Jessy s’était levé en fin d’après-midi. Après avoir discuter avec Lucy, manger avec elle et l’avoir regarder s’endormir, il était bien vite sorti dehors. Ce soir, l’air était doux, pas de pluie et peu de vent. Il avait jeté un œil au stock de bois mais il était loin de l’avoir entamer. Par contre, il pouvait aller remplir un bidon d’eau au lac, histoire que Lucy ne tombe pas à court le lendemain matin. Ensuite, il entrainerait certainement son agilité et sa souplesse dans la forêt. Il récupérait chaque jour un peu plus sa condition physique. Après les longs mois enfermés dans la cage du bunker et malgré la mauvaise cicatrisation de son abdomen après la révolution, il se sentait renaitre. Bientôt, il redeviendrait la machine à tuer qu’il avait toujours été. Ne restait que le problème de ces pertes ponctuelles d’équilibre et ces putains d’acouphènes… S’il mettait la main sur ce connard d’ex-clebard du bunker, il le taillerait en pièce… Et avec un peu de chances, ça ferait les pieds à cet imbécile de Graham.

Il s’approchait du lac, se faufilant dans la pénombre avec discrétion malgré les quelques cliquetis des chaines qu’il portait toujours accrochées à la ceinture de son pantalon quand une voix criarde perça le calme de la nuit. Jessy n’aimait pas croiser des gens, en général, il les évitait mais il supportait encore moins le massacre de chanson qui avait lieu un peu plus loin. Qui était l’abruti qui miaulait en pleine nuit comme ça ? Est-ce qu’on était en train de l’égorger ? Il abandonna son bidon d’eau au bord du lac, supposant que si quelqu’un le trouvait et décidait de le récupérer, il n’aurait qu’à le retrouver et lui casser la gueule. Il s’approcha de la source de bruit avec nonchalance qui semblait se situer juste un peu plus loin, toujours au bord du lac.

Il eut du mal à dissocier les aboiements de la complainte du chanteur, brouillé par le grésillement à l’arrière de la tête qui le narguait. Il aperçut tout de même la masse plus sombre au sol grâce au feu de camp que l’imbécile qui criait à travers la nuit avait allumé et l’observa avec méfiance.  Mais le molosse ne semblait pas décider à bouger. L’autre par contre secouait des bras comme le parfait imbécile qu’il semblait être :

-Hé ! Salut toi ! Tu veux venir boire un coup ? C’est la dernière de mon stock, après j’ai que de la binouze pour les mois à venir, alors profites-en !

Il tourna la tête comme si quelqu’un pouvait se trouver derrière lui, en tout cas c’était ce qu’il aurait espéré. Non personne… Qui était cet imbécile qui s’adressait à lui au juste ? Il s’avança jusqu’au feu de camp, dubitatif. Il semblait complètement beurré ce mec… Quel tocard. Il l’observa de la tête au pied, ne prenant pas spécialement la peine de caché son mépris. Une coupe de cheveux ridiculement teinté en rose, une veste en jeans de bolloss, un chien ridiculement poilu… Il n’avait pour lui que cette bouteille de vodka qu’il brandissait devant lui comme l’alcoolique qu’il était. Jessy se décida finalement à s’asseoir à côté du clodo, attrapant la bouteille sans plus de manière.

Il en était réduit à trainer avec des tocards gays. Putain.

Il dévissa le bouchon sans cérémonie et en bu une lampée. Il appréciait de sentir le liquide lui bruler la gorge en descendant. Il se demanda s’il n’y avait pas un risque qu’il attrape une putain de maladie à boire au même goulot que l’imbécile bourré mais cela faisait longtemps qu’il n’avait plus touché une putain de gouttes d’alcool alors tant pis.  

