Ils étaient enfin arrivés dans le bâtiment. Agnès déposa les sacs de la nouvelle stagiaire au sol tandis qu'Ange avait pris l'initiative d'appeler quelqu'un pour monter les bagages. Tiens ? Les muscles de monsieur Vantard ne tenaient plus le coup ? Songea-t-elle avec sarcasme. Enfin, c'était toujours ça de pris. Elles auraient probablement pu les monter elles-mêmes mais un peu d'aide ne serait pas de refus au final. Encore une fois, elle n'écouta que d'une oreille distraite les mots qu'il adressa à mademoiselle Jalbert. Elle en connaissait le contenu par coeur, il reservait le même discours tout refroidi à toutes les femmes de l'île : celui du parfait gentleman. Et elle devait avouer qu'il jouait bien. Même elle s'était faite avoir la première fois...

- Agnès, je te souhaite de continuer à faire du bon travail. Prends bien soin de Jimin Lee.

Agnès se contenta de hocher la tête affirmativement. Ce travail, c'était sa raison de vivre. Et puis pour ce qui était de mademoiselle... Oh que oui elle prendrait soin d'elle ! Elle prendrait surtout soin de la mettre en garde contre ce goujat. Elle allait d'ailleurs le faire sur le champ !

- Mademoiselle Jalbert, je...

Mais la voix de celle-ci retentit en même temps que la sienne alors elle la laissa décliner pour écouter la question, un peu embarrassée.

- Alors... Vous travaillez depuis longtemps pour monsieur Elpida ?

C'était un sujet plus évident pour une première rencontre certes. Et ce n'était pas son genre d'éluder les questions. Soit. Elle y répondrait. Après tout, il valait peut-être mieux la mettre en confiance, instaurer un début de lien avec elle avant d'aborder le sujet. Son avertissement aurait probablement plus de portée et c'était le genre de discussion qui méritait qu'elle attende d'être dans un endroit un peu intimiste que le couloir principal du bâtiment. D'autant plus qu'un agent d'entretien devait arriver d'une minute à l'autre pour les aider à monter les valises.

- Ca fait un peu plus de trois ans maintenant. Monsieur Elpida m'a embauchée quand il pris le poste de médecin en chef. Ce n'est pas tous les jours facile mais je ne m'en plains pas. Dit-elle en remplaçant une mèche de cheveux derrière son oreille avec un grand sourire.

Elle le pensait vraiment. Donatien n'était pas le plus simple des patrons et il ne fallait s'attendre à aucune reconnaissance de sa part mais son travail lui permettait de connaître chaque patient comme personne. Et pour une femme qui comme elle aurait souhaité une famille nombreuse, être entourée de tous ces enfants était un véritable bonheur. Puis elle ajouta.

- Ca doit vous faire étrange de revenir ici après toutes ces années je suppose. Surtout que vous n'allez pas tarder à voir de l'autre côté de la barrière.

En réalité, elle trouvait que c'était une bonne chose qu'une ancienne patiente revienne en tant que médecin. Ca ne pouvait qu'être bénéfique sur le plan psychologique des patients qu'elle aurait. Elle devait savoir mieux que personne ce qu'ils vivaient, et ça, c'était une chance incroyable. Cela voulait dire qu'elle prendrait certainement bien mieux soin d'eux que beaucoup d'autres médecins, comme Ange, qui avait bien trop peu de considération à leur égard, ou comme Donatien, aux tendances névrotiques...

- J'espère que vous vous plairez ici et que vous resterez longtemps, ça fera probablement beaucoup de bien aux patients de partager des choses avec quelqu'un qui a vécu le même genre d'expérience qu'eux.

- Ça fait un peu plus de trois ans maintenant. Monsieur Elpida m'a embauchée quand il pris le poste de médecin en chef. Ce n'est pas tous les jours facile mais je ne m'en plains pas. Dit-elle en remplaçant une mèche de cheveux derrière son oreille avec un grand sourire.

Pas des plus faciles. Jimin Lee n'en doutait pas, vu ce qu'elle avait pu observer plus tôt. À voir agir Donatien Elpida avec sa secrétaire donnait l'impression qu'il la prenait pour sa servante, voir son esclave. Mais elle n'était pas là pour juger qui que ce soit. Alors elle ne ferait pas part de sa pensée. Trop risqué de toute façon.

- Ça doit vous faire étrange de revenir ici après toutes ces années je suppose. Surtout que vous n'allez pas tarder à voir de l'autre côté de la barrière.

