contexte

Le jour de la Grande Division naissent quatre factions : une dictature basée sur les principes de l’Institut qu’on avait connu ; une communauté qui fonctionne sous forme de vote et de code pénal ; un groupe retrouvé piégé dans le bunker ; et une anarchie qui s’est ancrée en pleine Nature. Des tensions, étincelles existants déjà avant la Grande Division et la Révolution, ont fait naître une ambiance de guerre froide entre les factions. L’Institut Espoir n’existe plus, mais cette ambiance survivaliste, à qui l’emportera sur l’autre prend racine.

Il ne reste plus que l’Espoir. +

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Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Dim 21 Fév - 0:58
Spoiler:
Amalia



Victor ouvrit les yeux, ou du moins il essaya. Une de ses paupières refusait de s’ouvrir, et dans l’obscurité de sa chambre, il ne voyait qu’une partie du monde qui l’entourait. Sa tête le brûlait affreusement, au rythme des diodes qui s’allumaient autour de lui et du sifflement chronique et lancinant de la machine à ECG. Il lui fallut plusieurs dizaines de secondes pour comprendre que ce n’était pas sa paupière qui ne s’ouvrait pas, pour se souvenir de ce qu’il avait perdu. D’une main tremblante, il porta sa main à son visage et il sentit sous ses doigts le bandage qui recouvrait son œil.

La gorge de Victor se serra.

Il se redressa et arracha les électrodes et les cathéters, sans se soucier du sang qui ruissela sur ses bras. Il se leva et le monde tangua, mais en boitant il domina à nouveau le monde qui avait été le sien. L’obscurité lui semblait bien plus noire, et pourtant si peu profonde. Il boita jusqu’à son miroir et s’observa dans le noir. Il ne distinguait qu’à peine son reflet, mais ce qu’il en voyait l’écœurait suffisamment. Un homme qu’il ne connaissait pas lui rendait son regard : un homme grand, vêtu d’un simple bas de pyjama pour mieux dévoiler son torse abimé de cicatrices fraiches, aux cheveux noirs décoiffés, à la barbe mal rasée, aux traits émincés tachetés ecchymoses encore visibles. Le bandage qui couvrait son œil était teinté de rouge. Victor déglutit. Il attrapa son encoche, et entreprit de défaire, lentement, le tissu blanc qui enveloppait son crâne. A chaque tour retiré, il craignait un peu plus ce qui l’attendait. Au dernier tour, il hésita. Mais le bandage, affaibli, se défit de lui-même, et dévoila une compresse écarlate appuyée contre son orbite par du sparadrap.

Le souffle court, dans le silence de sa chambre brisé par le son continu des machines, il retira la compresse.

Une orbite vide lui rendit son regard, boursouflée par une cicatrice épaisse et d’un fil qui ne pénétrait pas encore la peau. C’était un être hideux qui faisait face à Victor Graham. Il avait été beau, il avait été splendide autrefois. Mais que pouvait-on espérer d’un homme au regard si disharmonieux ? Si les yeux étaient le miroir de l’âme, que disaient-ils de lui à présent ? Victor se souvenait avoir été exceptionnel. Il se souvenait avoir rayonné.

Mais l’obscurité ne dissimulait même pas la laideur et l’insignifiance qui étaient les siennes désormais.

Qui pourrait admirer, respecter, glorifier un homme comme lui : vaincu, brisé, et mutilé ?

Il serra le poing, et son unique prunelle d’émeraude s’enflamma. De colère et d’impuissance, il abattit son poing sur la surface du miroir, et ce dernier, aussi ancien qu’il était couteux et fragile, se brisa sous l’impact. Les morceaux de verre se répandirent au sol, ruisselant de sang. Victor jura et serra son poing contre sa poitrine pour en calmer la douleur, mais il songea qu’elle semblait bien pâle face à celle qu’il avait ressenti lorsqu’on lui avait arraché l’œil. Il pouvait encore goûter cette douleur-là, cela faisait pourtant plus d’une semaine qu’on l’avait rapatrié. A ce souvenir, son expression passa de rage à détresse. Il se laissa tomber au sol et se rabattit contre son lit, prenant sa tête entre ses mains.

Il entendit des voix à l’extérieur.

« Monsieur de Graham ? Est-ce que tout va bien ? »

Victor releva brusquement la tête. C’était ses médecins, ses inutiles médecins. Il n’y avait plus que son ophtalmologue que Victor acceptait de recevoir, Mary Goodfellow, mais il ne l’avait rencontré qu’une fois. Il refusait qu’on l’aperçoive dans cet état. Il avait connu l’éducation de l’aristocratie et la rigueur de l’armée, aussi savait-il bien que les apparences auraient raison de lui, car il n’était plus que l’ombre de lui-même. Il ne voulait pas perdre le peu de dignité qui lui restait.

-Partez ! ordonna-t-il furieusement.

Même sa voix avait perdu de son insolence.

Les médecins insistèrent, mais ils finirent par céder au caprice du fils du marquis. Victor demeura seul, dans sa grande chambre, en compagnie de ses inutiles machines dont il écoutait les sons. Il se sentait si petit. Si méprisable.

Il était hanté par le souvenir de celui qu’il avait été, de celui qu’il aurait dû être, et par les murmures de la guerre. L'image de son bourreau tournait en boucle dans son esprit.
Il était hanté par l'idée de la piètre existence qui l'attendait.
Il se demandait si cette même existence valait le coup d'être vécue. Dans la douleur. Les regrets. L'humiliation. Les souvenirs.

Quelqu’un frappa à la porte.

Victor crut qu’il s’agissait de ses médecins, alors il ne répondit pas. Mais les frappements reprirent, jusqu’au point où Victor céda à la rage désespérée qui le dévorait. Il se releva difficilement, et boita furieusement vers sa porte qu’il ouvrit en grand, tenant la compresse contre son œil de sa main encore valide pour en dissimuler le puits de noirceur.

-Bon sang, je vous ai dit de part-…commença-t-il à crier.

Victor s’interrompit et baissa les yeux. Il ne connaissait pas la femme qui lui faisait face. Il fut horrifié et profondément humilié qu’une étrangère le voit dans cet état.

-Qui…Qui êtes-vous ? s’enquit-il, la bouche sèche.

Victor Graham
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Katerina Soukhovo-KobylinSecrétaire de Victor
Lun 22 Fév - 21:12
Spoiler:

Katerina était morte… Elle n’avait pas le moindre doute là-dessus. Pourtant, la mort n’avait duré qu’un temps. Un temps qui lui avait paru infiniment court autant qu’il n’était infiniment long. La mort aurait dû l’amener à ne plus exister. Mais aussi étonnant que celui puisse paraitre, cela n’avait pas été le cas.

Lorsqu’elle avait rouvert les yeux, autour d’elle, un monde qu’elle ne connaissait pas. Un hôpital, des infirmières s’inquiétant de son état. Pourtant elle ne s’était jamais sentie aussi vivante. Comme si la maladie avait cessé de la ronger. Vivante mais désorientée. On lui avait dit qu’elle se trouvait en Ecosse. Que faisait-elle en écosse ? Impossible de se souvenir. Mais il n’existait qu’une personne qui n’ai été capable de la tirer des griffes de la mort. Victor Graham. Elle s’était empressée de chercher à savoir où il se trouvait. Parce qu’elle avait besoin de lui, besoin de le retrouver et de comprendre ce qui s’était passé pour qu’elle soit encore en vie. Cela n’avait pas été bien compliqué. Sa famille semblait connue dans la région.

C’était donc à bord d’un taxi qu’elle s’était rendue jusque-là. Le manoir de la famille Graham n’avait rien à envier à celui de la famille Soukhovo-Kobylin. Dans un style purement écossais, il trônait au milieu de plusieurs hectares de champ et de forêt.
Lorsqu’elle était arrivée dans l’immense hall, on lui avait demandé si elle était la fameuse dame de compagnie qui devait s’occuper du Marquis de Graham. Elle avait voulu réfuter cette hypothèse mais personne ne semblait vouloir la laisser parler. On l’avait réprimandé d’être passer par la porte principale et de ne pas être passer par celle du personnel, puis on l’avait promené à travers les couloirs. Elle ne s’était laissée faire que parce qu’on lui avait dit qu’on allait l’amener au Marquis. Elle savait qu’il punirait tout ces moins que rien de l’avoir traitée comme une vulgaire domestique.