Avant d’arriver dans ce putain d’institut de dégénérés, Jessy avait l’habitude de boire souvent quelques verres au bar en bas de chez lui ou lorsqu’il jouait au chat avec certaines de ces souris. Il préférait le gin, le whisky et de temps en temps un rhum au gout moins subtil de la vodka, mais il n’allait pas faire la fine bouche. Il jeta un regard à son voisin, sous sa veste en jeans, n’était-ce pas l’uniforme des débiles de miliciens de Graham ?  Il aurait pu se la jouer bon pote pour se mettre ce gars dans sa poche mais il ne voyait pas vraiment l’intérêt. Le menu fretin ne l’intéressait pas et de toute manière, son contrat avec Elpida avait expiré il y a bien longtemps.

- T’es un sous-fifre de Graham ? Putain, il doit vraiment manquer de monde…

Il rigola doucement, d’une certaine manière, il était amusant de voir à quoi ce connard de Graham en était réduit. Ca prouvait bien que même s’il se la jouait grand maitre, il n’était qu’un pauvre type entouré d’un tas d’autres pauvres types.

La remarque sembla faire rire le déchet imbécile heureux qui se tenait à côté de lui. Ce n’était pas spécialement le but rechercher bien qu’à y réfléchir, Jessy n’avait pas spécialement de but. S’il en avait eu un et si le milicien avait eu un quelconque intérêt à ces yeux, il lui aurait offert un ton bien plus hypocrite.

-Eh bah mon con, tu manques pas de culot toi ! C’est le poing dans que tu t’es pris dans ta gueule qui t’a rendu si aigri, ou t’as toujours été aussi imbu de toi même ?

Il continuait de glousser comme un dindon. Jessy ignora sa remarque ridicule, après tout il n’avait pas élevé les cochons ensembles, ces yeux scrutant l’obscurité, surveillant ces arrières. Le clebs s’agitait un peu et le rouquin ne le quitta plus du regard, méfiant.
Lorsque l’autre lui proposa son joint, il le saisit entre ces deux doigts et tira dessus avec nonchalance. Il souffla doucement la fumée, retrouvant des sensations oubliées. Fumer lui avait manquer quand il jouait les patients modèles.
L’autre l’observait avec insistance avec un sourire béats et Jessy manqua de lui demander s’il voulait sa photo ou si sa tête ne lui revenait pas avant de se raviser. Honnêtement, il devait bien avouer qu’il était ridicule de vouloir passer ces nerfs sur cette espèce d’imbécile qui n’en valait certainement pas la peine. Il se contenta de tirer une seconde fois sur le joint et cette fois-ci souffla en direction du molosse.

-Alors comme ça tu t’es échappé des griffes d’Elpida ? Je pensais qu’il t’aurait tué. Ou que tu serais clamsé de la suite de tes blessures. En tout cas c’est ce que Graham pense, j’crois. Mais t’es plus solide que t’en as l’air, pour un rouquin blafard.

Elpida et Graham… Bien sur que ces deux-là n’avaient espérés que ça, de le voir mort mais Jessy n’était pas un simple pion dont on se débarrasse une fois qu’il nous a servi. Il comptait bien faire payer ce qui s’était produit jusque-là.

- Graham et Elpida sont des crétins. Il aurait mieux valu pour eux que j’y reste.

L’autre rigola à nouveau, et Jessy se demanda s’il ne serait pas plus simple de le balancer dans le lac pour qu’il arrête de se marrer toutes les deux minutes. Vu l’état dans lequel il était, il se noierait tout seul. Ce type était irritant. Il fit un geste vers lui mais son clebs grogna mécontent. Il devait probablement mieux saisir ces intentions que son maitre.

-'Fais pas cette tête, Bobby !

Le tas de poil noir s’appelait donc Bobby ? Voilà qui était pittoresque.

-Tiens, donne-lui ça, ça m’évitera d’avoir à m’interposer s’il décide d’achever le travail d’Elpida.

Le milicien n’avait pas tout à fait tort. Si Jessy continuait de se mettre tout le monde à dos, ce n’était pas seulement d’Elpida et Graham dont il devrait se soucier. Il échangea le joint pour un biscuit pour chien. Bobby sembla tout de suite capter l’odeur de son graal. Il s’approcha avec méfiance, certainement qu’il ne devait pas apprécier de devoir se déplacer jusqu’au rouquin pour récupérer sa pitance. Jessy attendit qu’il soit proche pour le lui donner, lui laissant le temps de le renifler avec méfiance. Bobby attrapa le biscuit et s’éloigna aussitôt, l’air ronchon mais moins agressif. Jessy lâcha finalement au milicien :

- T’es qui ?

