Jessy vivait une drôle de vie de repenti, au côté de Lucy depuis qu’il avait découvert qu’elle n’était pas morte.  Cela faisait 2 mois.
Dans un premier temps il avait tenté de reprendre un rythme de vie normal, mais il n’y était pas parvenu. Dormir le jour et vivre la nuit possédait trop d’avantages et entre autres une sécurité à laquelle il n’aurait pas penser autant s’attacher. Mais aussi la liberté de pouvoir se promener dehors sans être vu. La nuit, il allait courir le long de la plage. Au début, il n’osait pas trop s’éloigner, mais au fur et à mesure des nuits, il allait courir plus loin.

Il n’avait presque plus mal à la mâchoire, à peine une gêne lorsqu’il baillait. Seule subsistait ces acouphènes, qui provoquait parfois chez lui de drôle de déséquilibre. Il était tombé plusieurs fois en courant, mais cela l’agaçait trop pour qu’il n’en ai parlé à Lucy.
En 2 mois, il ne s’était pas passé grand-chose. Il avait commencé à entreprendre des tâches pour aider Lucy au quotidien. Le quotidien… Un quotidien parfaitement classique. Normal. Presque fade. Il n’avait jamais été habitué à ce genre de vie rangée. La seule chose qui lui permettait de se projeter dans ce genre de vie était Lucy. Il pouvait passer des heures à la regarder en silence, songeur.

Il revenait justement d’une de ces courses nocturnes lorsqu’il avait songé au fait que Lucy lui avait dit que ces chaussures commençaient à être pas mal usés et abimés… Elle ne s’en était pas plainte évidemment, mais l’information n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Il avait donc pensé à faire un petit tour du côté des électrons libres en toutes discrétions et étaient finalement parvenus à trouver une chaussure à la taille du pied de la jeune femme qu’il avait chourré sans le moindre état d’âme. Il espérait que sa surprise plairait à la jeune femme.

Il regagna donc leurs tanières alors que le matin commençait à se lever, avec sa trouvaille. Comme un chat qui ramène une souris morte à son maitre pour montrer son affection, il ne pouvait se douter que tout le monde n’avait pas la même éthique vis-à-vis du vol et autres babioles dans le style.

Lucy était déjà réveillée lorsqu’il rentra. Il la couva d’un regard brulant. Il était comme un dragon qui veut jalousement garder son trésor pour lui. Il la trouvait resplendissante, les rayons du soleil levant se jouant avec le blanc de ces cheveux court.

Tu as passé une belle nuit?

Elle se rapprocha, son parfum enivrant atteignant le nez du jeune homme. Il eut un sourire joueur. Lucy aperçut alors la paire de chaussure que Jessy lui ramenait.

Tu as trouvé quelque chose lors de ta balade?

Il glissa sa main dans le dos de la jeune femme, l’attirant contre lui, posant un baiser sur son front. Il la libéra finalement pour déposer sa trouvaille sur la table, fier de lui. « Trouvé » n’était peut-être pas le mot le plus adapté, mais il ne fit pas tiquer Jessy plus que ça.

- Oui j’ai fait un tour du côté des électrons libres. Elles sont pour toi. J’ai vérifié, c’est ta taille et elles sont en super état. J’ai récupéré du bois aussi hier soir, j’ai tout déposé avec le reste dehors.

Avec l’hiver, ils consommaient beaucoup de bois et vu que Jessy cherchait à retrouver la forme, il faisait régulièrement des trajets entre la forêt et le port pour les ravitailler en bois. Et même si c’était devenu une habitude, il préférait toujours la tenir au courant des stocks de bois qu’ils leur restaient. Jessy était un homme organisé qui détestait le désordre et ne pas maitriser absolument tout, ce trait de caractère faisait de lui un colocataire assez directif mais aussi très fiable et capable de communiquer sur les choses essentiels. C’est-à-dire essentiellement les stocks de nourriture, de bois, d’eau et de matériels.

