Le spectacle dont la vedette avait été sa camarade de cellule eut causé tellement de dommages et de retournements de situation qu'on en fut venu à la question de la libération de W05. Elle avait eu le temps de purger sa peine pendant plusieurs mois, et elle était de nouveau libre. Si on acceptait que la définition de liberté était :"S'occuper d'un bébé qu'on n'a jamais vu et passer de patiente à concierge".
Le nouveau Directeur, qui n'était autre que sa friandise Barrabil, avait décidé avec l'accord d'elle-ne-savait-qui de la faire sortir de sa prison. Elle qui voulait de nouveau sa liberté, voir un peu sa fille, elle était servie. Son enfant de quelques mois n'était plus sous la responsabilité des infirmières mais sous la sienne, l'ancienne W05 désormais concierge qui n'y connaissait rien en bébé. On lui avait refourgué quelques bouquins sur le sujet et on lui avait donné quelques cours pour éviter la mort prématurée d'un nourrisson, mais sans rien de plus. Enfin, si : une chambre dans le Bâtiment.
Son bébé dans les bras, logé contre sa poitrine, elle passa la porte et découvrit la pièce qui allait devenir son nouveau terrain de chasse. Sa nouvelle demeure. Avec, au centre, un lit pour enfant et sur les commodes, des affaires pour la petite. Petite qui n'avait pas gémi une seule fois alors que ce devait être sa spécialité selon ses anciens responsables.
Elle ferma lentement la porte et observa son bébé. W05 ne savait pas comment aborder cette nouvelle dans sa vie, mais elle se sentait tout de même prête à endosser le rôle de mère. Elle aurait besoin d'aide pour lui apprendre à parler puisqu'elle ne savait pas elle-même, mais pour le reste elle pourrait probablement s'en charger seule.
Elle la déposa dans son nouveau lit puis vérifia que toutes ses affaires étaient bien dans cette chambre. Ses vêtements, ses effets personnels - ses capotes et pilules qui devraient désormais lui servir - tout y était. Il y avait peu de place, mais c'était suffisant. W05 n'avait pas besoin d'un grand espace pour vivre.
Elle ouvrit la fenêtre pour aérer et s'allongea dans son lit pour y tester le matelas. Il était moins confortable que celui dans son ancienne chambre, mais elle s'en contentera.
Elle se leva ensuite et réfléchit à sa situation toute neuve. Elle n'était plus patiente : elle était concierge. C'était elle qui avait les clés de toutes les chambres, de toutes les pièces, c'était la gardienne de l'Institut.
Et elle se sentait de nouveau confiante envers lui. Elle savait que cette punition était nécessaire : après tout, elle avait accouché, ce qui n'aurait jamais du se produire. Mais l'Institut lui faisait de nouveau confiance, et elle se sentait revigorée.
Elle s'approcha du bambin qui commençait à babiller. Elle se mit à imiter les moues qu'elle faisait et se dit qu'elle n'avait toujours pas de nom.
Alors elle prit un bout de papier et scotcha le prénom de sa petite fille sur son landau :