Mais finalement, on l’avait planté dans un couloir, à côté de la porte de la chambre du Marquis en lui disant qu’il ne souhaitait voir personne pour l’instant, et qu’elle devait rester là pour se mettre à son service dès qu’il en aurait besoin. La jeune russe avait obéi le visage crispé par l’exaspération. Elle avait attendue que le couloir se vide pour aller à la porte du Marquis et avait toqué. Elle était certaine qu’il comprendrait qu’elle le dérange étant donné la situation.  

La porte finit par s’ouvrir à la volée sur… un homme. Négligé, malade chancelant. Cheveux noirs et barbe dépenaillée. Victor Graham avait-il un fils ? Parce qu’elle reconnaissait tout de lui en ce jeune homme. Ou presque tout. Il lui manquait l’arrogance et la superbe qui faisait du Marquis un être supérieur. Ce jeune semblait abimé. Au-delà de son allure physique qui laissait apparaitre les marques de rudes épreuves, il y eu une chose qui attira le regard de la jeune russe. La compresse sur son œil… Ce jeune homme n’était pas le fils du Marquis… il s’agissait en réalité du Marquis lui-même…

-Bon sang, je vous ai dit de part-…


A quel point avait-elle perdue la notion du temps ? La notion de tout ? Qui était-elle et qui était-il lui ? Cet homme qui hurlait pour se faire entendre, incapable de se tenir avec dignité. Elle gardait les yeux fixés sur lui, retenant fermement le sentiment d’incompréhension qui la saisissait en elle.

-Qui…Qui êtes-vous ?

Ce regard baissé au sol était une abomination. Victor Graham ne baissait pas les yeux… C’était… impensable. Inimaginable. Alors Katerina fit ce que n’importe quel élève aurait fait pour son mentor. Qu’il l’ai été un jour ou pas n’avait pas d’importance d’ailleurs. Mais si elle n’était pas complètement folle, si ces souvenirs étaient réels, alors elle ne pouvait laisser cet homme fixé le sol sans réagir :

- Je suis Katerina Soukhovo Kobylin, fille du duc Andrei Soukhovo Kobylin. Il était temps que l’on me pose la question… Vos employés de maison m’ont pris pour une vulgaire domestique. Et relever donc la tête, on dirait un misérable valet.  


Andrei était bien prince -où duc selon la hiérarchie anglaise- mais elle n’était pas sa fille légitime. L’adoption ne suffisait pas à obtenir un titre de noblesse, et jamais elle ne pourrait y prétendre. Elle n’était donc pas, elle-même duchesse. Lui n’en savait rien. Et elle ne comptait pas lui en faire part. Car s’il était réellement celui qu’elle pensait, et qu’elle voulait le retrouver tel qu’il devait être, alors elle devrait jouer sur son titre. Même si elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle faisait, elle ne pouvait pas se laisser déstabiliser. Lui parler comme ça lui brulait la bouche pourtant… Elle se sentait d’une insolence sans limite. Et en même temps, c’était plus simple qu’elle ne l’aurait pensé. Ce Victor Graham n’avait rien avoir avec celui qu’elle admirait. Et c’était celui là qu’elle voulait retrouver.

- Ce qui vous est arrivé lors de votre service militaire n’est pas une excuse pour vous montrer grossier.

Elle bluffait. Elle ne faisait que supposer. C’était son service militaire qui devait être responsable de la perte de son œil non ? Et comment allait-elle justifier sa présence ici ? N’allait-il pas tout simplement la renvoyer de son domaine ? Se faire passer pour un docteur ? Une préceptrice ? Qu’est-ce que ce Marquis dont elle ne connaissait rien serait prêt à accepter ?


Dernière édition par Katerina Soukhovo-Kobylin le Mar 23 Fév - 9:06, édité 1 fois
Katerina Soukhovo-Kobylin
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] Katou_10Fiche personnage : Le passé lointainEspace personnel : Le passé plus procheGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/02/2018Age : 28
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Lun 22 Fév - 22:08
Amalia


La jeune femme qui faisait face à Victor était élégante, les traits sévères et insensibles, à l’instar du marquis de Graham, le père de Victor lui-même. C’était déconcertant, pour ce dernier, mais il ne faisait aucun doute quant au rang de la demoiselle : si elle ne possédait pas la plus somptueuse des tenues qu’il lui avait été donné de voir, il savait en revanche reconnaitre l’un des siens. Son visage, cependant, quoique gracile et agréable au regard, lui était parfaitement inconnu.

-Je suis Katerina Soukhovo Kobylin, lui répondit-elle, fille du duc Andrei Soukhovo Kobylin. Il était temps que l’on me pose la question… Vos employés de maison m’ont pris pour une vulgaire domestique. Et relevez donc la tête, on dirait un misérable valet.

Victor cilla. Ce nom ne lui était pas inconnu, et la réprimande ne jouait pas en faveur de son humeur, cependant le fils du marquis était bien trop embarrassé et humilié pour s’agacer outre-mesure. Si son regard se plissa avec contrariété, et qu’un léger rictus – relique de son caractère d’antan – venait barrer sa bouche d’un trait irrité, il ne trouva d’abord rien à répondre. Comment osait-elle s’adresser à lui de la sorte ? Elle, qui n’avait pas plus de son âge, qui n’était qu’une femme vêtue d’une robe de piètre qualité ? C’était intolérable, et Victor le savait, mais las et amer, l’esprit ailleurs, les mots lui manquèrent.

Et lorsque les mots lui revinrent, il était trop tard.

-Vous ne pouvez pas me parler sur ce ton, j-…

-Ce qui vous est arrivé lors de votre service militaire n’est pas une excuse pour vous montrer grossier, l’interrompit la fille du duc.

Victor tressaillit et se redressa instinctivement. Il n’était guère habitué à être ainsi réprimandé, son père lui-même ne s’y tentait pas, en particuliers depuis son retour de l’armée. Le fils prodigue, ainsi blessé, méritait attention et soin, tant pis si ses caprices le rendaient particulièrement exécrable. Victor passa sa main dans sa barbe de trois-jours, ignorant l’attitude à adopter face à une telle force de caractère alors que lui-même n’avait pas l’énergie de retrouver la sienne. Ce simple mouvement provoqua comme une décharge dans sa main. Il l’observa, apathique, et se rappela qu’il s’était ouvert en frappant le miroir. Le sang avait goutté sur son pantalon, souillant son apparence encore davantage.

Son unique œil vert ne brillait pas de l’ardeur qui, autrefois, aurait signalé son agacement et sa vivacité d’esprit.

-Je suis…confus, Madame Soukhovo Kobylin, de la manière dont mes domestiques vous ont traité. De la part de la famille Graham, veuillez accepter mes plus sincères excuses. Sachez que les responsables seront tout particulièrement punis.

Il n’avait pas relevé ses derniers mots, car aussi insultants étaient-ils, ils étaient vrais, mais Victor n’avait aucune envie de débattre de sa médiocrité. Ces mots avaient été prononcés mécaniquement, Victor s’apercevant à chaque syllabe qu’il ne trouvait plus son plaisir d’autrefois à jouer les aristocrates. Ce jeu l’ennuyait. Son cœur n’y était pas, à supposer qu’il soit quelque part.

Sa main le lançait. Il jeta un regard de part et d’autre du couloir, en quête d’un de ses médecins dont la présence, pour une fois, lui aurait été profitable à la fois pour ses soins et pour fuir cette dégradante confrontation. Mais il n’aperçut personne. Son attention se reporta sur la dénommée Katerina. Elle semblait si assurée dans son propre pouvoir. Victor songea qu’il ne possédait désormais plus cette même certitude, et l’amertume lui donna des envies de meurtre. Il lui restait encore, pourtant, son éducation à laquelle se raccrocher.

-Veuillez m’excusez, Madame, mais comme vous pouvez le constater, je ne suis guère en l’état de vous recevoir, déclara-t-il avec un fantôme de sourire courtois sur les lèvres. Si vous acceptez de patienter quelques instants, je vais appeler un valet pour qu’il vous conduise à Monsieur le marquis de Graham, car c’est sans nul doute à lui que vous êtes venue vous adresser, non à son fils.

