2018
Victor est mégalomane. Ce n'est pas juste une façon d'évoquer son narcissisme à toute épreuve ou son manque absolu d'empathie, c'est un cas clinique qui pourrait même figurer sur son dossier médical si un médecin avait un jour eu la jugeote de le diagnostiquer.  Mais voilà, ce n'est pas le cas, et aux yeux du monde, Victor est juste ce type absolument imbu de lui-même, sans égards pour les autres. Il est incapable de se trouver des défauts, même le traditionnel "perfectionniste" des plus beaux mythomanes lui est étranger. Il est pourtant loin d'en être dépourvu, et Victor se révèle être un homme au tempérament difficile, prompt à l'emportement et à la violence. Paradoxalement, il n'a que faire de ce que les autres pensent de lui : il se considère meilleur sur tous les plans, si bien que l'avis des autres, inférieurs, ne lui fait ni chaud ni froid. La seule personne, à vrai dire, capable de percer le voile de son ego était sa femme, mais cette dernière est partie depuis bien longtemps, incapable de le supporter davantage.

Toutefois, si dans le voile d'illusions dont se berce Victor doit se dégager quelque chose de vrai, c'est bien son intelligence et sa persévérance : Victor est un intellectuel, méthodique et cultivé, qui se damnerait pour son travail et pour ses recherches. Très actif, il dort très peu et réfléchit sans cesse. Pourtant, en apparence, il apparait comme quelqu'un de calme, ne s'embrasant que sous l'effet de l'excitation ou de la colère. Lorsque cela arrive, Victor devient un véritable tourbillon d'émotions, incapable de tenir en place ou de rester silencieux, ce qui est l'exact opposé de son comportement habituel. Il est donc logique d'énoncer que Victor est instable psychologiquement, même si l'on pourrait facilement penser le contraire sans creuser en profondeur. Lui-même aime se donner cette apparence d'homme élégant, propre sur lui, insensible et arrogant. Il a d'ailleurs une allure et un comportement très aristocratique par moment, et il ne cherche absolument pas à dissimuler sa noble lignée. Néanmoins, derrière ce joli masque d'indifférence, son regard brûle d'une flamme avide qui ne se tarit jamais.

Cette fêlure psychologique n'est pas le fait du hasard, et Victor a connu dans son passé une estime de soi si basse qu'elle a failli lui coûter la vie. Sa mégalomanie agit donc comme une couverture, une armure si bien ancrée dans son caractère qu'elle fait désormais entièrement partie de lui. Cela explique cependant que Victor ait désormais la faiblesse en horreur, aussi bien chez lui que chez les autres, et qu'il méprise tous ceux qui en témoignent. En revanche, il n'aime pas non plus ceux qui pensent outrepasser son autorité et s'imaginent supérieurs à lui. Il est d'ailleurs difficile d'être aimé par Victor, puisqu'il n'aime que lui et ne se soucie pas des autres, mais cela ne l'empêche pas d'être un fervent soutien à l'Institut : même s'il n'aime pas avoir à rendre des comptes à Elpida, Victor considère tous ceux qui défient les règles de l'Institut comme de la vermine ingrate qui mérite mille fois la Grande Sanction, si bien qu'il se montre d'une obéissance exemplaire envers ces mêmes lois.

Enfin, Victor est un grand ophtalmologiste, et il a une passion absolue pour les yeux. S'il n'aime personne, il est facilement fasciné par les pupilles et les regards que peuvent avoir certains êtres humains, et si cela ne tenait qu'à lui, il les arracherait pour les mettre sous clé. S'il ne s'est jamais encore résolu à satisfaire cette lubie, cela ne l'empêche pas de mener des recherches assidues sur les capacités et les maladies oculaires. Son but ? Réaliser le premier œil bionique 100% fonctionnel ! Cela passe, selon lui, par une étude des propriétés des yeux des patients, voire par des échantillonnages. Il est donc fortement recommandé d'éviter de tomber entre les griffes de Victor : son manque d'empathie et sa soif scientifique font mauvais ménage...

