Mars 2021

Le soleil se couchait de plus en plus tard à l’approche du printemps. Ils ont réussis à survivre à l’hiver, tous. C’était presque un signe divin pour dire que tout irait bien. Parfois le jeune homme avait du mal à croire en Dieu lorsque ce dernier mettait sur son chemin des être comme la harpie de Graham, ou ce serpent lui-même. Mais il ne pouvait que croire en une force bienveillante pour tous les sauver, eux, sa femme, lui-même.
Katerina aida le jeune homme à faire le kit de soin pour Lucy, mais sa moue face à ce don indiquait à son mari que ce geste était néfaste à leur clan. Nevrabriel faisait toujours mine de ne pas voir que les réserves chutant de l’Institut Graham alarmait sa femme, puisqu’il n’était nullement fidèle à cette horde de serpents, non, il était fidèle à ceux qui avaient une place dans son cœur, l’affection passait avant le clan, et cela sera toujours ainsi.
Le jeune homme s’attacha les cheveux avant de prendre une veste à capuche pour se les camoufler. Il n’était guère le bienvenu dans le territoire des électrons libres, cette irrespectueuse fille aux cheveux roses et ses toutous le lui ont clairement fait comprendre. Mais ce n’était pas un troupeau de fous alliés qui allait l’empêcher d’aller retrouver son amie de toujours.

Nevrabriel fit plus attention que d’habitude à cause du soleil encore bien trop présent. Son gabarit n’aidait nullement au camouflage mais il espérait tout de même que ces idiots le prendraient pour l’un des leur à voir un gars marcher tranquillement sur la plage.
Heureusement pour lui, il n’y eu aucune mauvais rencontre et l’écossais pu toquer tranquillement à la porte de la demeure de Lucy, se demandant s’il aurait du lui prendre un truc à manger même si elle semblait avoir prit un peu de poids dernièrement. Ce qui était une très bonne chose soit dit en passant.

Nevrabriel regarda derrière lui une dernière fois avant que la porte ne s’ouvre sur un petit brin de femme qui semblait très enjouée, aussi enjouée qu’un chaton devant une pelote de laine.

_Bonsoir !

Le jeune homme croisa l’œil unique de Lucy et ne pu repenser au moment où il l’avait surpris avec son jules. Cette pensée donna une légère nausée au roux qu’il réprima silencieusement. C’était plus simple d’accepter les choses qu’on ne voyait pas. L’écossais détourna le regard avant de lâcher de manière presque nonchalante :

_Bonsoir…

Nevrabriel était heureux de voir que son amie allait bien, qu’elle était souriante et semblait pleine de vie, bien plus que lui. Même s’il n’avait plus envie de se jeter du troisième étage de l’Institut, il se sentait assez vide, comme si son chagrin était parti en prenant avec lui ce qui lui restait de foi en l’humanité. Il était devenu neurasthénique depuis sa conversation avec Katerina. Mais il était certain que la joie communicative de Lucy l’aiderait à aller mieux aujourd’hui.

Le jeune homme se permis d’entrer pour laisser Lucy fermer derrière lui et retirer sa capuche. Il lui donna le sac qu’il avait prit pour transporter le précieux matériel.

_Puisque ton existence n’est plus un secret, tu devrais te faire soigner au Village, il y a des médecins là-bas au moins. Tu penses qu’ils refuseront si tu n’en fais pas partie ?

Même s’il était ravi d’être utile à Lucy en lui apportant du matériel, Nevrabriel savait que Jessy et elle faisaient de la médecine de guerre et qu’un professionnel saurait beaucoup mieux gérer son œil, bien qu’elle s’en sortait bien depuis des mois à présent.
Nevrabriel regarda un peu partout, appréciant toujours le fait que Lucy n’est pas refait la déco depuis son départ bien que les affaires de Jessy étaient de plus en plus voyant chaque fois qu’il venait. L’écossais pouvait presque sentir l’odeur de ce morveux se mélanger dans la pièce comme un chat marquant son territoire.

