Nevrabriel regarda une dernière fois sa chambre vide. Toutes ses affaires tenaient dans un seul sac. Absolument toutes ses affaires. Il regarda une dernière fois sa chambre vide. Elle n’allait pas lui manquer. Il avait cru qu’il était indispensable à cet endroit, il avait eu tord.
Le jeune homme se leva. Un sac plus léger que jamais. Il avait tout de même gardé son canif dans sa poche et le révolver que lui avait donné Donatien lorsqu’il les avait enfermés ici. Ça pourrait toujours servir, à tuer Jessy par exemple …

Le jeune homme alla dans la pièce de vie, regarda autour de lui. Tout le monde dormait à point fermé. Tout le monde dormait comme si de rien n’était. Comme s’ils n’avaient pas enterré Lucy il y a deux jours à peine, comme si elle aussi, dans sa chambre, dormait.
Il soupira.
Puis, il déposa une note au milieu de la table, ainsi, Wendy ne pourrait pas la prendre et le premier réveillé pourrait avertir les autres.


Il ne signa pas. Ils sauraient tous au réveil qui avait écris ce mot.
Et certainement, ils s’en ficheraient tous. Il n’y avait que Lucy pour s’inquiéter de lui ici. Il avait cru avoir une famille avec elle et Donatien, il avait commencé à voir en Béryl un potentiel membre également, une sorte de grand-frère ou d’oncle qui donne de précieux conseil. Mais le temps les avait rattrapés. Le temps avait rattrapé Lucy, elle était partie … Maintenant c’était au tour de Nevrabriel de partir.

Mais il ne partirait pas seul.

Le jeune homme, son maigre sac sur le dos, alla dans la cuisine. Il resta debout un moment devant la cage.
Il n’avait pas envie de le faire, mais il avait promis. Il avait promis d’ouvrir la cage. Il avait promis de prendre ce psychopathe et l’emmener. Il avait promis.
L’écossais s’accroupit pour être à hauteur de l’individu.

_Bonsoir Jessy.

C’était ce qu’elle lui disait, n’est-ce pas ? Elle commençait ainsi puis elle attendait son bonsoir. Mais lui n’attendrait pas. Il n’était pas elle. Elle, était morte. Elle, n’avait plus eu la force d’attendre qu’on la libère de sa cage.

_On va prendre l’air toi et moi. En silence.

Nevrabriel se redressa pour ouvrir la cage. Il rangea la clé dans sa poche et attendit que le prisonnier se lève pour le conduire à la sortie.
Lucy était morte il y a quatre nuits.
Jessy mourrait ce soir.

L’écossais s’attendait à devoir assommer le prisonnier et le porter comme un sac à patate mais fort heureusement, Jessy coopéra jusqu’à ce que l’écossais ne ferme derrière eux.

_C’est de ta faute. Tu aurais dû être là pour l’en empêcher.

Nevrabriel tourna la tête vers le prisonnier en levant un sourcil. Il avait pourtant dis en silence, mais bon.
Au moins Lucy n’avait pas menti, Jessy avait réellement quelconques sentiments à son égard. Peut-être amoureux ou amical, mais au moins il ressentait quelque chose pour elle, autrement il ne se mettrait pas autant en colère. L’écossais soupira. Il était difficile de tenir parole pour un être tel que ce morveux mais à présent il était calme. Il n’allait pas s’énerver sur ce raté, il n’en valait pas la peine. Il essayait de penser aux personnes importantes pour lui, puiser le courage où il le trouvait. Car, même si son visage était totalement inexpressif, il avait besoin de courage pour faire ce qu’il allait faire …
Nevrabriel ne répondit pas et termina de fermer la porte avant de se diriger vers le portail. L’écossais composa le code pour l’ouvrir, loin du regard de Jessy pour qu’il ne le connaisse pas et l’ouvrit en grand, présentant la sortie au prisonnier.

_N’essaie pas de me semer ou de m’attaquer, ça vaut mieux pour toi.

Il ne fallait pas être un géni pour voir que l’un était en meilleur état que l’autre et que, contrairement à Jessy, Nevrabriel n’avait pas de chaine à se trainer. Il aurait juste à laisser tomber son sac et le poursuivre ou se défendre. Jessy ne pourrait pas aller bien loin ainsi malgré ses compétences de tueurs.

_ Ne me dis pas ce que j’ai à faire.

Puis Jessy partit.

Nevrabriel le regarda partir.

C’était bien un Elpida … doublé d'un morveux ... un morveux plus vieux que lui certes, mais d'un mètre cinquante qui était plus casse couille que n'importe quel gamin que l'écossais ait connu.

