Victor avait chargé Amalia de trouver une place à l’écossais (le plus jeune) dans son nouveau clan. Heureusement pour ce dernier, le mariage avait demandé trop de temps à tout le monde pour que Nevrabriel n’ait une conversation avec Reano à ce propos. Il ne la connaissait pas plus que ça mais n’en avait que des mauvais souvenirs du temps de l’Institut Espoir. Enfin des souvenirs … Il voyait surtout les personnes qu’elle emmenait à l’infirmerie, autrement, son appréhension était basée sur des rumeurs. Mais s’il devait se fier aux rumeurs alors il n’aurait jamais parlé à Ophelia de sa vie … Alors, peut-être devrait-il lui laisser une chance ?
Cette idée quitta instantanément son esprit lorsqu’il se remémora l’affection de la brune pour Eiza…Eizi… Bon, la maîtresse de Graham. Si Reano avait la même personnalité que cette femme, la tension serait palpable pour cette entrevue.
Enfin bon … Il verrait bien.

La brune lui avait donné rendez-vous dans une pièce pour être tranquille. Cela ressemblait beaucoup à un entretien d’embauche … et vu que Nevrabriel était à l’Institut depuis ses 14 ans, il était certain qu’il n’en avait jamais passé de sa vie. Mais le jeune homme était plutôt confiant, il n’était pas empoté et beaucoup moins maladroit que dans sa jeunesse, le seul problème était son physique … Non pas qu’il soit disgracieux ou dépourvu de force, bien au contraire, mais c’était justement par ses presque deux mètres et sa corpulence qu’il sentait qu’il serait destiné à la milice, limite garde du corps, et ça, il n’en avait clairement pas envie. Les armes à feu très peu pour lui. Surtout que la plupart des miliciens étaient un ramassis d’anciens surveillants brutaux qui avaient besoin de se sentir puissant avec un joue-joue entre les mains. Heureusement ils n’étaient pas tous comme ça, mais les journées allaient être très longues pour le roux s’il devait côtoyer ce genre d’individus.

Nevrabriel espérait que cette entrevue lui permettrait d’avoir plusieurs choix possibles et non simplement entendre Reano lui assigner un poste sans pouvoir dire un seul mot.

Ses cheveux étaient attachés en queux de cheval, beaucoup plus simple que lors de son mariage, laissant voir l’intégralité de son visage. Le roux se disait souvent qu’il devrait les faire couper, mais n’avait pas confiance aux mains des personnes résident dans ce clan. Les petites filles aimaient beaucoup jouer avec, au moins ça faisait des heureuses … Ses yeux vairons mis en évidence étaient encadrés par de longs cils bien trop souvent dissimulés sous des mèches de la même couleur, un nez fin et gracieux hérité de sa génitrice, une mâchoire ferme hérité cette fois de son géniteur, le tout harmonisé par des traits à la fois fin et ferme offrant à Nevrabriel un air légèrement plus vieux qu’il ne l’était en vérité.
Sa tenue n’était pas bien chaude et bien moins élégante que son visage, mais il arrivait tout de même à être présentable malgré tout. L’écossais portait un t-shirt grisâtre qui laissait ses bras formés en évidence, un jean un peu usé à force de lessive et sous son bras sa veste qu’il avait retiré en entrant dans le bâtiment.
Le jeune homme se rendait bien compte qu’il vieillissait plutôt bien physiquement et dégageait beaucoup plus d’assurance que lorsqu’il était adolescent, ce qui l’avait surement aidé à être là où il était aujourd’hui. Pas sûr que Katerina se serait retournée sur le gamin qu’il était il y a deux ans. Pas sûr non plus qu’il serait venu demander la main de Katerina à Graham. Pas sûr qu’il se serait déclaré tout court. C’était une certitude, sans tous ces bouleversements, il n’en serait pas là aujourd’hui …
Reano voudra surement jouer avec ses nerfs, mais il était parait à tout à présent (sauf à son œil de la mort).

Si Donatien avait été un piètre père adoptif, il avait au moins appris à Nevrabriel la rigueur et la ponctualité. Surtout la ponctualité. Si Donatien haïssait bien quelque chose c’était le retard … derrière la saleté. Ainsi, le jeune homme toqua à la porte du lieu de rendez-vous et attendit d’être invité à entrer pour se présenter.