Il quitta la veste qu’il portait pour l’accrocher prêt du feu. En effet, il avait pleuviné une partie de la nuit et elle méritait bien de sécher un peu. Il retira aussi son pull, ne gardant que son t-shirt. En effet il mourrait déjà de chaud rien que de se retrouver entre quatre murs.

Merci pour le bois.

Il hocha la tête. Pas la peine de le remercier, c’était normal. Le soupir de Lucy laissait cependant Jessy pensif. Il semblait que quelque chose n’allait pas. Avait-il oublié autre chose ? Il se tourna vers elle, passant une main dans ses cheveux pour les replacer correctement après sa longue promenade nocturne.

Tu n’as pas échangé contre autre chose n’est-ce pas?

Elle parlait de quoi ? Les yeux du rouquin tombèrent sur les chaussures puis sur Lucy… Les chaussures. Il n’aurait pas pensé que cela poserait un problème. Il n’allait tout de même pas commencer à troquer avec ces imbéciles d’électrons libres. Il fronça les sourcils :

- Non.

Elle semblait dépitée.

Jessy... je... tu ne peux pas...

Il plissa les yeux, attendant la suite. Qu’est-ce qui clochait au juste ? Il s’était trompé de taille ?

Je te remercie, je sais que tu voulais me faire plaisir. Mais pour me faire plaisir, tu ne peux pas voler quelqu’un d’autre. Dis moi à qui tu les a prise et je vais les rapporter, immédiatement.

Oh ce n’était que ça ? Ce n’était qu’un stupide malentendu. Il eut un léger rire, un peu soulagé que ce ne soit pas grave, se détendant. Pfff et lui qui pensaient qu’il avait frôlé l’incident diplomatique. Il s’expliqua, un sourire en coin :

- Non mais ce n’est rien. Franchement… ce ne sont que des électrons libres. Et puis, s’ils tenaient vraiment à les garder, ils y auraient fait plus attention. Et grâce à moi au moins, ils se montreront plus prudents.

Il balaya le problème d’un revers de la main comme s’il ne s’agissait que d’une broutille. Ce qu’il semblait penser sincèrement.

Tu es une personne intelligente Jessy, tu comprends certainement que... enfin que je ne peux pas accepter cela. Tu ne peux pas voler les autres. Si tu veux quelque chose tu dois l’échanger ou le mériter.

Cette réponse crispa le rouquin. Il avait l’impression de subir une injustice. Lui qui avait passé une partie de sa nuit à chercher la paire de chaussure parfaite, ne méritait pas d’être traité comme un gosse. « Tu es une personne intelligente », c’était juste la pire phrase à entendre. Le genre que les prof te disent avec condescendance en espérant que ça te motiverait à te sociabilisé un peu au-delà d’avoir de bonnes notes. Plus frustrant encore, Lucy semblait sincèrement déçue de la situation.

S’ils sont des électrons libres, nous le sommes aussi tu comprends?

Oui et alors ? Eux ne laissait pas trainer leurs affaires n’importe où, et si quelqu’un leur volait un truc, Jessy s’en chargerait personnellement. Donc il ne voyait pas du tout le rapport. D’ailleurs, le rouquin ne se considérait aucunement comme l’un de ces clodos d’électrons libres. Il squattait peut-être leur zone, mais ça s’arrêtait là.

S’il te plaît, dis-moi où tu les as prise, je vais aller arranger cela et on en reparlera après.

Il croisa les bras, le visage toujours crispé. Cette réaction n’avait pas le moindre sens. Pourquoi ne pourrait-elle pas accepter ça ? Ce n’était rien pourtant. Se braquant, il répondit :

- Mais ce ne sont que des chaussures… Ils vont pas en mourir. Et je l’ai mérité puisque je suis parvenu à la prendre.

Si quelqu’un méritait de prendre ce qu’il voulait où il le voulait c’était bien Jessy. C’était normal pour un type comme lui de prendre ce dont il avait envie ou besoin chez les miséreux. Il n’allait pas leur demander la charité non plus, fallait pas abuser. Il ajouta un argument qui lui paraissait valoir qu’on s’y intéresse :

- En plus si on leur montre des faiblesses maintenant, ils vont en profiter. Si on rend cette paire de chaussure, ils vont croire qu’on a peur d’eux.