Nevrabriel respira doucement pour ne pas s’énerver. Il pourrait simplement passer le portail et le laisser mourir de froid dehors près des plantes. C’était une bonne solution ça tient. Au moins il ne pouvait pas dire qu’il n’avait pas essayé.
Mais non, il a fallut qu’il promette à Lucy … Quel idiot il a été de faire une telle promesse ! Il fallait vraiment qu’il arrête de dire oui pour ses beaux yeux, parce que ses demandes allaient le tuer en plus de potentiellement tuer tout le monde sur l’île.

Nevrabriel inspira profondément et expira profondément.
Calme.
Calme.
L’écossais posa son sac hors du bunker, referma le portail pour que Jessy soit prisonnier, avant de grommeler pour lui-même :

_Pourquoi j’ai accepté ça, moi ?

Il avait vu Jessy partir du coté du potager. Il allait certainement chercher quelque chose pour se défendre. Il avait toujours des réflexes de tueur, il saurait où viser pour faire mal, Nevrabriel ne pouvait compter que sur ses sens pour esquiver et tenter de le maitriser.

L’écossais alla vers le lieu où Jessy s’était précipitée, il marcha. Jessy voudrait jouer au chat et à la souris, manque de chance, Nevrabriel avait tellement fait de ronde qu’il connaissait le lieu par cœur, de jour ou de nuit, il n’avait pas spécialement besoin d’habituer ses yeux à l’obscurité pour chercher le morveux.

Nevrabriel espérait ne pas se faire tuer par ce taré mais si c’était le cas, au moins ça pourrait faire ouvrir les yeux de la supposée défunte.

Il était vraiment en train d’essayer de couper le grillage là ? Eh bin, Nevrabriel aurait pu le regarder faire toute la nuit, ça pourrait être un spectacle. Le morveux pensait certainement que l’écossais voulait le tuer ? … Bon, certes il aurait bien aimé mais il savait également qu’à présent il n’en était plus capable, il ne pourrait plus tirer sur quelqu’un aussi aisément que dans ses pensées passées, même si cette personne était Jessy.

L’écossais arriva tranquillement vers le roux. Ce calme lui permettait de ne pas se jeter sur le sale gosse pour lui péter la gueule, même s’il le méritait. Il ne fallait pas s’énerver sinon ça finirait très mal. S’énerver ne permettait pas non plus de rester lucide, il fallait qu’il garde ses sens en éveille, qu’il soit vif s’il voulait pouvoir survivre face à ce meurtrier.

_Je pensais te faire un cadeau, mais t’es vraiment trop con.

Nevrabriel n’aurait pas autant de patience toute la soirée. Si Jessy ne coopérait pas, il allait le remettre dans sa cage et le laisser moisir dedans. De toute façon il me méritait pas Lucy, elle serait mieux sans lui, elle serait mieux s’il restait dans sa cage. Ça serait mieux pour tout le monde.

_A toi de voir si tu veux rester dans une cage toute ta vie.

Nevrabriel pensait pouvoir « raisonner » le prisonnier, lui faire comprendre qu’il était sa seule chance de le faire sortir d’ici, mais Jessy était bien trop con.

Qui est le plus con, celui qui refuse de croire à sa seule chance ou celui qui accepte de sauver un meurtrier ?

Il jeta quelque chose au visage de l’écossais qui était très désagréable et Nevrabriel se sentit tomber en arrière. Un poids appuyait contre sa cheville qui s’était à peine remise de sa foulure. La douleur passée n’était plus là mais la nouvelle si. La gravité n’était jamais clémente avec les personnes de grande taille et la chute fut violente pour le dos de l’écossais.

Nevrabriel serra les dents pour ne se pas jurer de douleur avant d’agripper fermement le poignet de Jessy où se trouvait son « arme » pour que Jessy ne puisse pas le blesser avec et utilisa son autre main pour agripper l’épaule ou les cheveux de son agresseur afin de le faire basculer sur le coté pour se mettre au dessus de lui et le bloquer. Mais le bougre semblait avait de la ressource et Nevrabriel avait du mal à le faire basculer, certainement à cause de sa cheville bloquée par ce foutu genou.

Jessy avait la rage. C’était pire qu’un chien de garde. Il n’avait plus envie de s’enfuir à présent, ni l’assommer, ni le menacer, il voulait juste le tuer. Le morveux mit toute sa force dans sa main où se trouvait son arme. Il comptait lui crever un œil ? Comme il l’avait fait à Lucy ?

Sauf que l’écossais ne se laisserait pas faire.

Jessy mettait tout son poids sur ses mains et en oubliait le reste de son corps. Nevrabriel se glissa rapidement sur le coté pour que le sécateur se plante dans l’herbe, avec un jeu de jambe habile, il fit basculer Jessy sur le coté afin de se retrouver au dessus de lui. Il agrippa la chaine de Jessy pour la porter aux clavicules du prisonnier. Il ne comptait pas l’étranger, mais seulement faire en sorte qu’il n’ait pas assez de moue sur les chaines pour bouger ses mains ou son buste. L’écossais bloqua les jambes de ce dernier avec les siennes.

