contexte

Le jour de la Grande Division naissent quatre factions : une dictature basée sur les principes de l’Institut qu’on avait connu ; une communauté qui fonctionne sous forme de vote et de code pénal ; un groupe retrouvé piégé dans le bunker ; et une anarchie qui s’est ancrée en pleine Nature. Des tensions, étincelles existants déjà avant la Grande Division et la Révolution, ont fait naître une ambiance de guerre froide entre les factions. L’Institut Espoir n’existe plus, mais cette ambiance survivaliste, à qui l’emportera sur l’autre prend racine.

Il ne reste plus que l’Espoir. +

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AraatanForum RPG Mono no Aware
Timeline : Printemps 2021

InvitéInvité
Ven 28 Déc - 0:35

Premier contact (ft. Agnès) V779

Premier contact

Du gris, du gris, du gris. C'était la seule chose que pouvait actuellement observer Théodore, qui était alors accoudé à la balustrade du navire. Son immense silhouette, qui paraissait comme cassée en deux par sa posture, était la seule chose qui brisait la monotonie du pont du bateau.
Les matelots et les quelques parents qui étaient montés à bord dans le but de voir leur enfant, tous étaient partis se réfugier à l'intérieur, mis en fuite par les nuages noirs qui s'amoncelaient à l'horizon et par la mer qui se mettait à bouillonner, et dont l'écume se fracassait maintenant contre la coque du cargo. Théodore, lui, était resté dehors, contre vents et marées. Ce n'était pas qu'il appréciait particulièrement ce spectacle naturel, ni même qu'il avait un esprit bravache, qui l'aurait poussé à « défier » les éléments ; en réalité, Théodore sentait à peine le vent marin le glacer jusqu'aux os, il voyait à peine les quelques gouttes de pluie sur ses lunettes.

Non, Théodore ne portait pas vraiment d'intérêt au monde qui l'entourait. À ce moment précis, toute sa concentration, ou plutôt toute son attention (« la concentration est le stade le plus élevé de l'attention », ne cessait de répéter son père) était focalisée sur un objet, qu'il tenait entre ses mains gantées. Cet objet, ou plutôt ce livre, mesurait 24 x 4,3 x 17 cm, avait une couverture verte foncée sur laquelle était écrit d'une police austère « grammaire anglaise de l'étudiant », et ses coins écornés lui donnaient l'air d'avoir traversé le temps. À peu de choses près, ce n'était pas si faux : le père de Théodore s'en était lui-même servi dans ses jeunes années, et son fils avait dû fouiller dans les cartons du grenier pour remettre la main dessus.
Le docteur tournait frénétiquement les pages de cet ouvrage, normalement destiné aux étudiants. Ses lèvres, gelées par le vent, articulaient en silence les mots ou les expressions sur lesquels son regard s'attardait, espérant ainsi en retenir quelques-unes, juste avant de débarquer.
S'il avait toujours été un élève très moyen en anglais, il avait perdu, depuis sa terminale, une grande partie de son vocabulaire, conséquence de ses études dans lesquelles cette matière n'était pas -ou plutôt, n'était plus- indispensable. Depuis que son frère lui avait annoncé sa participation aux auditions de l'Institut, Théodore ne se séparait plus de ce livre. Il avait réussi à apprendre en urgence tout le vocabulaire médical et le minimum syndical qui lui avait servi durant ses deux entretiens ; malgré cela, ses lacunes étaient toujours présentes, et il lui faudrait sûrement quelques mois avant de parler sans difficulté cette langue, qui sonnait presque barbare à ses oreilles.
Heureusement, si l'on peut ainsi dire, son accent n'avait pas changé en plus de dix ans : de nul et terriblement français, il était resté nul et terriblement français.

Théodore était donc parfaitement abîmé dans l'étude de ce livre, et ce n'est que lorsqu'une vague beaucoup plus haute que les autres l'éclaboussa en se fracassant contre la balustrade qu'il daigna relever le regard. Ses yeux dorés, qui lui donnaient naturellement un air à la fois perdu et ébahi, se posèrent sur l'île de l'Institut, dont le bateau s'était approché. C'était la deuxième fois qu'il venait ici, mais cette vue lui coupa tout de même le souffle.
Une terre, un caillou inhospitalier sur lequel l'homme avait affirmé sa présence avec des constructions hideuses, cubiques et purement utilitaires. Le reste de l'île avait dû être occupé par des arbres, mais Théodore ne voyait que de la terre nue, dans laquelle des troncs calcinés semblaient avoir été enfoncés indélicatement par un géant malhabile. Brrrr… Et dire que je vais devoir vivre ici…
Théodore secoua la tête, et tout en fermant son livre, il se remit les idées en place. À quoi est-ce-qu'il pouvait bien penser ? Et comment se permettait-il de juger ainsi un endroit, sans y être resté plus de quelques heures ? Et puis, s'il était ici, c'était grâce à son frère, qui avait su décider au mieux pour lui ! Il n'avait pas à se plaindre.

Il patienta donc calmement, un sourire doux aux lèvres, le temps que le bateau soit définitivement amarré au ponton. Il sortit de sa poche un petit papier sur lequel il avait griffonné quelques mots en anglais: « Bonjour, je suis Théodore Saint-Lazare, le nouveau docteur. Enchanté de vous rencontrer. Comment allez-vous ? ». Les bases, oui, mais pour Théodore, c'était déjà beaucoup. Il n'avait pas eu d'informations sur la personne qui devait l'attendre, et il souhaitait faire une bonne première impression.
Il se récita donc mentalement ces quelques mots, jusqu'à se persuader qu'il les connaissait bien par cœur.

Finalement, le bateau s'immobilisa définitivement, et Théodore se dirigea d'un pas bonhomme et plutôt assuré vers le ponton, commençant même à s'engager sur la passerelle, avant d'être frappé d'un éclair de lucidité. Ma valise ! Il claqua ses deux mains sur ses joues, comme l'enfant sur la jaquette de « Maman, j'ai raté l'avion ! », et il rebroussa brusquement chemin, bousculant marins et civils tout en bredouillant des excuses sincèrement désolées.

Lorsqu'il arriva pour de bon sur la jetée, les joues rougies par son sprint, les jambes flageolantes et sa fière assurance dans les chaussettes, Théodore n'en menait pas large. Heureusement pour lui, les parents étaient tous déjà partis en direction de l'Institut et les marins s'affairaient à débarquer les marchandises du bateau : il ne restait donc plus qu'une seule personne susceptible de l'attendre. En quelques enjambées, il fut à son niveau, et c'est pivoine qu'il tendit une main tremblante à son interlocuteur, tout en lâchant un « Saint-Lazarenouveaumédecin. Entanché. Voubien ? » désespéré, et désespérément dénué d'accent british.


HRP:


