Jessy avait bien prit ces marques à l’institut. Deux mois après son arrivée, il se sentait presque comme chez lui. Son Noël à l’institut c’était excellemment bien passé, et pourtant les fêtes de fin d’année, c’était plutôt un truc qui le gavait à la base. Il avait même eu droit à une danse avec Lucy. Il espérait bien revoir la jeune femme bientôt. Sa compagnie était très agréable, peut-être parce que cette dernière était bon public ? A moins que ça ait un lien avec le faites qu’elle soit la patiente de Donatien ?

Il s’étira nonchalamment, assis sur son banc, tentant de son mieux d’ignorer le prof qui donnait cours de français.  Pénible. D’un ennui mortel. Il poussa plusieurs fois de longs bâillements qui voulaient tout dire. Les cours étaient pourtant d’un bon niveau, mais le garçon n’était pas en reste. Il avait toujours eu une excellente moyenne, et profitait en général des cours plus pour bavarder avec ces voisins de classe ou faire son intéressant, que pour vraiment apprendre. Aussi, lorsqu’enfin il fut l’heure d’aller manger, il fut le premier à prendre la poudre d’escampette, sous le regard désabusé du prof. La liberté !

Dehors, le soleil brillait dans le ciel, réchauffant la peau du jeune homme. Ils avaient de la chance avec le temps aujourd’hui. Cela faisait plusieurs jours que le vent et la pluie avait assaillit l’ile, et les températures n’était pas au beau fixe. Rien de moins étonnant en janvier. Alors, cet éclaircie inopiné avait de quoi mettre du baume au cœur. Le garçon se mit à siffloter, tout en marchant

A la cafeteria, il y avait déjà pas mal de monde, et ça saoulait trop Jessy de faire la file. Il décida donc de faire un crochet par le lac, mais, alors qu’il s’était mis en route, un vigile à l’air patibulaire l’enjoignit à rejoindre la cohorte des autres patients et d’aller manger. Quelle plaie cet institut. Le rouquin du donc prendre son mal en patience. Alors qu’il était tout prêt à se taper la tête sur son plateau, il atteint enfin la cantinière. Alléluia. Il était temps. Il était certain qu’il aurait eu le temps de faire 10 fois le tour du lac et de revenir, que ça lui aurait pris le même temps.

Bon, la bonne nouvelle, c’était que la bouffe ici était grave bonne. Contrairement à ce qu’il avait redouté, de la part d’un quasi hôpital, ici, il mangeait aussi bien que chez lui. Et c’était un très bon point. Aujourd’hui au menu : haricot, pomme de terre, et cordon bleu. Une fois servit, le jeune homme scanna du regard la cafétéria, à la recherche d’un visage connu, mais étonnement, tous ses potes se trouvaient à des tables complètes. Ah bah super. Merci les gars… Il repéra ce qu’il catégorisait comme une fille, bien qu’elle ait pu être un homme, qui mangeait toute seule dans son coin. Bon, il était toujours chaud de faire la connaissance de nouvelle personne, alors, il allait s’incruster.

Sans plus de cérémonie, il traversa la cafét, pour aller s’installer en face. Il prit aussitôt ces aises, sans se demander si sa présence était ou non désirer. Franchement, qui ne serait pas content de pouvoir discuter avec lui ? En tout cas lui, il aurait été ravi de parler avec lui-même. Ca comptait non ? Il entama donc la discussion avec entrain :

- Saluuuut ! Tu t’appelles comment ? T’es nouvelle ? Tu fais quoi à l’institut ? Moi c’est Jey’, enchanté !

Il lui adressa un sourire radieux avant de s’asseoir. S’il fallait qu’il passe un certain temps à l’institut, il aimait autant que ça se passe dans la joie et la bonne humeur. Et il adorait bavasser.