Immobile.

Enfin.

Nevrabriel ne disait rien, le visage impassible mais le regard sévère, il reprenait doucement sa respiration en regardant le prisonnier. Il serait facile de le tuer, il aurait juste à emprisonner ses mains grâce aux chaines et l’étrangler. Ou Nevrabriel pourrait le trainer jusqu’au mur de béton et lui fracasser le crane jusqu’à ce que son cerveau en sorte. Il pouvait également le jeter des falaises. Il y avait mille moyens de terminer la vie de ce monstre. Il y avait mille moyens de faire en sorte que l’île, le bunker, et elle, soit en sécurité. Il y avait milles moyens … mais Nevrabriel n’était pas comme ça. Même s’il avait aspiré à le devenir, il n’était pas une ombre à exécuter sans sentiments. Il n’était pas un meurtrier. Alistair … c’était un accident … un regrettable accident … Il se souvenait qu’il avait essayé de le rattraper. Il avait senti le tissu de sa veste frôler ses doigts. Il avait essayé. Il n’était pas comme Jessy. Cette haine, cette rage, le gout du sang et de la violence, il ne l’avait pas. Il n’avait rien de tout ça, il ne l’avait jamais eu …

Jessy lui faisait pitié …

Nevrabriel serra un peu plus sa prise. Il s’y attendait. C’était prévisible de la part de Jessy, il aimait beaucoup utiliser la faiblesse des autres pour les déstabiliser, il aimait chercher la merde, il aimait faire du mal gratuitement. Mais Nevrabriel était plus calme maintenant, il s’était préparé pour cette nuit. S’il partait et laissait Jessy ici, il ne pourrait pas tenir parole. Mais s’il tenait parole, alors il laisserait la liberté à une personne qui ne la méritait pas. C’était partagé …

_Tu aboies beaucoup.

Et beaucoup trop souvent. Ses paroles étaient du poison, il ne comprenait pas comment Lucy pouvait y croire. Croire en quelqu’un qui avait tenté de la tuer et tentait de tuer bien trop de monde pour les compter sur les doigts d’une main.
L’écossais se redressa et souleva le prisonnier pour le mettre sur ses jambes et l’obliger à marcher, tenant fermement les chaines pour qu’il ne se libère pas cette fois.

_Si tu te tiens tranquille, peut-être que je répondrais à tes questions.

Ou peut-être pas …

Nevrabriel avait donné une seconde change à ce crétin de ne pas faire le con. Il a cru se faire comprendre, il a cru que Jessy était assez intelligent pour comprendre.
Mais non.
Il le retourna pour lui cracher au visage.
Nevrabriel se figea, les chaines toujours aussi fermes dans sa main. Il avait fermé les yeux pour recevoir cette bave dégoutante sur sa face. Il les rouvrit. Il fixa Jessy.
Silence.
Il ne voulait pas parler. Parfait.

La patience s’envolait …

L’écossais agrippa fermement le haut de Jessy et l’envoya avec violence contre le mur en béton du bunker. Un bruit sourd résonna, mais il savait qu’il n’allait pas réveiller les personnes à l’intérieur, c’était un bunker après tout, les murs avaient un minimum de 20 centimètre d’épaisseurs, servant à protéger de tout danger.
Il n’avait pas vu si Jessy avait réussi à protéger son visage, sachant que ses mains étaient à son dos, il espérait vraiment que non et qu’il s’était pété le nez. Au moins, ce petit coup semblait l’avoir calmé puisqu’il ne se releva pas immédiatement.
L’écossais s’approcha de lui et lui reprit ses chaines fermement pour qu’il ne lui saute pas à la gorge pour lui arracher la jugulaire avec les dents. Il en serait capable.

_J’ai promis de te libérer, mais pas de te libérer en entier, petit con.

Nevrabriel souleva une nouvelle fois Jessy pour le faire avancer. S’il le fallait il l’assommerait et le trainerait, au point où il en était.

Dès qu’il partirait, il était clair qu’il exprimerait à Lucy le fait qu’il était hors de question qu’elle lui reparle de ce morveux.

_C’est maaarrant… Tu lui as vraiment promis ça ? Putain t’es trop con.

De toute les merdes que sortaient Jessy, pour une fois il n’avait pas tord. Nevrabriel a été trop débile d’accepter une telle promesse. S’il avait refusé au début, l’œil désespéré de son amie l’avait profondément touché. Il était trop faible face à elle. Et à cause dune promesse, tous les innocents sur cette île seraient en danger.
Il était trop con.
Ce n’était pas la faute de Lucy si elle avait laissé son dévolu se porter sur un type aussi méprisant, elle a du se sentir seule et il était là, au bon moment, surement. C’était facile pour lui, si bon manipulateur, montrer un peu d’attention dans les moments de fragilité et le tour était joué. Il aurait fais un très bon recruteur dans le terrorisme, à détecter le point faible des autres, les personnes vulnérables, et leur retourner le cerveau.