Dernière édition par Théodore Saint-Lazare le Mer 1 Mai - 12:08, édité 2 fois
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Mademoiselle DessangesNewbie
Sam 29 Déc - 14:32
Agnès trottinait de son petit pas énergique à travers la forêt qui malgré l’hiver promettait de se remettre doucement de l’incendie passé au printemps. Pendant longtemps, elle avait détesté cet endroit qu’elle voyait comme un mauvais présage, mais depuis quelques temps, les frissons qui la parcourait lorsqu’elle passait à cet endroit s’étaient calmés. Cela faisait plus d’un an maintenant que la forêt avait brûlé dans d’étranges circonstances et il ne s’était rien passé de particulier qui puisse ressembler à une punition divine. Elle s’était peut-être trompée. Après tout, l’incendie n’avait sûrement été qu’un malheureux incident comme il en arrive parfois, dramatique sur l’instant, mais dont les conséquences n’étaient finalement pas si abominables. Quoique… Avec les nuages noirs qui s’amoncelaient au-dessus de sa tête, les lieux paraissaient encore plus sinistres que d’ordinaire…
Agnès secoua la tête. Elle se faisait encore des films. Ce n’était qu’un mauvais temps comme il y en avait souvent en cette saison, pas de quoi en faire tout un plat. Le tout serait de se trouver à l’abri si jamais l’orage éclatait, histoire de ne pas se retrouver trempée jusqu’aux os. Heureusement, elle avait eu la présence d’esprit d’attacher la lanière de son parapluie à son sac à main, c’était déjà ça de pris.
Arrivée au lac, elle bifurqua vers les quais, vérifia sa montre et pressa un peu plus le pas. Sa ponctualité laissait un rien à désirer et il était peu enviable qu’elle soit en retard pour l’arrivée du navire. Aujourd’hui, un nouveau médecin arrivait sur l’île et elle n’avait pas l’intention de le laisser attendre, un peu perdu sur le ponton par ce temps-là.
Ce n’était pas son travail normalement d’accueillir les nouveaux employés mais ce n’était pas la première fois qu’elle se chargeait de le faire. Elle aimait bien, ça lui permettait de nouer des liens rapidement avec les gens. Dans le cadre de son métier, c’était une bonne chose car les médecins avaient souvent à faire avec elle, étant la secrétaire du médecin en chef, sans compter qu’elle avait de meilleurs retours sur son accueil que madame Dubois. C’était assez flatteur. Mais pour être parfaitement honnête, elle avait une autre raison de s’être proposée aujourd’hui. Le bateau, en plus de ses passagers, ramener du ravitaillement et autres commandes de l’Institut et de ses membres, or Agnès attendait avec impatience un colis…
Lorsqu’elle déboucha sur les quais, elle remarqua avec soulagement que le navire terminait ses manœuvres d’amarrages. Elle n’était donc pas en retard. Elle se posta sur le côté, attendant la fin du processus et l’ouverture des portes. Un flot de personnes, peu nombreuses mais compactées comme un troupeau de bovins, fut relâché par l’embarcation et aussitôt emmené par deux surveillants vers le bâtiment où ils pouvaient rencontrer leur progéniture tandis qu’elle saluait de la main un collègue de retour de week-end. Ils échangèrent quelques mots de politesse avant qu’il ne regagne ses quartiers pour défaire sa valise. Alors que les marins commençaient à décharger leurs marchandises, Agnès leur indiqua qu’elle attendait un carton important et qu’elle leur saurait gré de bien vouloir le lui donner directement plutôt que de les livrer aux entrepôts. Puis elle chercha des yeux la personne qu’elle était venue chercher. Théodore Saint-Lazare, médecin pédiatre. Elle n’avait plus tout à fait son visage en tête – de toute façon les photos d’identité étaient rarement représentatives – mais elle ne voyait personne nulle part. Elle s’inquiéta un instant de l’avoir raté. Il était peut-être passé avec le groupe de parents sans qu’elle ne s’en aperçoive ou tandis qu’elle parlait avec le marin ? Oh, la peste soit de son impatience pour ce carton ! Pourtant, une silhouette ne tarda pas à se détacher de la coque du navire, se précipitant vers elle une valise à la main. Elle saisit la main qu’il lui tendait, un peu surprise.

- Saint-Lazarenouveaumédecin. Entanché. Voubien ?

Elle cligna trois fois des yeux dans l’incompréhension. Puis, l’illumination se fit et elle ne put s’en empêcher. Elle éclata de rire.

- Enchantée, docteur Saint-Lazare. Je suis Agnès Dessanges, la secrétaire de Donatien Elpida.


Elle avait pris le parti de lui répondre dans sa langue maternelle. Cet accent, cette façon un peu maladroite de parler l’anglais, ça ne faisait aucun doute : il était français. Elle le savait, elle avait le même lorsqu’elle était arrivée.

- La traversée s’est bien passée ?
Mademoiselle Dessanges
Image : Premier contact (ft. Agnès) KecgFiche personnage : [url=]fiche personnage[/url]Espace personnel : [url=]espace personnel[/url]Groupe : Les Électrons LibresDate d'arrivée à l'Institut : 04/01/2015Age : 34
InvitéInvité
Sam 29 Déc - 19:05

Premier contact (ft. Agnès) V779

Premier contact

Oh, Seigneur. Il voulait s'enterrer six pieds sous terre, immédiatement. La femme qui lui faisait face avait l'air plus que perplexe, et il y avait de quoi. Un médecin, même pas capable de se présenter intelligiblement…
Sa timidité avait toujours été très grande, surtout en présence d'inconnus, et lorsqu'il était encore un jeune enfant, il lui arriver même de fondre en pleurs lorsque la pression était trop grande. Cela lui était bien évidemment passé, et il avait simplement remplacé les larmes par un rougissement intempestif, mais aujourd'hui, à ce moment précis, il se sentait capable d'éclater en sanglots si jamais elle lui demandait de répéter sa présentation.
Théodore se surprit à penser qu'il ferait désormais mieux d'écrire toutes ses communications sur un panneau blanc effaçable, puis il se raisonna. Il ne pouvait tout bonnement pas faire cela, ne serait-ce que parce que ç'aurait été très peu professionnel, et très peu pratique !

Soudainement, alors que Théodore hésitait entre la fuite vitesse grand V ou se liquéfier sur place, la dame chargée de l'accueillir -et dont il tenait toujours la main- éclata de rire. Au début décontenancé, il se détendit lorsqu'elle se présenta à son tour, et en français ! Il n'était donc pas seul en terre anglophone !
Un sourire encore hésitant s'accrocha à ses lèvres, et il laissa échapper un soupir de soulagement lorsqu'elle poursuivit, lui demandant comment s'était passé sa traversée. Il s'empressa de lui répondre, d'un ton joyeux et dans la langue de Molière.

« Très bien, merci ! Il n'a pas fait très beau, compléta-t-il en riant, mais venant de Paris, j'ai l'habitude ! »

Dans un coin de sa tête, il entendit une petite voix lui faire la morale. Ce n'était pas en parlant français à la première occasion qu'il progresserait en anglais… Même s'il n'arriva pas tout à fait à la faire taire, conscient que ça n'était pas tout à fait faux, il se réconforta en se disant que l'adaptation des prochains jours risquait d'être rude, et qu'il pouvait bien se permettre ce petit luxe, au moins aujourd'hui. À cette pensée, une vague de mélancolie l'envahit. Dire que le matin même, il mangeait encore un croissant, bien gras et bien français… Son mal du pays disparut immédiatement, remplacé de nouveau par la gêne lorsqu'il se rendit compte qu'il tenait encore la main d'Agnès. Il la lâcha précipitamment, s'excusant platement pour son indélicatesse.

« Je suis désolé ! Et encore plus désolé pour mon léger retard, j'ai failli oublier ma valise à bord et je suis retourné la chercher en panique… Il rit doucement, puis continua, avec l'air désabusé de celui qui a l'habitude de ce genre d’événements. Décidément, vous allez me prendre prendre pour un illuminé ! »

Il fut interrompu dans son auto-flagellation par un marin qui s'approcha d'eux, un carton dans les bras. Sans piper mot, il le donna à la secrétaire, et repartit d'un pas rapide. Théodore profita de cet instant pour examiner plus en détail à qui il avait affaire.
Agnès Dessanges était le genre de femme qui plaisait à Théodore. Pas d'un point de vue sexuel, bien sûr, plutôt d'un point de vue clientèle. Elle était sûrement plus jeune que lui, mais elle ressemblait déjà aux mamans qu'il aimait bien accueillir dans son cabinet. Avec son carré brun qui encadrait son visage aux courbes enfantines et ses formes qui lui donnait l'air d'une gentille dame de dessin animé, il la trouvait très agréable à voir. Et puis, elle avait un rire si gentil ! Il la voyait bien dans quelques années, à la tête d'une tribu d'enfants joyeux aux joues aussi rondes qu'elle. En plus, elle était toute petite, ce qui ajoutait à son côté maman gâteau. Théodore était d'ailleurs presque obligé de s'incliner pour pouvoir la regarder dans les yeux.
Qu'est-ce-qu'une dame comme elle est venue faire ici ?