Est-ce qu’elle fait partie de la catégorie des patients-zombie ? C’est le petit surnom que Jessy a donné aux patients amorphes et taciturnes de l’institut. Ils sont très nombreux et ça saoule un peu le jeune homme. Il te regarde souvent avec un regard mi-vide ou de déterré comme si tu ne pouvais pas comprendre à quel point ils sont mal. A force de les voir ceux-là, Jessy aurait presque eu peur d’être contaminé. Franchement, pas la peine de foutre une ambiance de mort à l’institut si ? Ça manquait cruellement de fun.

En tout cas elle soupire un max et ça c’est plutôt mauvais signe. La bouche fermée, la mine crispée, le garçon sait que ce n’est pas gagné. Elle finit pourtant par se décider à décrocher sa mâchoire pour laisser quelques faibles mots en sortir :

- Eden… Enchantée.

Bon elle a une langue. Un bon point pour elle. Par contre ça manque de volume quand même. Et ces yeux n’ont pas quitté sa bouffe. Est-ce qu’elle a peur que Jessy l’hypnotise ? Cette possibilité le fait sourire. Vraiment, ce que les patients peuvent être craintifs. Sérieusement, est-ce que Jessy à l’air du genre à bouffer des gens au petit déjeuner ? Il aurait bien aimé, mais il était loin d’avoir le physique nécessaire pour. C’était bien grâce à ce fameux physique qu’il se trouvait là en ce moment, alors il en était fier, bien qu’il lui donne l’air d’un nabot.

- Je suis nouvelle oui… Depuis aujourd’hui.

Ah, la mine triste venait peut-être de là finalement. Le premier jour n’était pas forcément le plus simple. Il fallait quitter son chez soi, ces habitudes, ect. Tout ça pour intégrer un endroit à l’air triste et froid qu’on ne connaissait pas. Pas évident quoi. Il allait montrer à Eden que c’était pas si mal ici.
Un sourire qu’il voulait rassurant se ficha sur son visage. Il se pencha en avant, de sorte d’atteindre son menton du bout de ces doigts pour qu’elle relève le visage vers lui et quitte des yeux son assiette.

- Hé ! Sourie un peu, c’est pas le bagne ici.

Il n’avait plus faim désormais. Il avait pleins d’idées génial pour détendre miss Bougon. Ce ne serait pas la première fois qu’il sauterait un repas. Il avait toujours eu un rapport bizarre avec la nourriture. Il mangeait parce qu’il le fallait, mais il ne mangeait pas parce qu’il en avait envie. Il aimait bien le café par contre. La seule drogue qu’il n’avait pas su esquiver il faut croire. Il proposa donc avec un certain enthousiasme :

- Si tu veux je te fais visiter ! Tu vas voir, tu te sentiras plus comme chez toi après ça.

Il s’était reculé puis relevé, tendant une main à la jeune demoiselle, l’air engageant. On aurait dit un dessin animé du genre Aladin qui voulait promener sa Jasmine. C’est qu’il était très théâtral le garçon. Bon c’était un peu ridicule, mais c’était l’intention qui comptait. Puis, il ne comptait pas la laisser broyer du noir dans son coin.

Jessy était satisfait. Il était parvenu à faire rire Miss Bougon relativement vite. Alors, c’était pas si compliqué de respirer un peu la joie de vivre… Sans que cela le réjouisse qu’elle soit plus jouasse, il était tout simplement content de lui-même, suffisant comme il était.

- Ok. Va pour la visite. Mais c’est bien parce que je n’en ai pas vraiment fait.

Le jeune homme embraye le pas à Eden, pour aller déposer son plateau, d’un pas nonchalant. C’est si facile de promener les patients de l’institut. Ils sont tous en manque d’affection ou de compagnie. Parfois Jessy à le sentiment qu’ils sont des petits chiots abandonnés qui te court dans les pattes pour avoir de l’attention. Mais il trouve ça plutôt accommodant. Pourtant, les chiens ne s’était pas trop sont délires à l’origine. C’est des boulets dont il faut s’occuper tout le temps, qui ne sont pas indépendants et qui perdent leurs poils.

- Alors ? Tu viens ?

