Wendy dans ses bras, elle parcourait l'extérieur du bunker dans l'enceinte des grillages afin de faire profiter de l'air extérieur à sa fille. Être enfermée tous les jours dans le même endroit, ce n'était pas sain. Aimee le lui avait bien dit, et elle suivait à la lettre ses instructions. Une à deux heures à l'extérieur, la laisser explorer l'île. Ses petits pieds créaient de petits pas et écrasaient gentiment l'herbe sous son poids, si bien que les brindilles remontaient doucement vers le ciel, comme rien ne les avait jamais dérangées.
Elizabeth profitait également du calme environnant pour se retrouver avec elle-même et comprendre qui elle était réellement. Avec la chute de l'Institut, plus rien n'était comme avant. Elle avait fini par comprendre que sans eux pour lui dire quoi faire et quoi penser, elle était plus que jamais perdue. Heureusement, Amalia était toujours là pour elle. Peut-être qu'elle aurait du rejoindre l'Institut Graham ? Elle n'aurait pas été trop dépaysée en plus de conserver sa chambre... Et donc ses anciennes affaires. Et puis, il y avait toujours des médecins et des vigiles, probablement qu'elle aurait conservé son rôle de concierge ? Est-ce qu'elle avait fait une erreur en venant s'installer auprès de la Famille ?

Son regard dériva vers sa fille qui lui tendait une fleur à laquelle il manquait plusieurs pétales. Elle s'accroupit à sa hauteur et la remercia de son cadeau, la laissa gambader pour la suite de sa sortie, ayant toujours un oeil attentif sur elle. Wendy, l'enfant condamnée à ne jamais avoir de père, elle-même enfant d'une femme qui n'a jamais pu connaître ses parents, ou alors uniquement des récits que ses médecins lui ont conté. Mais elle, elle avait eu presque la chance d'avoir deux parents. Sauf que cet idiot d'Aeden a renié ses droits de paternité quand il avait préféré les patients à Wendy, et préféré la révolution à l'Institut, en plus d'avoir participé à sa destruction.

Ses pensées noires furent effacées par une cheveux rousse flamboyante qu'elle ne connaissait que trop bien. Un petit sourire malicieux se dessina sur son visage alors qu'elle reprit Wendy dans ses bras, jusqu'à se diriger vers Aimee et arriver près d'elle, le visage pratiquement collé au grillage. Le Docteur Elpida lui manquait à ce point ? Il n'était pas du genre à tenter l'aventure à l'extérieur, la pauvre âme en perdition pouvait toujours attendre.

Elle s'accroupit face à elle, séparées à cause des grilles, et laissa Wendy se rouler dans l'herbe à côté d'elle.

- Je ne suis pas surprise de te voir ici. Comment tu vas, Aimee ?

Son sourire presque éteint inquiéta Elizabeth. Les sentiments qu'elle avait pour le père de la famille étaient bien trop forts pour qu'elle survive à une telle séparation. Le voir tous les jours sans oser lui parler était déjà difficile, alors maintenant qu'il s'enfermait dans un bunker avec aucun moyen de le rejoindre ni même l'apercevoir, ça devait la tuer.

« ▬ Je survis… Mais c’est surtout toi ! Comment tu vas ? Comment ça se passe ? Tu as tout ce qu’il te faut pour Wendy et toi ? Je m’inquiète beaucoup pour vous, tu sais ? »

Elizabeth lui sourit largement et secoua la tête. Elle était incorrigible. Elle avait toujours cette manie de s'inquiéter pour les autres alors qu'il faudrait qu'elle s'inquiète un peu plus pour elle-même. Elizabeth adorerait la faire entrer dans cette forteresse, malheureusement elle était impénétrable. Tant qu'Elizabeth était à l'intérieur, elle pouvait avoir un minimum de pouvoir sur Donatien. Mais à forcer les choses, elle se ferait simplement virer de là. Et puis, elle pourrait voir Aimee tous les jours et avoir quelqu'un sur qui vraiment compter à ses côtés. Amalia ne voudrait jamais partir de son poste, trop attachée à Victor Graham. Quant à Ophelia, elle semblait s'épanouir dans son rôle de co-dirigeante avec le beau Ange Barrabil. Elles ne voudraient jamais rejoindre Elizabeth dans un bunker, enfermées dans un endroit trop étriqué.
Aimee, en revanche, tout se goupillerait magnifiquement pour elle. En plus d'être aux côtés de la personne qu'elle aime, elle pourrait s'occuper de Wendy et rester avec Elizabeth, et ensemble elles s'entenderaient tellement bien ! Parce qu'avec les autres...