Il ajouta afin de s’assurer que l’autre ne pensait pas qu’il cherche à se taper la causette avec lui ou dieu sait quelle connerie du genre :

- Histoire que je ne continue pas de t’appeler sous-fifre. Enfin, sauf si ça te fait kiffer.

-Appelle-moi comme tu veux, mon chou. Mais ne t’étonne pas si je te chauffe en retour.

Jessy leva un sourcil en l’air, prenant probablement cette remarque pour de la provocation gratuite. Le milicien effleura la joue du jeune homme, le prenant au pied de la lettre. Ça amusait ce crétin ? Et bien le rouquin pas du tout. Il garda cependant son sang-froid, conscient que le clebs l’avait toujours dans le viseur et voulant garder un peu de dignité.

-Mais sinon, moi c’est Vincent Hoai-Minh. J’suis le dealer officiel de l’île, mais ne va pas le répéter à Graham ou il m’arracherait la tête. Quoiqu’il arracherait la tienne d’abord, alors je ne me fais pas de bile.

Dealer officiel de l’ile… Et cela semblait le ravir. Jessy aurait pu s’en douter cela dit. Qui d’autre qu’un petit dealer pour se retrouver déchirer à gueuler des chansons au bord du lac alors que la nuit s’était déjà levée. Cela dit, cela ravivait un tout petit peu l’intérêt que Jessy portait à ce Hoai-Minh. Un dealer au sein de l’institut Graham… Il y avait forcément quelque chose à exploiter.

Les dealers rencontraient pas mal de monde et récoltait souvent des informations à force de côtoyer leurs clients. Un peu comme les putes finalement. Et il y avait bien sur le critère addiction à prendre en compte. Oui définitivement, il y avait quelque chose à faire…

-Beuh, marijuana, weed, j’ai tout ce qu’il faut. Il faut juste y mettre le prix. J’ai même des drogues plus…dures, mais c’est beaucoup plus cher.

Il se laissa glisser par terre, sa main tenant sa cigarette au-dessus de sa tête.

-Et toi alors ? Qu’est-ce que tu fais de ta vie maintenant que tout le monde te croit mort ? J’espère que tu savoures le vrai goût de la liberté.

La vérité était que depuis qu’il était libre, il avait les nerfs en boule. Il faisait les cent pas quand il était à l’intérieur et les cent pas lorsqu’il sortait. Pas étonnant qu’il soit de si mauvaise compagnie et autant sur la défensive. En réalité, il réalisait seulement maintenant que ce qu’il lui manquait était ce besoin de vengeance et cette haine qu’il avait tenté de mettre de côté pour Lucy. Quel con… Il y avait pris gout, c’était probablement ça sa drogue. Il ne supportait pas non plus de n’être qu’un plouc parmi les ploucs. Il avait toujours aspiré à plus…

- Jusqu’ici je glandais un peu mais dans l’idéal, ce serait bien que je parvienne à faire tomber Graham et Elpida de leur piédestal.

Il allait falloir qu'il reprenne contact avec Reano. Si quelqu'un devait viser autre chose que la place de bras droit de ce connard de Graham s'était bien elle. Elle avait de l'ambition, Jessy n'en doutait pas, et lui ferait en sorte de devenir indispensable. Il attrapa la bouteille de vodka qui trainait entre eux, et en bu une nouvelle lampée, appréciant la brulure du liquide. Il ne passa pas par quatre chemins et interrogea l’homme :

- Tu me vendrais des informations ?

Hoai-Minh semblait être un gamin censé qui ne prônait pas des stupides valeurs d’honnêteté ou de loyauté ou les conneries de ce genre-là. Et il semblait posséder un attrait suffisant pour tout ce qui pouvait avoir de la valeur sur cette île vu qu’il n’avait aucun était d’âme à refiler ces cochonneries au plus offrant.