Et Jessy ne supporterait pas qu’on pense qu’il puisse avoir la moindre peur.

Il était dangereux de s’exposer comme elle le faisait, dans la vie il n’existait qu’une loi et c’était manger ou être manger. Il n’y avait rien de plus naturel au monde et c’était fou qu’elle ne comprenne pas.

Cela n’a rien à voir avec la peur!

Elle tapa le mur sous le coup de la colère. Il l’observa interdit. Manger ou être manger. Elle le prouvait à l’instant. Le meilleur moyen de se faire respecter était tout à fait en lien avec la peur.

Cela s’appelle du respect, du respect Jessy!

Elle semblait sur le point de fondre en larmes. Jessy lui sentait monter la frustration. Il voulait seulement lui ramener une putain de paire de chaussure neuve, cette crise d’hystérie le dépassait. Ça n’avait pas de sens ce qu’elle disait… C’était débile de penser comme ça…

Je ne voulais pas crier, je suis désolée...

Jessy resta silencieux. Il ne savait même pas quoi dire. La pression qui montait était presque aussi insupportable que le strident bruit d’acouphènes qui gênait ces sens.

Je pensais que tu voulais vivre en paix avec moi, aller de l’avant... pas aller continuer de faire des choses comme ça... J’aurais aimé... enfin cela n’a pas d’importance. Comme tu ne veux pas me dire à qui tu les as prises j’abandonne. Je ne les porterais pas.

Faire des choses comme ça… Mais à quoi s’attendait Lucy au juste ? Ils devaient bien survivre. Ils ne savaient pas quand les secours finiraient par débarquer sur ce putain d’ilot de merde. Et sa réaction était immature et injuste. Frustré, il la regarda alors qu’elle allait pour se recoucher, lui tournant le dos. Il détestait cette déception qu’il avait lu dans son regard… Cela montait en lui comme un volcan sur le point d’exploser. Il grommela, avec rancoeur et toujours le visage fermé :

- Je vais les ramener.

Alors qu’il s’approchait de la porte, après avoir saisit la paire de chaussure et sa veste, il tomba à genou déséquilibré, entrainant avec lui des bibelots qui trainaient sur l’armoire à laquelle il s’’était raccroché, lâchant sa veste. Putain de merde. Ca aussi ça devait lui arriver maintenant ? Il se redressa immédiatement de peur de voir Lucy débarquer, passa la porte et la claqua derrière lui ne prenant pas la peine de ranger ce qu’il avait fait tomber. Il verrait plus tard.

Il traversa la plage d’un pas furieux jusqu’à la grotte des électrons libres. Il aurait du porter sa veste derrière laquelle il pouvait abriter son visage et sa chevelure reconnaissable entre toute mais il était trop furieux et il s’en fichait. Il était temps que ces connards sachent qu’il rodait pas loin, et qu’ils avaient intérêt à se tenir à carreaux. Il rentra dans la grotte d’un pas décidé. La plupart des électrons se levait à peine, réveiller par les premiers rayons du soleil. Il balança les chaussures en direction de l’endroit de la grotte où il les avait trouvé, sous le regard médusé de la plupart de ces avortons stupides puis fit demi-tour et repartit dans la direction opposé sans plus de cérémonie.

Sauf que même en balançant ces stupides chaussures, il ne se sentait pas mieux. Incapable de mettre un pied à l’intérieur de leurs refuges, de retrouver le regard déçu de Lucy. S’il rentrait là dedans, il allait étouffer. Il préféra s’asseoir sur le ponton, face à l’océan, à l’air libre. Il jouait nerveusement avec la chaine qui était accroché à sa ceinture, le visage toujours fermé.

L’océan était calme. Une énorme étendue de flotte immobile. Au moins un truc de plus calme et immobile que sa vie en ce moment. Il ne savait plus du tout comment s’y prendre avec Lucy. Même quand il essayait de faire les choses bien, c’était du grand n’importe quoi. Mais elle le savait au fond… Il lui avait dit qu’il n’était pas un type pour elle. Elle finirait probablement par le jeter, surtout maintenant qu’elle pouvait se rendre compte de quel genre de personne Jessy était vraiment, libérer de sa prison.