2020
Le caractère de Victor n'a pas beaucoup changé. Il est devenu plus sévère encore vis à vis de la gestion de l'Institut, mais il s'est paradoxalement adouci sur d'autres aspects. Il parvient à entendre raison lorsqu'Amalia lui donne conseil, et se montre discrètement paternel envers Katerina, deux traits de caractères qu'il ne possédait pas autrefois. Par ailleurs, depuis qu'il dirige sa parcelle de l'île, le côté militaire de Victor a atteint son paroxysme. Il est calculateur, impitoyable, et attend des patients une discipline absolue. Ses stratégies sont celles d'un général avant d'être celles d'un médecin. Cela le rend à la fois intransigeant, dangereux, mais prévisible dans sa régularité.
Il ne tolère pas l'existence du Village crée par le Docteur Barrabil. L'Institut Graham est pour lui la seule autorité légitime de l'île, et il planifie d'unifier cette dernière, par la force si nécessaire.

Victor est grand, bien plus grand que la moyenne. Du haut de son 1m94, il toise le monde, un sourire arrogant venant étirer ses lèvres si fines qu'elles feraient pâlir le plus fier des serpents. Sa peau, légèrement hâlée, souligne son ossature anguleuse ainsi que sa musculature fine et précise. Tout en longueur, son port altier rehausse ses larges épaules d'une assurance renouvelée, le tout n'étant pas sans évoquer la silhouette massive et pourtant allongée du crocodile, auquel s'apparente son pas lent et pourtant infiniment souple.

Ses traits sont marqués, ses pommettes sont hautes et son menton pointu se couvre généralement d'une barbe de longueur variable. Ses sourcils épais viennent s'arrondir d'un air narquois ou se froncer d'un air pensif au dessus de ses yeux d'un vert ardent, qui semblent détailler l'autre sans pourtant vraiment le voir. Quoique pétillants d'intelligence, ces yeux-là ont tendance à mettre leur interlocuteur mal à l'aise, mais cela n'est pas entièrement dû à l'expression qu'ils abordent : il s'avère en réalité que l’œil gauche de Victor suit les mouvements du droit avec moins d'aplombs, ce qui n'est pas sans rapport avec le fait qu'il ne s'agisse que d'une prothèse de sa confection. En réalité, Victor est borgne, et en lieu et place de son globe oculaire gauche ne se trouve qu'une orbite vide désormais décorée par une prothèse qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un oeil réel, quoique vide d'émotions. Cette prothèse ne permet nullement à Victor de voir, ce n'est qu'un ornement pour tromper ses interlocuteurs, mais seul le regard le plus entraîné peut percevoir les quelques rares défauts de conception - d'autant que pour cela il faut soutenir le regard perçant du grand médecin.

Il semble de plus difficile de donner un âge à Victor. Bien que de légères rides viennent marquer son visage, elles semblent trop peu nombreuses pour réellement le vieillir. En revanche, ses cheveux et sa barbe sont poivre et sel, relativement courts sur les côtés et légèrement plus long sur le dessus.

Dans son ensemble, Victor n'est pas beau, mais il se dégage de lui une aura très particulière. Il a tout du prédateur qui se contient, et en même temps de l'aristocrate méprisant. C'est une force vivante, charismatique, et cela semble difficile à douter, sa mégalomanie venant ajouter à son assurance naturelle. Une rigueur et une sévérité stricte et militaire se dégage de tous ses mouvements, et semble même confirmée par les cicatrices qui couturent son corps, souvenirs douloureux de son passé.