Lucy n’avait rien à faire avec lui, il n’y avait rien de bon en lui, absolument rien …

Nevrabriel se mit à réfléchir en silence. De toute façon il ne voulait pas parler à ce serpent, tout ce qui sortait de sa bouche était du poison.
Ou du vomi.
Super …
L’écossais le laissa se vider l’estomac avant de reprendre leur marche. Il lui aura tout fait ce soir ce petit con.

_C’est à cause de débile comme toi que les gens comme moi sont dehors.

Nevrabriel tenta de ne pas l’écouter, sinon il allait réellement finir par le jeter de la falaise.
C’est avec difficulté qu’il arriva jusqu’au portail. Il devait profiter que Jessy soit sonné et affaiblit par l’acidité gastrique qui venait de lui bruler tout le chemin intestinal, pour le foutre dehors une bonne fois pour toute.
L’écossais plaqua le roux sur le grillage pour taper rapidement le code avant de littéralement le jeter dehors, le laissant s’étaler sur l’herbe à sa guise et refermer le portail.

Enfin !

Mission partiellement réussit …

Désireux d’en finir avec ce taré, Nevrabriel prit son sac sur son dos et reprit son prisonnier.
Il pensait laisser Jessy se recueillir sur la tombe de Lucy avant de l’emmener près du village pour le libérer, puisque c’était certainement la seule faction qui serait enclin à l’accepter, mais finalement, même cette seconde chance, il ne la méritait pas. Il serait capable de tous les tuer dans leur sommeil cet enfoiré !
C’était difficile de croire Lucy lorsqu’elle vantait le bon fond de Jessy alors qu’en moins d’une heure, ce petit con avait tenté de le tuer, lui avait craché au visage, lui avait dis des atrocités en plus de n’avoir aucune coopération … Le bon fond devait être très très très profond et très très très petit si tant bien même il existait …
Mais le connard avait détruit la patience de Nevrabriel, il lui en restait assez pour ne pas le jeter de la falaise mais la soirée était loin d’être terminée et l’écossais aurait besoin de cette patience restante.
Changement de plan, l’écossais fit marcher Jessy, direction le cimetière.

Et il parlait et parlait et parlait encore.
Il voulait passer de connard à pote de beuverie ? Ce n’était lui qui n’avait rien à dire tantôt ? Nevrabriel resta silencieux. Très silencieux. Son objectif changeait de direction, il n’était pas encore sur de lui, d’un coté il voulait en finir avec ce type, d’un autre coté il y avait Lucy.
Une idée.
Peut-être deux.
Il ne fallait pas avoir de remords …
Faire plaisir à son amie ne devait pas mettre la vie des autres en danger, Jessy avait raison, pour une fois. Mais là était l’impasse. Il ne voulait pas avoir à choisir entre le bonheur de Lucy et la vie des personnes sur cette île.

La route semblait longue jusqu’au cimetière. Le silence de Nevrabriel et la soudaine envie de parler de Jessy rendaient le chemin plus long que dans les souvenirs de l’écossais. Mais les tombes finir par se faire voir entre les arbres, éclairé faiblement par les astres.

Bien.

Nevabriel regarda un peu partout avant d’apercevoir l’objet de sa convoitise. Un arbre. Un arbre trop haut pour être escalader et assez fin pour que des bras en fasse le tour. Il traina Jessy jusque là, n’hésitant pas à le pousser contre le tronc. Le prisonnier semblait encore sonné mais Nevrabriel ne voulait pas prendre le risque qu’il lui saute à la gorge, il l’attrapa par le col pour l’attirer avant de le l’envoyer de nouveau contre l’arbre pour que sa tête y fasse la rencontre. Peut-être que ça lui remettrait les neurones en place, ne sait-on jamais.

Nevrabriel sortit rapidement de la poche de sa veste la clé des chaines de Jessy. Il libéra un bras, avec rapidité, il envoya la menotte de l’autre coté du tronc, tenant fermement le poignet libre de Jessy pour qu’il aille rejoindre son fer.
Jessy résista, mais Nevrabriel aussi.
L’écossais tira tellement fort qu’il aurait pu lui péter l’épaule. Mais il ne devait pas avoir de remord, c’était Jessy ou lui.
Avec force, il réussit à menotter le bras libre de Jessy et le lâcha.

… Fini ?