L'autre côté de la barrière. Il y en avait plusieurs, ce qui était sûr, c'est qu'elle n'irait pas du côté où se trouvait ceux qui l'avaient examinés. Certains avaient tout de même essayé de la violer. La seule fois où sa pathologie lui avait facilité la vie. Mais elle voulait vraiment aider les patients qui étaient là contre leur gré. Elle voulait leur apporter un peu lumière dans les ténèbres que pouvait être l'Institut.

- J'espère que vous vous plairez ici et que vous resterez longtemps, ça fera probablement beaucoup de bien aux patients de partager des choses avec quelqu'un qui a vécu le même genre d'expérience qu'eux.
- Je l'espère moi aussi. Ce n'est pas pour rien que j'ai aussi suivi des cours de psychologie. Ça ne pourra que m'être utile pour mieux les comprendre, acquiesce-t-elle sans trop en faire.

Jimin se retourna vers l'agent d'entretien qui arriva, manches remontées sur ses avant-bras, près à transpirer un peu.

- Je m'excuse d'avance pour le poids de mes valises. J'ai un peu abusé avec mes livres de cours.

Elle se retourna vers Agnès.

- Mon père arrête pas de me dire que je dois me détendre un peu plus et être un peu moins perfectionniste. Mais quand je sens l'insécurité monter, je plonge dans un de mes livres de psychologie ou de médecine. Ça m'aide à me calmer.

C'était un semi-mensonge. Elle relisait ses bouquins cours par pur plaisir, mais elle voulait donner l'image de l'étudiante studieuse et à son affaire. Quoique de mieux que d'être perfectionniste pour plaire à Donatien Elpida ? Si elle voulait gagner un semblant de confiance, et surtout une bonne note à son stage, elle devait être dans ses bonnes grâces.

Agnès adressa un petit signe de la main à l'agent d'entretien qui vint les aider à remonter les bagages de mademoiselle Jalbert avant de se retourner vers celle-ci qui lui adressait de nouveau la parole.

- Mon père arrête pas de me dire que je dois me détendre un peu plus et être un peu moins perfectionniste. Mais quand je sens l'insécurité monter, je plonge dans un de mes livres de psychologie ou de médecine. Ça m'aide à me calmer.

Agnès sourit. Décidément, cet Institut était rempli de perfectionniste. Le plus grand d'entre eux était certainement Donatien Elpida lui-même mais elle en faisait partie aussi. Il fallait croire que le médecin en chef avait un don pour les attirer et s'en entourer. En même temps, vu qu'il ne tolérait pas la médiocrité...

- C'est une bonne façon de faire. Ca plaira beaucoup à monsieur Elpida. Dit-elle en prenant un sac sur l'épaule.

Tous trois montèrent au deuxième étage, peinant un peu sous le poids des bagages. En particulier l'agent d'entretien. Ce fut un soulagement que de voir la fin des escaliers. Agnès les conduisit alors devant la chambre qui avait été attribuée à la stagiaire. Il y avait un clavier à code qui permettait de déverrouiller la porte à la droite de celle-ci. Agnès y composa le code standard - quatre fois zéro - et la porte s'ouvrit, leur permettant de déposer les valises. Elle remercia leur porteur avant d'expliquer à la nouvelle occupante le fonctionnement des lieux.

- Comme vous pouvez le voir, la porte fonctionne avec un code. Sur la table, vous trouverez le manuel pour le changer à côté de votre emploi du temps.

Puis elle entra et regarda la pièce. Elle est confortable et fonctionnelle mais sans aucune personnalité, comme on pouvait s'y attendre pour une chambre standardisée.

- C'est assez simple mais évidemment, vous pourrez décorer à votre goût. J'espère que vous vous y sentirez chez vous !

Bon. Techniquement, elle n'avait plus qu'à lui souhaiter une bonne fin de journée et à s'en aller mais... Elle se mordit la lèvre inférieure. Devait-elle lui parler maintenant ou pas ? Et si oui, de quelle manière ? Elle observa un instant ses jolis traits asiatiques, son regard assez innocent et... Elle tenta la subtilité.

- Ange Barrabil est un homme charmant, n'est-ce pas mademoiselle Jalbert ?

- C'est une bonne façon de faire. Ca plaira beaucoup à monsieur Elpida. Dit-elle en prenant un sac sur l'épaule.

Jimin Lee n'en était pas étonnée, même qu'elle s'y attendait un peu. Malgré les air de diva qu'il avait un peu plus tôt. Ça elle l'avait moins prédit. Alors qu'ils montaient les deux étages, elle regarda avec pitié l'agent d'entretien. Elle aurait dû pensé à ça avant de partir. Mais comme un telle endroit n'a pas d'ascenseur ou de charriot pour transporter les bagages ? Ils payaient chers leurs médecins et tout leur équipement, mais pour ce qui était des moyens de locomotion dans un aussi gros bâtiment... Agnès les conduisit alors devant la chambre qu'on lui avait attribuée. Il y avait un clavier à code qui permettait de déverrouiller la porte à la droite de celle-ci. Agnès y composa le code standard - quatre fois zéro - et la porte s'ouvrit, leur permettant de déposer les valises.