« Une livraison importante ? Si ce n'est pas indiscret, bien sûr... » demanda-t-il alors timidement, regardant le carton. Son père et son frère lui reprochaient toujours de ne pas alimenter les conversations, et il n'avait pas envie de paraître ennuyeux ou malpoli aux yeux d'Agnès. Mais peut-être n'était-ce pas le meilleur moyen de relancer la conversation… Aurait-il dû lui parler de la France ? Lui demander ce qu'ils allaient faire ? Lui demander comment on pouvait repartir d'ici et récupérer son cabinet, son confort et ses habitudes, le tout en évitant la colère de son frère ?


Dernière édition par Théodore Saint-Lazare le Dim 13 Jan - 20:42, édité 1 fois
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Mademoiselle DessangesNewbie
Sam 29 Déc - 22:41
Le visage du nouveau médecin se métamorphosa sous ses yeux. D’un rouge pivoine d’embarras, il afficha un petit sourire timide qui attira immédiatement sa sympathie. Agnès décida aussitôt que cet homme un peu trop grand et fin lui plaisait.

- Très bien, merci ! Il n'a pas fait très beau, compléta-t-il en riant, mais venant de Paris, j'ai l'habitude !


Agnès rit avec lui de bon cœur. S’il savait ! Elle, elle venait du Nord alors les clichés sur la météo. En tout cas, il avait l’air soulagé de constater que quelqu’un parlait sa langue maternelle sur l’île alors elle se félicita d’avoir fait le choix du français pour communiquer. Elle l’observa un instant, détaillant un peu son visage. Il avait l’air foncièrement gentil, presque naïf, comme si l’âme qui habitait ce corps était encore toute jeune. Même les épaisses lunettes derrière lequel se cachaient un regard ambré n’arrivaient pas à le masquer. Son sourire se fit plus pensif. Une personne pareille était certainement une aubaine pour l’Institut mais l’Institut était-il une aubaine pour lui ? Survivrait-il longtemps au climat qui régnait ici ?
Ce ne fut que lorsque la main du médecin disparut de la sienne qu’elle s’aperçut qu’elle l’avait gardé tout ce temps. Ses joues rosirent un peu.

- Je suis désolé ! Et encore plus désolé pour mon léger retard, j'ai failli oublier ma valise à bord et je suis retourné la chercher en panique… Décidément, vous allez me prendre pour un illuminé !

La secrétaire rit et secoua négativement la tête.

- Non, non, pas de souci vraiment ! Ca arrive à tout le monde ! Répondit-elle en réceptionnant le carton qu’un marin lui amenait.

Enfin ! Il était arrivé ! Un immense sourire se peignit sur son visage, heureuse comme une enfant à Noël. Elle eut à peine le temps de le remercier qu’il s’en allait déjà, ayant probablement encore beaucoup à faire. Elle cala le carton contre sa hanche, se libéra une main pour fouiller dans son sac. Elle avait prévu une paire de ciseaux pour faire un sort au scotch qui l’empêchait d’accéder à son contenu, c’était dire son impatience !

- Une livraison importante ? Si ce n'est pas indiscret, bien sûr...
- Oh ? Euh…

Agnès eut un rire qui ressemblait à un gloussement, un peu gênée. Importante ? Pas pour l’Institut. Mais pour elle il était temps qu’elle arrive, elle commençait à être en manque. Elle planta les ciseaux dans l’interstice des deux battants de carton ondulé et le pencha en direction du docteur Saint-Lazare, lui dévoilant un intérieur tapissé de paquets de bonbons et autres sucreries. Elle passa une main dans son cou, un rien embarrassée. Elle allait déjà être cataloguée.

- Je… C’est pour les enfants, ils aiment bien avoir leur petit caramel quand ils viennent dans mon bureau.

Oh la demi-vérité. Elle faisait une bien piètre menteuse. Et puis… Elle jeta un regard à un paquet qui lui faisait particulièrement envie : des bêtises de Cambrai. Ca faisait une éternité qu’elle n’en avait pas mangé… Bon, tant pis pour les apparences, de toute façon, ses yeux brillants de convoitise ne trompaient personne et Hyppolite s’acharnait à faire un sort à sa réputation. Elle le sortit du carton et le tendit au grand bonhomme qui lui faisait face.

- Ca vous dérangerait de m’aider à l’ouvrir s’il vous plait ? Prenez-en un ça me fera plaisir !

Ah, Agnès, son amour du sucre et sa passion de nourrir les gens ! S’il y avait une chose qui ne changerait jamais, c’était bien ça !
Mademoiselle Dessanges
Image : Premier contact (ft. Agnès) KecgFiche personnage : [url=]fiche personnage[/url]Espace personnel : [url=]espace personnel[/url]Groupe : Les Électrons LibresDate d'arrivée à l'Institut : 04/01/2015Age : 34
InvitéInvité
Dim 30 Déc - 1:53

Premier contact (ft. Agnès) V779

Premier contact

La secrétaire n'hésita que quelques instants avant de répondre à Théodore, mais cela suffit à lui faire regretter ses paroles. Combien de fois sa mère lui avait-elle dit, avec un petit rire entendu, de ne pas se mêler des affaires des filles ? Elles qui étaient si mystérieuses, derrière leur maquillage et leur langage codé… Note, les garçons n'étaient pas loin derrière. Finalement, à peu près tout le monde était mystérieux pour Théodore, mis à part les enfants. Plutôt flippant, quand on y pense.
Oui, tout le monde avait ses secrets, plus ou moins cachés. Et là, il venait de foncer à toute allure dans le jardin secret d'une dame, qu'il ne connaissait que depuis quelques minutes ! Seigneur, qu'il était maladroit.

Pourtant, Agnès finit par lui dévoiler l'intérieur de son carton, avec un petit sourire gêné. Le médecin se détendit de nouveau, sincèrement soulagé de ne pas avoir vexé une personne qu'il estimait déjà beaucoup, et son seul repère sur l'île. Décidément, depuis qu'il était arrivé, c'était les montagnes russes des émotions ! Il baissa son regard, intrigué par le contenu du carton, et ne put s'empêcher de sourire en y voyant une certaine quantité de chocolats et autres douceurs. Ses yeux, désormais emplis d'une lueur malicieuse sans être maligne, retournèrent se poser sur la jeune secrétaire, qui paraissait un peu gênée par l'explication qu'elle lui donnait. Pour les patients… Bah voyons.

Il fit comme si de rien n'était, et, se redressant, il lui dit simplement, d'un ton mi-figue mi-raisin, entre la gentille moquerie et la réelle préoccupation médicale : « J'espère qu'ils se brossent les dents après... »

Alors qu'Agnès baissait de nouveau les yeux dans son carton, Théodore scruta l'horizon derrière elle. De près, la forêt était encore plus terrifiante, mais moins laide que de loin. Il était bien sûr déjà venu, mais ce jour-là, le jour de son deuxième , le soleil brillait et le vent s'était couché, rendant l'île plus… accueillante, si un tel mot pouvait la qualifier.
Il fut ramené à la réalité par la voix d'Agnès, qui était un bonbon en elle-même, et qui lui demandait d'en ouvrir un paquet. Il le saisit délicatement, presque comme un objet précieux, et lut l'inscription qu'il portait : « Bêtises de Cambrai ». Oh. Il n'en avait jamais goûté, et à part dans un album d'Astérix, il n'en avait jamais entendu parler. Quel goût ça peut bien avoir ?..
C'est avec les lèvres pincées, comme un enfant l'aurait fait, qu'il se concentra sur sa tâche et qu'il finit, au bout de plusieurs essais infructueux -il retira d'ailleurs ses gants, agacé par son incapacité à saisir les coins du paquet-, à ouvrir le contenant. Il le leva au dessus de sa tête, et sauta d'un pied sur l'autre, comme s'il célébrait un événement divin.