Nevrabriel s’éloigna du prisonnier pour aller s’asseoir, adossé à une tombe. Il ne savait pas laquelle, mais il s’en fichait. Il avait juste besoin de s’asseoir et de respirer. Il retira son sac de son dos et souffla doucement, laissant Jessy faire ce qu’il voulait, maintenant qu’il était cloué à un arbre.

L’écossais ne répondit pas. Il regarda Jessy avant de regarder la tombe sur laquelle il se reposait. Adèlys.
Toujours là pour observer le monde en silence … Il aurait apprécié un conseil à cet instant. Il se contenterait de sa présence. L’écossais respira profondément avant d’ouvrir son sac et regarder le premier truc qu’il avait mit à portée de main. Le révolver que lui avait donné Donatien. C’était tentant. En plus Jessy ne pouvait pas s’enfuir. Il était à portée. Tout le monde serait soulagé de le savoir réellement mort. De savoir qu’il n’allait pas rajouter de tombes dans le cimetière.
Il aurait jute à tendre le bras … prendre l’arme … tirer.
Juste tirer. Viser la tête. En finir …

Mais il referma son sac, le poussa sur le coté, presque dégouté de ses propres pensées.

Il ne pouvait pas faire ça …

Mais il ne pouvait pas le libérer. Il était trop dangereux … Nevrabriel ne savait pas quoi faire. Alors, il parla :

_Lucy m’a demandé de te libérer avant de ... partir.

Dès fois que Jessy n’aurait pas compris …

_Je ne sais pas comment ni pourquoi tu lui as retourné le cerveau … Elle n’aurait pas pu te libérer, elle n’avait pas accès à la clé. Mais tu l’as quand même fait, alors qu’elle était certainement la seule personne qui ne le méritait pas …

Nevrabriel tourna la tête vers la tombe de Loreleï. Partit trop tôt elle aussi. Aucune de ces personnes n’avaient atteins un âge décent pour mourir. Et la majorité était morte par la faute de Jessy.

_J’y ai cru quand elle m’avait parlé de toi. Mais il faut croire qu’elle avait tord.

Il ne savait pas vraiment pourquoi il parlait autant. Il savait que Jessy n’allait pas culpabiliser, il n’avait pas de cœur, il n’avait pas d’âme, il n’avait rien. Il était en face des tombes des personnes qu’il avait tuées et ça ne lui faisait rien.
Lucy s’était trompé, Jessy n’avait pas de cœur. Il n’en a certainement jamais eu.
Nevrabriel se retourna vers le gars qui a tenté de le tuer, plusieurs fois, resta tout de même assit. Il ne le regardait pas avec colère ou mépris mais simplement avec pitié. Il ne voulait pas annoncer à Lucy que Jessy ne changerait jamais, qu'elle avait tord. Elle ne le croirait certainement pas de toute manière, l'amour rendait aveugle. Mais si Jessy la retrouvait et lui faisait du mal, ça serait de la faute de Nevrabriel, parce qu'il a libéré un monstre ... Autre que Lucy, s'il libérait Jessy et qu'il revenait au bunker pour leur faire du mal, il s'en voudrait certainement. Mais également Graham qui a refusé de le soigné, les électrons libres qu'il n'a pas hésité à tuer. Jessy avait peut-être vu qu'il était ami avec Aeden, et pourrait se venger en lui faisant du mal. Et si un jour il tombait sur Katerina ?
En fait ... personne ne serait en sécurité sur l'île avec un Jessy aussi libre que l'air. S'il libérait Jessy, tout le mal qu'il causera sera de la faute de Nevrabriel et l'univers aurait raison de le punir.

_Je vais surement la décevoir, mais je ne vais peut-être pas te libérer ce soir …

Peut-être ... s'il trouvait une solution, peut-être alors qu'il le libérerait, mais pour l'instant, il pensait à ceux qu'il aimait ... Et il savait que Jessy serait plus qu'heureux de leur faire du mal. Il ne savait faire que ça ...

Jessy semblait fatigué de se battre. Il arrêta de s’agiter et se reposa finalement sur le sol. Nevrabriel le fixait sans émotions, il était fatigué également. Il se sentait mal, comme si son verre était rempli. Il avait accumulé bien trop de stresse depuis un moment. Bien trop occupé à faire croire à la mort de Lucy, la rendre libre et heureuse qu’il avait oublié que « la personne qui la rendait heureuse » était capable de tuer tout le monde sur l’île, même les seules personnes qui comptaient encore pour Nevrabriel.
Il devrait donc choisir entre la sécurité de ses proches ou le bonheur de son amie, et ça le déchirait.

_Je sais que tu ne vas probablement pas chercher à comprendre, supposer que je te « retourne le cerveau ». Puisqu’aucuns de vous n’a cherché à savoir la vérité sur ce qui s’était passé. C’était facile pour vous d’avoir un seul et unique coupable. Une espèce de monstre qui serait surgit dans la nuit pour tous vous dévorer. Facile de tout me mettre sur le dos. Vous êtes des gosses après tout. Et putain, votre médecin a une sacrée influence sur vous.