Victor naquit en 1970 dans un riche château au nord de l'Ecosse, fils unique du marquis de Graham, membre à la Chambre des Lords. Ses parents, avant lui, avaient longuement tenté d'avoir un enfant, en vain, et ce n'est qu'au bout d'une énième tentative que Victor fut crée, à la surprise générale des médecins. Ses parents, très croyants, y virent un miracle - leur miracle. Victor fut donc couvert d'amour et d'affection durant toute son enfance, et même si une partie de cette dernière fut remise aux mains de nourrices, sa mère mit toujours un point d'honneur à ce qu'il profite d'un moment privilégié avec ses parents tous les week-ends. Cette enfance heureuse eut malheureusement comme effet de rendre Victor non seulement capricieux mais également très dépendant. Lorsqu'il fut adolescent, il entrait dans de si grandes crises de colère que ses parents, incapables de le punir proprement, étaient contraints de céder à chacun de ses caprices. Ce fut son 15ème anniversaire qui marqua la conséquence de cette attitude. Son père avait invité à leur demeure quelques uns de ses pairs, dont le grand Duc de Queensberry, un rival au Duc de Montrose auquel la famille Graham était affiliée. Le marquis avait donc tenu à ce que la fête soit grandiose, mais c'était sans compter son fils, qui ne supportait pas que son père lui donne des ordres comme "sois correct". Il se pavana donc à la soirée vêtu comme le plus imbécile des hippies que le marquis méprisait tant, et prit grand plaisir à ruiner les conversations par des propos grotesques et indécents. Le Duc de Queensberry s'amusa grandement à railler le marquis sur le comportement de son fils, et ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Même si le père adorait le fils comme un dieu, il ne pouvait permettre que ce dernier réduise sa réputation à néant par pur caprice.

Le 17 juin 1985, Victor fut donc envoyé en pensionnat, et plus précisément au Eton College.  Bien qu'insolent, Victor était en effet excellent élève.

Il resta dans cet établissement jusqu'à ses 18 ans. Si cela renforça fortement son estime de soi, cela lui apprit cependant à respecter une certaine rigueur qui, contre toute attente, lui plut grandement. En réalité, cela lui plut tellement que malgré les implorations de sa mère qui l'intimait de rentrer chez lui, il continua ses études pour devenir médecin militaire : médecin car le domaine des sciences le fascinait, militaire parce qu'il aimait l'ambiance des armées. Ses parents bien sûr tentèrent de s'y opposer, mais ils se plièrent devant les exigence de ce fils qu'ils chérissaient tant. Victor s'avéra alors extrêmement bon médecin, très appliqué. Il n'avait certes pas l'empathie de certains, mais sa prise de recul lui permettait justement d'être très efficace, même si beaucoup se questionnaient sur les raisons qui poussaient un aristocrate sans empathie à soigner les autres. Mais lorsqu'il fut envoyé en 1993 en Afghanistan pour sa toute première mission militaire, la proximité avec la mort fit très mauvais ménage avec son caractère si habitué à un environnement conciliant et aseptisé. La nervosité le rendait mauvais, si bien qu'il fut décidé qu'il resterait à la base au lieu de partir sur le front - son père le marquis ayant également fait pression sur ses supérieurs de manière à ce que son fils lui revienne sain et sauf.

En "sécurité" à la base, Victor restait très nerveux, mais tout de même bien meilleur que sur le champs de bataille. Mais son rôle connut un tournant lorsque le 16 mai 1996, un officier lui amena non pas un allié à recoudre mais un ennemi à interroger. "Fais pas le naïf, l'marquis !" lui déclara l'officier avec ce ton familier qui l'exaspérait tant. "On sait tous que t'en as rien à foutre des autres. Alors autant que ça serve." Victor n'était pas cruel, et s'il manquait d'empathie, cela ne faisait pas de lui un monstre. Pourtant, piqué au vif par le ton irrévérencieux de son supérieur, il n'eut aucun mal à faire ce qui lui était demandé. Au début, les hurlements étaient difficiles à écouter, même pour une âme comme la sienne. Après, à défaut de s'y habituer, il s'y accoutuma, et obtint les informations requises en peu de temps. Cela permis à son régiment de gagner une bataille cruciale, mais attira sur lui la haine de ses ennemis, si bien que lorsque le camp fut pris d'assaut le 03 novembre 1996, Victor fut capturé et torturé pendant de longues heures. Un des tortionnaires lui arracha un œil, car "Un homme qui a porté un regard sans émotions ne mérite pas de voir davantage". Ce fut la cruauté vengeresse de cet homme qui, pas encore résolu à le tuer, lui permit de gagner du temps et de survivre jusqu'à ce qu'un régiment américain n'arrive et ne le sauve. Mais la torture avait profondément meurtri Victor qui rentra chez lui, dénué de cette insolence qui autrefois faisait son caractère.

