Un repas amusant !
Orgue te bénit en #59d0ff
Aujourd'hui, on était jeudi. Comme bien des jours, W156 avait eu une auscultation avec son médecin, le docteur Hans, le matin même. Ils avaient parlé de choses basiques: les sensations, Dieu et Gabriel. Peut-être avaient-ils dansé, chantonné des vers de la Bible, tout est-il qu'Orgue se trouvait sorti de sa séance un peu en retard.
Il n'était pas moins de 12h20 lorsque le docteur allemand relâchait Orgue de son bureau, et Orgue n'arrivait pas à la cantine avant 12h25. Il ne trainait pas, mais disons qu'il ne se pressait pas non plus.
Toujours joyeux de son moment passé en tête en tête avec son responsable, Orgue restait un peu l'esprit ailleurs. Il se pouvait même qu'il parlait et riait à haute voix comme un enfant, tout seul, mais personne ne pouvait comprendre ce qu'il baragouinait. C'était comme ça qu'il était.
Arrivé auprès du self, Orgue regardait la file qu'il y avait. Heureusement, il était assez retardataire pour dire qu'il n'y avait que peu de temps d'attente. Ca lui permettait de ressasser une dernière fois la séance d'aujourd'hui, alors qu'il faisait rouler les billes de marbre de son chapelet entre ses petits doigts. D'une manière ou d'une autre, lorsqu'il se réveillait de sa transe à cause d'un cuisinier qui lui tendait un plateau, il réalisait qu'il avait fini par penser fortuitement à un passage du Texte qui lui était si cher.
Passant sur le chemin de la nourriture, Orgue repensait aux étoiles, ou plutôt aux pleines lunes. Cette année, en 2019, le Carême n'était pas avant le 6 mars. Il pouvait profiter de ses derniers jours pour manger beaucoup! Il se servait allégrement de la nourriture, pas forcément trop, mais beaucoup. Ca le rendait un peu triste de voir autant de gens se priver de la nourriture donnée par l'Institut Espoir, alors que pourtant, elle était si bonne! Franchement, il ne comprenait pas les gens qui n'aimaient pas ce lieu -et encore moins ceux qui n'aimaient pas la cantine.
Enfin, il sortait de la ligne de service: voilà qu'il était lâché dans la grande salle à manger qui était secouée de toutes parts par le bruit. Ca allait des ricanements, aux cris de surprise, passant par les discussions chuchotées jusqu'au silence du tintement des couverts contre les bols et assiettes. Bref, la salle était blindée de monde à 12h30, comme toute restauration qui ouvre à midi.
Arthur était légèrement ennuyé, alors qu'il marchait. Les quelques personnes qu'il connaissait étaient déjà occupées à d'autres tables, ou simplement absentes. Pour le reste, les personnes étaient soit seules et aimant la solitude, soit trop ensembles pour dire qu'Arthur puisse bien s'y intégrer. Dommage. Il continuait de marcher dans les allées.
Allant vers les fenêtres -son lieu de prédilection pour manger, Orgue remarquait alors deux formes singulières. Deux petites filles à une table, seules. Il lisait de loin... X139? Il ne lui semblait pas avoir déjà vu ce numéro... ni ces petites filles. Et puis, elles étaient en X. Normalement il n'avait pas le droit de se mélanger, lui qui était en W, si? Mais bon... là, il n'avait plus trop le choix...
"- Excusez moi, mesdames... je... Je pourrais manger avec vous? Vous êtes trop mignonnes, et il n'a plus de place ailleurs."
Le petit ange aux yeux bleus leur fit un sourire calme mais jovial. Il semblait briller un peu, peut-être à cause du soleil qui tapait sur ses cheveux blonds à travers la fenêtre. Sans attendre leur réponse, Orgue posait son plateau sur la table, mais sans s'asseoir. Il détendait ses bras potelés et il faisait en sorte de se pousser pour les gens qui passaient derrière lui. Les jumelles pouvaient le refuser car, de toute évidence, il ne le prendrait pas mal... Mais comment refuser un enfant aussi agréable?