« Alleluia ! »

Agnès lui avait gentiment proposé d'en prendre un, mais étant poli avant d'être gourmand, il lui tendit le paquet, la laissant piocher à sa guise ; il ne se servit qu'après. Circonspect, il examina la friandise avant de l'enfourner dans sa bouche. Un frisson le parcourut lorsque le sucre entra en contact avec sa langue, ses dents, son palais. Il n'irait pas jusqu'à parler d'une explosion de saveurs, il laissait cela aux émissions de cuisine. Mais tout de même, le bonbon avait un goût incomparable à d'autres. Il remercia la généreuse gourmande d'un hochement de tête, et espéra que son sourire suffirait à lui faire comprendre qu'il était satisfait du goût de la sucrerie.Il avait horreur des gens qui parlaient la bouche pleine, et c'était d'ailleurs une des raisons qui le poussaient à ne pas donner de bonbons à la fin de ses consultations.
Ça, et le fait qu'il considérait cela plutôt dégradant pour l'enfant en lui-même : ce n'était pas un chien que l'on récompensait d'être resté calme ! Mais ça, il se le gardait pour lui. Si d'autres fonctionnaient comme ça… Ils ne tuaient personne, après tout.

Ils restèrent quelques instants silencieux, comme si la dégustation du bonbon était un moment hors du temps, une bulle inatteignable, un endroit rien que pour eux deux. Puis, Théodore frissonna, reprenant conscience de la température ambiante. Il faut savoir que les frissons de Théodore étaient quelque chose de particulièrement fascinant : ils partaient de ses pieds, et se prolongeaient progressivement jusqu'à son cou, le faisant ainsi onduler comme un serpent.
Il remit ses gants, reprit sa valise et indiqua la forêt d'un mouvement du menton, toujours souriant malgré le vent froid.

« Si ça ne vous dérange pas, nous pourrions continuer notre discussion en marchant ? Je ne voudrais pas que vous tombiez malade par ma faute », et cette phrase résumait Théodore. C'était lui qui frissonnait, c'était pour son interlocutrice qu'il s'inquiétait.

Alors qu'ils se mettaient en route, il demanda, curieux et surtout désireux de ne pas laisser de blanc : « Depuis quand cette forêt est-elle ainsi ? C'est si triste quand on arrive, on dirait une île damnée ! »


Dernière édition par Théodore Saint-Lazare le Dim 13 Jan - 20:42, édité 1 fois
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Mademoiselle DessangesNewbie
Ven 4 Jan - 19:30
Evidemment, l’excuse d’Agnès n’avait dupé le docteur. Cette petite lueur dans les yeux, moqueuse mais pas malveillante, en était la preuve. Ce n’était pas de sa faute si elle carburait au sucre ! Néanmoins, il eut la gentillesse de faire comme si de rien n’était avec une remarque banale sur le brossage des dents. La secrétaire ne rebondit pas, consciente que cette phrase n’avait été prononcée que dans le but de la tranquilliser et de sauvegarder… quoi ? Son amour propre ? Enfin, quoi que ce soit, l’homme avait du tact et de la délicatesse. Pour elle qui était sans cesse confrontée aux reproches de Donatien ou aux moqueries d’Hyppolite, c’était agréable. Reposant. Elle le remercia d’un sourire un peu embarrassé.
Elle l’observa batailler un instant avec le paquet avant d’en triompher avec un « alleluia » qu’elle trouva un rien déplacé même si elle n’en fit pas la remarque. Pourtant, si cette scène s’était déroulée quelques années plus tôt, elle aurait certainement bondi en hurlant à la profanation. Il s’était passé tellement de choses depuis… Elle n’appréciait toujours pas ce genre de choses mais désormais, elle avait des préoccupations bien plus importantes qu’un simple blasphème, inoffensif et bien intentionné.
Elle attrapa un bonbon dans le paquet qu’il lui tendait et le débarrassa de son plastique d’un geste qui dénotait l’habitude. Lorsqu’il entra en contact avec sa langue… L’extase. Elle qui avait terminé son dernier paquet de Werthers depuis deux jours – DEUX JOURS ! Deux jours sans sucreries, elle ne savait même pas comment elle avait tenu ! – se délectait de la friandise comme un junkie trop longtemps privé de sa came. A cela près que la sienne était quand même moins nocive. Pas recommandée non plus, mais pas expressément interdite. Elle leva la tête, curieuse de voir si le bonheur était partagé, et ravie de voir qu’il l’était. Ah ! Maintenant qu’elle avait eu sa dose de sucre et le plaisir de la partager avec quelqu’un, elle se sentait toute guillerette ! Elle resta à trépigner un peu sur place avant qu’un étrange frisson ne secoue son camarade.

- Si ça ne vous dérange pas, nous pourrions continuer notre discussion en marchant ? Je ne voudrais pas que vous tombiez malade par ma faute.

Agnès acquiesça et ils se mirent en route, elle, son carton sous le bras, lui, sa valise à la main. Elle ne craignait pas pour sa santé mais le docteur avait l’air de commencer à sincèrement souffrir du froid aussi valait-il mieux se hâter de se mettre au chaud. Sans compter qu’il avait fait preuve d’une telle délicatesse face à son addiction qu’elle se voyait mal ne pas lui rendre la pareille.

- Depuis quand cette forêt est-elle ainsi ? C'est si triste quand on arrive, on dirait une île damnée !

Damnée. C’est exactement le sentiment qui l’avait longtemps envahie lorsqu’elle venait ici. Bien que celui-ci s’atténuait, probablement émoussé par l’habitude, le fait que quelqu’un d’autre pense de même fit ressortir une partie de son malaise. Elle regarda autour d’elle, détaillant la forêt qui se densifiait quelque peu à mesure qu’ils s’éloignaient du port. Si quelques touffes semblaient tenter une résurgence malgré le froid, l’hiver ne laissait apparaître que des racines, certaines encore calcinées, qui n’incitaient pas à s’attarder dans les parages. Heureusement, depuis celui-ci, la portion de forêt à traverser était assez restreinte. Même pas besoin de repasser par le lac, passage obligé quand on venait des lieux alloués aux patients.

- C’est sinistre n’est-ce pas ? Répondit-elle. Elle a brûlé il y a deux ans. Triste histoire.

Elle ne développa pas plus, peu désireuse de revenir sur ces événements flous et désagréables. Le nouveau saurait bien assez tôt de quoi il en retournait. Peut-être pas concernant la forêt proprement dite mais sur le reste. Sur tout le reste. Devait-elle le prévenir ?

- Je me demandais. Qu’est-ce qui pousse un jeune et brillant pédiatre comme vous, installé dans Paris et plébiscité par nombre de parents pour soigner leurs enfants, à venir s’isoler de tout sur une île pareille ?

Puis, réalisant qu'elle était peut-être un peu trop intrusive et que certaines raisons n'ont pas à être partagées, elle ajouta.

- Si ce n'est pas trop indiscret bien sûr !
Mademoiselle Dessanges
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InvitéInvité
Sam 5 Jan - 23:16

Premier contact (ft. Agnès) V779

Premier contact

Deux ans. C'est tout ce qu'il obtint comme information de la secrétaire. Visiblement, elle n'avait pas spécialement envie de s'épancher sur le sujet… Peut-être était-ce la faute d'un patient, et elle ne souhaitait pas le faire fuir en lui racontant à quel point certains patients étaient des fous dangereux? À vrai dire, cette concision subite le dérangeait plus qu'il ne le rassurait ; Agnès, qui paraissait si charmante, si volubile en début de de conversation, voilà qu'elle se cachait, qu'elle fuyait. Ou peut-être qu'elle ne sait pas grand-chose dessus, se morigéna-t-il, honteux de douter de l'honnêteté de sa guide.

Ils poursuivirent leur marche, silencieux. Théodore, bien que glacé par le vent et par le paysage, ne pouvait qu'apprécier le fait d'enfin déambuler sur quelque chose qui ne tanguait pas : même s'il aimait la mer -comme une grande immense de la population, quelle originalité !-, il la préférait en carte postale que déchaînée sous ses pieds. Il se mit à sourire. Il allait retrouver des patients ! Bon, sûrement plus diffici… différents que ceux auxquels il était habitué, mais des patients étaient des patients.

