Le soleil manquait à Steven. Pour lui, la nuit, c’était soi le temps de dormir, soit celui des nuits blanches à mater tranquillement un film ou à trainer devant un jeu vidéo. Il n’était pas encore tard, à peine 20h, mais il lui tardait déjà de regagner sa chambre aux allures de garçonnière. Heureusement, sa prochaine ronde n’aurait pas lieu avant 7h, il aurait donc tout le loisir d’aller larver comme il lui plaisait entretemps. Il lui suffisait de terminer celle-ci. Il regarda sa montre. Encore 10 minutes. Ca devrait le faire.
Prenant son mal en patience, le métisse asiatique continuait à déambuler dans le couloir du bâtiment W. Au rez-de-chaussée, il jeta un œil à toutes les portes. A cette heure-ci, presque toutes laissaient passer un rai de lumière par les interstices. Les patients, pour la plupart, avaient déjà regagné leur chambre et s’occupaient tranquillement en attendant l’extinction des feux. S’il tendait l’oreille, il pouvait entendre des pages se tourner, quelques notes de musique ou le bruit d’un stylo sur le papier. L’ambiance était paisible. Il ne se préoccupa pas trop des portes qui n’affichaient pas cette présence. Soit son occupant dormait déjà – les couche-tôt ça arrivait – soit il ne tarderait pas à imiter ses camarades. Dans tous les cas, il n’y avait pas de quoi s’inquiéter.
Il monta à l’étage, passant devant les sanitaires un par un. De l’un s’échappait un bruit d’eau continu qui laissait suggérer qu’un patient était sous la douche. C’était un peu tard pour ça, mais ce n’était pas interdit. Il ne s’en formalisa pas. Il s’apprêtait à monter dans le couloir des salles de soin pour vérifier que toutes les portes étaient bien verrouillées avant de s’en aller lorsqu’un grand fracas se fit entendre, suivi d’un long silence. Steven fut tenté un instant de faire comme s’il n’avait rien entendu. Il n’avait qu’une envie, regagner le Bâtiment et ses quartiers, et à coup sûr, cet incident ne ferait que le retarder. C’était sans compter sur sa conscience professionnelle qui lui fit revenir sur ses pas, à la source du bruit en soupirant. Ce n’était sûrement qu’un gamin qui avait fait tomber son shampooing et le bruit avait été démultiplié par l’absence de bruit mais il devait s’en assurer. Il n’avait pas envie qu’on lui reproche d’avoir laissé un patient faire une connerie ou étalé en mauvaise posture après s’être cassé la gueule dans la douche. Il ouvrit donc la porte qui donnait accès aux lavabos et aux cabines de douche en demandant de sa voix grave :
- Tout va bien ?
W05, de son vrai nom Elizabeth McKinough, pesta et grogna en tapant du point dans son lit. Son ventre lui faisait un mal de chien et elle avait une envie très désagréable de régurgiter. Rendre son repas. Bref, elle avait envie de dégueuler. Cela faisait maintenant trois jours qu'elle souffrait et que son médecin ne s'en préoccupait pas le moins du monde. "Qu'un cas désespéré" qu'il disait. Imbécile. Depuis que le docteur Myers, son chouchou, avait décidé de foutre le camp, le nouveau qu'on lui avait attribué se fichait tellement de son cas que ça en devenait insultant. Il n'était pas intéressé par son mutisme soudain, ni par sa pathologie de base. Tout ce qui arrivait à retenir son attention était le football et les billets verts. Elle avait bien essayé de jouer de ses atouts majeurs, tels que ses nibards, mais ce chien était fidèle et loyal à sa femme. Quel ennui !
Elle avait réussi à prendre des Spasfons, mais depuis qu'elle les utilisait contre ses règles à outrance, ça ne faisait plus effet du tout !
Elle se leva, enragée contre son propre corps qui faisait n'importe quoi, avant de se mettre devant la glace. Quatre mois depuis qu'elle avait réussi à atteindre un de ses buts ultimes : coucher avec le docteur Walter Myers. Un véritable délice.
Elle s'étira, en espérant faire passer la douleur qui lui lançait dans l'estomac, avant de sortir. Une bonne douche bien chaude lui ferait sûrement le plus grand bien. Elle était partie sans savon, sans serviette, sans affaires de douche. Elle n'avait pris que son corps.
Elle monta les marches et poussa la porte des sanitaires, retirant rapidement son haut et son bas, sans chercher à comprendre s'il y avait quelqu'un d'autre dans ces fichues douches. A terre traînaient donc son uniforme composé d'un haut large, d'une culotte et de chaussons.
Sans plus attendre, elle entra dans la douche et fit couler l'eau sur son corps de déesse grecque. Elle grimaça en sentant le froid d'abord lui mordre la chair avant de doucement se réchauffer.