Kora et Heida observaient le contenu de leurs plateaux d'un air dubitatif. Des carottes râpées en guise d'entrée, du gigot d'agneau agrémenté par des petits pois en sauce pour le plat principal, et une petite part de gâteau en guise de dessert : voilà ce que les jumelles avaient choisi parmi les choix - diversifiés mais pas nécessairement nombreux - de la cantine. Kheidra n'était pas du genre difficile lorsqu'il venait temps de manger, mais elle n'avait jamais été une grande amatrice de viandes, et de toute façon elle préférait le sucré. Généralement, son père devait la forcer pour qu'elle goûte ne serait-ce qu'un morceau de viande, mais son père n'était pas là. Du coup, Kheidra décida avec une certaine satisfaction de commencer par le dessert.
Les jumelles étaient assises seules sur une grande table. Elle n'avaient pas cherché la compagnie d'autres personnes, car non seulement elles ne s'étaient pas encore liées d'amitié avec quiconque - et n'avaient d'ailleurs remarqué personne de leur âge - mais en plus leur propre compagnie leur suffisait. Ensemble, les jumelles n'étaient jamais seules et ne ressentaient jamais la solitude. Kheidra se suffisait à elle-même.
C'est pourquoi elle aborda un air de surprise quand un blondinet s'approcha d'elle, son plateau entre les mains. Kheidra lui jeta un regard inquisiteur - cette perte de concentration fit d'ailleurs tomber la bouchée qu'Heida s'apprêtait à mettre dans sa bouche.
- Excusez moi, mesdames...commença l'adolescent d'une voix douce. Je... Je pourrais manger avec vous? Vous êtes trop mignonnes, et il n'a plus de place ailleurs.
"Mesdames" ? "Vous êtes trop mignonnes" ? Les jumelles baissèrent les yeux pour dissimuler leur rougissement, peu habituées à être ainsi flattées, surtout depuis qu'elles étaient entrées à l'Institut. D'habitude, le personnel se contentait d'un sec "X139 a et b", ce qui n'était pas très agréable.
-B-Bien sûr...bégaya Kheidra, même si le garçon avait déjà posé son plateau sur leur table.
Du coin de l'oeil, elle le détailla alors qu'il s'asseyait. Il semblait assez jeune, mais demeurait tout de même un peu plus vieux que les jumelles. Son visage rond était doux et serein, orné d'un sourire bienveillant qui illuminait ses traits lisses tout comme ses cheveux blonds décorés d'une étrange coiffe semblaient rayonner sur le dessus de sa tête. Il portait des attributs religieux que Kheidra avait déjà vu à l'église, les quelques fois où son père l'avait emmené, mais évidemment l'uniforme de l'Institut était à l'honneur.
Tout en scrutant avec une discrétion toute relative son interlocuteur, Heida essuyait en hâte la sauce qui avait éclaboussée ses vêtements, tandis que Kora l'attendait pour prendre de concert une nouvelle bouchée du gâteau. Ce dernier, quoiqu'un peu sec, avait un délicieux goût de vanille qui emplissait la langue à chaque mastication.
Kheidra se sentit assez en confiance par l'âge et l'apparence du garçon pour lui sourire timidement, reprenant enfin une bouchée de son dessert. Puis, plus pour briser le silence que par réel sens de la conversation, elle lâcha alors :
-Le gâteau est bon.
Fiche personnage : [url=]fiche personnage[/url]Espace personnel : [url=]espace personnel[/url]Groupe : La FamilleDate d'arrivée à l'Institut : 03/12/2018Age : 16Un repas amusant !
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"- B-Bien sûr...
- Merci beaucoup!"
L'ange se faufilait entre les deux tables -celle des jumelles et celle adjacente- et s'assit peut-être un peu lourdement sur sa chaise à cause de sa précipitation. Il ramenait, en le faisant glisser, son plateau devant lui et il fit un léger sourire de remerciement aux jumelles. De ses deux mains, il retirait le chapelet de son poignet gauche, l'or brillait au soleil. Il déliait les boules de marbre, puis il passait le collier autour de son cou. Manger avec quelque chose qui pendait comme ça au poignet, c'était horriblement pas pratique...
Il détournait ses yeux des deux jumelles alors qu'il joignait ses mains, paume contre paume. Il croisait ses pieds sous sa chaise et il fermait ses yeux, abaissant un peu son visage. Avant de manger, il n'oubliait jamais de remercier Dieu de son offrande, de lui avoir donné un si bon repas... D'ailleurs, il avait pris de la macédoine en entrée, du gigot et des petits pois -lui aussi!- en plat principal et un yaourt à la fraise. Le jeune homme parlait dans une langue inconnue à voix basse.