Agnès reprit la parole, brisant le silence entre eux. Théodore n'avait pas trouvé ce silence gênant, pas comme à certains repas de famille, quand ça commençait à parler politique ou gros sous. Le genre de silence où il échangeait un regard en coin avec sa mère, pendant que les « hommes » haussaient le ton. Enfin, les hommes… Son père et son frère et parfois son oncle, quoi. Pas lui. D'ailleurs, juste après le regard en coin, c'était le moment où Paul-Louis lui lançait un vicieux « Et toi, t'en penses quoi ? », qui plongeait Théodore dans des abîmes d'incompréhension et d'incompréhensibilité, surtout qu'il n'avait presque jamais d'avis sur la question, et s'il en avait un, ça n'était pas le bon. Zut alors.

Agnès brisa donc le silence, et Théodore paniqua : peut-être qu'elle avait trouvé ce silence très gênant, elle !
Son interrogation fit le même effet à Théodore qu'une des questions de Paul-Louis. Un pavé dans le ventre, qu'il se devait d'absorber sans un bruit, de peur de ne pas paraître normal, de ne pas paraître très fute-fute. D'abord, pourquoi le complimentait-elle comme ça ? Il ne voulait pas être une réputation, et puis franchement, prescrire des Ventoline et faire des vaccins, ça n'était pas ce qu'on faisait de plus… héroïque. Et puis surtout… Qu'est-ce-qu'il devait répondre ? Que ce n'était pas du tout son souhait, qu'il aurait conservé sans problème son cabinet, sa clientèle et sa vue sur les toits de Paris ? Que c'était pour ainsi dire son frère qui l'avait parachuté ainsi ? Pas très très vendeur tout ça...

Sûrement gênée par son absence de réaction immédiate, la secrétaire s'excusa à demi-mot de sa question : décidément, il ne faisait que la mettre mal à l'aise… Quel mufle tu fais !

Il se rattrapa brusquement : « Non, pas du tout, ça ne me dérange pas ! Je… J'avais envie de me confronter à quelque chose de… nouveau. Quitter le confort de Paris, tout ça… Pédiatre à Paris, est-ce-que c'est vraiment être médecin, hein ?.. » Et dès que ce tissu mêlé de mensonges et d'interrogations mal digérées fila entre ses lèvres, il eut honte de lui mentir ainsi, à elle qui était si gentille avec lui ! Il continua tout aussi précipitamment : « Enfin, c'est surtout ce que pensait mon frère. C'est lui qui m'a… inscrit ici, en quelque sorte. Je n'étais pas au courant, et puis pouf ! Il avait envoyé mon dossier, il a été accepté, j'ai passé les entretiens… »

En y réfléchissant, il faisait passer Paul-Louis pour quelqu'un de mal, alors que pas du tout ! Non non, il lui avait rendu service !

« Mon frère est quelqu'un de formidable, conclut-il pour effacer tout quiproquo. Il s'inquiète beaucoup pour moi alors qu'il est déjà très occupé… Je ne sais pas ce que je serais sans lui ! » Et alors qu'il disait cela, il se tourna vers Agnès avec un sourire aux lèvres si sincère, si convaincu ! Si con tout court, peut-être.

Et alors qu'il s'apprêtait à retourner dans sa rêverie silencieuse, il se rappela qu'elle était gênée par cela. Désireux de la savoir en confiance, il continua timidement, avec l'air flou et instable de celui qui ne sait pas vraiment alimenter une conversation hors de son cabinet et qui a déjà épuisé le sujet "environnement extérieur" : « Et… Sinon… Vous ? Ça fait longtemps que vous êtes ici ? Pareillement, vous auriez pu rester en France… »

Et lui, s'il l'avait pu, se serait molesté après cette minable tentative de communication. Si elle fuyait soudainement, prétextant un oubli ou un rendez-vous urgent, il ne lui en tiendrait pas rigueur : il était si mauvais en relations...
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Mademoiselle DessangesNewbie
Mar 22 Jan - 18:51
A peine eut-elle posé sa question qu’Agnès s’en voulut de l’avoir fait. Le docteur Saint-Lazare avait l’air assez embarrassé alors que ce n’était pas son but loin de là ! Elle, elle avait juste voulu le mettre à l’aise, papoter un peu pour faire connaissance mais elle oubliait toujours que ses bavardages incessants pouvaient ne pas être du goût des autres. Cependant, elle n’eut pas le temps de rattraper sa bévue que le médecin se précipitait un peu pour lui répondre.

- Non, pas du tout, ça ne me dérange pas ! Je… J'avais envie de me confronter à quelque chose de… nouveau. Quitter le confort de Paris, tout ça… Pédiatre à Paris, est-ce-que c'est vraiment être médecin, hein ?...


Agnès pencha la tête sur le côté, intriguée. Bien sûr que c’était être médecin ! Les enfants étaient des patients comme les autres, si ce n’était plus difficiles justement. Il fallait réussir à leur faire dire précisément où ils avaient mal, et comment, les mettre en confiance, gérer les parents… Ca ne devait pas être de tout repos.

- Enfin, c'est surtout ce que pensait mon frère. C'est lui qui m'a… inscrit ici, en quelque sorte. Je n'étais pas au courant, et puis pouf ! Il avait envoyé mon dossier, il a été accepté, j'ai passé les entretiens…

Cette fois, elle fronça légèrement les sourcils. Ce n’était pas son choix donc. Celui de sa famille. Agnès réprima un soupir. Elle connaissait bien ce genre de situation elle-même. Certaines familles s’immisçaient de façon beaucoup trop intime dans la vie de leurs membres. Elle imaginait bien la figure paternelle autoritaire, façon patriarche arriérée qui dictait les faits et gestes de chacun, à moins que ce ne soit la mère – dans sa famille à elle c’était clairement la mère – et le frère qui prenait le même chemin. Juste à l’éclairage de cette simple discussion et à celui de son expérience, elle était prête à parier que la vie du docteur Saint-Lazare avait toujours été régentée par quelqu’un d’autre que lui-même. Si elle osait, elle pourrait même penser qu’il n’avait pas de compagne à cause de cela, ou alors qu’elle avait été choisie pour lui. Déprimant.

- Mon frère est quelqu'un de formidable. Il s'inquiète beaucoup pour moi alors qu'il est déjà très occupé… Je ne sais pas ce que je serais sans lui !

Plus libre ? Enfin, la secrétaire se contenta de lui offrir un sourire de façade agrémenté d’un « certes » qui sonnait sûrement peu convaincu malgré sa bonne volonté. Après tout, qui était-elle pour juger ? Ce n’était pas parce qu’elle-même, au fur et à mesure de l’éloignement provoqué par son travail, elle avait réalisé que sa famille était toxique qu’elle pouvait se permettre de juger celles des autres. Surtout si elle ne les connaissait pas. Et puis, même si elle avait raison, ce n’était pas à elle de lui faire réaliser cela. D’une part, la révélation n’était efficace que si elle était faite par le concerné lui-même, et d’autre part, ils ne se connaissaient pas assez pour qu’elle se permette de porter des jugements de valeur de la sorte.
Le silence se réinstalla provisoirement, laissant Agnès un peu pensive. Vu sa réaction à sa tentative de discuter, elle s’attendait à passer le reste du trajet sans prononcer un mot, aussi fut-elle surprise qu’il reprenne de lui-même. Devant son timbre de voix intimidé, elle lui offrit un sourire d’encouragement.

- Et… Sinon… Vous ? Ça fait longtemps que vous êtes ici ? Pareillement, vous auriez pu rester en France…
- Et bien ça fait…

Elle leva les yeux brièvement, petit tic à elle lorsqu’elle réfléchissait.

- Presque 4 ans maintenant. Oui c’est ça, 4 ans tout juste en fait. Je… J’avais besoin d’un emploi et c’est l’occasion qui s’est présentée tout simplement.