Il ajouta, plus pour lui-même que pour son interlocutrice, avec une véhémence née de sa rage autant que des bribes de son caractère d’autrefois.

-Puisque mes crétins de médecins ont décidé de démontrer l’étendue de leur inutilité, je dois m’occuper moi-même de ma plaie.

Victor Graham
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Katerina Soukhovo-KobylinSecrétaire de Victor
Mar 23 Fév - 17:44
-Je suis…confus, Madame Soukhovo Kobylin, de la manière dont mes domestiques vous ont traité. De la part de la famille Graham, veuillez accepter mes plus sincères excuses. Sachez que les responsables seront tout particulièrement punis.

Elle hocha la tête. Pourtant, ça n’allait pas du tout. Les paroles de Victor Graham ne possédaient aucune conviction. Il se laissait marcher dessus là où il n’aurait jamais dû… Il semblait contrarié mais il manquait la volonté.

-Veuillez m’excusez, Madame, mais comme vous pouvez le constater, je ne suis guère en l’état de vous recevoir. Si vous acceptez de patienter quelques instants, je vais appeler un valet pour qu’il vous conduise à Monsieur le marquis de Graham, car c’est sans nul doute à lui que vous êtes venue vous adresser, non à son fils. Puisque mes crétins de médecins ont décidé de démontrer l’étendue de leur inutilité, je dois m’occuper moi-même de ma plaie.


Elle resta interdite une seconde à peine. Il n’était pas encore Monsieur le marquis de Graham mais son fils… S’il l’envoyait voir son père, que dirait-elle ? Si elle était là… Si elle se trouvait perdue maintenant, se devait être pour une bonne raison. Elle ne pouvait pas renoncer à parler avec son mentor. Elle sauta donc sur l’occasion que le jeune Graham lui offrait, la saisissant sans avoir l’air aussi hésitante qu’elle ne l’était en réalité :

- Laissez faire.

Elle franchit le pas de porte de la chambre du Marquis avec autorité, allumant la lumière en pénétrant dans l’intimité de son mentor. Les hauts plafonds du château l’apaisaient. Tout comme les larges pierres d’un gris froid qui se trouvaient à l’origine de la bâtisse. Elle était dans son élément, dans un endroit qui ressemblait à celui dans lequel elle avait passé la majorité de sa vie. Seul différait les couleurs de leurs familles respectives. Cet endroit était familier et étranger à la fois.

A côté du lit, un électrocardiogramme et des fils arrachés. Un peu plus loin, le cadre travaillé d’or d’un miroir brisé et des morceaux de verre au sol. Rien d’étonnant qu’il n’ai passé sa colère sur la glace s’il a vu le reflet de cet homme fatigué face à lui. Parmi les morceaux de verre, un bandage -probablement celui qui retenait sa compresse avant qu’il ne l’enlève. Des gouttes de sang éparpillées aux quatre coins de la pièce complètent le tableau. Sous cette couche de négligence elle pouvait presque deviner la rigueur d’antan du Marquis, rien d’autre ne dépassait dans la pièce, tout était à sa place.

Elle avait de la chance, à côté de l’ECG se trouvait du matériel de soin. Elle retira la veste qui recouvrait le haut de sa robe, laissant apparaitre les ouvrages argentés qui se dessinait sur son buste, sur fond bleu roi. Elle ne savait d’où provenait ce vêtement mais c’était celui qu’on lui avait rendu à sa sortie de l’hôpital. Peut-être qu’en ôtant sa veste plus tôt, le majordome de la maisonnée aurait compris son erreur. A moins qu’il ne soit définitivement un incapable. Elle posa son pardessus sur le dossier d’une chaise et attrapa une paire de gant médical, qu’elle enfila d’une main experte. La blessure à la main du Marquis devait provenir de sa dispute avec son reflet… Elle attrapa sa main, la tournant pour pouvoir en observer les dégâts. Elle leva une seconde les yeux vers celui du Marquis :

– Ce n’est pas en vous en prenant à votre reflet que vous allez changer ce que vous y verrez Monsieur Graham.

Elle l’examina à la lumière de la lampe, et aperçut le brillant de morceaux de verre qui s’y étaient malencontreusement logés. Elle soupira.

- Il va me falloir une pince stérilisée pour vous enlevez les bouts de verre, du désinfectant, un bandage et de l’adhésif.  

Elle allait pouvoir profiter de cette petite séance d’extraction de bout de verre pour discuter un peu plus avec le Marquis. Il semblait qu’elle avait vu juste en supposant que cette blessure récente était liée à son service militaire mais… elle voulait en savoir plus. Sur lui, sur ce qui s’était réellement produit.  Elle avait beau se montrer avare en attention à son égard, elle était en réalité entièrement dévoué à sa cause et à sa personne, comme elle l’avait toujours été.
Katerina Soukhovo-Kobylin
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] Katou_10Fiche personnage : Le passé lointainEspace personnel : Le passé plus procheGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/02/2018Age : 28
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Mar 23 Fév - 21:51
Amalia



Victor s’apprêtait à rentrer dans ses appartements et à sonner ses domestiques, mais la fille du duc s’imposa et entra sa chambre.

-Laissez faire, ordonna-t-elle impérieusement.

Victor la fixa, interdit. Elle se trouvait à présent au cœur de son intimité, sa chambre, connectée également à son salon personnel ainsi qu’à une immense salle d’eau. Trop déconcerté pour réagir, il l’observa d’abord prendre possession des lieux avant de finalement se reprendre.

-Je suis navré, mais je me dois d’insister, répliqua-t-il avec un certain agacement qu’il ne parvenait pas à réprimer.

Comment osait-elle ainsi s’imposer à lui, qui n’aspirait qu’à se perdre dans sa propre solitude ? Elle n’était pas médecin, jusqu’à preuve du contraire.

Mais cette même preuve lui tomba immédiatement entre les mains.

Katerina s’approcha de la main du marquis. Bouche bée, Victor la laissa s’en saisir, trop las et médusé pour laisser sa contrariété s’exprimer davantage. Il y avait un éclat en cette femme, familier et distant à la fois, qu’il trouvait particulièrement rayonnant, mais il n’aurait su dire pourquoi. Il l’observa s’affairer sur ses mains, et il s’étonna de son habilité. Sa manière d’agir et de sonder n’étaient pas sans lui rappeler sa propre manière de faire : c’était très déconcertant.

-Ce n’est pas en vous en prenant à votre reflet que vous allez changer ce que vous y verrez Monsieur Graham.

Victor, qui avait jusque là observé avec fascination sa manière de s’occuper de sa main, releva le regard vers elle. Il fronça les sourcils, les yeux sombres – ou plutôt, l’œil sombre -. Elle poursuivit sans s’en rendre compte.

-Il va me falloir une pince stérilisée pour vous enlever les bouts de verre, du désinfectant, un bandage et de l’adhésif.  

Victor retira sèchement sa main et pinça les lèvres.

C’en était trop.

-Que vous soyez fille de duc ou pas, cela ne vous donne pas le droit de me parler sur ce ton, Madame, lui siffla-t-il froidement. C’est mon père qui vous a demandé de venir, me trompe-je ? Peut-être pense-t-il qu’une infirmière de sang bleu sera plus à même de s’occuper de moi, et je dois admettre que ce n’est point commun. Mais je n’ai pas besoin de votre aide.

A mesure qu’il parlait, sa rage impuissante bouillonnait à nouveau. Sa lassitude reculait, au profit de son amertume et de son dégoût, et ces sentiments ne faisaient pas bon ménage. Victor arracha sa compresse pour dévoiler son orbite vide et boursoufflée et il contraignit la jeune femme à le mirer.

-Voilà ce que mon père veut que vous soignez, Madame Soukhovo-Kobylin, et voilà la vision que je dois affronter. En guérissant mon œil, il espère guérir l’âme de sa raclure de fils, mais ce n’est certainement pas vous qui y parviendrez. Je ne peux pas être guéri. Alors laissez ma main tranquille, ET FOUTEZ LE CAMP DE MES APPARTEMENTS.

Il avait hurlé ses derniers mots, sa voix se brisant presque sous le coup de la rage et de l’écœurement. Il y avait une lumière dangereuse au fond de son regard abimé. Dangereuse, menaçante, liée à quelque chose d'indéchiffrable. De la peur, peut-être ? Ou de la résignation ?