Le milicien et son clebs se relevèrent en synchronisation, comme deux élastiques trop tendus.

-Attends, tu me demandes de trahir Graham là ? De vendre ma loyauté ? Tu me prends pour qui ? Tu sais ce que ça me coûterait ??

Jessy l’observa avec flegme. Il n’en croyait pas un mot… Et il savait pertinemment que dans son monde, tout s’achetait. Sa main avait tout de même saisi la chaine de sa ceinture dans un cliquetis qu’il avait à peine intercepter avec ces putains d’acouphènes, prêt à la détacher et s’en servir au besoin, si le chien décidait de son propre chef d’attaquer. Parce que pour ce qui était du maitre, il était clair qu’il n’était pas en état de lui faire quoi que ce soit. C’était là un réflexe qu’il serait parvenu à retenir avant. Mais Jessy n’était plus exactement le même que celui qui avait débarqué sur cette île. Il ne se ferait pas avoir deux fois, il avait gagné en prudence même si cela lui avait fait perdre en assurance.
Mais l’autre sourit finalement. C’était quoi ça comme genre de blagues ? Il était complètement inconscient ? En fait, cela n’avait rien d’une question. Il avait vraiment l’air parfaitement inconscient.

-…Parce que toi, ça va te coûter beaucoup plus cher, en tout cas…

Jessy eut un début de sourire, il était prêt à y mettre le prix pour voir ces enfoirés tomber. C’était plus quelque chose dans ce genre là qu’il attendait d’entendre. La main de Jessy quitta sa chaine sans qu’il ne se détende lui-même pour autant. Le milicien-dealer tira sur son joint, se rallongeant dans l’herbe.

-J’aime être milicien, on me laisse plutôt tranquille et j’ai la main libre pour mes magouilles. Alors dis-moi ce que t’as à m’offrir, et on pourra négocier, mais je ne vais pas me contenter de n’importe quoi…

Jessy se doutait qu’il lui faudrait du lourd pour obtenir les informations dont il avait besoin. Mais il n’était pas inquiet.

-Et si tu décides de me vendre ton corps, sache que les petits meurtriers, c’est plus trop mon truc…

Jessy sentit son sourire s’élargir, un sourire qu’il n’avait plus eu beaucoup l’occasion de ressortir. Ce sourire inquiétant de quelqu’un qui tient enfin le bon bout et sait où il va. II était temps qu’il reprenne sa vie en main, et par la même occasion ce qu’il avait toujours poursuivit. Il se contenta donc de répondre, avec arrogance :

- Oh mais mon corps vaut bien plus que tu ne pourras jamais m’offrir en informations. Et de toute manière, je ne suis pas certain que tu serais capable de suivre la cadence mon pauvre.

Il lança un regard moqueur à l’avorton, un regard de défi. Jessy n’en avait peut-être pas l’air avec son 1m59 mais il n’avait jamais manqué de conquêtes et il avait toujours su mettre le sexe au service de sa cause. Dans sa quête de pouvoir, de fric et sa soif de sang, il savait la place qu’avait le sexe. Il avait appris, s’était perfectionné et il était conscient de ce qu’il valait au lit. Il ne vendait pas son corps aux autres, c’était les autres qui se vendait pour son corps. Il continua, reprenant le fil là où il s’était arrêté avant que le milicien ne fasse ces petites allusions :

- Tu serais encore plus tranquille sans Graham. Champ libre pour les magouilles, ta place de milicien serait assurée. Je vais voir Reano dans les prochains jours, je serais toi, je réfléchirais bien au camp que je choisis parce que quand on aura eu la tête de Graham -ce que je ne doute pas que cette très chère Amalia souhaite- on saura faire le tri entre ceux qui nous ont filer un coup de main et les autres.