Pendant un an, le fils du marquis resta prostré chez lui, en profonde dépression. Ses parents, désastrés, firent appel à de nombreux psychiatres pour son esprit, et ophtalmologues pour son œil. Curieusement, ce ne furent pas les psychiatres qui parvinrent à bout de sa morosité, mais un de ces fameux ophtalmologues. Une ophtalmologue, pour être exact : Mary Goodfellow. Non seulement elle redonna goût aux sciences à Victor en lui parlant de ces projets fous d'yeux bioniques, mais elle lui redonna confiance en le traitant avec une déférence respectueuse dénuée de pitié. Mieux : elle encourageait ses traits d'ego que tant avaient décrié avant elle. Grâce à elle, Victor se rendit compte de l'attention qui le submergeait, et il retrouva non seulement son assurance, mais également son ego démesuré. Au départ, Mary parvenait à le maintenir à un stade d'amour propre équilibré, pas trop arrogante, au point où il reprit ses études et devint en 1999 un ophtalmologue qualifié, prestigieux grâce à l'influence des Graham. Victor épousa Mary, même si elle n'était qu'une roturière, et eut la même année une petite fille : Maggie. Mais plus le temps passait, plus cette confiance servait de béquille à l'esprit brisé de Victor, au point où son ego devint encore plus immense qu'il ne l'était autrefois. Sa mégalomanie, dont les prémisses dataient déjà de l'enfance, prit des proportions désastreuses. Le point de non retour fut atteint en 2002 où le marquis de Graham mourut, laissant sa fortune et son titre à son fils unique. Victor se voyait déjà comme un dieu, il ne tolérait plus aucune limite à son orgueil et sa vanité. Il devint exécrable avec Mary, qui finit par le quitter, emportant Maggie avec lui.

Victor refusa de voir qu'il était responsable de sa propre situation , et refusa d'ailleurs de signer les papiers de divorce. Pour lui, Mary avait tout gâché seule, voilà tout. Il refusait d'admettre que Maggie lui manquait, et se laissa complètement absorber par son travail. Les yeux devinrent sa vie toute entière, et son projet d'oeil bionique sa seule préoccupation. Malheureusement, il lui semblait ne jamais trouver les sujets d'expérience appropriés, ni le calme qu'il nécessitait. Très insatisfait, il fit des recherches pour trouver un institut de recherche convenable. A défaut, il tomba sur l'Institut Espoir en 2007.
Le marquis de Graham resta 3 ans médecin à l'Institut, puis dut prendre congé pendant 2 nouvelles années, ayant été demandé pour une étude très pointue de technologie oculaire en Inde. Il revint donc en 2013 à l'Institut, qu'il n'a pas quitté depuis si ce n'est pour quelques congrès de quelques semaines chacun.

Au fil des années, la forte personnalité et l'immense ego de Victor se sont confrontés à deux autres piliers de l'Institut : Ange Barrabil et Donatien Elpida. L'inimitié entre les trois hommes fut forte, et Victor dut démissionner dans un excès de fierté après avoir frappé le Docteur Elpida et avoir été menacé par le Docteur Barrabil, alors directeur, d'être renvoyé. Mais ces années furent également prospères pour lui, qui élabora sa prothèse d'oeil bionique grâce à l'aide de ses deux nouvelles muses : Amalia, qui devint son assistante lors de sa démission, et Katerina, que Victor entreprit d'éduquer sur les arts de la médecine et de la haute société. Lorsque la révolution éclata, le marquis sauva de justesse ses recherches avant que l'incendie ne les brûle. Il conclut que l'Institut avait irrémédiablement sombré dans la décadence, et qu'il devait le reprendre en main pour le forger à son image. Ainsi, il fonda l'Institut Graham.