Jessy...

Il sursauta. Il ne l’avait pas entendu arriver… Il ne l’avait pas du tout entendu arriver avec cet insupportable grésillement à l’oreille. Putain il aurait mieux fait de se prendre le mur du bunker de face, quitte à se péter le nez. Lucy s’installa à côté de lui. Sa présence après leur scène de ménage avait quelque chose de rassurant, même s’il ne se le serait jamais avoué.

Je ne voulais pas crier après toi tantôt, je suis désolée. Je te remercie de les avoir ramenés.

S’excuser et le remercier dans la même phrase… Il ne comprenait toujours pas comment Lucy pouvait être si conciliante. Mais c’était cette douceur et cette pureté qu’il aimait chez elle. Cette façon de chercher le meilleur même chez des personnes comme lui. Alors il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir de l’incompréhension de tout à l’heure. Et il ne pouvait pas lui en vouloir de ne pas le comprendre. Ils ne vivaient pas vraiment dans le même monde. Il n’y avait que cette petite baraque, qui était comme le point commun de leurs deux univers.

Jessy n’était toujours pas douée pour s’excuser. Ça lui avait arraché la bouche de s’excuser de l’avoir rendu borgne et ce n’était clairement pas devenu une habitude. Il se contenta d’enrouler son bras dans le dos de la jeune femme. Leurs deux têtes se touchaient. Cette proximité l’apaisait.

Il lui demande finalement, les yeux posés sur l’horizon qui ne semblait présenter aucuns nuages.

- Il va faire beau aujourd’hui. On pourrait en profiter pour pique-niquer sur la plage ?

Il savait que son absence en journée était difficile à vivre pour Lucy. Il savait qu’il était loin d’être l’homme idéal pour une fille comme elle. Mais il savait aussi comment faire sourire la demoiselle. Et il n'avait pas du tout envie qu'ils continuent de se prendre la tête sur cette histoire de chaussures ou n'importe quoi d'autre.

Tu n’es pas trop fatigué après ta longue nuit?

Il secoua la tête, négativement. De toute manière, s’il allait se coucher maintenant, il n’arriverait jamais à s’endormir. Lucy sembla réfléchir un instant, puis se décida finalement :  

Je pense que c’est une bonne idée...

Elle se redressa prestement, après lui avoir embrassé la joue. Il la regarda se diriger vers la maison, l’air un peu plus léger.

Je vais chercher quelque chose à manger!

Le repas sur la plage se passa plutôt bien, ils ne reparlèrent pas de l’incident du matin, de l’extérieur, il ressemblait à un jeune couple comme on aurait pu en trouver n’importe où. Ils avaient même conclu le repas par un long baiser avant que Lucy ne s’échappe finalement. Ils ne s’étaient plus embrassés comme ça depuis que Jessy avait découvert que la jeune femme se cachait au port. Jessy était ensuite parti dormir, plus fatigué qu’il ne l’aurait cru mais heureux que la situation se dénoue comme ça. Il s’endormit plus facilement que les autres soirs, malgré ces acouphènes qui tentaient de l’en empêcher.

Il fut réveillé lorsqu’une présence remua les draps dans lesquels il était enroulé. Il ouvrit les yeux, sur le qui-vive, tournant le visage vers son agresseur… Lorsqu’il reconnut Lucy, il se détendit immédiatement. Il l’attira contre lui, son bras enroulant sa taille nonchalamment, pratiquement près à se rendormir. Puis l’information percuta.

Lucy l’avait rejoint dans les couettes ? Il rouvrit les yeux et tourna son visage vers celui de la jeune femme. Elle l’observait avec une certaine timidité qu’il trouvait adorable. Il caressa sa joue du bout des doigts, fasciné par sa présence dans son lit.

- Hey toi. Quelle belle apparition de si beau matin.  