Elle se rappelait encore de la conseillère pôle emploi qui l’avait plus ou moins jetée comme une malpropre ce jour-là. « Pas d’expérience et pas de diplômes ? A part femme de ménage, je vois pas grand-chose et tous les postes sont pris. Revenez plus tard peut-être ». Son indignation, son découragement un peu aussi mais surtout sa volonté de prouver qu’elle n’était pas une bonne à rien quand elle avait saisi ce flyers à l’entrée « recherche secrétaire pour l’Institut Espoir ».

- Et puis, ce poste, c’était pouvoir faire quelque chose d’utile, avoir des contacts avec des enfants qui ont besoin… C’est pour eux que je suis là.


Ils avaient besoin d’elle autant qu’elle avait besoin d’eux, tout simplement. Et puis elle s’était fait des relations solides. Hyppolite, Nevrabriel, Katerina… Même si elle envisageait parfois de donner sa démission, elle savait bien que s’en aller reviendrait à s’arracher à mains nues une partie de son âme.

- Et puis, à l’époque, j’avais besoin de prendre un peu de distance avec tout ce que je connaissais déjà. D’une certaine manière, ça m’a fait du bien de venir ici.

Ca l’avait fait grandir et changer. Comme tout le monde, elle imaginait. Cette île marquait d’une façon indélébile ceux qui y posaient les pieds. Elle observa le docteur Saint-Lazare à la dérobée. Comment est-ce que l’île le changerait lui ? Comment toute la bonté et la candeur qui émanaient de lui supporteraient cet endroit ? Quelques temps plus tôt, elle n’aurait pas hésité. Elle l’aurait mis en garde. Elle l’avait bien fait pour Jimin Lee. Mais quelque chose avait changé. Un elle-ne-savait quoi qui lui faisait s’interroger sur le bien-fondé de ses morales. Mon Dieu. Est-ce que l’Institut commençait à déteindre sur elle ?
Troublée, elle enfonça son menton dans sa grosse écharpe. De toute façon, lui dire le ferait certainement fuir, or, les patients avaient besoin de quelqu’un comme lui. Ils avaient à faire à trop de médecins sans cœurs. Mais…

- Vous savez, la plupart des enfants ici auront besoin de beaucoup de patience et de compréhension. C’est assez dur pour eux de… Faire confiance. En particulier au personnel soignant.
Mademoiselle Dessanges
Image : Premier contact (ft. Agnès) KecgFiche personnage : [url=]fiche personnage[/url]Espace personnel : [url=]espace personnel[/url]Groupe : Les Électrons LibresDate d'arrivée à l'Institut : 04/01/2015Age : 34
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Sam 2 Fév - 20:43

Premier contact (ft. Agnès) V779

Premier contact

Théodore détourna le regard, espérant de tout son petit cœur tout mou que la secrétaire ne lui en voudrait pas de lui avoir posé une question si bateau… Quoique, à ce niveau-là, c'était carrément une question cargo, mais passons.

Heureusement, son interlocutrice eut la délicatesse d'ignorer cela. Les yeux fixés sur ses pieds, le blond écoutait avec attention Agnès, la laissant parler sans trop intervenir. Il nota qu'elle avait une voix agréable à écouter, une voix dont les inflexions étaient faciles à identifier. Depuis le temps qu'il fréquentait ses pairs, il avait appris à plus écouter les voix que les paroles, plus honnêtes.
Et ce que disait la musique d'Agnès lui plaisait, résonnait en lui comme un chant jumeau. Elle aussi, avait la foi. Rien à voir avec une question de religion : il constatait simplement qu'elle aussi croyait en le bien, qu'elle semblait connaître l'importance de chercher chaque jour à être la meilleure version de soi-même. Et cela lui plaisait sincèrement, ça le réchauffait en son for intérieur de savoir qu'il y avait, ici, sur cette île désolée et désolante, des gens bien. Des gens dévoués aux autres, comme Agnès avait l'air de l'être, comme il l'était.

« Et puis, à l’époque, j’avais besoin de prendre un peu de distance avec tout ce que je connaissais déjà. D’une certaine manière, ça m’a fait du bien de venir ici. »

Il hocha la tête, pensif. Prendre de la distance avec ce qu'il connaissait… Oui, ç'aurait été difficile d'en prendre plus, effectivement. Ses yeux s'agrandirent légèrement, ce qui indiquait son admiration. Elle avait réussi à tirer du bénéfice de cet éloignement ; non, de cet isolement ! Même avec toute la bonne volonté dont il était capable, même avec tout le courage dont il essayait de se munir, il appréhendait le fait de commencer à vivre ici. Un contexte si nouveau, si différent…

Un ange -ou peut-être était-ce un démon ?- passa. Théodore sentit une petite goutte froide apparaître au bout de son nez, et il l'enleva d'un geste de la main. Seigneur, ce qu'il faisait froid !

Agnès reprit la parole, presque timidement.

« Vous savez, la plupart des enfants ici auront besoin de beaucoup de patience et de compréhension. C’est assez dur pour eux de… Faire confiance. En particulier au personnel soignant. »

De nouveau, Théodore hocha la tête, compréhensif. Mais cette fois-ci, il souriait. Il savait à quel point son métier était un métier de patience, de petits mots qui font les grandes solutions, de petites réussites qui font les grandes joies. Il savait à quel point son métier était sensible. Mais il savait aussi à quel point il était préparé, et à quel point il était confiant. C'était peut-être orgueilleux de sa part, de se penser à ce point infaillible ; mais, tout le monde a besoin de sa dose de mégalomanie, et Théodore ne faisait pas exception.

Il ouvrit la bouche, les yeux toujours en train de surveiller là où il posait ses pieds, et attendit qu'une réponse vienne. Il aurait bien répondu qu'il connaissait son métier, mais il avait peur de paraître agressif, méprisant. Alors, la réponse la plus naturel qui lui vint, la plus humble et la plus honnête, fut celle-ci : « Je vais faire de mon mieux. »

Cette phrase, cette simple phrase presque chuchotée, c'était son mantra, sa devise, ses espoirs et sans doute toute son âme condensés en quelques mots, et en un sourire. C'était la seule chose dont il était sûr dans sa vie, la seule chose dont il ne pourrait jamais douter, la seule chose dont même ses parents ne pourraient le détourner : sa volonté de faire au mieux, toujours. Oui, même s'il ne connaissait pas ses jeunes patients, même s'ils devaient avoir chacun trois bras et plusieurs personnalités, il ferait tout ce qu'il pourrait pour qu'ils aillent mieux. Et peut importerait qu'ils soient sur une île loin de tout : lui ferait en sorte d'être proche de tous.

Rebondissant de nouveau sur les paroles de la secrétaire, il se remit à parler.

« Vous avez précisé que cette crainte semblait dirigée envers le personnel médical, et cela peut se comprendre… Comment cela se passe-t-il avec les autres employés de l'Institut, en particulier les enseignants, puisqu'il me semble qu'il y en a sur l'île ? S'agit-il de personnes habituées à travailler en coopération avec les médecins ? Il me paraît évident qu'une bonne communication entre les deux corps de métiers ne peut qu'être souhaitable, si ce n'est pas nécessaire au bon développement des patients... »

Il enfouit de nouveau sa tête dans le col de son manteau, quelque peu mécontent. Il avait été parachuté ici en quatrième vitesse, et le fonctionnement précis de l'Institut lui échappait encore, mais il n'avait pas envie de tout découvrir sur le tas. Il n'aimait guère rester dans le flou. Agnès lui avait été envoyée comme un messager omniscient et peu prompt à s'indigner de son ignorance, et il comptait bien saisir cette occasion pour combler ses lacunes.
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Mademoiselle DessangesNewbie
Mer 13 Fév - 14:22
Le docteur Saint-Lazare se contenta de hocher la tête, silencieusement. Agnès se demandait ce qui se passait dans sa tête à cette annonce mais elle ne put se le figurer. Elle cherchait quelque chose à ajouter mais rien ne lui vint. De toute façon, devait-elle vraiment ajouter quelque chose ?

