Charlie est pleine de surprise, persévérance et volonté la caractérisent bien. Malgré son flair et sa clairvoyance en ce qui concerne la nature profonde d’autrui, elle n’est pas portée à prendre parti. Son enfance cabossée lui a appris que si l’on veut s’en sortir on le peut, et cela ne dépend pas des autres, certes parfois il nous faut un petit coup de pouce, une gentille personne, une fatigante qui ne veut pas abandonner. Mais  elle aime se dire qu’on peut toujours se trouver une petite place et cela même au coeur d’une situation désagréable. Sa vision de la vie la rend donc peu influençable. N’essayez pas de soulever sa pitié, s’apitoyer n’a jamais aidé personne, par contre si vous faites preuve de bonne foi vous obtiendrez son soutien. Voilà pourquoi être pour ou contre l’institut n’est pas vraiment une question pour elle.

Malgré tous, Charlie ne refuse jamais vraiment d’aider, et quand elle commence, elle termine, s’engageant pleinement dans ce qu’elle fait.
Côté estime, Charlie n’attend pas qu’on la flatte, si son physique ou son esprit ne plaisent pas aux gens ça ne lui importe que très peu, «regarde ailleurs si t’es pas content». Si cela n’était pas le cas avant l’adolescence, elle a maintenant développé une philosophie qui lui permet de passer outre les jugements d’autrui. Elle préfère rire plutôt que pleurer, s’apitoyer elle l’a bien assez fait par le passé.

Malgré cette indifférence face aux jugements, cette jeune fille sait se tenir et respecter sa place, sans avoir peur de l’autorité, elle tient tout de même au respect. Par contre, celui-ci doit être réciproque. Son franc-parler est cependant mal vu et empreint de causticité lui ont valu quelques problèmes par le passé, mais elle est bien décidée à tenter de tourner sa langue sept fois avant de parler, surtout si son nouvel emploi est en jeu.

Autre petit point, prenez garde... elle aime l’humour, mais n’est pas toujours très douée… Prenez garde à ses jeux de mots ils sont parfois fatals.

Ni grande ni petite, Ni maigre ni enrobé. Charlie a des formes où il le faut sans pourtant verser dans l’excès. Le visage presque androgyne, elle conserve tout de même une féminité délicate. Les cheveux coupés courts, teints en vert et étrangement sain malgré la teinture, elle se plaît à se colorer les mèches selon ses envies. Des taches de rousseur trahissent quand même sa couleur naturelle et parcourent son nez et ses pommettes

De longs cils abritent son regard. Regard d’ailleurs difficile à interpréter, songeur? Non c’est autre chose, un mystère? En fait, ses yeux voient et savent enfin surtout le gauche…

Un point qui peut choquer est la couleur de sa pupille droite, une tache blanche cache le bleu. Maladie oculaire ayant frappé en enfance, elle garde depuis cette taie de cornée. Si son interlocuteur peut se sentir troublé par cette différence, elle y est maintenant parfaitement habituée et elle prend à la légère les regards indiscrets.

Côté vestimentaire Charlie reste un mystère, parfois sobre elle peut paraître le lendemain avec une apparence totalement inattendue,  elle jongle avec les styles selon son humeur, mais le plus souvent le confort reste un critère décisif.

Incapable de se maquiller sans se planter le crayon dans l’oeil; elle se résigne donc à vivre avec les petits défauts de sa peau. Une petite cicatrice de varicelle près de son sourcil gauche, des cernes un peu prononcés ce matin (aaah ce nouveau jeu l’a bien tenu éveillé jusqu’à deux heures du matin…), des rougeurs près du nez (stupide allergie, quelqu’un a planqué un chat?).

Sans pouvoir s’en empêcher, elle monte toujours les escaliers d’un pas rapide, malheureusement cela se fait souvent au mépris de l’élégance et comme elle ne réussit pas vraiment à bien lacer ses chaussures, elle a plus d’une fois terminé sur le sol.



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2005
Un coup de téléphone, on « range » mes affaires dans un gros sac-poubelle, la voiture arrive, je pars.
J’ai dix ans, assise dans le bureau de la travailleuse sociale. Je contemple mes pieds qui ballotent dans le vide. Les fauteuils ici sont vraiment grands.
-Qu’est-ce qui s’est passé cette fois ? Sais-tu pourquoi tu es ici?
-Parce que la nouvelle Madame a veut pas que je reste chez elle.
-Oui mais pourquoi?
Je hausse les épaules, ma tête reste baissée, je sais que Madame Fanny est fâchée, c’est la troisième famille d’accueil qui me retourne. Elle soupire.
Il paraît que tu as fait croire aux autres enfants que ton oeil était maudit et que s’ils te regardaient, tu leur jetterais un sort.
- Ouin
- Pourquoi tu racontes des mensonges comme ça? Ça t’amuse de faire peur aux plus jeunes?
- Non...
Alors quoi?
Je voulais juste qu’ils me sacrent patience!Qu’ils arrêtent de me regarder.
Charlie JONAT!.. Charlie, surveille ta façon de parler! Bon ce n’est pas grave, j’ai trouvé...
Je n’écoute plus la suite, elle a failli dire mon nom de famille, ça efface toujours mes problèmes, ce n’est pas bien ici le nom de famille, il sert pas, j'appartiens plus à cette famille là, il doit rester secret. Histoire que mes vrais parents ne me retrouvent pas. Mon attention reprend quand elle termine son discours sur l’importance d’être patiente que je ne dois pas en vouloir aux autres enfants qui me regardent trop longtemps, finalement je n’y ai pas échappé.