Qu’elle puisse lui demander ça, comme si c’était elle qui allait faire la visite était amusant. Etait-elle si impatiente que ça ? L’ambivalence de la jeune femme allait forcément saouler Jessy sur le long terme, il se demandait qu’elle genre de maladie cette tête de linotte avait contracté pour agir de la sorte. Il accéléra le pas pour passer devant Eden et l’entrainer à l’air libre. Il faisait froid dehors, mais il ne pleuvait pas. Le timide soleil qui avait montré le bout de son nez en début de journée c’était planqué derrière de gros nuages cotonneux à l’allure menaçante. Malgré tout, le rouquin garda son sourire.

- D’ailleurs… je ne suis pas triste d’être ici. Ma journée a juste mal commencé. Je me suis prise la tête avec une infirmière parce que je n’avais pas de mouchoirs pour essuyer sa main salie par une banane qu’elle a, elle-même, explosé dans ses mains…

Mmmmh… Etrange comme situation… Jessy ne s’était pas encore beaucoup attardée sur le personnel de l’institut. Il avait d’abord concentré son attention sur les plus jeunes. Mais il devait bien avouer que certains d’entre eux avait de quoi attirer sa légendaire curiosité. Il avait déjà eu affaire à quelques infirmières, mais aucunes d’elle qui ne semblait ressembler à une folle furieuse tueuse de bananes.

- Y en a certains dans le personnel soignant qui ont l’air d’avoir un sacré grain.

Il ponctua sa phrase d’une petite grimace et d’un mouvement circulaire de son index, pointant vers sa tête. Une belle bande de cinglé, dont la preuve vivante était Donatien. Il réfléchissait par où faire commencer la visite à Eden. Le plus évident serait de commencer par le bâtiment principal. Il jeta un coup d’œil au numéro sur le vêtement de cette dernière. Elle faisait partie des X. Les X intriguaient Jessy, bien plus que les W. Il était persuadé qu’ils étaient les plus susceptibles d’appartenir à la résistance qui sévissait dans l’institut. Et la Cannibale en avait été la preuve vivante. Bon, ce n’était certainement pas le cas d’Eden était donné que cette dernière était toute nouvelle, mais il était toujours intéressant de faire copain copain avec un X. Finalement, cette rencontre avec plus de valeur qu’il ne pensait lui en donner à première vue.

- On peut commencer par ton aile si tu veux ? A moins que tu la connaisses déjà suffisamment ?

Il se tourna vers elle, l’air interrogateur.

La miss Bougon prit le parti de la réflexion pour savoir ce qu’elle voulait visiter. Jessy en profita pour s’étirer comme un félin, heureux de la liberté de mouvement que l’extérieur de l’institut lui offrait. Vraiment, il n’avait plus l’habitude de passer la moitié de sa journée à l’intérieur à écouter des professeurs raconter des choses absolument inutiles. Y avait vraiment de quoi être saoulé, surtout pour un mec comme lui. Il avait toujours eu une aversion pour l’école.

- Mmh… Je vais bien y aller tôt ou tard. Ce qui m’intéresse, c’est les lieux cools que les patients aiment bien, le genre d’endroit que les soignants ne montrent pas, tu vois ?

Il hocha la tête. Effectivement, visiter le bâtiment n’avait rien de passionnant. Quelques semaines auparavant, il aurait pu l’amener à la salle de musique sans mal. C’était un endroit cool, bien que lui-même ne sache pas jouer d’un instrument. Mais il avait trouvé plus amusant de faire une petite surprise au patient de Donatien, donc il n’y avait plus accès aussi facilement. Cela lui apprendrait à être malicieux. Et en même temps, ce n’était pas comme s’il avait un réel besoin d’impressionner miss Bougon.

Il y avait aussi le port, et les côtés. Sauf qu’elle avait dû les traverser en arrivant sur l’île, donc elle ne risquait pas d’être très surprise. Bien que certaines zones de la plage puissent encore être explorés… Mais il lui restait un choix assez cool. Peut-être même le plus cool de tous. Il voulait l’emmener au lac. En plus, à cette période ci de l’année, il était magnifique. Une fine pellicule de glace le recouvrait encore partiellement.

- Ok je vois. Alors suis moi !