_J’y ai pensé sur le chemin, mais si on te fait des cache-oeil en cuire lavable, tu penses que ça ira ? Il faudra bien trouver une solution lorsqu’il y aura une pénurie de compresses.

Le jeune homme ne se rendit compte que tardivement qu’il avait à peine regardé Lucy et qu’il ne lui avait même pas demandé comment elle allait. Il avait eu l’impression qu’il devait faire vite pour repartir vite, pourtant, il ne voulait pas repartir ? Etait-ce à cause de la dernière fois qu’il avait l’impression d’un malaise lorsqu’il posait un pied à l’intérieur de cette bâtisse ? Il n’a jamais pu demander à son amie si Jessy avait compris leur relation, que si c’était à refaire s’en irait-il à nouveau en la laissant pleurer contre le sol ? Mais d’un autre coté il ne voulait pas parler de Jessy et ne voulait pas non plus entendre la réponse, car si Jessy tournait le dos à Lucy parce qu’elle ne lui était pas acquise, l’écossais ressentirait l’horrible envie de le tuer.
Nevrabriel se sentait un peu confus dans ses idées. Entre ses problèmes à lui et ses inquiétudes vis-à-vis d’Aeden et Lucy, il ne savait plus où donner de la tête. Le jeune homme passa une main sur son visage sans cacher un long soupire. Puis, il se tourna finalement vers son amie.

_Excuse-moi, je ne t’ai même pas demandé si tu allais bien. L’arrivé du printemps n’est pas trop dérangeante pour ta peau et tes yeux ?

_Ne t’inquiète pas je vais très bien, l’idée du cache-oeil est bonne. Tu sais, je crois même que je pourrais adopter cette solution bientôt. Je pense que la cicatrisation est suffisante pour délaisser les bandages.

Nevrabriel acquiesça doucement. Il n’avait plus revu la blessure de Lucy depuis qu’il était parti du port, mais cela faisait un peu près 8 mois que la jeune femme avait perdu son œil, il a eu, en effet, le temps de cicatriser. Surtout que Graham avait bien travaillé et tout les soins prodigués par Donatien par la suite ont été minutieux. Malgré tout, Nevrabriel ne pouvait pas s’empêché d’être désolé pour Lucy, il ne savait pas ce que cela faisait de perdre un membre de son corps mais il n’était pas certain de le supporter. Il avait besoin de ses doigts pour faire de la musique, de ses pieds pour marcher, de sa langue pour chanter et de ses yeux pour voir et écrire des partitions. Un œil était toujours mieux que rien, mais ne voir le monde que de moitié devait être si … différent. C’était surement son amour pour ce morveux qui lui faisait accepter sa condition, autrement il ne comprenait pas qu’elle acceptait si vite et facilement la perte de son œil et encore moins la douleur qu’elle a subit cette nuit là.

La jeune femme se mit à sourire avant de marcher sans but dans la pièce. Elle semblait chercher quelque chose.

_Et toi? Comment vas...

Nevrabriel fronça doucement les sourcils en observant le comportement de Lucy qui lui paraissait étrange. Il n’arrivait pas à déterminer si elle cherchait ou cachait quelque chose. Finalement, la demoiselle fit forte-face au jeune marié qui reprit un air impassible sur le visage, comme si Lucy avait pu lire dans ses pensées, il arrêta tout de suite de réfléchir. Il avait déjà vu une Lucy hors d’elle, mieux fallait que son esprit ne traverse pas le sien.

_Nev! J-je.

Lucy avait toute l’attention du jeune homme mais la fin de la phrase fut murmurée. Même si Nevrabriel avait une bonne ouïe, affiné lorsqu’il était au bunker, il n’était pas certain de ce qu’il avait entendu. Le jeune homme plissa légèrement des yeux. Il resta perplexe. Un long moment.

_Tu suintes ? Il ne fait pas si chaud pourtant, tu as de la fièvre ?