Nevrabriel pencha doucement la tête. Il n’écoutait que d’une oreille, sachant pertinemment que c’était du venin qui sortait de la bouche de ce type.

_Vous m’avez tous traité comme un coupable parce que Donatien Elpida disait que je l’étais. Mais vous ne savez rien de moi. Des raisons qui m’ont amené à faire ce que j’ai fait ce soir-là. D’ailleurs, est-ce que vous savez seulement ce qui s’est vraiment passé ce soir-là ?

Nevrabriel ne savait pas, mais il a tenté de tuer Béatrice et Lucy, c’était une certitude, le reste, même si ce n’était pas sûr, était assez suffisant. Béatrice avait raconté à Donatien que si le corps de cette femme n’avait pas bloqué Jessy, elle aurait surement perdu la vie elle aussi, avec Lucy.
Et ça, ce n’était pas Donatien qui l’avait raconté.

_ C’est mon boulot de tuer des gens, ce n’est peut-être pas joli joli mais c’est tout ce que je sais faire. Donatien Elpida savait exactement ce qu’il faisait en m’engageant.

Cette fois, Jessy attira l’attention de Nevrabriel qui releva les yeux pour regarder ceux de ce manipulateur. Disait-il vrai ? Mentait-il ? Pourquoi Donatien l’aurait engagé ? Pour tuer qui ?

_ Il a rompu son contrat avec moi en m’enfermant dans cette putain de prison. Il m’a fait porter le chapeau pour tout ce qui s’était passé, il a bien joué son jeu, je dois au moins lui concéder ça... La seule chose que j’ai cherché à faire depuis, c’est survivre et trouver un moyen de me barrer. Avec les armes que j’avais à ma disposition.

Nevrabriel resta encore un moment silencieux, ne bougeant pas, dans l’obscurité, il était figé, ne repassant en boucle les paroles de Jessy.
Donatien … avait-il réellement engagé Jessy pour tuer des gens ? Mais qui ? Barrabril et reprendre sa place ? Non, il lui suffisait d’être patient, puisque son père était revenu pour reprendre les rênes. Alors qui ? Les révolutionnaires ? Il allait vraiment tuer tous les révolutionnaires ?
Il avait bien donné une arme à Barrabil pour tirer sur Loreleï … mais … Pensait-il vraiment qu’il allait tirer ou était-ce un dommage collatéral ?

Nevrabriel finit par ouvrir la bouche et répondit avec lenteur, pesant ses mots.

_ Tuer des gens … ce n’est pas un métier, ce n’est justifiable … même si Donatien t’a payé, ou que sait-je, c’est toi qui a le sang sur les mains, c’est toi qui a accepté d’ôter des vies pour quelque chose de bien plus futile.

Car rien n’était plus précieux qu’une vie. Peut-être pas sa propre vie, mais la vie des autres … Personne ne pouvait mesurer la valeur d’une vie, savoir si tel ou tel valait plus le coup de vivre, si tel ou tel pouvait disparaitre sans que cela ne soit un problème pour la société. Même si certaine personne, les tueurs, les violeurs, les terroristes … même eux étaient jugés et condamné mais pas tué. Parce que ce n’était pas humain, c’était ne pas valoir mieux qu’eux, c’était être un monstre.

_C’est possible que tu dises vrai … Mais tu restes un assassin.

Nevrabriel ne savait pas si c’était pour l’amadouer ou simplement Jessy voulait faire éclater la vérité au grand jour, mais l’écossais ne pouvait pas tolérer qu’il était dangereux et qu’il le disait lui-même « je ne sais faire que ça. » Alors, devrait-il avoir peur de savoir Katerina dehors avec un Jessy dans le coin ? Devrait-il avoir peur pour Aeden dans la grotte ou bien le bunker malgré ce grillage et ce portail codé ? Devrait-il libérer Jessy et avoir constamment peur pour sa vie et celle de ceux qu’il aimait, aussi peu nombreux soient-ils ?

_Tu as raison, j’ai tué mon frère. Un accident … que je regrette. J’aurais du être puni. Mais toi, tu as tué beaucoup de personne ou tenté de les tuer et tu t’en fiches. Ma psychologue … elle était en train d’adopter une petite fille mexicaine ... Elle aurait fait une bonne mère ... La gamine se retrouve de nouveau orpheline. Ce mec … W82 … il avait une famille sur le continent … Cette femme, elle aussi avait surement une personne qui l’aimait.