- Je vais faire de mon mieux.

Agnès acquiesça. De toute façon, personne ne pouvait faire plus. Et si ce n’était pas toujours suffisant, ici, c’était déjà beaucoup. C’était du moins la conviction qu’elle avait, conviction qu’elle n’interrogeait jamais de peur de sombrer.

- Vous avez précisé que cette crainte semblait dirigée envers le personnel médical, et cela peut se comprendre…

Cela peut se comprendre ? Agnès eut malgré elle un léger sourire, le genre de sourire qu’on adresse à un enfant ignorant. Non il ne comprenait pas. Elle ne savait pas ce qu’il s’imaginait mais il était peu probable qu’il effleure la réalité. Elle, elle le savait bien, que la plupart des patients vivaient cet endroit comme un enfer. Elle se retrouvait si souvent avec des enfants dans son bureau à se confier à elle en essayant de se réconforter autour d’un chocolat chaud que ça faisait presque partie de sa routine quotidienne. D’ailleurs, elle aurait dû profiter de son escale au port pour recommander des boissons chaudes, elle allait finir par en être à court à force.

- Comment cela se passe-t-il avec les autres employés de l'Institut, en particulier les enseignants, puisqu'il me semble qu'il y en a sur l'île ? S'agit-il de personnes habituées à travailler en coopération avec les médecins ? Il me paraît évident qu'une bonne communication entre les deux corps de métiers ne peut qu'être souhaitable, si ce n'est pas nécessaire au bon développement des patients...

Elle était tout à fait d’accord avec lui, sauf que dans les faits…

- Eh bien, les professeurs ne sont pas légions, on a beaucoup de mal à recruter dans ce domaine. Et théoriquement, le partage des dossiers fait partie des protocoles mais…


Il était très rare qu’un professeur vienne lui demander de consulter les archives de leurs élèves, et elle passait déjà beaucoup trop de temps à courir partout pour en plus perdre du temps à les relancer encore et encore.

- Je ne vais pas vous mentir, la communication laisse à désirer. Beaucoup de médecins pensent – à raison ou à tort, je vous laisse juger – que leurs priorités sont les soins et la recherche. D’ailleurs, ici, les enfants sont plus considérés comme des patients qu’autre chose.

Elle eut une légère grimace doublée d’un soupir. En réalité, de ce qu’elle en savait, elle avait l’impression que les cours étaient surtout là pour donner le change aux parents et occuper les enfants de façon à ce qu’ils se concentrent sur autre chose que de devenir trop turbulents. Et une fois passés leurs 18 ans et leur équivalent de bac en poche, ils se retrouvaient souvent désoeuvrés, faute d’offre de formation. Et c’était sans compter les rumeurs… Elle ignorait si elles étaient fondées mais les bruits de couloir laissaient entendre que les enseignements étaient très contrôlés. Pas de cours de philosophie ou vraiment très peu pour ne surtout pas leur apprendre à penser par eux-mêmes par exemple. Pour être honnête, elle n’avait pas vraiment cherché à en savoir plus. Elle avait trop peur d’apprendre que c’était vrai.
Au loin, la silhouette du bâtiment administratif commençait à se dessiner. Agnès le lui désigna d’un geste de la main.

- Nous sommes presque arrivés, voilà votre nouvelle maison.

Mademoiselle Dessanges
Image : Premier contact (ft. Agnès) KecgFiche personnage : [url=]fiche personnage[/url]Espace personnel : [url=]espace personnel[/url]Groupe : Les Électrons LibresDate d'arrivée à l'Institut : 04/01/2015Age : 34
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Dim 17 Fév - 14:08

Premier contact (ft. Agnès) V779

Premier contact

Il retint un claquement de langue. Il lui arrivait rarement d'être agacé, et quand il l'était, il n'aimait pas le montrer. Surtout lorsqu'il s'agissait d'un ennui professionnel. Théodore n'aimait que l'on puisse savoir que tout ne se passait pas toujours comme prévu dans son métier. Et surtout, il avait horreur des victimes innocentes -bien que le concept de victimes coupables restait à prouver-, et Agnès, la douce Agnès comme il l'appelait déjà, n'était en rien la cause de son mécontentement, simplement une messagère. Elle n'avait donc pas à en faire les frais. Il expira, espérant chasser cette humeur ; peine perdue. Agnès, poursuivant ses explications, continuait d'attiser cette toute petite flamme qui brûlait dans le cœur du médecin et qui s'appelait Injustice. Celle qu'il avait toujours faite taire, sauf lorsque cela concernait ses patients.

D'ailleurs, lorsqu'elle fit la différence entre « patients » et « enfants », Théodore eut un coup au cœur. Il connaissait cette différence. Lui-même la faisait ; mais, d'après le ton d'Agnès, ça n'était pas exactement la même façon de le faire. Plutôt la même façon qu'avait son père d'appeler ses patients ses « clients ».

« C'est… regrettable. » dit-il simplement, sentant le réconfort que lui avait apporté Agnès fondre comme neige au soleil, pour de nouveau, faire place au doute. Où avait-il mis les pieds ? À quoi pouvaient bien ressembler les médecins de cet institut, qui lui paraissaient déjà fort peu sympathiques ?

La secrétaire soupira, et un silence s'installa de nouveau. Cette fois-ci, le silence fut sombre, pesant, aux antipodes de ce soleil hivernal qui parvint enfin à percer les nuages, jetant un éclairage violent sur le bâtiment vers lequel ils se dirigeaient. Une lumière blanche, crue, sans douceur ni beauté. Une lumière de bloc opératoire. Mais qui allait-on opérer ? Des enfants-patients, ou le cœur de Théodore, si facilement mis à nu ?

Agnès lui désigna l'infrastructure comme sa « future maison », et Théodore ne fit aucun commentaire, se contentant d'acquiescer.
Il la regarda simplement plus attentivement. Trois étages. Des murs nus. Des fenêtres fermées, parfois obstruées par des stores. Une grande allée bordée par des arbres qui semblaient être taillés de façon géométriquement exacte. Non, définitivement, cette habitation ne ressemblait pas à une maison. Il aimait la différence que faisaient les anglophones à ce sujet et, distraitement, il se chuchota à lui-même le refrain de Unsteady, des X Ambassadors : « Dad, I'm alone, 'cause this house don't feel like home... »

Plus ils avançaient, et plus le paysage se modernisait autour d'eux, pas forcément pour le mieux. Le blond avait l'impression de se trouver dans un environnement carcéral de luxe. Le regard curieux de Théodore se baladait désormais un peu partout, essayant de trouver une trace d'humanité dans ce décor vide.

« Qu'avez-vous pensé de cet endroit lorsque vous êtes arrivée ? C'était… différent ? »

Théodore doutait de ses sentiments vis-à-vis de ce lieu. Il voulait être rassuré, mais il ne savait pas de quelle manière. Voulait-il qu'elle le rassure en lui disant qu'elle aussi avait trouvé cet endroit terrifiant, ou qu'elle démente ses impressions en lui assurant que tout était tout à fait normal ?


HRP:
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Mademoiselle DessangesNewbie
Mer 20 Fév - 22:50
- C'est… regrettable.