- Comme vous pouvez le voir, la porte fonctionne avec un code. Sur la table, vous trouverez le manuel pour le changer à côté de votre emploi du temps.

Jimin Lee suivit la secrétaire dans la chambre observant la pièce. Elle avoir de la décoration à faire. Elle y avait pensé, les chambres des patients aussi manquait de personnalité. Elle s'approcha de la table pour attraper son emploi du temps, le manuel pour changer de code pouvait attendre.

- C'est assez simple mais évidemment, vous pourrez décorer à votre goût. J'espère que vous vous y sentirez chez vous !

Y sentir chez soi ? Elle n'avait jamais réussi à l'époque, ça ne risquait pas d'être le cas maintenant. Mais soit, elle allait faire comme si c'était le cas. Parce qu'elle était en mission en maintenant. Voyant sur son horaire que tous ses matins étaient libres, elle fronça les sourcils. Impossible. Donatien Elpida avait clairement des consultations le matin, alors pourquoi elle n'y était pas conviée ? C'était louche. Mais Agnès la sortit de sa réflexion.

- Ange Barrabil est un homme charmant, n'est-ce pas mademoiselle Jalbert ?

Cette remarque prit de court Jimin. Un peu plus tôt, elle avait eu l'impression qu'elle ne l'appréciait pas. Était-ce un piège ? Non, sûrement pas. Elle devenait paranoïaque. Mais que devait-elle répondre. Oui il est vraiment charment ou oui mais je vois clair dans son jeu ? Gros dilemme. Il était peut-être mieux de rester vague.

- Je ne saurais dire, rit-elle doucement. Je ne lui ai pas parlé assez longtemps pour pouvoir me faire une idée aussi clair.

Pour changer de sujet, Jimin se dirigea vers la fenêtre qui donnait sur une parcelle de bois qui n'avait pas brûlée. Pas la plus belle de l'île, mais au moins c'était vert. Ou du moins ce le serait au printemps.

- Pourquoi mes avant-midis sont libres sur mon emploi du temps ? Monsieur Elpida n'a pas de consultation le matin ?

En tant que stagiaire, et ancienne patiente, c'était une question tout à fait légitime. ELle ne risquait pas de se faire griller en la posant.

Il y eut quelques instants de silence qui mit Agnès assez mal à l'aise. Aurait-elle dû se taire ? Elle se tortilla nerveusement, ayant l'impression tenace d'avoir commis un faux pas, une maladresse qu'elle aurait dû retenir.

- Je ne saurais dire. Je ne lui ai pas parlé assez longtemps pour pouvoir me faire une idée aussi claire.

Le rire qui s'échappa de la gorge de mademoiselle Jalbert la laissa perplexe. Etait-elle gênée ? Mais pourquoi ? Etait-elle... tombée sous le charme d'Ange Barrabil ? Etait-ce déjà trop tard ? Non. Elle ne voulait pas le croire. Elle devait essayer quand même de la préserver de ce Don Juan en chaleur. Elle ouvrit la bouche mais le timing n'était apparemment pas le bon.

- Pourquoi mes avant-midis sont libres sur mon emploi du temps ? Monsieur Elpida n'a pas de consultation le matin ?

Agnès bafouilla, prise de court. Elle toussota légèrement, la main devant la bouche, essayant de retrouver son professionnalisme.

- Euh, en réalité, monsieur Elpida n'est votre maître de stage qu'en ce qui concerne la partie administrative... Pour ce qui est de l'aspect médical, vous trouverez votre emploi du temps au dos de celui-ci, vos séances se passeront avec le docteur Aarons.

Elle s'approcha d'elle pour lui montrer l'emploi du temps en question. Le docteur Elpida détestait avoir quelqu'un dans les jambes lorsqu'il était avec ses patients. Elle l'avait douloureusement appris dans ses premiers jours en tant que secrétaire. Et puis le docteur Aarons était spécialisé en psychologie, ce qui correspondait mieux à la formation de la jeune femme. Mais il y avait plus important :

- Vous savez... Vous ne devriez pas trop vous fier aux apparences... Notamment en ce qui concerne... les médecins trop entreprenants ? Lui dit-elle après un instant, sur le ton de la confidence.

Puis elle leva légèrement les mains, paumes face à elle avant d'ajouter.

- Enfin, après j'imagine que vous savez prendre soin de vous-même.