2012
Un coup de téléphone, on « range » mes affaires dans un gros sac-poubelle, la voiture arrive, je pars.
J’ai quinze ans. Assise dans le bureau, mes pieds touchent par terre maintenant, par contre Fanny est encore déçue. Certaines choses changent d’autres pas. J’ai été suspendue de l’école cette semaine. Ma famille du moment m’a suspendue de leur maison pour toujours. Tant mieux, je les aimais pas. Pour l’école c’est même pas moi qui ai commencé. Je ne vois pas avec mon oeil gauche, en sport j’ai mangé le ballon dans la face. Le prof m’a dit de porter plus attention au jeu, mais l’autre cave de Jérémie de l’équipe adverse a dit que je pouvais pas à cause de mon oeil dégueulasse. Il a mangé ma main dans la face. Il aurait dû faire plus attention...

Cette fois on m’expédie dans une « maison des jeunes », ici on ne joue pas à la famille, y a pas de maman et pas de papa, les autres se sont pas nos sœurs ou je ne sais quoi. On doit faire à manger et apprendre à s’occuper de nous, il y a des surveillants et des règles à accepter. Je partage ma chambre avec une autre fille, il y a une armoire et un rideau entre nous deux. Il y a aussi deux gars dans la maison, il paraît qu’il y a de la place pour quatre. Ils ont plus de lits car se sont eux qui posent le plus de problèmes et donc qui se font renvoyer à l’expéditeur.
Je m’en fous, je veux parler à personne, je sors un livre de mon sac-poubelle.

Le couvre-feu est passé, j’ai évité avec succès les autres habitants de la maison. Je regarde le vieux cadran quand j’entends le rideau, quelqu’un le tire.
- Psst...hey, c’est toi la nouvelle.
Elle chuchote, je ne répond pas.
- Hey..pssst, dors-tu? Je m’appelle Ariane, toi c’est quoi? Allez, je sais que tu dors pas, comment je dois t’appeler?
Je soupire, Elle m’énerve déjà, j’ai pas envie de me retourner, je le fais quand même, elle est clairement trop fatigante pour me laisser en paix.
- Alors je t’appelle comment?
- Tu m’appelles pas.
- Okaie, « Pas »!
Elle sourit,
- Allez Pas.. souris? Sinon c’est PAS drôle.
Fière de son coup, et avide de futurs jeux de mots, elle se recouche.
Pire qu’un tourbillon, elle m’entraine dans son papotage nocturne. Quand un surveillant soupçonne nos bavardages et vient nous dire de dormir elle rétorque:
-si vous ne veniez pas nous déranger toutes les trente-six secondes on réussirai,
-Je me parle à moi-même,
-Je comptais les moutons,
ou bien;
-je suis somnambule et elle aussi, n’est ce pas? -Très très somnambule...
Puis elle glousse, et recommence à me jaser.

Un soir armé d‘une paire de ciseaux, elle me fait signe de mettre une serviette pour cacher la craque de porte. Elle allume sa lampe. Dans cette lumière toute relative, elle veut se la jouer coiffeuse. Selon elle le rideau de cheveux devant les yeux ce n’est pas « winner ». Mon ancienne frange rejoint la poubelle.
Les premiers jours, sans protection capillaire pour cacher mon oeil mutant, sont difficiles, mais la leçon est bonne, les gens finissent par se lasser de me dévisager. Ariane me dit que les caves qui se moquent ne le feront plus si j’arrête de vouloir le cacher, d’en avoir honte. Elle a raison, comme Fanny il y a longtemps, mais elle, elle est plus fatigante. J’avais pas le choix de l’écouter elle...

2015
Un coup de téléphone, on « range » mes affaires dans un gros sac-poubelle, la voiture arrive, je pars.
Cette fois pas de bureau, pas de Fanny, j’ai dix-huit ans. La protection de la jeunesse s’est finie, je vais pouvoir poser mon sac-poubelle pour de bon.

Un petit appart que je partage avec ma fatigante. Les cheveux courts et le visage dégagé, ça fait du bien. Elle m’en a appris des choses ma fatigante, que le regard des autres ont s’en criss, que même si on danse mal on peut le faire, que du spaghetti brûlé dans le fond d’une casserole s’est quand même bon si on n’est pas seule. En trois ans elle a fait mon éducation, en trois ans elle a réussi à faire ce que onze autres familles n’ont pas pus.

2018
Le sac-poubelle au fond de la garde-robe, je travaille pour une compagnie de ménage. Je visite des vieux qui comme moi leur nom de famille ne rattache plus à personne. Ma fatigante veut aller transmettre sa maladie du papotage en Europe, elle commence de nouvelles études là-bas. Je n’ai pas peur, elle m’a déjà tout refilé ses microbes du bonheur.

2019
Le sac-poubelle au fond d’une valise, je saute dessus pour la fermer, cette fois je ne pars pas vraiment, j’arrive ailleurs, simplement. Une offre, entretien ménager, institut espoir, ça sonne bien. Qui sait, cette fois se sera peut-être moi qui posterais des cartes postales à ma fatigante.
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