_Tu suintes ? Il ne fait pas si chaud pourtant, tu as de la fièvre ?

Lucy afficha un air hagard. Avait-il mal compris ? N’avait-elle pas dis « Je suinte » ? Elle l’avait dis à voix basse alors le jeune homme pensait qu’elle en avait presque honte même s’ils avaient quasiment tout partagé pour que de la sueur ne soit pas une gêne. La jeune femme porta une main à son front  pour vérifier.

_Mais non, je ne suinte pas ! Et je fais pas de fièvre. Tu fais de la fièvre toi?

Nevrabriel ne comprenait vraiment rien à cette conversation et se laissa faire lorsque Lucy se hissa pour porter une main au front du jeune homme. Il aurait pu se pencher pour l’aider mais il la situation et la conversation le rendait davantage confus.

_Pas de fièvre par ici non plus il faut croire! Allez viens, ne restes pas planter là.

L’écossais haussa les épaules.  Evidement qu’il n’avait pas de fièvre, au moindre microbes il devrait se mettre en quarantaine pour ne pas contaminer Katerina à cause de sa faible immunité, et Nevrabriel avait de la chance de ce coté là, même si son cerveau était une compote, ses anticorps étaient très performant et il tombait rarement malade. Ah moins que ce fut l’effet d’être élevé dans un pays plus froid que le climat de ce bout de caillou qui lui  avait offert des gênes de viking ?
Lucy prit la main de Nevrabriel pour l’emmener vers un matelas de coussins. Lucy s’installa la première. Elle ressemblait à une enfant dans cet amas de douceurs. Où avait-elle trouvé autant de coussins ? Etait-ce du tissu trouvé qu’elle avait cousu et bourré comme avec son matelas ?
Le jeune homme s’assit à son tour, trouvant la terre bien basse. Il retira sa veste et se détacha les cheveux pour jouer avec le lacet qui les avait noués.

Nevrabriel regarda sa jeune amie avant d’esquisser un sourire et se mouvoir dans un soupire pour que sa tête aille se loger sur les cuisses de Lucy. Ça lui rappelait un peu le bunker, quand elle avait prit soin de lui. Il avait toujours aimé cela secrètement, qu’on s’occupe de lui, c’était confortable et reposant.
Tiens, elle semblait avoir prit un peu de poids, non ? Nevrabriel ne lui ferait pas la remarque, ce n’était pas une chose que l’on disait à une fille, une femme, de n’importe quel âge. S’il le faisait, sa grand-mère trouverait le moyen de ressusciter pour le tuer à coup de marteaux, il en était persuadé.
Le jeune homme alla délicatement chercher une des mains de Lucy et la posa sur sa tête rousse, lui demandant silencieusement de lui caresser les cheveux, comme cette fois là. Puis, il retira sa main et alla la joindre à sa comparse, les posant sur ses abdos. Il espérait que Jessy ne débarquerait pas dans les minutes qui allaient suivre, l’écossais était bien installé et il n’était pas d’humeur à riposter le cracha de ce sale mioche.

_Tu as l’air contente. Tu as quelque chose à me dire ?

_Tu as l’air contente. Tu as quelque chose à me dire ?

Le sourire de Lucy s’élargit, un sourire contagieux  qui étira doucement les lèvres de Nevrabriel même s’il était bien plus mince que celui de son amie. Même si sa morosité primait sur le reste de ses sentiments, le sourire si doux de sa lorialet était un phare à ses tourments silencieux. C’était paisible d’être juste là, à la regarder sourire, profitant de sa chaleur et de ses caresses délicates.

_Tu as raison... Je vais avoir un bébé.