Se rendant compte de son manque de retenue, autant que de la laideur qu’il venait de livrer à la Russe, Victor détourna le regard pour remettre sa compresse en place, retenant son envie d’hurler et de frapper jusqu’à ce que sa misérable carcasse ne soit que chair et fragments d’os. Il se sentait si petit, lui qui était si grand. Il hésitait entre ses envies de violence et ses envies de s’endormir pour oublier ce cauchemar. Victor n’avait jamais été un homme bon. Il avait fait du mal, non par plaisir, mais par ambition et par vanité. Il avait fait du mal et il en payait à présent le prix. C’était ce que son bourreau avait voulu, et cette certitude rendait Victor malade. Il ne voulait pas lui donner raison.

Il avait été grand. Mais il se trouvait désormais petit, car brisé par un être qui lui était inférieur et soumis à sa volonté.

Il se détourna et s’enfonça dans sa salle d’eau pour nettoyer sa main.

-Partez, ordonna-t-il froidement, mais plus doucement.

L’éclat de cette femme, il le regrettait autant qu’il le désirait. Car c’était quelque chose qu’il savait avoir possédé.

Victor Graham
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Katerina Soukhovo-KobylinSecrétaire de Victor
Mer 24 Fév - 1:20
Le Marquis arracha sa main à la contemplation de la jeune femme.

-Que vous soyez fille de duc ou pas, cela ne vous donne pas le droit de me parler sur ce ton, Madame. C’est mon père qui vous a demandé de venir, me trompe-je ? Peut-être pense-t-il qu’une infirmière de sang bleu sera plus à même de s’occuper de moi, et je dois admettre que ce n’est point commun. Mais je n’ai pas besoin de votre aide.


Ce n’était pas étonnant… Katerina l’avait poussé à bout. Espérant justement retrouver celui qu’elle était venue voir. Mais s’il était froid, il ressemblait plus à un homme blessé qu’à celui qu’elle connaissait. Et le Victor Graham qu’elle connaissait l’aurait encouragé à ne pas se laisser marcher dessus par un homme possédant une condition inférieur à la sienne. Elle allait se rebeller lorsqu’il arracha la compresse de son œil pour dévoiler son orbite vide, le visage déformé par la colère.

-Voilà ce que mon père veut que vous soignez, Madame Soukhovo-Kobylin, et voilà la vision que je dois affronter. En guérissant mon œil, il espère guérir l’âme de sa raclure de fils, mais ce n’est certainement pas vous qui y parviendrez. Je ne peux pas être guéri. Alors laissez ma main tranquille, ET FOUTEZ LE CAMP DE MES APPARTEMENTS.


Jamais elle ne l’avait vu animé d’une telle fureur. Ces yeux brulaient littéralement de rage. Elle eut un mouvement de recul, non pas à la vue de sa blessure mais bien de peur qu’il ne s’en prenne à elle. Et pourtant, malgré cette inquiétude pour sa propre vie, elle s’inquiétait encore davantage pour le Marquis. Peut-être aurait-elle du montrer une approche plus douce ? Il semblait fragilisé par ce fameux service militaire dont elle ne savait rien, peut-être avait-elle eut tord de le bousculer comme elle l’avait fait. Mais qu’aurait-elle pu faire d’autres ?

Et sa blessure… elle avait déjà vu une orbite tout aussi vide et boursoufflée. Lucy. L’opération et puis la fois où elle l’avait aidé à bander sa blessure. Celle de Graham semblait plus écorchée, plus abimée. La jeune russe se demanda ce qui avait provoqué de tels dégâts mais elle n’eut pas le temps de contempler la blessure suffisamment longtemps pour y chercher des indices que déjà le Marquis replaçait sa compresse. Il se retourna finalement pour rejoindre une autre pièce qui semblait être sa salle d’eau. Il lui ordonna une dernière fois :

-Partez.


La jeune femme ôta les gants qu’elle avait enfilé. Katerina se sentait mue par une force supérieure qui semblait tout à fait capable de tenir tête à l’homme qui lui ordonnait de quitter les lieux. Elle se mit à parler fort elle aussi :

- Je n’ai que faire de votre père, il ne sait même pas qui je suis, pas plus que je ne sais qui il est ! Et je n’ai que faire de vos petits caprices d’enfant gâté. Je me fiche bien qu’il vous manque un œil, si vous pensez être le premier à qui cela arrive… En tout cas vous êtes loin d’être le plus courageux des borgnes qu’il m’ai été donné de rencontrer.  Vous n’êtes pas l’homme que je suis venue voir mais juste son ombre qui se morfond sur ce qu’il a perdu. Et ne pensez pas que je vais m’apitoyer sur votre sort à mon tour, vous le faites déjà très bien pour deux. Vos ancêtres se retourneraient dans leurs tombes s’ils vous voyaient ainsi.

C’était étrange à quel point ces mots lui ôtaient un poids. Elle ne savait toujours pas ce qui l’avait conduit ici, à cette époque et en ce lieu, mais si ce devait être ces dernières paroles avec le Marquis de Graham, alors qu’il en soit ainsi. Elle eut un dernier sursaut d’orgueil :

- Et je ne suis pas infirmière sombre crétin misogyne, JE SUIS MEDECIN.


Si elle n’était pas morte, c’était bien cette voie là qu’elle aurait suivi. Et non le chemin d’une vulgaire infirmière. Elle savait que Victor Graham, celui qu’elle connaissait, lui avait donné une parfaite éducation en la matière, qu’elle aurait pu atteindre cet objectif si elle n’était pas morte.

Elle quitta la chambre sans attendre, sans récupérer sa veste, claquant la porte aussi fort que sa frêle composition le pouvait. Elle était beaucoup trop en colère contre ce Marquis qu’elle ne reconnaissait pas et contre elle-même. Venait-elle d’insulter son mentor en le traitant de sombre crétin misogyne ? Qu’est-ce qui avait bien pu lui prendre ? Malgré cela, elle ne parvenait pas à regretter ces paroles. Il ne ressemblait à rien de ce qu’elle ne connaissait de lui et elle était extrêmement déçue. Et seule. Seule dans un monde dont elle ne connaissait rien. Elle resta plantée quelques secondes devant la porte des appartements du jeune Marquis, encore sonnée par cette étrange rencontre et la violente altercation qui en avait découlée.

Elle traversa ensuite le couloir d’un pas furieux, puis un autre couloir, et encore un couloir… Elle ralentit l’allure… Marcha encore. Hésita. Ces pas l’avaient automatiquement guidé comme si elle était chez elle mais ce n’était nullement le cas, et elle était certaine de ne pas être passé par ici lorsqu’elle avait été conduite à la chambre du jeune Victor Graham.

Elle jeta un regard en arrière. Elle aurait peut-être pu faire marche arrière et retrouver les appartements du jeune Marquis pour lui demander d’appeler un de ces valets afin qu’il ne la ramène à l’entrée mais… elle n’avait aucune envie de se faire chasser une deuxième fois comme une vulgaire vaurienne.

Elle leva les yeux. Au mur, des portraits gigantesques accrochés. Les ancêtres de la famille Graham ? Elle recula un peu pour mieux pouvoir les observer, leurs airs austères et leurs cheveux sombres semblaient en effet se passer de génération en génération. La famille Graham pouvait s’estimer heureuse, la plupart des tableaux des ancêtre de la famille Soulhovo-Kobylin avaient été brulés lors des révolutions populaires de 1905. Un véritable gâchis.
Katerina Soukhovo-Kobylin
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] Katou_10Fiche personnage : Le passé lointainEspace personnel : Le passé plus procheGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/02/2018Age : 28
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Mer 24 Fév - 9:21
Amalia


Victor souhaitait Katerina loin de lui, mais il ne s’était pas attendu à une telle réaction de sa part. Il l’entendit arracher ses gants, mais ne se tourna pas vers elle, il se moquait bien de son sort. Ce ne fut qu’à ses mots qu’il recommença à lui accorder de l’attention.