Il savait qu’il ne risquait rien en balançant tout ça. Le dealer n’avait aucun intérêt à rester sous la coupe de Graham. Le nouveau « chef » de l’institut ne tolérait certainement pas que l’on vende de la drogue sur son territoire, et si le milicien vivait une vie tranquille, elle n’était probablement pas bien palpitante. Et même s’il allait tout balancer à Graham, impossible que le militaire ne le prenne au mot, comme il l’avait dit plutôt, Graham aimait arracher des têtes.

Il n’avait pas non plus de doutes sur le fait qu’une place de second ne devait pas parfaitement convenir à Amalia Reano. Elle n’avait rien d’une seconde. Elle était là pour être la première, et il l’avait tout de suite compris lorsqu’il l’avait rencontré, alors qu’il se faisait encore passer pour un patient.

- Et pour tout ce qui est matériel, je peux te fournir ce que tu veux, des couillons à plumer ça ne manque pas, que ce soit chez les électrons libre ou ailleurs. Comme ça, si je me foire, tu y auras quand même gagné quelque chose, et c’est tout ce qui t’importe n’est-ce pas ?

Son regard doré épiait les alentours. Pas question de se faire surprendre à avoir ce genre de conversation.

-Tout juste ! Tu es vachement sûr de toi pour quelqu’un qui s’est fait émasculé par Elpida et Graham en même temps...Peut-être que tu as aimé ça finalement ! Chacun ses kinks, ne t’inquiète pas.

Il n’aimait pas la métaphore. Et il n’aimait pas qu’on s’imagine qu’il n’avait aucunes chances face à des mecs comme Graham ou Elpida. Il avait peut-être des moyens plus limités, il n’avait peut-être pas leurs carrures ou le soutien de leur entourage, mais il n’avait besoin de rien de tout cela. Jessy avait toujours été meilleur pour les coups fourrés et les trahisons assumées. Il ne travaillait pas frontalement mais toujours dans le dos. Et il avait su compenser sa taille par d’autres atouts, comme sa rapidité d’action ou son ambidextrie qui l’avait déjà tiré de situations délicates.

- Je te souhaite bon courage, mais tes petits plans ne m’intéresseront que lorsqu’ils auront fonctionné. En attendant, je veux du concret. Tu vois, j’ai besoin de méthadone et d’oxycontine, mais je sais de source sûre que l’Institut ne possède que des substituts de ces médocs-là. Il n’en restait que quelques boites, avant la révolution…mais Elpida a tout raflé.

C’était tout ce que le rouquin voulait entendre. Vincent avait bel et bien besoin de trucs sur cette foutue île. Il serait aisé de traiter avec lui. Et il appréciait plus le sourire que ce dernier lui adressa à ceux, un peu trop nonchalant et idiot qu’il lui proposait depuis tout à l’heure. Il était capable d’accomplir sa part du marché. Et si cela se produisait, alors Jessy aurait toutes les cartes pour enfin pouvoir se mesurer à Graham.

-Si tu me les rapportes, je te filerais toutes les infos qu’il te faut. Ou alors on peut s’organiser un p’tit rencard tous les deux, j'ai cru comprendre que cela ne t'intéressait pas, et de toute façon, j'ai déjà d'autre coups plus intéressants à brancher !

Tant mieux. Jessy n’avait pas de temps à perdre avec ce genre de mec, il avait une dignité. Puis il ne voulait pas choper toutes les MST que ce type devait se trimballer. L’autre jeta sa bouteille vide, et Jessy observa le verre sombrer dans l’eau de ces yeux dorés. Qui sait… S’il s’y prenait bien, il n’y aurait peut-être pas que des bouteilles vides à faire sombrer dans ce lac…

Il savait qu’Elpida ne lui donnerait pas ces boites. Il faudrait qu’il aille les chercher. Mais Jessy ne se faisait pas de bile. Il connaissait le bunker et les habitudes de chacun, il avait tourné autour de l’endroit longtemps après en être sortit. Et le seul qui ai la force de maitriser le jeune homme s’il se faisait pincer était ce crétin de Béryl. Il serait si facile de le manipuler qu’il n’avait aucunes craintes de ne pas ramener ces boites. Il se redressa, sous les yeux à nouveau suspicieux du chien du milicien :

- Tu auras tes opioïdes. En échange, je veux savoir où se trouve avec exactitude les précieuses recherches de Graham dans l’institut, ainsi qu’un moyen d’y parvenir sans tomber sur tes copains miliciens.