Il lui adressa un sourire doux, le genre de sourire qu’il n’avait pas souvent l’habitude de sortir du placard, puis après avoir glissé sa main dans le cou de la jeune femme, il l’embrassa tendrement.

Lucy l’observait, les joues rougies par la timidité, et son regard semblant se poser mille questions. Le jeune homme qui était tourné sur le flanc s’appuya sur son coude droit pour relever un peu le haut de son corps, libérant la nuque de Lucy. De la main gauche, il caressa doucement le visage de la jeune femme, ces doigts effleurant doucement ces traits, passant sur ces lèvres, dans son cou.

Tu veux bien rester ici avec moi... encore un peu?

Son sourire s’étira davantage. Il emprisonna à nouveau la nuque de la jeune femme de sa main pour l’embrasser. Ses lèvres glissèrent le long de sa joue, l’embrassant jusque dans le cou. Il sentait naitre en lui un feu qu’il connaissait bien. Sa main quitta la nuque de la jeune femme pour se glisser dans son dos, sous son t-shirt. Le corps du jeune homme était pratiquement au-dessus de celui de Lucy. Il chercha sa respiration, soufflant doucement enfouissant sa tête dans le cou de la jeune femme. Il ne lui sauterait pas dessus si ce n’était pas ce qu’elle souhaitait. Il murmura finalement, sa bouche tout contre l’oreille :

- Lucy… est-ce que tu en as envie ?

En tout cas, dans sa voix à lui, elle pouvait sentir à quel point il était dévoré par l’amour et le désir. Un seul mot de sa part, et il s’exécuterait. Il se rallongerait à ces côtés, se contentant de lui caresser les cheveux avec douceur où il mettrait toute son expérience au service de la jeune femme.

Mais tout comme lui, Lucy était rongé par des instincts qui dominaient son cerveau, s’immisçant en elle, ne lui laissant que l'envie de les assouvir. Elle murmura à son tour un "Oui" tenu, un oui qui ne laissait aucuns doutes sur la suite du déroulé. Jessy qui savait l'inexpérience de Lucy se montra tendre lorsqu'il le fallut. Un peu plus sauvage quand il la sentait plus affirmé, s'adaptant à la jeune femme sans le moindre mal. Il n'y avait plus que son plaisir qui importait, comme s'il s'agissait là de la chose la plus précieuse qui soit.

Jessy se sentait satisfait, mais pas exactement de la même manière que d’habitude. En général, faire l’amour lui prodiguait une satisfaction hautaine de bien avoir fait son travail mêlé à un sentiment de dominance et de virilité. Ce sentiment ici lui paressait plus tendre et plus agréable même si au fond, il ne pouvait s’empêcher d’avoir la sensation que Lucy lui appartenait.  

Mais il était plus apaisé qu’à l’accoutumée. Lucy frotta son nez dans le cou du jeune homme, comme un petit animal en manque de chaleur. Il enroula son bras autour de ces épaules, la tenant tout contre lui. Ils étaient tous les deux brulants C’était un moment qu’il graverait dans sa mémoire. Il se sentait vivant et presque entier. Presque… Cependant de son esprit dégoulinait des pensées qui s’éloignaient fort du concept d’amour. Une petite voix intérieure qui riait de le voir dans le lit de la fleur de Donatien Elpida alors que celui-ci la croyait morte. Comme s’il avait gagné. Une autre lui rappelait que non, qu’il n’avait pas encore tout à fait gagné… Qu’il avait encore du travail.

Il embrassa le front de Lucy avant de fermer les yeux, toujours contre elle. Il n’avait pas envie de quitter la chaleur de ces bras, ni la douceur de sa peau. Cette nuit, il resterait auprès d’elle. Il devait savourer ces moments de quiétude où il ressemblait à un vrai couple parce qu’au fond, il savait pertinemment que plus Lucy découvrirait l’homme qui l’était, moins elle serait capable de l’aimer. Il savait bien qu’un jour où l’autre, il la décevrait au point qu’elle ne voit plus en lui que le monstre. Alors tant qu’elle en était encore capable, il voulait se sentir aimer.