Le visage du jeune homme devint lisse, impassible, Ce micro sourire qui avait perlé son visage lorsque la demoiselle lui caressait les cheveux venait de s’estomper.
Un bébé ? Comment ça elle allait avoir un bébé ? Enfin non, il savait commet faire des bébés et Lucy avait eu nouveau ses règles dans le bunker. Il savait que ce n’était pas lui le père, Lucy serait plus proche de l’accouchement sinon.  Et bien que cette conclusion le soulageait, elle le dérangeait aussi. Lucy serait une très bonne maman, c’était une évidence en la voyant avec Wendy, d’ailleurs, même si les moyens de l’île étaient précaires, très rudimentaires, Wendy se développait très bien alors pourquoi le bébé de Lucy ne le pourrait pas ? Certes ce bébé manquerait de beaucoup de confort comparé aux bébés « normaux » mais les enfants des pays pauvres vivaient encore moins bien qu’eux et ils arrivaient à s’en sortir. Oui, tout allait bien se passer. Mais le père de ce bébé restait tout de même un monstre et Lucy avait choisit de fonder une famille avec ce psychopathe. Qu’est-ce qu’elle dirait à son gamin quand il lui demandera comment elle a perdu son œil ? Ou sinon comment ils se sont connus ? Heureusement Nevrabriel était certain de ne pas vivre assez longtemps pour voir ça. L’écossais voyait déjà à des kilomètres Jessy inculquer à son gamin que « tuer c’est un métier ». Ce bébé avait une chance sur deux d’hériter de la tare des Elpida quand on voyait comment Donatien et Jessy étaient gravement atteints de tout ce qui était valeur morale.

_Félicitation. Tu feras une très bonne maman.

Le jeune homme se redressa, offrant son dos à son amie.  Il ne mentait pas du tout, il était persuadé de ses paroles. Hésitant un moment, il finit par se relever pour aller regarder la fenêtre qui donnait sur la mer. Même s’il était très heureux pour son amie, qu’il était certain qu’elle serait une bonne maman, et que la maternité était un rêve de Lucy, il avait du mal à se réjouir en sachant qui était le père de ce gamin. Mais il était quasiment certain de se battre avec la future maman sil s’aventurait dans ce terrain glissant, que pouvait-elle comprendre de ses inquiétudes ? Elle a pourtant été adopté, elle savait qu’à un certain âge son enfant lui poserait milles questions, allait-elle réellement clamer haut et fort la nature dangereuse de son amant ? Les gamins veulent rendre leurs parents fiers et heureux, suivre leurs pas, il était totalement possible que la vérité lui fasse marcher sur le chemin rugueux et sanglant de son père.
Nevrabriel émit un soupire en se massant le front. Lucy ne voyait surement que le bon coté des choses, évidemment, on ne voit que le bon coté lorsqu’on est amoureux, jusqu’à ce que la chute soit trop violente, il en savait quelque chose.

_Tu devrais aller au village ou chez Graham pour une meilleure grossesse.

_Tu devrais aller au village ou chez Graham pour une meilleure grossesse.

Peu importe, là où il y avait des médecins et surtout de quoi s’occuper d’elle le moment venue. Il n’était pas féru d’Histoire mais la mortalité infantile aux moyen-âge était un bel exemple à ne pas suivre.

_Le village a déjà assez à faire avec tous les enfants...

Nevrabriel regarda la jeune femme qui venait à lui du coin de l’œil. Il croisa les bras en continuant à regarder à l’extérieur. Un nouveau soupire sortit de ses lèvres fines et devenues bien moins expressives avec le temps. Il n’allait pas obliger Lucy à faire quoique ce soit, mais il espérait que Jessy l’encourageait dans cette voie, au moins le temps de sa grossesse, après elle pourrait revenir ici, ça serait comme … un passage à l’Hôpital ? Evidemment cela ne serait pas bien vu au Village, impossible chez Graham, mais était-ce si important que cela de se faire bien voir ? Et, si les médecins du Village étaient si généreux et bons, le serment d’Hippocrate qu’ils ont juré de suivre leur ordonne d’apporter assistance à toute personne dans le besoin dans rien demandé en retour, quelque chose comme ça. Il avait lu cela quelque part, encadré dans la chambre de sa grand-mère. Feu son grand-père était médecin, parait-il, mais il était mort bien avant sa naissance et personne n’en parlait beaucoup, alors il ne saurait dire si ce n’était pas une légende.