Nevrabriel se redressa légèrement, sans pour autant se lever. Il ne savait pas quoi espérer de Jessy, il ne savait pas ce que Lucy espérait de lui, il ne pouvait pas être rattrapé, il avait plongé trop profondément dans les abysses pou cela. Il ne changerait pas, il lui fera du mal … Si Nevrabriel lui disait qu’elle était vivante, il allait forcement finir par la tuer, volontairement ou non, parce qu’il ne savait faire que ça …
Jessy avait sans doute entendu cela des centaines de fois, tout ce que Nevrabriel lui disait, bien des gens avant lui ont du lui dire qu’il ne s’adonnait à faire régner le chaos, mais l’écossais ne pouvait pas s’empêcher, Jessy ne voulait pas sauver son âme, mais Nevrabriel ne voulait pas perdre la sienne.

_Tuer des gens c’est comme tuer un peu toute les personnes qui tiennent à eux. Et si tu as réellement tenu à Lucy, alors tu devrais comprendre. Mais de ce que j’entends et de ce que je vois, la seule chose qui t’intéresse est de survivre pour … continuer à haïr et faire du mal, pour que les autres te déteste autant que tu déteste le monde.

_C’est pour ça que tu m’as tapé dans cette cuisine ? Tu sais, ta psy, je l’ai pas buté, je suis juste rentré par effraction dans son bureau en son absence pour récupérer ce dont j’avais besoin. Je me renseigne proprement quand j’en ai l’occasion.

Nevrabriel eut un sourire amer.
Jessy mentait. Il le savait. Elle avait donné à l’Institut toute ses notes sans garder de copie, elle voulait protéger l’enfant qu’il était. Son sourire lui manquait parfois, Agnès avait le même autrefois. Nevrabriel ne saurait jamais la vérité, peut-être que Jessy avait effectivement pu avoir ces informations d’une autre manière que la violence, mais il en doutait. La vérité, il ne la saurait jamais et il devrait s’en contenter.

_ Et si : tuer est un métier. J’ai commencé ma carrière en tant que soldat mais… Soldat c’est moche. Parce que tu tues les gens sans avoir ton mot à dire et en plus t’es mal payé pour. Mercenaire, c’était plus simple pour moi. Tant qu’à buter des gens, je pouvais choisir et j’étais beaucoup mieux payé. C’est peut-être moins légal mais la légalité c’est des putains de conneries que les plus puissants ne font que contourner toute leur putain de vie. Je vois pas pourquoi j’aurais pas pu faire pareil tant qu’à risquer ma peau.

L’écossais écoutait en silence, mais Jessy avait un discours de nazi.
« Choisir qui je tue. » comme si un type de personne en valait moins la peine que les autres. Il ne valait pas mieux que les ordures qu’il tuait.
Jessy aurait fais un très bon nazi, à croire que libérer ce monde de certaines personnes et être bien payé pour cela, était une cause. Noble non, mais une cause.

Jessy parlait et parlait, Nevrabriel l’écoutait mais plus il écoutait, plus il avait l’impression de se retrouver dans un mauvais film. Jessy était un mauvais film. Il parlait de la mort comme on parlerait d’une culture de maïs. Banale. Sans intérêt.
C’était ça la vie ? Tuer tout le monde pour survivre. Pour de l’argent ? Et à quoi lui servait son argent à présent ? Ce n’était pas avec ça qu’il allait se nourrir ou retourner chez lui. Ce n’était pas avec des corps enterrés qu’il pourrait panser ses plaies et construire un bateau pour s’enfuir. Il n’y avait rien d’honorable ou même de morale dans tout ce que Jessy lui disait.
Et pourtant, pour lui c’était banal.
Ils ne voyaient pas le monde de la même façon, ils ne croyaient pas en la même chose, ils n’avaient ni les même valeurs, ni les mêmes convictions. Ils n’avaient rien en commun. Ils ne pouvaient pas se comprendre, ils pourraient se parler pendant des heures et des jours qu’ils ne pourraient toujours pas se comprendre.

_Tu sais W82, j’avais rien prévu de lui faire. Mais y avait Donatien dans le coin, et le gosse avait l’air capable de tout pour votre bazar de révolution. Il était armé et prêt à intervenir. J’ai juste gardé mon employeur en bon état et en vie, peut-être un réflexe un peu trop proche de mes missions d’origine. Mais je ne regrette pas. Il l’aurait fait, il aurait pu tuer Donatien Elpida. Il a retourné son arme contre moi sans la moindre hésitation.

C’est vrai … certains avaient soif de sang, et Nevrabriel ne les avaient pas compris à ce moment, il était assez satisfait qu’Ophelia, le frère de Loreleï et Aeden l’ait contredit et ont essayé de rendre les révolutionnaires pacifiques du mieux possible.
Peut-être que Jessy avait sauvé Donatien ce jour là … contre une autre vie … mais si c’était vrai, si c’était réellement ce qui s’était passé, alors Nevrabriel avait du mal à lui en vouloir pour ce fait, même s’il restait tout les autres. Malgré la vérité sur son ancien médecin et le fait que malgré le temps et les efforts, Donatien ne pouvait pas changé, il avait tout de même occupé une place indéniable dans la vie de l’écossais et il était tout de même heureux de le savoir en vie.

