Il ne savait pas ce qu'il se passait pour qu'ils puissent atteindre le port si facilement, mais ils avaient réussi. Là, à quelques mètres du ponton, la main dans celle de sa bien-aimée, il savait qu'il partait pour une vie meilleure. Et il devrait honorer ses adieux avec Nevrabriel. Il devait rejoindre la côte continentale, celle qui rejoint directement les États-Unis.

Il fit grincer le bois en marchant sur le ponton et s'approcha d'un bateau qui ressemblaiy à celui d'un pêcheur. Ils n'avaient pas les clés, alors ils devraient se débrouiller. À moins qu'Atsuka les ait, d'une façon ou d'une autre ?

Il mit un pied dans l'embarcation et posa ses affaires une fois à bord. Il aida Atsuka à monter à son tour, puis il se dirigea vers la sorte de cockpit. Bien sûr, il ne savait pas si c'était fermé ou non, alors il enclencha la poignée, espérant de tout son cœur que l'Institut avait employé un sot.

- C'est l'heure de vérité...

Le coeur battant à tout rompre, sa main accompagna la poignée dans sa descente, et un clic se fit entendre. Ulysse ferma les yeux et soupira de soulagement, posant une main sur sa poitrine comme pour essayer de calmer son coeur cognant contre sa cage thoracique. Il ouvrit la porte et déposa ses affaires à l'intérieur. Atsuka se précipita à chercher quoique ce soit d'utile :

-J'espère qu'ils ont tout oublié...

Ulysse opina et se mit à farfouiller à son tour, tirant les tiroirs et ouvrant les placards, laissant sa moitié s'occuper du cockpit. Quelques provisions, des plaids, des gilets de sauvetage... Mais aucun mode d'emploi sur cette grosse machine. Ulysse se mit à déglutir, se demandant s'ils y arriveraient vraiment. Mais c'était là leur seule porte de sortie, la seule réelle opportunité qu'ils avaient. Ils ne seraient pas vu comme des déserteurs mais comme des disparus. Peut-être noyés en mer ou capturés par l'Institut en les gardant secret.
Son plus profond désir, c'était de s'échapper et vite. Le temps jouait contre eux et il ne laisserait pas cette histoire se transformer en cauchemar. Lui et elle, c'était sur le continuent que devait continuer leurs vies. Ulysse en étudiant la médecine, et Atsuka en la pratiquant. Il pourrait reprendre contact avec ses parents et lui présenter celle pour qui il se lève chaque matin...
C'était un rêve qui ne pouvait pas mourir.

Il se glissa derrière Atsuka, et observa le cockpit. Bon sang, rien n'était comme dans les manuels. La mémoire eidétique d'Ulysse n'allait pas leur être utile dans cette situation. Il se rongea l'ongle du pouce, un peu nerveux, et appuya sur le gros bouton bleu sur lequel était imprimé le logo d'un moteur. Le bouton s'alluma et vit vrombir le bateau. Ce n'était pas discret...
Ulysse jeta un coup d'oeil à l'extérieur et ils semblaient suffisamment loin dans une révolution prenant toute l'attention pour qu'on ne les remarquait pas. Ou du moins, pas encore.

Il serra la main de la médecin, le coeur palpitant, et plongea son regard dans le sien.
Ils y étaient. Leur idylle était proche. Ses veines s'emplissaient d'adrénaline et d'ocytocine. Il était si heureux de savoir que sa vie se poursuivrait avec elle.

Il lâcha sa main et la laissa piloter l'engin en lui indiquant les quelques similitudes entre le manuel et l'engin. Cela mit un moment avant de démarrer mais il avait confiance en elle. Avec le bleu de ses cheveux, elle ne pouvait être que la Déesse des Océans.
Et finalement, le bateau se mit à avancer. La tempête n'aida pas à l'exercice, le bateau peinant à quitter le port avec les vagues qui s'écrasaient sur la ferraille et le vent les ballotait, mais ils y arrivèrent bon gré mal gré.
Il ne se permit pas de sauter de joie, attendant d'avoir atteint la terre ferme avant de pouvoir sauter dans les bras de sa chérie et de goûter à la victoire. A l'inverse, il laissa Atsuka manipuler l'engin pendant qu'il fit le tour du cockpit et des cales. Il y avait de quoi faire ses besoins, dormir et faire à manger mais dans des conditions extrêmement précaires. De toute façon, ils avaient trois heures environ devant eux, ce ne devrait pas être long...

Suite à ses fouilles, il retourna près d'elle et vérifia qu'ils allaient dans la bonne direction. Il avait mémorisé les coordonnées du port où il devait jeter l'ancre, ce qui était très utile.
Un vent violent avait failli se faire retourner le bateau, mais heureusement une vague contrebalança le cri de la tempête et réussit à le faire tenir debout.

Au bout d'une heure, il prit le relais et laissa Atsuka se reposer. Et ainsi de suite. Où l'un se mit à manipuler les commandes, l'autre faisait autre chose. Encourager, donner des conseils, rediriger, observer les dangers, fouiller ou juste se poser. Entre vents et marées, ce bout de ferraille avait l'air perdu au milieu de l'océan, sans aucune chance de s'en sortir. Mais les épais nuages avaient fini par s'amonceler derrière eux, abandonnant de les tuer dans la mer, oubliés de tous. Et enfin, après de longues heures, de longues minutes, une terre. Au loin. Un port. Et une ancre jetée. Ulysse n'y croyait pas et pourtant, ils avaient réussi.

Il s'était empressé d'éteindre le moteur et de se jeter dans les bras de celle pour qui il avait osé cette folie et de la couvrir de baisers.
Il ne s'était jamais senti aussi vivant. Aussi heureux. Tout le gel mordant qui s'était emparé du corps du jeune homme pendant la tempête fut remplacée par la chaleur réconfortante de son amante, la serrant contre lui comme si elle allait s'échapper.

Ils étaient en vie.

Il attrapa ses affaires et sortit du bateau. C'était du vol, clairement, mais ils n'en auront plus besoin là-bas. Il se retourna malgré lui, vers l'île sur laquelle il avait rencontré Nevrabriel, Ophelia, Aeden, Kheidra, et d'autres encore. Des noms et des visages qui resteront à jamais gravés dans sa mémoire.
Et se fit une promesse.