Décidément, elle devait tout surveiller. Des clés à son bébé, elle en avait des choses sur lesquelles son attention devait être fixée. Heureusement, sa petite Wendy était assez calme ce jour-ci et donna un peu de répit à sa mère qui pouvait donc se détendre légèrement. De même, les personnes venaient très peu l'interrompre dans son travail, ce qui lui donnait le temps de ne rien faire. Elle était adossée à sa chaise, paquet de chips à la main, en train de regarder une série Netflix. On lui avait conseillé "La Casa de Papel" et elle en était à l'épisode deux de la première saison. Elle pouvait la regarder grâce à son tout nouveau smartphone premier prix offert par l'Institut pour son emploi. Il avait peu d'espace de stockage, une faible autonomie et un écran bas de gamme, mais tout ça elle ne le savait pas. Elle était tout simplement fascinée qu'une si petite chose puisse diffuser une image aussi précise de l'être humain.

Le second épisode terminé, elle posa son paquet de chips et mit en veille son smartphone. Elle l'observa sous tous les angles, admirative de l'intelligence humaine, jusqu'à ce que des babillements suivis de quelques gémissements la sortent de transe. Elle posa le téléphone et s'approcha de Wendy pour la prendre dans ses bras et la dodeliner un peu. Elle la balança de droite à gauche, tout doucement, pour tenter de l'endormir, mais rien n'y faisait : elle voulait de l'attention et jouer avec sa maman. Alors elle la déposa dans le parc où étaient réunis ses jouets et duquel elle ne pouvait pas sortir.

Puis, quelqu'un ouvrit la porte. Elle se tourna vers la personne qui allait lui demander quelque chose et découvrit W133 ; enfin, Aeden. Ses yeux se mirent à pétiller et elle joigna ses mains entre elles avant de l'enlacer. Elle ne l'entendit même pas bégayer, elle était tout simplement heureuse de le voir en dehors de sa cellule.

Elle se détacha de lui, se recula et ouvrit les bras, comme pour lui présenter son lieu de travail. Puis, elle lui prit la main et de l'autre désigna Wendy. Elle savait qu'il avait fait davantage connaissance avec la petite qu'elle, mais ça lui tenait à coeur. Aussi, elle lui montra le bout de papier ayant reçu le nom de l'enfant pour qu'il cesse de l'appeler "mini-W05" - même si elle trouvait ça mignon, c'était mieux qu'il l'appelle par son vrai prénom.

Tellement de choses à raconter... Elle ne savait pas par où commencer. Il fallait qu'elle lui explique à peu près tout ce qui lui était arrivé. Heureusement, ils avaient un peu de temps pour se retrouver.

Les yeux pétillants d'un nouvel éclat, elle observa avec attention Aeden. Il se pencha pour lire le prénom de son enfant avec une voix calme et rassurante qui hérissait le poil de W05 :

- Wendy…

Sa façon de prononcer son nom donnait des frissons à Elizabeth. Les syllabes coulaient sur sa langue avec une douceur et une délicatesse qu'elle n'avait jamais entendues, comme si son comportement avec la petite se reflétait dans ses paroles envers elle. Son coeur se serra légèrement, tout simplement heureuse de voir que son bébé, bien qu'apparue très soudainement, avait des adultes sur qui compter et sans même qu'ils soient ses parents.
Elle le laissa volontiers prendre Wendy dans ses bras, la retrouvant très probablement des jours plus tard. Elle n'était pas hostile envers lui, bien au contraire. Ses petits doigts cherchaient à attraper ses cheveux ondulés et son visage joufflu se déformait dans un sourire candide.
Finalement, connaître le vrai père de l'enfant n'était pas important pour W05, loin de là. Voir Aeden s'occuper d'elle comme s'il l'était lui suffisait amplement tant qu'il était d'accord avec ça.

- Coucou petite Wendy, ta maman t’a trouvé le plus beau prénom du monde, n’est-ce pas ?

Elle sourit, montrant toutes ses dents et s'approcha d'eux. Elle tendit son doigt à la petite qu'elle saisit sans plus attendre, le balançant doucement de tous les côtés. Wendy semblait si heureuse d'être dans les bras de l'homme qui a pris soin d'elle pendant tout ce temps.

- Tu t’en sors avec elle ? Je suis sûr qu’elle ne te mène pas la vie aussi dure qu’aux infirmières. Vous devez bien vous amusez toutes les deux non ?

Elle agita la tête vigoureusement, lui donnant une réponse positive. C'était tout nouveau pour Elizabeth, mais elle aimait ce rôle de protectrice et d'enseignante qu'elle devait endosser. Ce n'était pas toujours facile, surtout qu'une fois rentrée dans ses appartements, Wendy n'entendait plus personne parler, juste des sons un peu roques sortir de la bouche de sa maman ou simplement son prénom, la seule chose qu'elle savait dire sans trop que ça lui fasse mal.

Elle reprit Wendy dans ses bras, prête à lui demander une faveur, quoique un peu gênée puisqu'il s'était déjà occupé d'elle pendant le temps qu'elle était à l'Asile. Elle embrassa sa fille sur le front et la déposa dans le parc à nouveau en lui tendant sa peluche, Lapi le Lapin.

Elle se releva et prit son carnet :

Merci de t'être occupé d'elle pendant tout ce temps. Et aussi, j'aimerai te demander quelque chose.

Elle lui donna un baiser sur sa joue, pour appuyer ses remerciements, et tourna les pages de son calepin. Elle entreprit d'écrire autre chose, la fameuse faveur qu'elle devait lui demander. Un peu hésitante cependant, véritablement embarrassée. Cependant, elle n'avait pas le choix, alors :

Ca te dérangerait de venir de temps en temps dans mon appartement, ne serait-ce que pour qu'elle puisse entendre quelqu'un parler ?

Elle savait qu'il ne dirait pas non, et c'était là où elle était gênée. La profonde gentillesse du garçon ne cessait d'étonner Elizabeth, et elle n'aimait pas en abuser.