Le jeune homme se massa doucement l’arcade sourcilière. Il pourrait peut-être en parler à Katerina ? La jeune femme était sur la bonne voit pour venir une bonne médecin mais l’écossais doutait tout de même de ses capacités gynécologique / Sage-femme, mais au moins c’était mieux qu’accoucher toute seule. Enfin toute seule avec ce morveux, mais Jessy ne devait connaitre que la médecine de guerre -genre se recoudre après s’être pris un coup de couteau - loin, très loin de la délicatesse que requière les nouveau-nés.

_Alors tu comptes accoucher comme ça, sans médecin ni péridural ? C’est dangereux pour toi et ton bébé.

Le jeune homme voulait s’arrêter là mais sa question lui brulait les lèvres. Au risque de se faire congédier, il osa tout de même briser le mur :

_C’est vraiment ce que tu voulais ? Avoir une famille avec lui ?

_C’est vraiment ce que tu voulais ? Avoir une famille avec lui ?

_Je n’ai pas fais exprès de tomber enceinte Nev.

Au moins la réponse était claire. Nevrabriel se doutait un peu qu’elle n’avait pas fait exprès, bien que Lucy avait un désir d’enfants, si elle avait le eu le choix, elle aurait choisis le meilleur pour son bébé et le meilleur ne se trouvait pas sur un caillou au milieu de nul par en pleine pénurie de tout. Cela était une confirmation. Cependant Lucy ne répondait pas réellement à sa question. S’ils avaient retrouvé contact avec le continent, la jeune femme aurait-elle réellement fini par fonder une famille avec ce type ? On ne choisissait pas ses parents, ils en étaient la preuve vivante, mais on pouvait choisir son partenaire de vie, la personne avec qui ont va élever ses enfants, une personne que sa progéniture sera fier d’appeler « père » ou « mère ».
C’était surement pour cela que l’écossais n’était pas sur de faire un bon père s’il avait pu, et il n’était pas certain non plus que Katerina ferait une bonne mère. Il valait mieux pour les mariés de ne pas avoir d’enfants. Mais Lucy ne semblait pas penser ainsi.

_C’est arrivé c’est tout. Je ne savais pas... certaines choses. Et tu voulais que je j’aille une famille avec qui ?

Cette phrase était lourde de sens. Nevrabriel sentit le poids de la culpabilité. Il savait bien qu’elle lui faisait référence, mais même avec elle, il n’était pas sûr d’être un bon père, surtout si c’était pour les abandonner dans quelques années. Combien de temps lui restait-il à vivre ? Il n’en savait absolument rien et le fait d’avoir peut-être hérité du SIDA aggravait son espérance de vie. Lucy n’aurait pas accepté de fonder une famille avec un mourant, mais encore une fois, elle ne semblait pas penser ainsi.

_Tu vas le détester hein? Mon bébé je veux dire... parce que c’est le bébé de Jessy.

Au contraire, il adorait déjà ce bébé parce que c’était celui de Lucy, mais il ne pouvait s’inquiéter parce qu’il était aussi le bébé de Jessy. Ce n’était pas de la haine mais de l’inquiétude. Les enfants sont innocents au départ, c’est à leur tuteur de les mener vers le droit chemin mais Jessy ne semblait pas connaître le droit chemin. L’écossais doutait qu’un homme puisse changer en peu de temps, à moins d’être frappé par les événements mais Jessy semblait avoir une vie bien trop paisible pour ses crimes, et le mois dernier l'écossais a vu la même chose que du temps du bunker, un morveux hargneux, haineux, prétentieux, plus inquiet de son égo surdimensionné que les émotions de sa partenaire de vie. Nevrabriel n’avait pas compris ce soir là et ne comprendrait certainement jamais comment ce nain a pu laisser Lucy dans un état de détresse.