Tout était contre elle ces temps-ci. Rien n'allait. Son changement de médecin. Son corps. Les dégénérés. Rien n'allait.
Elle frappa rageusement dans le mur carrelé avant d'immédiatement regretter son geste. Elle secoua sa main dans l'air, signe qu'elle venait de se faire suffisamment mal pour tenter d'adoucir la douleur.
Si elle pouvait user de sa voix pour crier toutes les insultes de la Terre, elle ne se serait pas gênée.
- Tout va bien ?
Elle sortit de la douche en entendant cette voix masculine, lui dévoilant sans pudeur son corps où perlaient plusieurs gouttes. Derrière elle, l'eau était encore en train d'être expulsée via le pommeau. Elle le fixa avec un air interrogateur avant de lui montrer sa main avec l'index de son autre main non blessée, puis son ventre, avant de lever les bras d'un air de dire :"Vous ne pouvez rien y faire."
Elle continua de le fixer, se demandant si elle devait se jeter sur lui afin de faire de violentes galipettes dans tous les sanitaires. De toute façon, à une heure pareille, tout était permis. Elle ne l'avait jamais fait avec un type aux allures asiatiques, c'était presque excitant. Et puis, c'était un vigile, il était forcément super bien foutu. Elle avait envie d'arracher ses vêtements à l'aide de ses dents et de l'emmener avec elle dans la douche afin de constater si oui ou non c'est possible de copuler dans cet endroit.
Elle haussa alors un sourcil, et le dévisagea comme un lion guette une antilope.
Elle. Avait. Faim.
Non, Steven ne se sentait pas choqué de rencontrer une jeune femme nue dans les sanitaires. Il avait grandi dans de nombreux pays différents, intégrant un certain nombre de culture et de rapport au corps se contredisant les uns les autres alors… Cette patiente venait peut-être simplement d’un pays où la pudeur n’était pas de mise. Il était simplement… surpris, de l’aisance dans elle faisait preuve dans sa tenue d’Eve.
Elle lui désigna sa main puis son ventre. Tout d’abord, il ne comprit pas. Il entra donc dans la pièce, fermant la porte derrière lui. S’il avait su à qui il avait à faire, il aurait probablement compris quelle énorme erreur il venait de faire. S’enfermer dans une pièce avec la fameuse W05… Mais à ce moment-là, Steven ne voyait qu’une jeune femme qui, bien que visiblement à l’aise avec son corps, méritait comme toute autre un minimum d’intimité. Il s’approcha. S’arrêta quelques pas plus loin. Elle avait un drôle de regard la gamine. Enfin, gamine… A son corps, aucun doute c’était une femme mais il s’attachait soigneusement à regarder principalement son visage.
- Un problème ?
Il la fixa en attente d’une réponse qui ne vint pas. C’était quoi les pathologies des patients dans ce bâtiments déjà ? Les W, les pathologies les mieux connues du grand public. Un problème de cordes vocales ? Etait-elle muette ? Ah, décidément, gérer les patients, c’était pas son truc. Déjà qu’il avait du mal à communiquer de base…
- Tu veux que je prévienne ton médecin ?
Oui, voilà, prévenir son médecin c’était une bonne idée. Lui, il saurait comment la gérer et il pourrait enfin regagner ses pénates pour zoner en sweat-shirt. Il commençait à en avoir assez de cette chemise et de cette veste de costume. Il passa un doigt entre son cou et sa cravate pour la desserrer un peu. Vivement qu’il se débarrasse de tout ça !
Elle balança ses cheveux en arrière, signe évident de séduction. Elle joua également de son regard, à la fois destructeur et séducteur. Enfin, elle se passa timidement la langue sur la lèvre inférieure.
Parce qu'elle n'était pas idiote. Les fermés d'esprit s'attelaient à être gênés en voyant un corps nu, et lorsqu'ils parlaient à quelqu'un, ils préféraient s'attarder sur le visage. C'était pourquoi elle jouait tant de ses charmes faciaux. Elle s'acquit d'avancer d'un pas, un sourire presque effacé dessiné sur ses lèvres. On pouvait faire un documentaire sur l'espèce "W05" tant il y a d'éléments qui relevaient de l'animalier.
- Un problème ?
Elle balaya l'air de sa main et avança d'un nouveau pas. Elle utilisait la distraction pour s'approcher de sa victime tout en douceur et en discrétion. Bien évidemment, elle ne pouvait pas lui donner de réponses verbales, donc elle laissa l'homme en suspens. Il devait deviner lui-même si il y avait effectivement un problème ou non, ce qui n'était pas forcément évident à comprendre.
- Tu veux que je prévienne ton médecin ?
Elle fit mine d'éclater de rire. Quelle idée ridicule ! Autant le médecin Walter aurait pu aider, autant son médecin actuel n'en avait absolument rien à faire ! Ses maux de ventre ne l'intéressaient pas du tout !