Reano ouvrit la porte et Nevrabriel baissa la tête. Il ne la pensait pas si … petite. De loin, puisqu’il l’avait toujours côtoyé de loin, de très loin même, il pensait qu’elle était plus grande que cela, au moins la taille de Katerina. Surement la vision des talons lui donnait cette allure longiligne qu’il a vue en mirage.

_Je t'en prie.

Pas d’insultes ? Pas de crachas à la figure ? Pas de sous-entendus désobligeants ? Intéressant. Elle était bien plus gracile que sa camarade à la langue de serpent. Nevrabriel a toujours cru que de toutes les vipères du monde, Reano serait la plus détestable. Peut-être l’était-elle à l’intérieur ? Il devait se méfier. Ce qui était de l’extérieur, seul un imbécile pouvait nier un certain charme à cette jeune femme.
Le jeune homme ne se fit pas prier une seconde fois et entra dans la pièce, se mettant devant l’assise en face de celle de la maitresse des lieux. L’écossais n’était pas noble mais n’a pas été élever chez les sauvages, surtout que feu sa grand-mère était une dame distinguée qui a su élever une fille tout aussi distinguée, n’a pu élever ses petits-enfants autrement. Alors, il n’assit que lorsque la brune eut les fesses sur sa propre assise, gardant sa veste sur ses cuisses.

_Que faisais-tu au Bunker ?

Elle ne tournait pas autour du pot. Nevrabriel ne savait pas s’il devait apprécier tant de franchise ou trouver que cela ressemblait bien trop à son protecteur qu’était le tyran de ce clan. Pour le moment il se laissa le loisir de ne pas laisser cette réflexion lui faire perdre le fil de ses pensées.

Le jeune homme réfléchit un instant. Il avait fait énormément de choses. En fait il dormait si peu là-bas tant il était actif, il n’était pas étonnant que son corps se soit développé avec autant de travail. Entre les rondes, les allers-retours pour prendre de l’eau au lac, le puit, les champs, les réunions, … Leur but, du moins celui de Donatien et donc le sien par extension, était d’être indépendant de l’île, il fallait trouver des solutions pour ne manquer de rien et rester enfermé, il était même prévu de créer quelque chose pour accéder aux falaises sans danger afin de pécher.
Des idées tombées à l’eau. Il savait par Aeden que le projet était abandonné dans l’ancien médecin n’arrivait plus à rien depuis le départ de Lucy.

Ne voulant pas laisser la brune s’impatienter, il finit par dire, la voix monocorde, allant parfaitement avec son visage impassible :

_Principalement de la construction et de l’aide pour les diverses tâches.

Nevrabriel éviterait de parler de ces heures à « conseiller » Donatien pour rendre la vie au bunker plus agréable pour tout le monde, surtout en voyant comment il avait lamentablement échoué vu comment cette histoire de Famille avait terminé.
L’écossais savait qu’il devait appuyer le fait qu’il était manuel pour éviter de se retrouver chez les miliciens, mais prendre Reano pour une imbécile serait se discréditer également. Cette jeune femme était maline, autrement elle n’en serait pas là aujourd’hui. Mais il ne la connaissait pas assez bien pour appuyer sur les bonnes touches. Il conclut simplement, allant également droit tau but :

_ Des activités manuelles, en somme.

_Des activités manuelles, en somme.

Le jeune homme resta de marbre, examinant le visage de son interlocutrice pour essayer de déterminer le fond de sa pensée. Il était loin d’être un profiler mais il arrivait à percevoir ce que les gens voulaient bien lui montrer et Reano arqua un sourcil.
Etait-ce une façade pour le déstabiliser ? Lui faire croire qu’il avait dit une mauvaise réponse ? En aucun cas alors l’écossais resta impassible. Il n’avait pas menti après tout.
La demoiselle posa les coudes sur la table et son menton sur le dos de sa main.
Le regard de l’écossais alla se perdre sur le fameux coude de la brune avant de lentement remonter à son regard et finalement sur les mèches de cheveux allant chatouiller le front de cette dernière. Le jeune homme aimait beaucoup celle couleur, un noir aux reflets bleutés. Ça lui rappelait …

_Il me semblait pourtant que tu étais le second d'Elpida.