-Je n’ai que faire de votre père, il ne sait même pas qui je suis, pas plus que je ne sais qui il est ! Et je n’ai que faire de vos petits caprices d’enfant gâté. Je me fiche bien qu’il vous manque un œil, si vous pensez être le premier à qui cela arrive… En tout cas vous êtes loin d’être le plus courageux des borgnes qu’il m’ai été donné de rencontrer.  Vous n’êtes pas l’homme que je suis venue voir mais juste son ombre qui se morfond sur ce qu’il a perdu. Et ne pensez pas que je vais m’apitoyer sur votre sort à mon tour, vous le faites déjà très bien pour deux. Vos ancêtres se retourneraient dans leurs tombes s’ils vous voyaient ainsi.

Victor cilla, stupéfait d’une telle véhémence, et il se retourna pour l’observer. Les mots lui faisaient l’effet de pierres qu’on lui jetterait, ils atteignaient des points précis de sa psyché, à croire qu’elle savait précisément quoi cibler. Victor la toisa, sans comprendre. Il hésitait à se mettre à nouveau en colère mais, à dire vrai, il était pétrifié par la justesse des mots de la fille du duc. Comme une gifle claquante. C’en était presque…vivifiant.

-Et je ne suis pas infirmière sombre crétin misogyne, poursuivit-elle avec arrogance. JE SUIS MEDECIN.

Sur ces mots, elle partit en claquant la porte. Victor fixa cette dernière, ahuri par la situation. Sombre…Crétin…Misogyne… ? Allons donc ! C’était très inattendu. Jamais ce discours ne l’aurait atteint du temps où Victor était un médecin talentueux et un aristocrate respecté. Il se serait contenté d’une réplique mordante qui aurait fait rire son auditoire et ainsi gagné l’approbation de ses pairs car, à l’époque, Victor n’avait pas encore atteint le point où son égo s’auto-suffisait. Mais même si le Victor actuel avait trouvé les mots, il n’avait aucun moyen de les énoncer : Katerina était partie.

Et cette pensée lui sembla soudain intolérable. Comment osait-elle le fuir après un tel discours ? Jamais il ne l’aurait poursuivi, avant son « incident ». Mais il n’avait pas d’autre moyen d’exprimer sa rage, son incompréhension, et sa stupéfaction. Cette Katerina le sortait de son apathie.

Il ne pouvait pas la laisser partir sur ces mots.

L’aristocrate retrouva ses esprits et boitilla vers la porte, mais en l’ouvrant, il s’aperçut qu’elle avait déjà quitté le couloir. Il jura, hésita, puis fit volte-face.

Elle ne pourrait pas aller bien loin, seule dans ce labyrinthe de château. Et Victor ne pouvait pas aller bien loin dans un si piètre accoutrement.

Il enfila à toute allure une chemise et un pantalon de costume à bretelles, ce qui de son humble avis n’était qu’une mascarade d’apparence, car ses plaies, sa barbe mal taillée, et ses cheveux en bataille révélaient bien la vérité de son âme. Mais il dut admettre se sentir un peu plus propre, un peu plus digne dans cette tenue. Lorsqu’il rouvrit rageusement la porte, il tomba nez à nez avec un de ses médecins qui le fixait avec stupéfaction.

« Où est partie la fille du duc ? » demanda-t-il sans s’encombrer de courtoisie.

Le médecin lui répondit mécaniquement, trop surpris de voir son patient debout dans une telle énergie : il avait bien vu une femme prendre le couloir des portraits. Sans un nouveau mot pour cet individu, Victor prit à son tour ce chemin, boitant, mais d’un pas qui n’était pas sans évoquer celui qu’il avait possédé un jour.

Elle était là, dans sa robe bleue, à observer les portraits. Celui devant lequel elle se trouvait était Balthazar de Graham, dit Balthazar du Limier, premier seigneur anglais de cette terre d’Ecosse et grand chasseur de son temps – il était d’ailleurs représenté en tenue de chasse, dos à un de ses plus beaux trophées, un immense sanglier noir - . Victor ralentit l’allure et vint se positionner derrière elle. Sa main se referma sur son épaule, en un geste qui n’avait rien d’affectueux mais qui contenait une violence que le fils du marquis ne parvenait plus à retenir. Pourtant, il ne fit rien de plus déplacé. Son regard se porta sur le tableau, et sa voix retentit, moins rauque.

-Balthazar du Limier, premier duc de Montrose et Lord de Mugdock. Ironiquement, ce tableau a été peint quelques mois avant qu’il ne perde son fils ainé d’un accident de chasse. Un sanglier, dans son agonie, planta ses défenses dans sa jambe et lui arracha sa fémorale. Cette épreuve fit de mon ancêtre un bien meilleur chasseur, et les sangliers furent éradiqués de notre domaine. C’est devenu un emblème de la force des Graham, que l’on retrouve à présent sur nos armoiries.

Sa main, durant sa diatribe, retomba le long de son corps, emportant sans qu’il ne s’en rende compte la menace invisible que sa rage silencieuse faisait peser sur eux-deux. L’espace de quelques instants, en énonçant cette histoire familière, le fils du marquis avait retrouvé sa voix d’autrefois, cette voix maitrisée et emplie d’une certitude arrogante. Mais en plongeant ses yeux d’émeraude dans ceux plus sombres de son ancêtre, Victor ressentit tout le jugement que Balthazar du Limier aurait fait pesé sur sa faiblesse. Il pinça les lèvres : Katerina avait raison, ses ancêtres se retourneraient dans leurs tombe s’ils le voyaient ainsi.

Son regard borgne se planta à nouveau sur la fille du duc, si frêle et petite en comparaison avec sa propre taille. Pourtant, elle semblait plus forte qu’il ne l’avait été, aussi forte qu’il le serait un jour sans en avoir conscience. Et il ne comprenait toujours pas la familiarité de son éclat. C’était comme de s’observer dans un miroir de cuivre, d’y percevoir un reflet d’une couleur inattendue.

-Si vous étiez vraiment médecin, ce n'est pas une pince stérilisée que vous auriez demandé, mais une pince de DeBakey. Vous ne voudriez pas finir avec une pince d'Adson, n'est-ce pas ? Une erreur de débutant.

Son ton avait été dur, légèrement arrogant, et cette vanité fit du bien à son estime brisée. Victor la fixait toujours. Il cherchait à la comprendre.

-Qui êtes-vous ? lui demanda alors Victor.

Il fronça les sourcils et asséna sèchement avant qu’elle ne réponde :

-Et inutile de vous présenter à nouveau. Si mon père ignore votre présence, c’est que vous êtes une intruse, médecin ou non. Mais pour une intruse, vous en savez beaucoup sur moi. Alors je me répète une dernière fois avant de perdre patience : qui êtes-vous ?

Il ne lui manquait qu’un peu de sévérité et de calme pour que cette voix s’apparente à celle d’un Victor Graham d’une autre époque.

En réalité, le fils du marquis n’avait rien oublié des propos de la jeune femme. Mais son incompréhension passait avant son humiliation – preuve qu’il n’était pas lui-même -  et par ailleurs…

…Il était agréable de sortir de sa léthargie.

Victor Graham
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Katerina Soukhovo-KobylinSecrétaire de Victor
Mer 24 Fév - 14:05
Ces tableaux inanimés avaient eu raison de sa fureur. Elle fit quelques pas dans le couloir, ces yeux continuant de dévisager les ancêtres de la famille de Graham. Celui-là avait deux yeux aussi sombres qu’une nuit d’hiver. Il semblait fixer Katerina, même à travers sa toile peinte. Elle ne manqua pas d’entendre les pas qui se dirigeaient vers elle. De reconnaitre la démarche du Marquis. Elle sentait son cœur s’accéléré à nouveau, comme s’il s’apprêtait à se jeter dans une nouvelle salve animée, plein de fureur. Elle tenta d’ignorer du mieux qu’elle ne le pouvait la présence du jeune Marquis, refusant de poser les yeux sur ce sombre personnage. Elle ne savait pourquoi il la rejoignait après l’avoir chassé de ces appartements, mais il était hors de question qu’elle ne lui cède la moindre attention.

Une main ferme et lourde se referma alors sur son épaule, angoissante. Elle tourna finalement légèrement les yeux, vers cette main et son propriétaire. Il avait revêtu une chemise et un pantalon de costume, tenue plus appropriée que celle dans laquelle elle l’avait rencontré plus tôt. Elle détourna aussitôt les yeux pour retournés au tableau. Hors de question qu’il n’aperçoive l’éclat de satisfaction dans le regard de la jeune russe. Il semblait toujours négligé, mais il était au moins un peu plus présentable, et vu l’état dans lequel elle l’avait trouvé, elle s’en voyait ravie.