Et il l’entraina vers le lac, son choix définitif d’endroit plus cool de l’institut. Et il connaissait déjà quelqu’un qui serait d’accord avec lui. Ils devaient faire un léger détour pour éviter les vigiles, qui ne manqueraient pas de les renvoyer dans le bâtiment principal s’ils les voyaient trainés dehors sans véritable raison. Miss Bougon lui demanda alors :

- Dis… ce numéro sur nos vêtements… ça veut dire quoi exactement ?

Il haussa les épaules, fataliste. Jetant un regard à ces superbes iris :

- Les médecins ne te l’ont pas expliqué ? La lettre indique ta catégorie, suivant la rareté de ta pathologie. Et le chiffre, ça peut juste donner une indication sur le moment où tu es arrivé mais en gros, ils les distribuent juste dans l’ordre d’arrivée des patients.

Il souffla dans ses mains pour les réchauffer, il faisait caillant, il espérait qu’Eden n’était pas frileuse. Cette histoire de chiffres, c’est ce qu’on lui avait expliqué lors de son arrivée sur l’île. Mais il avait une hypothèse bien différente sur le sujet, il glissa donc à Eden, sur le ton de la confidence, alors qu’il marchait toujours en direction du lac :

- Moi je pense surtout que ça leur donne une emprise sur nous. Je veux dire, on est juste une lettre et un numéro pour eux. Ça nous rend moins humain, ça doit les déculpabiliser quand il décide de te soigner avec des méthodes un peu hors des clous.

Histoire de ne pas rester sur un sujet si lourd, et en attendant d’atteindre leur objectif, Jessy ajouta, après avoir glissé ces mains dans ses poches :

- Ils pensent que je suis mythomane. Mais ils se trompent. Je suis là par erreur. Quand ils vont s’en rendre compte, ils vont sacrément regretter. Et toi ?

- Des méthodes hors des clous ? Comment ça ?

Il haussa les épaules. Il existait donc des simples d’esprits qui n’étaient pas au courant des méthodes de l’Institut. Ce n’était pas étonnant, il se contenta d’une réponse vague, ne tenant pas forcément à foutre les jetons à la nouvelle, ce n’était pas vraiment l’ambiance là :

- Les médecins n’utilisent pas toujours les moyens les plus traditionnels pour tenter de soigner les patients ici. Tu sais, avec ces histoires de dernières chances…

Il entama sur sa pathologie pour détourner l’attention du sujet des méthodes médicales de l’Institut. Il marchait vite, sachant que non loin se trouvait les zones surveillées par les vigiles. Eden embraya aussitôt :

- Ils disent que j’ai une sorte de syndrome bizarre… Genre, que le fait que mes proches se fasse remplacer, c’est dans ma tête. Mais je sais que j’ai raison ! Je sais qu’il y a un complot contre moi. Je le sens. Si je suis ici, c’est surtout parce que mon clone de mère voulait se débarrasser de moi…

Ainsi donc, c’était une cinglée qui pensait ne pas l’être. Voilà qui était cocasse. Et intéressant. C’était toujours facile de manipuler les cinglés. Puis, cette histoire de complot contre elle, ça pouvait facilement très mal tourner… Il garderait ça dans un coin de sa tête, cette information avait augmenté son intérêt pour la patiente. Elle pouvait servir. Ils arrivèrent enfin au lac, le léger soleil de ce début d’après-midi faisait briller sa surface gelée.

- Nous y voilà ! Le lac… Probablement un des plus beaux coins de l’Institut.

Il allait lui proposer un petit tour autour du lac quand une voix les interpella tous les deux. Il avait beau avoir fait un détour pour éviter les vigiles, ils semblaient que l’un d’eux l’ai capté. Etonnant vu que ces vigiles étaient absolument tous des énormes clinches.
Mais malheureusement, les deux jeunes allaient devoir abroger leurs petites sorties, Jessy était censée être en cours, et il n’allait pas pouvoir y échapper. Il jeta un regard mi-amusé, mi-grimaçant à Eden. Il serait toujours temps de faire le tour du lac une prochaine fois.