Elle fit non de la tête tout en entourant le cou de l'homme de ses bras, tout en collant son corps au sien. Elle devait avoir un regard de vipère, prête à dévorer sa proie.
Avec sa main, elle caressa légèrement la joue du mâle qu'elle avait face à elle.
HRP : désolée c'est court mais j'imagine que Steven doit se remettre de ça, ou même agir x)
- Tu es mouillée.
Commencer par un constat simple. Elle était en train de détremper ses vêtements. Continuer par un autre, aussi simple pour l’inciter à s’éloigner.
- Si tu as terminé ta douche, tu ferais mieux d’aller couper l’eau.
Mais s’il voulait par cette phrase qu’elle s’éloigne, il tenait également à ce qu’elle ferme également le robinet. C’était une manie occidentale qui le répugnait, cette façon de mépriser les choses de la nature, de traiter ces ressources comme si elles ne valaient rien et qu’elles étaient intarissables. Mais elle n’avait pas l’air de vouloir bouger. Alors, il prit son courage à deux mains et posa les mains sur ses épaules pour la repousser avec douceur. Pas de serviette aux alentours. A quoi pensait-elle ?
- Tu vas prendre froid. Dit-il en se débarrassant de sa veste de costume.
De toute façon, elle l’avait déjà rendue toute humide. Il la posa sur ses épaules et se dirigea vers la cabine de douche pour tourner le robinet lui-même.
Il ne réagissait pas. Elle ne sentait pas de tremblements, elle ne voyait pas de chair de poule ni même de mouvements. Il restait immobile, comme s'il venait de se transformer en statue incapable de faire le moindre geste.
Elle se demanda s'il n'avait pas eu un pet de cerveau pour être à ce point si peu réactif. Il était tout de même collé avec la plus belle créature de tous les temps, et lui se permettait de ne pas en profiter ? Quel genre d'être humain était-il ?
Elle continua alors à caresser sa peau. S'il daignait rester statufié, alors elle pourrait faire ce qu'elle voudrait de ce garnement.
- Tu es mouillée.
Elle écarquilla les yeux et se mit à produire un rire muet. Qu'il était mignon, le petit. Elle venait de traumatiser une pauvre petite brebis égarée. Mooooh. Il n'était donc juste pas capable de supporter tant de sex-appeal et d'audace ? Que sa vie devait être morne et amère ! Il n'y avait rien de mieux que de se livrer aux autorités… Ce qu'elle venait littéralement de faire.
- Si tu as terminé ta douche, tu ferais mieux d’aller couper l’eau.
Elle leva les yeux au ciel, éternelle insatisfaite. Pourquoi devait-il se préoccuper d'une eau qui coule ? Il était contre une Déesse ! Il pouvait parcourir le corps de la jeune femme autant qu'il le voulait, découvrir la perfection, se permettre une pause plus qu'agréable dans son travail. Mais non ! Il fallait qu'il soit plus happé par l'écologie.
Les gens n'avaient vraiment pas la priorité des choses. Cette eau allait être de nouveau utilisée de toute façon. A quoi bon ? C'était une perte d'énergie et de temps monstrueux.
Et là, le coup fatal. Il lui prit les deux épaules et la repoussa. Si son sang bouillonnait d'excitation, désormais il bouillonnait de rage. Il n'avait pas conscience de ce qu'il venait de faire. Préférer l'eau à elle ?! Les surveillants étaient-ils aussi méprisables que les patients ?!
- Tu vas prendre froid.
Il ponctua cette phrase en déposant sa veste sur elle. Elle grimaça et la jeta à terre aussitôt. Elle se fichait de prendre froid, elle était malade depuis quelques jours déjà. Ce n'était pas de l'eau sur son corps et un peu d'air qui allaient empirer son cas.
Sa première erreur : lui tourner le dos. Le docteur Walter le savait : il ne fallait jamais ne pas l'avoir dans son champ de vision.
Elle se tourna de suite vers la porte de sortie qu'elle bloqua pour l'empêcher de s'enfuir. Elle se retourna ensuite vers lui qui venait d'enfin tourner le robinet. Elle marcha jusque dans la douche et au moment où il lui fit face, elle lui bloqua tout moyen de s'échapper à l'aide de ses bras. Elle venait de construire une pièce à quatre murs : ses deux bras, son corps et un vrai mur.
Il devait dès lors comprendre qu'il était fait comme un rat. Penser qu'il pouvait éviter une telle situation n'était pas raisonnable.
Ses doigts grimpèrent de son torse jusqu'à son cou, ses ongles chatouillant gentiment sa peau. Elle approcha ses lèvres de son oreille et souffla doucement dessus avant d'esquisser un sourire carnassier.