_Si tu réagis comme ça, tu penses vraiment que je serais bien accueilli au village? Après tout je porte son bébé à « lui ». Tu penses vraiment que ce bon docteur Graham accepterait de s’encombrer de moi? Qu’il serait heureux de jouer le rôle de sage femme? Je t’assure que ni moi ni le docteur n’en avons envie.

Le jeune homme tourna finalement la tête vers Lucy mais son visage inexpressif était le reflet de son regard. Il la fixa pendant quelques secondes qui semblaient rendre l’air de la pièce lourde et pesante, avant de dire, le pus sérieux du monde :

_Personne n’est obligé de savoir qui est le père de cet enfant.

L’écossais regarda de nouveau par la fenêtre mais cela ne servait plus à rien de fuir maintenant il avait mis les deux pieds dans le plat. Il soupira alors, comme si la vie était une succession de lassitude et de fatigue. Nevrabriel se retourna, le dos collé à la vitre, les bras toujours croisés. Il fixa le ventre de la jeune femme dissimulé sous un châle, comprenant à présent l’utilité de ce dernier.

_Et non je ne détesterais pas ton enfant, je m’interroge cependant. Quelle éducation crois-tu qu’il recevra de Jessy ? Que lui diras-tu lorsqu’il te demanda pourquoi tu n’as qu’un œil ? Admettons que nous sommes condamnés à vivre ici pendant 10 ans et que personne ne pardonne à Jessy, que diras-tu a ton enfant quand il te demandera pourquoi ? Comment vas-tu réagir lorsqu’il ne voudra pas que je m’approche de ton bébé en invoquant le fait qu’il soit son père et qu’il ait autant de droit que toi ? Je ne sais pas quel genre de conversation tu as avec lui mais crois mois que tu ne veux absolument pas que ton enfant entende les choses qu’il a pu me dire.

Nevrabriel serra les dents pour s’arrêter là.  Voilà pourquoi ils ne parlaient jamais de lui, les deux amis savaient que ce genre de choses sortiraient, d’un coté Lucy totalement sous le charme qui ne peut qu’affirmer « Il a changé » alors que rien ne le prouve, et Nevrabriel campé sur le passé sombre de Jessy sans prendre la peine de voir le présent.
Le jeune homme prit une profonde inspiration en laissa sa tête basculer en arrière contre la vitre. Les fenêtres n’étaient plus aussi froide qu’en hiver mais avait tout de même un peu de fraicheur en ce mois de mars qui soulageait sa migraine naissance. Il ferma les yeux comme vaincu.

_A quoi bon en parler de toute façon, on ne sera jamais d’accord là-dessus. Dis moi juste ce que tu as prévu et je t’aiderais.

A supposé qu'elle ne se remette pas entièrement à Jessy, là il serait obligé de la remettre sur le chemin de la raison, de gré ou de force.

_C’est simple ce que je vais faire... je vais avoir mon bébé, je ne sais pas encore où, ni même comment. Mais je sais une chose. Je vais protéger mon bébé. Je laisserais personne le mettre en danger... que se soit un inconnu ou même Jessy.

Nevrabriel ouvrit les yeux et redressa la tête pour regarder de nouveau son amie. Il ne l’avouerait pas mais il aurait aimé avoir ce genre de mère et non celle qui confesse qu’il n’était ni plus ni moins qu’un simple accident. Même si le sourire de Lucy lui semblait amer, peut-être était-elle en autopersuation ? Jessy ne mettrait pas forcement ce bébé en danger, mais lui apprendre à chercher le danger peut-être. Dieu seul sait ce qu’il fera une fois que Lucy aura le dos tourné. Nevrabriel ne faisait absolument pas confiance au futur papa, il était même prêt à prendre en charge ce bébé si Lucy décidait de jeter ce misérable, même si elle ne le jetait pas par ailleurs, mais il ne ferait rien de cela tant que cette volonté ne viendra pas de la mère de ce petit être qui se développait. Parfois il fallait mieux ne pas avoir de père qu’un mauvais père.