Le regard du jeune homme retourna directement sur le regard de son interlocutrice.
Etait-ce à préciser ? Nevrabriel ne voulait pas s’attarder en paroles inutiles et de toute façon trop parler était soit pour noyer les informations importantes soit donner trop d’informations importantes. Dans tout les cas, ça ne lui ressemblait plus de s’attarder en baliverne, à part lorsqu’il voulait taquiner ou s'exprimer intimant.
Même s’il ne pouvait nier que le sourire de la brune était presque une invitation à s’amuser oralement, il ne voulait pas s’y perdre.

_Je vais aussi te demander de détailler ce que tu entends par "activités manuelles". Ce sera plus simple pour savoir ce que tu pourrais faire.

Le jeune homme eut un sourire amusé malgré lui.
Reano était dotée d’une provocation singulièrement charmante qui l’aurait fait fuir à une époque, mais qu’il trouvait intéressante aujourd’hui. Telle une panthère noire dans une forêt tropicale, elle était fascinante mais très dangereuse. Heureusement pour lui, il n’avait aucunement l’intention de se mettre dans la ligne de mire du bras droit de ce territoire, même s’il avait déjà reçu le venin de la catin du chef de ce même clan…
Il ne fallait pas jouer avec les panthères, alors, l’écossais ravala son sourire pour reprendre son masque imperméable. Jouer avec un une harpie c’était déjà de trop.
Le jeune homme regarda finalement la fenêtre derrière la jeune italienne, réfléchissant à ses paroles, profitant de cela pour se redresser légèrement, se mette droit lui permettait de mieux respirer, cela dégageait sa cage thoracique et donc ses poumons. Il était important de bien respirer.

_J’ai construit un puits au bunker. On se penchait également sur une structure pour attraper des poissons en partant de la falaise, ou du moins y accéder pour pêcher.

Ayant peu de main d’œuvre, les tâches n’allaient pas très vite, le puits à prit des mois. Beryl a aidé, évidemment, mais il était surtout là pour apporter les soins à Lucy et Béatrice, aidant également au ménage et aux champs, il était plus important de se nourrir que d’avoir de l’eau à coté en sachant que Nevrabriel allait au lac une à deux fois par jours. Le jeune homme pourrait parler du fait qu’il avait retapé la bâtisse du port, mais c’était compromettre le secret de Lucy et ce secret était plus important que le fait qu’il évite de se retrouver dans la milice. Il pouvait également se vanter de savoir sculpter des babioles en bois tels que les bijoux qu'il a offert à Katerina et Lucy, mais la vantardise ne faisait pas partie de ses défauts.
L’écossais réfléchit tout de même à quoi exprimer pour éviter de faire partie de la milice. Quitte à choisir, autant être paysan que soldat. Son regard d'or et de saphir retourna vers ceux également bicolore de la jeune femme.

_Le but de Donatien Elpida était que le bunker devienne autosuffisant et condamner la porte. Etant son second, j’étais chargé de trouver ces solutions d’autosuffisances et d’y aboutir.

Donatien qui voulait faire un puits avec des branches… Heureusement que ce n’était pas lui qui était en charge de la construction, ils en seraient encore à se demander comment stocker l’eau.

_Le grillage étant assez haut et les murs impénétrables, nous n’avions pas de crainte à avoir concernant les autres factions.

Il ne mentait pas, après tout, même si Nevrabriel faisait des rondes jusqu’au levé du jour, ils n’ont jamais essuyé une seule tentative de pillage. Il y avait juste une femme très étrange, une folle qui semblait se laisser mourir de faim et de froid, rousse, qui rodait dans le coin, mais elle n’a jamais causé de soucis alors ils n’ont jamais rien fait. Seulement, le jeune homme espérait que Reano comprenne que Nevrabriel n’avait aucune capacité en temps que milicien. Il n’avait plus vraiment de carte à jouer de toute façon.

_J’aidais également aux champs lorsque le sol n’était pas propice à la construction du fameux puits. Et … je faisais partie des patients en charge de replanter les arbres de la forêt du temps de l’Institut Espoir.

Toute la sainte putain de journée ! Bon sang que ses bras s’en souviennent !