_ Puis avec Béatrice… La situation a dérapé. Je l’ai menacée oui, mais les choses étaient pas supposée se passer comme ça. J’ai déconné, je l’avoue mais vous aviez tous des réactions de parano. Je trouvais plus ce connard de Donatien qui était partis flâner je ne sais où, je sentais que la mission m’échappait… J’étais gravement blessé, j’ai juste… Mais si je devais avoir des remords pour tous les gens que j’ai vu mourir dans ma vie, putain, je dormirais plus la nuit.

Et Nevrabriel ne savait pas comment il faisait pour dormir la nuit … lui ne pourrait pas. Il avait eu du mal à dormir à la mort de son petit frère et à celle de Loreleï, pourtant l’un était un accident et l’autre n’était pas de son fait. Mais il n’avait pas pu dormir pendant des mois et des années.

L’écossais leva les yeux au ciel. Cette fois c’était terminé.

Nevrabriel se leva, prit son sac et regarda la clé dans sa main, celle qui allait délivrer Jessy une bonne fois pour toute de ses chaines. Il referma sa main dessus. Il espérait que Lucy lui pardonnerait.

_Je ne peux pas …

Non il ne pouvait pas le libérer. Il ne pouvait pas prendre cette responsabilité. Il ne voulait pas être la personne qui lui laisse une énième chance. Il ne pouvait pas faire cette faveur à une personne qui était tout ce qu’il n’aimait pas dans ce monde, qui avait un discours de nazi, qui n’avait aucun regret à faire le mal autour de soi et de mentir comme on respire. Jessy n’avait aucune envie de changer, il n’avait aucune envie de faire le bien autour de lui, il n’avait aucune envie de mériter cette chance.

_Soit tu le fais pour toi, soit tu le fais pour elle, mais arrête … C’est certainement ce qu’elle t’aurait demandé. Arrête de tuer, n’essaye pas de retrouver au bunker pour te venger de quelconque manière. J’ai fais croire que tu étais mort. Lucy t’a donné une seconde chance, la chance de ta vie, elle est morte pour cette seconde chance …

Nevrabriel montra la clé à  Jessy. La clé qui le libérerait une bonne fois pour toute. Si ça ne tenait qu’à lui, l’écossais aurait laissé ce morveux dans sa cage, aux bons soins de son frère. Mais Lucy le lui avait demandé, et comme toutes ses demandes, il avait du mal à les lui refuser, même si c’était libérer un monstre.

_Moi je ne peux pas te donner cette chance … Quelqu’un de plus noble, de plus bienveillant, le fera, mais ça ne sera pas moi …

Peut-être que Jessy n’en avait rien à faire de Lucy … Nevrabriel allait rapidement le savoir. Il ne serait pas compliqué pour lui d’observer de loin le bunker et comprendre si Jessy n’avait pas profité du fait que Nevrabriel l’avait fais passé pour mort. Il serait même facile de savoir si Jessy avait tenté de rentrer pour se venger. L’écossais avait énoncé ce qui aurait été les volontés de Lucy, et si Jessy ne les respectaient pas, alors, il ne respectait pas Lucy et ne l’aimait pas.

Puis, le jeune homme posa la clé sur une tombe, celle de l’ancienne médecin, celle dont il était certain qu’elle n’avait rien fait de mal à part sauver les filles, la tombe que Jessy aurait du avoir du mal à regarder s’il avait eu une âme, puisqu’il en été le meurtrier.

L’écossais commença à s’en aller, mais au niveau de l’arbre, il s’arrêta, sans regarder Jessy, il lui adressa un dernier mot, sincère mais triste à la fois :

_Je déteste ce que tu es … mais j’espère tout de même que tu changeras un jour pour mériter d’avoir été sincèrement aimé.

Puis, il parti définitivement pour rejoindre celle qui était censé être morte.

Il n’a pas pu libérer Jessy, mais il n’a pas pu le tuer. Il ne savait pas ce qu’il allait dire à son amie. Il ne savait pas comment il allait gérer tout ça. Elle allait certainement lui en vouloir. Peut-être dirait-il à Lucy où se trouvait le type qu’elle portait dans son cœur, qu’elle aille le libérer elle-même … lui ne le pouvait pas, il ne pouvait pas offrir ce genre de pardon à Jessy, il ne pouvait pas accorder a liberté à un monstre.

Ce soir, tout comme Lucy, Jessy était mort. Mais pour combien de temps ?