-Balthazar du Limier, premier duc de Montrose et Lord de Mugdock. Ironiquement, ce tableau a été peint quelques mois avant qu’il ne perde son fils ainé d’un accident de chasse. Un sanglier, dans son agonie, planta ses défenses dans sa jambe et lui arracha sa fémorale. Cette épreuve fit de mon ancêtre un bien meilleur chasseur, et les sangliers furent éradiqués de notre domaine. C’est devenu un emblème de la force des Graham, que l’on retrouve à présent sur nos armoiries.

Elle observa le tableau, pensive, voyant la présence de ce sanglier noir différemment désormais. Ironique en effet. Et en connaitre plus sur les armoiries de la famille de Graham lui plaisait. Mais bien plus que l’histoire de Balthazar du Limier, c’était la manière dont le Marquis la lui avait racontée qui lui laissait forte impression. Elle y avait retrouvé la verve qui caractérisait son mentor, un peu plus d’assurance et de fermeté. La main de ce dernier avait libéré l’épaule de la jeune russe, cela dit, elle pouvait sentir son regard brulant dans son dos.

-Si vous étiez vraiment médecin, ce n'est pas une pince stérilisée que vous auriez demandée, mais une pince de DeBakey. Vous ne voudriez pas finir avec une pince d'Adson, n'est-ce pas ? Une erreur de débutant.


Ces lèvres se pincèrent. Le Marquis avait raison bien évidemment. Elle avait étudié cela. Mais elle doutait que ce dernier lui aurait passé cette fameuse pince d’Adson. Il était médecin non ? Il savait très bien ce que la jeune femme avait besoin pour le soigner, il l’avait prouvé lui-même par sa tirade. Il ne faisait qu’essayer de la discréditer. Elle répondit pleine de mauvaise foi et sans la moindre intention de se laisser démonter :

- Si vous m’aviez donné une pince d’Adson, vous n’auriez pu vous en prendre qu’à vous-même du piètre résultat.


Elle ne souhaitait pas flatter l’égo de ce jeune Graham. Sinon, il redeviendrait le mentor et elle l’élève. Or, il n’était clairement pas prêt à assumer ce rôle, pas plus qu’elle ne serait prête à écouter les dire de ce jeune homme désorienté à la barbe mal taillée.

-Qui êtes-vous ? Et inutile de vous présenter à nouveau. Si mon père ignore votre présence, c’est que vous êtes une intruse, médecin ou non. Mais pour une intruse, vous en savez beaucoup sur moi. Alors je me répète une dernière fois avant de perdre patience : qui êtes-vous ?

Ce ton péremptoire qui ne souffrait pas de refus… La jeune russe se tourna finalement vers son interlocuteur, quittant la peinture des yeux. Il n’avait pas le flegme caractéristique de l’homme qu’elle vénérait, mais il commençait enfin à tomber dans ces bonnes grâces. Elle avait la prétention de penser qu’elle pouvait l’aider à se réveiller de la torpeur que lui infligeait la perte de son œil. Etait-elle folle de penser pareil chose ? Et en même temps, il préférait savoir qui elle était plutôt que de la remettre à sa place. Elle devait définitivement se faire à l’idée qu’il n’était pas son mentor. Ce qui lui semblait étrange et plutôt déstabilisant.

Et que pouvait-elle dire face aux interrogations du Marquis ? L’esprit cartésien ne croirait jamais qu’elle soit sa future élève morte ayant traverser le temps et l’espace pour se trouver ici. Elle-même ne pouvait y croire. Tout ceci n’avait pas le moindre sens.

- Une alliée. Il est possible qu’il fût un temps où vous aviez conquis ma curiosité.


Elle dévisagea quelques instants l’homme qui se tenait face à elle. Et surtout son regard smaragdin magnétique et qu’elle savait capable de se montrer impérieux. Elle ne pouvait lui dire que c’était bien plus que ça. Qu’elle l’avait admiré comme elle n’avait jamais admirer personne d’autre. Qu’il avait été tout pour elle. Elle ne le pouvait, car elle avait une réputation à maintenir. Et qu’elle ne pouvait perdre la face devant ce jeune Victor Graham. Elle continua donc, le visage fermé mais les yeux brulants d’irrévérence :

- Mais cela a-t-il la moindre importance ? Il semblerait que ma présence ici ne soit pas désirée. Ce que je peux comprendre car après tout, ma venue n’était pas annoncée et mes propos ont pu manquer de délicatesse à vos irascibles oreilles.  

Pire que des excuses, elle continuait carrément de manquer de respect au Marquis en le traitant de créature susceptible. Ce qu’il était indéniablement pour avoir haussé le ton sur elle comme il l’avait fait. Elle ne pouvait se résoudre à montrer de faiblesse à cet homme-là, cet homme qui se faisait rattraper tantôt par sa propre colère, tantôt par un spleen maussade.

Elle s’apprêtait à nouveau à fausser compagnie au Marquis, puisqu’il lui avait donné l’ordre de partir plus tôt et qu’elle-même se découvrait plus irritable qu’elle ne l’aurait imaginé. L’intention y était, bien que l’itinéraire qu’elle souhaitait suivre ne se porte dans une direction qui ne lui permettrait pas de quitter le manoir. Ce qui pour le moment n’avait en réalité pas bien grande importance.
Katerina Soukhovo-Kobylin
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] Katou_10Fiche personnage : Le passé lointainEspace personnel : Le passé plus procheGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/02/2018Age : 28
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Ven 26 Fév - 15:54
Amalia


La pique sur la pince d’Adson ne fit pas tiquer Victor Graham. Mais le reste de sa répartie, oui.

-Une alliée. Il est possible qu’il fût un temps où vous aviez conquis ma curiosité.

Victor arqua un sourcil. Une alliée ? Quelle drôle manière de le formuler. Ils n’étaient pas en guerre, mais l’analogie était intéressante. Plus le temps passait, et plus Victor avait l’impression que sa vie – ou peut-être son esprit, simplement – n’était qu’un vaste champs de bataille…Mais c’était une réflexion qu’il ne manquerait pas d’avoir plus tard. Il ne s’étonnait pas d’avoir pu un jour attirer la curiosité d’une aristocrate, car il avait connu la grandeur, autrefois. Mais pourquoi revenir maintenant ? Était-elle venue assister à sa déchéance ?

Le fils du marquis la fixait sans réussir à la cerner. Elle le fascinait, ou plutôt, son éclat le fascinait, il le comprit alors. C’était une émotion étrange, lui qui n’avait jamais rien ressenti de tel, lui qui ne connaissait à présent rien d’autre que cette apathie dévorante et amère.

-Mais cela a-t-il la moindre importance ? continua Katerina. Il semblerait que ma présence ici ne soit pas désirée. Ce que je peux comprendre car après tout, ma venue n’était pas annoncée et mes propos ont pu manquer de délicatesse à vos irascibles oreilles.  

Son ton sévère ne perdait rien de son tranchant, au contraire, il ne faisait qu’en acquérir. Victor avait l’impression d’observer le reflet de quelqu’un qu’il avait connu mais dont le nom s’était perdu. Si son égo brisé se secouait en soubresaut devant le mépris évident de cette femme, au point qu’un rictus contrarié apparut sur ses lèvres comme pour rappeler la rage qui somnolait à peine en lui, tout le reste de l’âme de Victor était dirigé vers cet éclat qu’il cherchait à comprendre.

Impassible, il l’observa prendre une direction qui était évidemment la mauvaise. Et pour la première fois depuis qu’il était revenu de la guerre, un sourire sarcastique apparut sur son visage, qui se fondit alors d’un léger rire. C’était un rire franc, à défaut d’être joyeux, un rire qui ne s’encombrait pas du masque d’aristocratie que la famille Graham avait appris à revêtir en toute circonstance. Ce rire lui abima les lèvres et les côtes, mais il dégagea une légère clarté dans son esprit encombré de noirceur.

-Vous ne manquez pas de toupet, pour quelqu’un qui ne respecte ni les règles de l’étiquette, ni celles de l’honnêteté, et qui de toute évidence, n’a aucune idée d’où se diriger.