Agnès ne put qu’acquiescer avec un sourire contrit. Elle était vraiment désolée pour lui. Elle avait l’impression d’avoir été envoyée là comme un oiseau de mauvais augure mais elle n’avait pas le cœur à lui mentir. De toute façon, il ne lui faudrait pas longtemps pour découvrir par lui-même que la situation n’était pas toute rose alors à quoi bon ? Elle le voyait déjà agacé, peut-être même révolté à ce qu’il lui semblait lorsqu’elle avait évoqué les enfants comme patients. Son sourire se fit amer. Ca ne faisait que commencer. Elle nota mentalement de mettre de côté une dose de chocolat chaud pour lui. Quelque chose lui disait que le docteur Saint-Lazare ne tardera pas à en avoir besoin.
Elle l’observa détailler la façade du bâtiment alors qu’ils avançaient. Il avait l’air sombre. Il murmura quelque chose qu’elle ne comprit pas, si ce n’était que c’était de l’anglais, mais elle ne le relança pas. De toute manière, il semblait que ces mots ne lui étaient pas destinés. A la place, elle-même redirigea son regard vers la barre bétonnée qui lui faisait face. Elle essayait de le voir comme si elle le voyait pour la première fois, voulant se mettre à la place du nouvel arrivant.
Tout était à l’image de l’Institut. Blanc. Carré. Sans aucune fioriture. Une construction purement fonctionnelle, sans aucune volonté esthétique. Froid et impersonnel.

- On est loin du style Haussmannien hein ? Finit-elle par commenter.

Est-ce que le style Haussmannien était vraiment mieux que ce style industriel, elle ne savait pas. En tout cas, ce dont elle était certaine, c’était qu’il dégageait plus d’âme. Parfois, les vieilles briques rouges et abîmées de chez elle lui manquaient. Elles avaient au moins quelque chose de réconfortant et d’émouvants derrière leur aspect décrépi. Quelque chose qui avait vécu.

- Qu'avez-vous pensé de cet endroit lorsque vous êtes arrivée ? C'était… différent ?

Elle le regarda quelques instants, cherchant dans son regard ce que voulait vraiment dire cette question. Elle y trouva ce qui ressemblait à un éclat un peu désespéré.

- Et bien, déjà, à l’époque, il y avait la forêt. Ca lui donnait l’air un peu moins… Mort.

C’était ça. Le bon mot. L’endroit n’était pas abandonné, ni en ruine, au contraire, il était même très bien entretenu mais il ne dégageait aucune chaleur. Pas la moindre trace de vie ou d’humanité. A force, elle s’y était habituée. Mais elle comprenait à quel point arriver pour la première fois dans un lieu aussi sinistre et morne pouvait être déprimant.
Elle posa une main sur le bras du docteur Saint-Lazare, se voulant rassurante.

- Ne vous en faites pas, on s’y habitue. Et puis l’intérieur est moins triste. Au moins c’est lumineux. Et puis vous pourrez aménager votre chambre comme bon vous semble, mettre de la couleur, des coussins… Je suis sûre que vous saurez le rendre agréable !

Elle le conduisit à l’intérieur, passant devant deux vigiles qui gardaient la porte sans vraiment les voir. Ils étaient tellement tout le temps là qu’ils faisaient presque partie du décor. Et puis, elle en avait vite eu assez de les saluer pour ne récolter que des têtes de molosses mal léchés. Le couloir là aussi était entièrement blanc, mais la présence de bois réchauffait un peu l’atmosphère. Elle indiqua l’emplacement de son bureau au médecin au cas où il aurait besoin de quelque chose, en profita pour déposer son carton, et l’emmena jusqu’à sa chambre, un étage au-dessus.

- Voilà ! A moins que vous n’ayez besoin de quelque chose, je crois que c’est ici que nos chemins se séparent docteur.

Mais elle ne doutait pas qu’ils se recroiseraient bientôt.
Mademoiselle Dessanges
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Lun 25 Fév - 0:46

Premier contact (ft. Agnès) V779

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Mort.

C'était le mot qui avait franchi les lèvres de la secrétaire, le mot que s'empêchait de penser le médecin. Il n'avait pas le droit de juger ainsi. Cela ne lui servirait pas de le faire, et ce serait sûrement impoli. Alors pourquoi se permettait-elle de dire cela ? N'était-elle pas supposée l'accueillir, au lieu de nourrir sa paranoïa ? Cette entrevue, qui avait pourtant bien commencé, était en train de mal tourner…

La suite du discours d'Agnès lui mit tout de même du baume au cœur. Alors, il avait eu raison de douter de sa première impression ? L'intérieur était confortable, accueillant ? Théodore eut honte d'avoir ainsi jugé l'Institut sur son apparence, lui qui n'aimait pas cette façon de faire. Il regarda la main de la jeune femme, posée délicatement sur son bras, et il sentit son coeur se réchauffer. Il eut l'impression qu'en effectuant ce geste, Agnès résumait tout ce qu'ils avaient pu dire et penser l'un de l'autre depuis qu'ils s'étaient rencontrés : tant qu'elle serait là, lui ne serait pas tout seul. Et cela le réjouit sincèrement, de la plus pure des façons. Il s'était déjà fait une alliée, lui qui, même s'il était entouré, avait toujours vécu plus ou moins seul, en autarcie. Sur le continent, ce n'était presque pas faux de dire que ses patients et les appels de sa mère constituaient ses seules relations, et son seul contact à la réalité.

Enfin arrivés dans le bâtiment, ils y pénétrèrent sous le regard impavide, si ce n'était mauvais, de deux vigiles. Théodore essaya bien de les saluer, désapprouvant mentalement l'impolitesse d'Agnès ; néanmoins, après s'être reçu un regard plus noir encore une fois qu'il leur eut sourit en leur adressant son plus joyeux « good afternoon », ses convictions s'ébranlèrent une fois de plus. Décidément, il n'était guère aisé de savoir comment agir ou réagir, ici.

L'intérieur tapait dans le style hôpital grand luxe, ou hôtel dépouillé, c'était selon. Effectivement, c'était lumineux et blanc, sans cette fois-ci être inquiétant de neutralité. Quelques plantes en pot garnissaient les coins des murs, il entendit des voix discuter dans une pièce, plus loin… On vivait donc bien ici !

Avec toute la prévenance qui la caractérisait -pour Théodore, l'heure n'était plus aux doutes : Agnès était quelqu'un de bien-, elle lui indiqua son bureau, et il fut touché par cette attention. Tout le monde n'en aurait pas fait autant, ses stages hospitaliers le lui avaient malheureusement bien appris.

Lorsqu'elle le conduisit devant sa chambre, Théodore fut étrangement surpris de découvrir ce couloir de portes, semblable à celui d'un internat. Pourtant, cela aurait dû lui paraître logique qu'il n'aurait pas de couloir individuel, vue la structure du bâtiment et la disposition des bureaux à l'étage inférieur ; mais peut-être que ce qui l'avait réellement choqué, c'était de constater l'étrange ressemblance entre cet étage et celui d'un hôpital. Comme si les médecins étaient eux-mêmes internés… Si on avait voulu contrôler leurs allées et venues et savoir exactement où ils allaient le soir, on aurait pas fait autrement. Il se moqua intérieurement de lui-même : cette paranoïa n'avait aucun sens.

Agnès l'interrompit d'ailleurs une nouvelle fois dans ses réflexions, et une fois de plus, Théodore fut gêné de son mutisme. Elle le salua de la plus polie des manières, sans pour autant se départir de toute son humanité, et Théodore lui répondit sur le même ton.

« Je vous remercie infiniment, je crois que j'aurais fait fuir n'importe quel anglophone tout à l'heure... » Il ponctua sa remarque d'un rire timide, puis reprit. « Heureusement que vous étiez là. Je pense que tout est plus ou moins au clair pour la suite, mais je n'hésiterai pas à venir si jamais le doute m'assaille… Ou si jamais je me trouve en hypoglycémie », conclut-il d'une voix qui se voulait malicieuse, mais dont transperçait la certitude que l'humour, ça n'était pas fait pour lui. Vraiment pas.

Lorsque la brune eut tourné les talons, Théodore découvrit son studio, comme l'appelait pompeusement la brochure de l'Institut, et qui était plutôt une sorte de grande chambre étudiante. Mais il faut reconnaître que lorsque l'on fait 1m96 et que l'on est pas fichu de savoir où ranger cet encombrant corps, on se sent rapidement à l'étroit. Théodore eut vite fait de ranger ses affaires, déjà pliées, et c'est fébrile de sa nouvelle rencontre qu'il sortit de quoi écrire à sa mère.
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