t'entendrais bien avec elle. Vous êtes différentes, mais vous ne mâchez pas vos mots toutes les deux. Vous pourriez être bonnes amies.

-Je n'ai plus d'amis, et ça me va très bien, rétorqua Béatrice.

C'était un mensonge. Elle craignait d'être à nouveau trahie et abandonnée si jamais elle recréait un lien comme elle avait pu en tisser un avec Lucy autrefois. Elle craignait les loups en tenue de brebis. Elle craignait l'autre, tout simplement.

-Mais c'est faux ça ! s'exclama malicieusement Vincent. Tu m'as moi en ami !

Béa arqua un sourcil.

-Tu n'es pas mon ami. Tu es mon dealer.

Vincent tourna brusquement la tête vers elle, un sourire faussement ébahi sur les lèvres.

-Ca veut dire que tu acceptes ma proposition ?

Béa tourna la tête vers lui. Elle ne se rendit pas compte de leur proximité soudaine, et que cette dernière ne la dérangeait pas. Elle ne put à nouveau retenir un petit sourire amusé devant l'enthousiasme exagéré du Vietnamien.

-...on verra, lui répondit-elle.

Vincent gloussa et se releva d'un bond, faisant sursauter Bobby. Surprise, Béa se redressa sur les avants bras et observa sa silhouette floue. Etait-il en train...d'enlever ses vêtements ?

-Allez viens, on va se baigner ! déclara-t-il.

-Quoi ? Il n'y a pas de plage ici, et l'eau doit être glacée ! protesta Béa, confuse.

Sans s'en préoccuper, Vincent retira son haut et son pantalon, demeurant en caleçon à coeurs roses et oranges - chose que Béatrice, maheureusement, ne pouvait pas distinguer -.

-Si on saute de là bas, en prenant assez d'élan et en tombant bien, on peut arriver dans une eau assez profonde ! indiqua-t-il en montrant du doigt un endroit où la falaise était moins haute. Allez, viens !

Béa cilla et se releva, l'esprit engourdi par les vapeurs de cannabis.

-C'est dangereux, fit-elle remarquer. Tu sais qu'il y a déjà eu des morts à cause de ces falaises...

Son coeur se serra à cette pensée. Pourtant, guidée par une impulsion qu'elle ne comprit pas elle-même, elle le suivit alors qu'il se mettait à courir dans la direction indiquée. Bobby les suivit en aboyant alors qu'ils couraient dans l'herbe et la roche, descendant une partie de falaise pour se placer sur une petite corniche un peu plus en contrebas. La hauteur était tout de même grande, une dizaine de mètres au moins. Béatrice n'avait jamais eu le vertige, heureusement pour elle. Quand elle était plus jeune, elle adorait grimper aux plus hauts arbres qui bordaient les prés autour de sa maison. Néanmoins, l'espace d'un instant, elle crut revoir la silhouette blanche, et elle frissonna.

-Vincent, je...commença-t-elle.

Mais avant qu'elle n'ait le temps de continuer, une silhouette à moitié nue courut à côté d'elle.

-GERONIMOOOOOOOOO !

Et sous ses yeux effarés, Béatrice vit Vincent sauter du haut de la falaise.

Elle poussa un cri et se recula précipitamment, terrorisée à l'idée de ce qui pouvait l'attendre si elle regardait en bas. Elle avait tant de fois imaginé le corps de Lucy sur les rochers qu'elle ne voulait pas y voir celui de Vincent. Et si...et si...

-...C'ETAIT TROP BIEN !

Le cri enthousiaste, s'élevant à peine entre les vagues et le vent, sortit Béa des idées noires qui commençaient à la submerger. Elle cilla, et avec réticence s'approcha du bord. Elle aperçut alors une forme qui remuait dans l'eau. Bobby aboya à côté d'elle.

-Elle est super bonne ! Viens !

Béatrice réalisa que ce n'était pas une mort certaine qui l'attendait en bas.

"Et même s'il s'agit d'une mort certaine...est-ce si grave ?" lui chuchota une voix au creux de son esprit.

Béatrice recula. Un pas. Deux pas. Trois pas.

Puis elle se mit à courir et elle sauta. Le vent la gifla et l'agrippa dans sa chute. Elle cria et puis l'eau noya son cri. Mais loin d'être opressante, elle était calme et tendre. Béatrice resta quelques instants dans ses profondeurs, profitant de ce Silence si coutumier, avant de nager lentement vers la surface. Elle sortit la tête de l'eau et respira. Vincent riait à côté d'elle.

-T'as plus de cran que t'en as l'air ! T'as même pas retiré tes vêtements !

Béatrice resta quelques instants silencieuse, puis un sourire fissura son expression avant qu'un rire ne le rejoigne. Ils rirent à nouveau comme des gamins, et Béatrice ne pouvait nier ô combien ce moment lui faisait du bien.

Contrairement à la déception secrète qu'elle rejetait au fond de son esprit.

Ils nagèrent un peu, puis retournèrent à la rive, à savoir quelques rochers plats au fond d'une petite crique. Ils s'écroulèrent côte à côte et laissèrent le soleil les réchauffer. L'air, encore frais, était frigorifiant, mais le soleil brûlait suffisamment pour leur apporter un peu de chaleur. Essouflés, ils restèrent quelques instants silencieux, à observer le ciel. Cette baignade avait suffi à atténuer les brumes du cannabis dans l'esprit de Béatrice, suffisamment pour lui faire réaliser à quel point elle en avait besoin pour se sentir bien. Alors elle déclara :

-...Je veux bien que tu sois mon dealer.

Vincent tourna la tête vers elle, les cheveux roses trempés parsemaient ses trains fins autant que les boucles épaisses de Béatrice se répandaient sur ses joues et ses épaules. Il songea que ses yeux paraissaient bien plus clairs , presque bleus, sous la lumière du soleil. C'était bien plus joli que les couleurs d'un ciel d'orage.

Il sourit.

-Marché conclu !

Codage par Libella sur Graphiorum
Béatrice Dagmar
Image : Le Grand Saut [OS - Vincent & Béatrice] XzfrFiche personnage : [url=]fiche personnage[/url]Espace personnel : [url=]espace personnel[/url]Date d'arrivée à l'Institut : 26/05/2019Age : 24
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