Un mince sourire flottant toujours sur ses lèvres, Victor indiqua la direction qu’elle s’apprêtait à prendre.

-Le petit salon se trouve par là. Si c’est la sortie que vous cherchez, c’est de l’autre côté.

Le sourire disparut immédiatement, comme neige au soleil. Victor n’avait jamais approuvé les effusions de sentiments. Il ne s’était qu’à peine rendu compte, à vrai dire, avoir souri.

-J’ignore ce que vous cherchez à accomplir ici, Madame, mais vous m’êtes étrangement familière. Je passerais donc sur votre irrespect, car il est rare d’ainsi attiser ma curiosité. Cependant, je suis peut-être irascible, je n’en suis pas un imbécile pour autant. Vous êtes ici pour une raison, et cette raison vous pousse à rester malgré votre désamour évident à mon égard.

Victor inclina la tête sur le côté, puis il leva sa main ensanglantée vers elle. Quelques taches de sang pimentaient désormais le blanc de sa chemise.

-Eh bien, Docteur Soukhovo-Kobylin ? N’étiez vous pas supposée panser ma main ?

C’était la dernière chance qu’il lui donnerait, et la flamme de son regard le laissait deviner. Victor était instable, c’était d’une telle évidence qu’il en avait lui-même conscience. Son esprit oscillait entre colère, amertume, détresse et dégoût. Un rien pouvait le faire balancer d’un côté ou de l’autre…Mais jusque-là, sa curiosité à l’égard de Katerina lui permettait de retrouver un peu de l’homme qu’il était supposé être.

Mais duper un tigre ne rend pas ledit tigre moins dangereux. Juste moins alerte.


Victor Graham
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Katerina Soukhovo-KobylinSecrétaire de Victor
Mer 3 Mar - 17:38
Un rire. Son rire. Clair, authentique. Katerina se tourna vers lui, déstabilisée, coupée dans son élan. Cet homme n’était définitivement pas Victor Graham. Mais elle pouvait l’aider à le devenir… Elle avait le sentiment que tel était son rôle, tel était sa place. Et son rire noyait un peu la rage de son œil unique. Etrangement, la jeune russe aurait voulu qu’il dure plus longtemps. Mais toutes les belles choses avaient une fin…  

-Vous ne manquez pas de toupet, pour quelqu’un qui ne respecte ni les règles de l’étiquette, ni celles de l’honnêteté, et qui de toute évidence, n’a aucune idée d’où se diriger.


Elle leva un sourcil pour se donner contenance. Il était hors de question que le Marquis se rende compte de son embarras. Et aussi, elle se souvenait de sa première rencontre avec lui. Déjà là, il lui avait reprocher son manque d’honnêteté. C’était comme un cycle qui se répétait. L’honnêteté. Cela lui semblait étrange comme concept car le Marquis lui avait souvent reproché d’en manquer mais il lui avait aussi dit de toujours pensé à l’image qu’elle renvoyait avant toute chose. Cette contradiction était quelque peu… dérangeante…

Elle était perdue dans l’immensité de ce domaine qui n’était pas le sien. Etait-ce si évident que cela ? Elle n’eut pas à se poser la question, il indiqua la direction qu’elle prenait du doigt, expliquant avec ce drôle de sourire accroché aux lèvres :

-Le petit salon se trouve par là. Si c’est la sortie que vous cherchez, c’est de l’autre côté.


Effectivement… Ce n’était pas tellement le salon qu’elle cherchait… Il continua ensuite avec un peu plus de sérieux :

-J’ignore ce que vous cherchez à accomplir ici, Madame, mais vous m’êtes étrangement familière. Je passerais donc sur votre irrespect, car il est rare d’ainsi attiser ma curiosité. Cependant, je suis peut-être irascible, je n’en suis pas un imbécile pour autant.
Vous êtes ici pour une raison, et cette raison vous pousse à rester malgré votre désamour évident à mon égard.


Il semblait pourtant abandonner l’idée d’apprendre la raison de la venue de la jeune russe au sein de la demeure de la famille Graham. Ce qui arrangeait bien cette dernière qui n’avait vraiment plus beaucoup d’idées de la manière d’expliquer sa mystérieuse présence ici, et à cette époque. Il inclina la tête, leva sa main qui saignait toujours devant lui. Le sang semblait avoir roulé lentement sur ces doigts… Il ne s’était pas soigné, n’avait pas pris le temps de le faire avant de quitter sa chambre pour la courser dans les couloirs… Pourquoi trouvait-elle cela satisfaisant mais à la fois agacent ?  

-Eh bien, Docteur Soukhovo-Kobylin ? N’étiez-vous pas supposée panser ma main ?

Elle garda un masque d’impassibilité mais s’il était attentif, le Marquis remarquerait cette étrange lueur dans son regard. Elle en tout cas, pouvait lire dans le sien qu’il était pareil à un animal en cage. Blessé par sa condition probablement, perdu par les affres de la guerre. Elle n’avait pas un seul instant baissé le regard face à lui, il était bien plus intéressant que ces ancêtres aux yeux de la jeune femme, il captait toute son attention.

- Guidez moi, alors, Victor Graham.

Il pouvait prendre cette phrase comme il l’entendait. Elle ne pouvait le soigner sans matériel, et elle était perdue dans une maison qu’elle ne connaissait guère, il venait de le lui prouver en lui démontrant qu’elle partait dans la mauvaise direction. Peut-être était-ce aussi destiné à parler de la manière de lui panser la main ? Qu’il l’interprète de la manière qui lui plaisait, tant que cela permettait à la jeune russe de rester entre ces murs.
Katerina Soukhovo-Kobylin
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] Katou_10Fiche personnage : Le passé lointainEspace personnel : Le passé plus procheGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/02/2018Age : 28
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Mar 6 Avr - 10:59
Amalia


-Guidez moi, alors, Victor Graham.

Le marquis en devenir sourit à cette réponse, un sourire entre arrogance et satisfaction, mais un sourire plus hésitant et plus doux qu’il ne le serait jamais. La douceur, la tendresse, et toutes ces marques d’amabilité, nécessitaient une vulnérabilité de soi que le Docteur Graham n’avait jamais possédé par le passé, et qu’il finirait par perdre à l’avenir – ou plutôt, à enfermer à doubles tours - . C’était donc d’une autant plus grande rareté que Victor, abimé, n’avait guère le goût du sourire. Mais cette Katerina était aussi distrayante qu’elle était fascinante. La lueur dans son regard s’était renforcée aux mots du jeune homme, et ce dernier était désormais certain qu’elle savait quelque chose mais qu’elle en taisait le contenu. C’était une bien étrange impression, mais ô combien plus divertissante que les idées noires qui lui empoisonnaient l’esprit. Alors il inclina courtoisement la tête et prit le chemin de ses appartements. Il ne lui tendit pas son bras, car il n’était guère en l’état de se montrer gentleman.

Il n’en avait guère l’envie non plus.

Les deux aristocrates parvinrent à nouveau dans l’obscurité de l’immense chambre du futur marquis, et ce dernier se rembrunit presque instantanément. Il y avait quelque chose de poisseux dans l’atmosphère des lieux, entre désespoir, impuissance, et amertume, le tout accompagné d’une odeur puissante de sang et d’humanité. Tout semblait sombre et crayeux, immonde dans sa gloire d’antan. L’humeur de Victor en fut immédiatement affectée, et s’il s’était mincement illuminé au contact de la duchesse, il retrouva bien vite ses démons et autres spectres, bien à l’abri de son cœur et de son esprit. Il n’eut pas un regard pour les débris de verre au sol, et il s’assit sur son lit tout en désignant dédaigneusement le matériel de soin placé sur le côté de sa chambre.

-Servez-vous, indiqua-t-il.

Son regard capta enfin son propre reflet dans les débris au sol, et il n’apprécia pas plus ce qu’il y voyait qu’au moment de la destruction du miroir. Pour une raison inconnue pour lui, mais qu’un psychologue n’aurait nul mal à identifier, cela le plongea dans une courte et intense colère. Il se releva d’un bond et s’avança jusqu’à sa porte qu’il rouvrit en grand, en oubliant presque de boiter.