Il voulait des informations qui ai de l’intérêt. Les horaires de la milice où ce que Graham avait mangé au petit déjeuner ne l’intéressait pas le moins du monde. Le dealer avait intérêt à lui trouver ce dont il avait besoin. Il doutait que le petit ai assez d’ambition pour ça, ça se voyait qu’il se laissait aller au gré du mouvement du courant, mais on n’était jamais assez sur et c’était des habitudes auxquels on se rattachait vite quand on s’appelait Jessy Frey :

- Si tu me doubles en allant raconter cette conversation à Graham ou n'importe lequel de tes petits camarades de l'institut, il n’y aura plus aucun endroit sur cette île ou tu pourras te sentir tranquille, même avec ton clebs, et tu sais comme je suis résistant. Alors, marché conclu ?  

Il était satisfait de cette rencontre finalement. Elle relançait en lui des instincts enfuis, presque oubliés. Il repartait à la chasse. Le plan était encore imparfait, il devrait se montrer patient, mais tout cela en valait la chandelle.

Evidemment, cela fit encore rire Monsieur le Dealer. Jessy manqua de soupirer, exaspéré.

-Ca ne sert à rien de me menacer, mon p’tit rouquin, je ne rompt mes marchés que si on m’en offre un plus intéressant, et je ne pense pas que Graham serait enchanté de me refiler des opioïdes…ou que je t’ai parlé tout court d’ailleurs. P’têtre qu’Elpida serait plus réceptif, mais je crois qu’il ne m’aimait pas du temps où j’étais vigile…Pourtant, qui pourrait ne pas m’aimer ? Je suis adorable.

« Mon p’tit rouquin ? » Il roula des yeux. Et effectivement, il ne se faisait pas trop de soucis. Elpida ne filerait ces opioïdes à personne, il était bien trop paranoïaque pour ça. Et rien d’étonnant qu’il n’apprécie pas ce tire-au-flanc obscène. Après tout, Donatien avait des critères de pureté un peu particulier. Auquel Jessy n’appartenait pas non plus cela dit.

- Si ça peut te rassurer Donatien n’aime que sa personne.

Un trait de caractère auxquels Jessy pouvait s’identifier cela dit. Mais ignorer ces défauts étaient aussi l’une des principales qualités du jeune homme.

-Je vais me renseigner, mais je ne prendrai de vrais risques que lorsque je serai certain que tu as mes médocs. Je ne risque pas mes fesses dans le vent, et on ne me la fait pas à l’envers. Alors, sois rapide Jessy.

Il hocha la tête. C’était legit. L’autre s’étira avec nonchalance. Lui-même n’aurait accepter ce genre de deal qu’en étant bien certain de la capacité de son interlocuteur à obtenir ce qu’il demandait. Cela dit… est-ce que lui pouvait faire confiance en ce morveux scabreux pour bien faire son job ? Et avait-il le choix ? Il n’avait pas encore assez de cartes en mains pour faire autrement en tout cas… Et il avait besoin d’inverser la vapeur.

-Bon, c’est pas que ta compagnie m’ennuie, mais elle m’ennuie. Du coup…à moins que tu n’aies envie de te défoncer un peu…Tu peux te barrer ?

Il ne manqua pas d’entendre le tire-au-flanc grommeler quelque chose sur le fait qu’il serait moins grincheux malgré le cabot qui grognait. Jessy ne se fit pas désirer. Il n’attendait que ça, de se tirer. Il valait mieux pour lui qu’on ne le voit pas trainer dans le coin, surtout pas à comploter avec la milice de Victor. Les rumeurs allaient vite, même après la création des factions, et s’il adorait exploiter cela, il savait qu’il aurait pu en faire les frais à son tour. Il salua donc nonchalamment le tire-au-flanc d’un geste de la main distrait avant de s’éloigner.