La patiente, les bras écartés, lui bloquait la sortie de la douche. Ses réflexes de soldats refirent surface. Faisant fi de la nudité de la jeune femme, il la jaugea de haut en bas, comme il jaugerait un adversaire potentiel. Musculature peu développée, équilibre insuffisant pour encaisser une trop forte poussée et organes vitaux non-protégés. Conclusion : degré de menace faible. Il se détendit, quittant la position de garde qu’il avait adoptée presque malgré lui. Qu’est-ce qu’elle lui voulait bon sang ? Et soudain, enfin, la révélation.
Un éclat de compréhension brilla brièvement dans le regard de Steven avant qu’il ne retrouve son habituel regard impassible. Il se trompait peut-être, mais, est-ce que ce n’était pas, LA fameuse W05 dont tout le monde parlait ? En tout cas, il ne pouvait pas le vérifier actuellement, son uniforme était certainement dans le couloir, sous la petite culotte qu’il avait vu en entrant, mais pour cela il aurait certainement fallu qu’il malmène la fille en face de lui. Enfin, plutôt la fille contre lui. Ses doigts grimpèrent le long de sa cage thoracique jusque dans son cou tandis qu’il sentait son souffle sur son visage. Il décala légèrement la tête pour la regarder, sans que son corps ne bouge. Elle avait un sourire… avide.
Est-ce qu’elle voulait… ?
Il glissa une main dans le haut de son dos et la laissa descendre doucement, comme s’il prospectait la zone. En réalité, il ne détachait pas ses yeux de son visage, guettant une réaction qui lui indiquerait s’il avait finalement compris ou s’il faisait fausse route. Après tout, si elle voulait…
Steven avait toujours eu du mal avec les femmes. Il ne les comprenait pas. Il avait cru comprendre que son physique de métisse était souvent trouvé séduisant même s’il ne voyait pas en quoi. Il avait eu plusieurs expériences, à droite à gauche, jamais rien de sérieux ou de durable. Elles lui envoyaient des signaux qu’il avait du mal à décrypter, est-ce qu’elles voulaient, est-ce qu’elles ne voulaient pas, pourquoi elles voulaient et pourquoi elles ne voulaient plus… Grand mystère. La seule façon qu’il avait trouvé d’essayer de les satisfaire, c’était de rester rivé à leurs yeux, pour essayer de capter leurs envies. Il ne savait pas trop si c’était efficace.
En tout cas, sa peau avait une texture… intéressante. Douce et élastique sous l’humidité qui la recouvrait, ça donnait envie d’en savoir un peu plus. Pourtant, elle n’était pas son genre de fille. Lui préférait les femmes menues, loin de la féminité qui débordait d’elle. Mais ça faisait si longtemps qu’il agissait en solitaire que… Ca pouvait peut-être devenir intéressant pour lui aussi finalement.
Ses doigts continuaient leur exploration du territoire encore inconnu, leur pulpe frôlait sans cesse sa peau pour le chatouiller et partager timidement sa chaleur. Elle dégagea sa bouche de son oreille et recula de quelques centimètres son visage, pour avoir un aperçu du sien, pour capter ses réactions qui, jusqu'ici, étaient inexistantes. Elle crut voir une lueur différente dans son regard, mais rien de très concret. Jusqu'à ce que sa main décide finalement d'explorer à son tour le corps de la déesse qu'était Elizabeth.
Elle lui sourit, à la fois satisfaite et victorieuse. Elle appréciait ce contact, presque comme pour tâter la marchandise.
Elle se colla davantage à lui, le laissant savourer la volupté de ses formes généreuses. Elle devait être comme un nuage qui l'enveloppe : très confortable.
Elle attrapa l'arrière de la nuque et plaqua ses lèvres sur sa peau, laissant les événements suivre naturellement, sans brusquer quoique ce soit. Ce qu'il se passait dans ces douches cette nuit-là serait un secret pour les deux protagonistes. Pas de l'amour, juste un plaisir partagé de quelques minutes. De quoi réchauffer les cœurs, et surtout les corps. Partageant une part d'eux à l'autre, sans espérer le revoir ni même recommencer : juste une folie d'un soir. Rien de concret.
Lorsque ce fut la fin, W05 caressa une dernière fois la joue de sa nouvelle proie, et laissa un baiser sur son pectoral. Elle se leva, enfila ses vêtements qu'elle avait laissé sur le sol, et lui adressa un signe de la main.
Au revoir, lui-dit elle.
Elle ne savait ni son nom, ni son travail, ni son âge. Rien de lui. Et pourtant, elle avait donné ce que nombre de personnages auraient refusé de partager.
Entrant dans sa chambre, elle se laissa retomber dans ses draps, totalement séduite par sa soirée. Elle en oubliait même ses entrailles qui se retournaient dans son ventre, se laissant porter par les bras de Morphée.
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