-QUI FAUT-IL LICENCIER ICI POUR AVOIR UNE FEMME DE CHAMBRE DIGNE DE CE NOM ?

Il avait hurlé dans le couloir, une voix rauque aux allures de grondement bestial qui avait résonné contre les épais murs de pierre, aussi furieuse que ses échos étaient insidieux. Victor se détourna de la porte et il se prit le visage dans une main, en un signe évident d’exaspération et de lassitude. Une femme de chambre arriva sous peu, se confondant en excuse sans se soucier de si oui ou non elle était responsable. Victor garda sa main sur son visage, l’observant froidement mais sans l’incendier davantage. Il était plus facile d’hurler sur des fantômes que sur un être humain tangible, car ces derniers avaient la capacité de juger, de mépriser, de se moquer. Et Victor était trop las pour le supporter. Il attendit donc que la femme reparte, ayant récupéré les morceaux de verre, la poussant presque vers la sortie pour l’empêcher de continuer à nettoyer, puis il soupira et se rassit sur son lit. Cet accès de colère l’avait exténué. Il ne se souvenait même pas de la raison l’ayant poussé à ainsi enrager. A nouveau, il avait retrouvé son apathie orageuse.

-Vous êtes toujours là…constata-t-il en se rappelant la présence de la jeune Russe. Je suis navré que vous ayez été témoin de cette scène.

Il observa la plaie de sa main. La douleur sourde commençait à lui donner la nausée, lui remémorant des souvenirs qu’il eût préféré oublié. Victor tendit sa main vers la duchesse. Tandis qu’elle commençait à examiner la plaie, laquelle nécessiterait sans doute un ou deux points de suture, Victor murmura plus pour lui-même que pour elle :

-Ne jugez pas trop l’homme que je suis devenu. Je sais que ce n’est pas celui que vous étiez venu rencontrer. Vous cachez bien votre déception. Mais guère votre mépris.

Au moins, la pitié semblait-elle absente des traits de la jeune femme. C’était une émotion que Victor ne supportait plus apercevoir dans le regard de son père et de ses médecins. Était-ce ce qu’il était devenu ? Pathétique ?

Irascible et pathétique. Voilà qu’il ne manquait pas de nourrir les flammes de ses humeurs. C'était à se demander quel monstre naitrait de ces cendres-là.

Victor Graham
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Katerina Soukhovo-KobylinSecrétaire de Victor
Sam 17 Avr - 19:44
Il semblait satisfait de cette réponse en tout cas au vu de son sourire. Elle observa ce sourire qui semblait bien loin du visage parfaitement maitrisé qu’elle connaissait au Marquis.

Il prit la direction de ces appartements, Katerina sur ces talons. Les hauts plafonds du manoir rappelaient à la jeune russe un monde dont elle avait oublié le gout. C’était une étrange sensation rassurante autant qu’elle n’était inquiétante. Le Marquis boitait à côté d’elle mais semblait un peu plus détendu que précédemment. Elle lui jetait des œillades fascinées, encore surprise de le retrouver de cette manière-là.

Rentrer à nouveau dans la chambre sombre de Victor Graham après avoir marché dans ces couloirs éclairés de large fenêtre remplis de lumière permettait de se rendre compte du contraste entre le reste du manoir et les appartements du Marquis.

Ce dernier s’assit sur son lit, désignant presque avec amertume le matériel médical du doigt :

-Servez-vous

La jeune russe ne se fit pas priée et récupéra le matériel dont elle aurait besoin pour soigner le Marquis. Mais alors qu’elle était en train de réunir tous les éléments dont elle aurait besoin, il se releva et s’avança vers la porte de sa chambre avec virulence. Katerina crut qu’il allait partir, juste quitter la pièce et ne pas revenir, dans cette sourde colère qui semblait s’emparer de lui et aux vues de ces sautes d’humeur précédentes, mais il ouvrit juste la porte pour hurler :

-QUI FAUT-IL LICENCIER ICI POUR AVOIR UNE FEMME DE CHAMBRE DIGNE DE CE NOM ?

Las, il se prit le visage dans une main plein d’exaspération. Katerina l’observa, sans parvenir à ressentir de l’empathie. Elle ne supportait décidemment pas de voir celui qui avait été son modèle réduit à cet homme qui s’apitoyait sur son sort. C’était compliqué à expliquer mais le voir soupirer et se tenir le visage entre les mains sans retenu la rendait particulièrement insatisfaite. Elle aurait voulu le voir se conduire dignement face aux affres de la guerre qui semblaient l’avoir particulièrement abimé.

Une femme de chambre vient donc ramasser les morceaux de verre, au bord des larmes, s’excusant mille fois. Katerina n’attarda pas son regard sur elle bien longtemps et termina de récupérer ce qui lui manquait. Une fois que la femme eut terminer de ramasser les morceaux de verre, le Marquis la chassa de la chambre.

Katerina l’observa un instant, ne parvenant pas à se faire à ce visage trop expressif. Elle s’avança vers les fenêtres qu’elle ouvrit sans ménagement laissant entrer la lumière. Il fallait qu’elle y voie clair après tout si elle voulait le soigner correctement.

- Vous êtes toujours là… Je suis navré que vous ayez été témoin de cette scène.

Il tendit sa main blessée vers elle. Elle s’approcha donc, et se mit à l’examiner après avoir posé le matériel dont elle avait besoin pour le soigner sur le lit à côté de lui.

-Ne jugez pas trop l’homme que je suis devenu. Je sais que ce n’est pas celui que vous étiez venu rencontrer. Vous cachez bien votre déception. Mais guère votre mépris.

Il avait raison. Il n’avait rien de l’homme qu’elle était venue retrouver. Elle n’aurait pu s’imaginer quelques heures plus tôt rencontrer ce Victor Graham dont elle ne savait rien. Elle jeta un regard à son miroir dont certains morceaux étaient restés désespérément accrochés au support et répliqua avec plus de douceur qu’elle ne pensait en mettre au départ :

- A en croire l’état de votre malheureux miroir, je ne suis pas la seule à juger l’homme que vous êtes devenu.

La réplique aurait pu être cinglante mais ce n’était pas la peine. Katerina avait été bien assez cinglante tout à l’heure. Un peu de délicatesse ne faisait pas de mal. Même s’il ne fallait pas en abuser.

Elle se tut ensuite, prenant soin de désinfecter sa plaie, il allait avoir besoin de point de suture. Elle prit donc l’aiguille et le fil qu’elle avait soigneusement préparé et s’appliqua à suturer en appliquant la méthode de points simple séparés. Elle s’appliqua à ce que ces points soient parfaits, ne souhaitant surtout pas que le Marquis en garde une cicatrice. Elle prit le temps de nouer chaque point avec patience et précision. Elle en oublia pratiquement qui était son patient, concentré à sa tâche. Elle se rendait une nouvelle fois compte combien elle aimait faire cela. A quel point la médecine était tout pour elle.

Elle ne redressa les yeux vers le visage du Marquis qu’une fois sa plaie soignée, libérant sa main. Sa barbe mal taillée, ces cheveux en bataille et ces plaies donnaient l’impression qu’il sortait tout juste d’un champ de bataille. L’observer d’aussi prêt lui faisait remarquer à quel point ce jeune homme était différent du médecin qu’elle connaissait. Même l’éclat de son œil n’avait rien à voir. Il semblait perdu, encore en proie aux doutes d’un soldat qui revient du champ de bataille. Katerina ne ressentait pas de pitié à son égard mais elle voulait lui faire comprendre une chose importante. Elle voulait lui donner une raison de vivre comme il lui en avait donné une il y a un certain temps déjà, lorsqu’elle n’était encore qu’une coque vide. Mais le moment n’était pas bien choisi. Victor Graham s’il devait être secoué avait aussi besoin d’un peu de temps. Le sortir de sa chambre serait déjà un pas vers un meilleur.

Elle lui proposa finalement, quittant son regard pour se saisir du matériel médical dont elle s’était servie, prête à le ranger là où elle l’avait trouvé :

– Et bien, maintenant que votre main est soignée, la moindre des choses serait que vous m’invitiez à diner.
Katerina Soukhovo-Kobylin
Image : De l'autre côté du miroir en or [Victor et Katerina] Katou_10Fiche personnage : Le passé lointainEspace personnel : Le passé plus procheGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/02/2018Age : 28
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