« ▬ Et… lui ? Comment il va ? »

Elle leva les yeux au ciel, moins surprise qu'elle était exaspérée. Evidemment que dans cette floppée de questions, celle-ci allait pointer le bout de son nez. Elle entreprit de lui répondre et lui présenta à nouveau son carnet :

- Nous, ça va. Wendy se développe assez bien, et ça c'est grâce à tes conseils. On essaie de se promener le plus possible dehors, j'essaie aussi de l'amener en dehors des grilles. C'est juste les relations internes qui sont compliquées.

Elle la laissa digérer les informations qu'elle venait d'écrire avant de reprendre pour expliquer ce qu'elle voulait dire :

- Je n'aime pas beaucoup Nevrabriel, et vice-versa. Et je ne discute pas beaucoup avec les autres. Ils sont tous très... Soudés, déjà avant mon arrivée. Mais bon, j'ai Wendy et la sécurité, donc ça me convient. Puis je te vois toujours, donc finalement tout va bien ! Et lui, ça va... On a fait une réunion il y a pas longtemps et j'ai voulu mettre Jessy dehors mais personne n'était d'accord. Je te passe les détails, mais c'est vraiment le bordel ici. Mais lui, ça va.

Elle s'arrêta quelques secondes pour empêcher Wendy de gambader trop loin en lui attrapant le poignée et en la ramenant vers elle. Elle bougonna, semblant vouloir se dégourdir les jambes plus loin, mais elle lui donna une feuille de papier et un autre crayon pour qu'elle pense à autre chose et s'affaire à d'autres activités. Heureusement, elle ne bouda pas très longtemps.
Elizabeth poursuivit alors :

- Je voudrais te faire entrer, mais c'est pas évident d'avoir une discussion avec lui... Et surtout, il n'a pas l'air de vouloir une personne de plus dans le bunker. Je suis désolée, je fais vraiment ce que je peux.

Elle voyait bien l'air attristé sur son visage, mais elle ne pouvait rien faire de plus pour son amie malheureusement. Elle savait qu'en insistant, il finirait par détester Aimee sans même la connaître, et elle ne voulait pas prendre ce risque pour elle. Elizabeth préférait aborder le sujet une fois, voir s'il semblait d'accord ou non, puis effectivement forcer le destin s'il n'avait pas l'air d'être contre l'idée. Cependant, les faits étaient tels qu'elle ne pouvait se permettre de demander à nouveau.
Elle s'approcha de la grille, sa main dans celle de la fille pour éviter qu'elle aille trop loin.

« ▬ Tant pis. Je patienterai… En espérant que je tienne pendant l’hiver qui approche… Merci Elizabeth… Tu es une vraie amie. »

Il y avait ce problème d'hiver aussi. Elizabeth soupira, n'aimant vraiment pas laisser Aimee dehors, avec le froid glacial prêt à lui ronger la peau. Elle attrape sa main sur le grillage, créant le contact entre les deux femmes. Elle se sentait proche de l'infirmière. Elle avait été là lorsque personne ne l'avait été pour Wendy, et elle la remerciait pour ça. Désormais, c'était à elle de l'aider, mais comment...
Elle se tritura le cerveau pour trouver une solution, pour que Donatien l'accepte, mais rien à faire. Rien ne lui venait.

« ▬ Je ne peux qu’attendre ! Un jour je te rejoindrai tu verras ! Je n’ai pas dit mon dernier mot ! »

Son sourire communicatif fit également dessiner un rictus sur le visage de la maman. Sa détermination et sa bonne humeur réchauffaient le coeur d'Elizabeth. Puis soudainement lui vint une idée. Elle se leva, lui fit signe d'attendre, puis se rua vers le bunker. Elle descendit les marches deux par deux, Wendy dans ses bras, qu'elle laissa dans sa chambre et lui donna quelques jouets pour l'occuper. Puis, elle prit sa couverture et fit attention à ne pas être vue avec par les autres résidents, et courut de nouveau vers Aimee. Une fois auprès d'elle, elle fit quelques pas en arrière et lança de toutes ses forces la couverture pour qu'elle passe au dessus des grilles.
Tout sourire, elle lui expliquait :

- Je pourrais toujours te donner de la nourriture clandestinement s'il faut, Aimee ! Tu as un ange gardien, ici.

Cependant, elle ne pouvait pas rester trop longtemps loin de Wendy, alors elle fit signe à son amie de s'approcher de la grille, puis elle se mit sur la pointe des pieds, embrassa son front, et courut dans l'autre sens. Aimee ne pouvait pas être dans le bunker, mais si Elizabeth pouvait faire quoique ce soit pour elle, elle le ferait. Elle rendrait sa survie moins pénible le temps qu'elle rejoigne enfin la Famille.