L’écossais s’approcha de Lucy et tira doucement sur le châle de celle-ci pour dévoiler son ventre. Ce qu’il avait prit pour un embonpoint était en fait un petit être qui se préparait à naitre. Sa tête pencha doucement sur le coté en regardant la forme que cela prenait. Etrangement, cela lui rappelait sa mère. Nevrabriel n’avait pas beaucoup vu de femme enceinte, vu qu’il était ici depuis ses treize ans et que la seule ayant donné naissance avait fait un déni de grossesse, alors, cela ne pouvait que lui rappelait sa mère, lorsqu’elle attendait Alistair.  Ce n’était cependant pas un bon souvenir. Vu qu’elle était constamment à la maison, il a pu surprendre des conversations houleuses entre elle et sa grand-mère, notamment une qui le faisait souffrir encore aujourd’hui et a longtemps été un blocage à son estime de soi. Lucy ferait une bien meilleure mère qu’Heather Erskine, si toutefois elle respectait sa parole de faire passer son bébé avant son amant.
Le jeune homme tendit doucement la main vers le ventre de Lucy mais se stopa avant de pouvoir l’atteindre. Il leva les yeux vers elle et demanda, incertain de la réponse :

_Je peux ?

_Je peux ?

Il ne savait pas si ce geste était inapproprié mais étrangement cela lui faisait plaisir. Il avait souvent vu sa grand-mère et son père toucher le ventre de sa génitrice lorsqu’elle était enceinte d’Alistair. S’il ne l’avait pas compris à l’époque, il ressentait cela comme un geste d’acceptation, de soutient mais également de protection. Mettre sa main devant un visage pour le protéger d’un coup, mettre sa main dans une autre pour la réconforter, ce genre d’échange voulait dire beaucoup de choses, et pour l’écossais, même si ce bébé n’était pas le sien, il avait presque envie de le protéger comme s’il venait de lui. Etait-ce cela qui avait poussé Aeden à adopter la petite Wendy ? Cet étrange instinct paternel alors que ce petit être n’était pas le sien ? Malgré tout, il était une partie de Lucy et rien que cela était une raison suffisante pour l’aimer.
Le ventre de Lucy était légèrement gonflée mais pas assez pour deviner qu’elle attendait un enfant si elle ne l’avouait pas. L’écossais ne sentait rien sous sa main, pas de remue, pas de battements, il sentait seulement le ventre de Lucy se soulever légèrement lorsqu’elle respirait. Il était encore trop tôt pour ce genre de choses.
Lorsque Lucy posa sa main sur la sienne, Nevrabriel leva les yeux vers l’œil unique de son amie. Il lui offrit un maigre sourire un peu rêveur. L’écossais ne ferait peut-être pas un bon père, mais il pourrait être un super oncle si elle le lui permettait.

La jeune femme finit par libérer sa main, il en fit de même pour son ventre, offrant l’occasion à Lucy de venir se lover contre lui.

_Merci.

Nevrabriel regarda le sommet de la tête toute blanche de sa lorialet avant de la caresser tendrement et finalement refermer ses bras sur le dos de cette dernière. Il était heureux qu’elle puisse réaliser un de ses rêves. Il espérait seulement que le sien ne vire pas au cauchemar, que tout se passe bien pour elle et son bébé que ce soit avec ou sans Jessy.
Il embrassa tendrement les cheveux de la future maman. Tout irait bien pour elle, elle avait murit, elle savait se débrouiller toute seule, elle n’avait plus peur, elle n’avait plus besoin de personnes pour se suffire à elle-même. Elle pouvait le faire et son enfant serait une motivation de plus pour devenir une personne accomplie.

_Tu n’a pas à me remercier. Je t’encouragerais toujours... et si j’en ai l’occasion, j’aimerais ton bébé autant je t’aime toi.