"- Benedic, Domine, nos et haec tua dona quae de tua largitate sumus sumpturi, per Christum Dominum nostrum. Amen."
Orgue rouvrait ses yeux. Il séparait ses mains et se tenait un peu plus droit sur sa chaise, prenant entre ses doigts sa fourchette et de l'autre main, sa petite assiette où il y avait la macédoine. Ses yeux de cristaux se posaient sur les deux jumelles.
"- Bon appétit!"
En retour de cette politesse, l'ange reçut un sourire timide. A vrai dire, ça lui suffisait. Alors qu'il mit une fourchette joliement garnie de légumes dans sa bouche, il observait les jumelles face à lui. Il remarquait -enfin, même si ça faisait un moment...- que c'étaient de vraies jumelles. Petites et timides. Indifférenciables, si ce n'était la petite boule colorée dans leurs cheveux, et la mention a et b à côté de leur matricule. Elle devait avoir quoi... entre six et dix ans? Hors de tout contexte, Orgue se demandait s'il y avait aussi des bébés à l'Institut Espoir. Il prit une nouvelle bouchée de légumes.
"- Le gâteau est bon."
W156 se réveillait à nouveau de ses pensées avec la phrase qui lui était timidement adressée. Ses yeux, précédemment dans le vide, se refocalisaient sur les jumelles. Elles avaient parlé en même temps? Orgue fit un sourire; il trouvait ça amusant. Mais, ce qui le fit réellement rire, c'était que leur assiette était encore remplie, et les carottes intouchées alors que le gateau avait au moins réduit de moitié. Il riait, mais ne se moquait pas. Comme un rire d'enfant de douze ans.
"- Ah bon? Ca me fait plaisir de l'apprendre. Il y eut une courte pause avant qu'il ne reprenne, c'est rigolo, je n'avais jamais vu quelqu'un manger son dessert avant toute autre chose... Vous êtes vraiment adorables."
Il ne pouvait s'empêcher de le faire remarquer, simplet qu'il était. Il adorait les enfants plus petits que lui, il se retrouvait completement à travers eux. Et à vrai dire... à voir les jumelles manger avec autant d'envie ce gateau, ça lui donnait envie de manger son yaourt maintenant avec elles, s'amuser comme elles s'amusaient. Mais il ne pouvait pas: la Gourmandise est l'un des péchés capitaux. Alors, il prit une nouvelle fournée de macédoine.
"- Dites, vous vous appelez comment? Vous voulez bien être mes amies?"
C'était un peu... brut comme question, certes. Mais il rayonnait avec tant d'énergie que ça ne semblait pas si bizarre que ça...
Tout en mangeant son gâteau, Kheidra observait les étranges rituels du garçon qui semblait très à l'aise au milieu de la cantine. Elle avait déjà vu tous ces rites religieux, mais ça ne les rendait pas plus compréhensibles pour autant. Leur père était déiste, mais ne pratiquait aucune religion. Kheidra, quant à elle, n'y avait jamais vraiment réfléchi.
- Ah bon? finit-il par répondre avec un rire joyeux. Ça me fait plaisir de l'apprendre. C'est rigolo, je n'avais jamais vu quelqu'un manger son dessert avant toute autre chose... Vous êtes vraiment adorables.
Kheidra rougit de plus belle. Pourquoi lui faisait-il tant de compliment ? En un sens, les jumelles hésitaient entre fondre sous cette gentillesse ou s'en méfier. Après tout, Papa disait toujours de ne pas faire confiance aux inconnus...Cela dit, il n'y avait rien de dangereux à rire avec eux. Alors après une courte hésitation, Kheidra s'autorisa un rire amusé puis un pouffement.
-Le dessert c'est la meilleure partie du repas ! s'écria-t-elle avec une énergie renouvelée, souriant moins timidement. Et puis dans le ventre, tout se mélange, y'a pas de premier ni de dernier.
Plus les jumelles faisaient confiance au jeune blondinet, plus leur nature joyeuse prenait le dessus. Il faut dire que la bonne humeur du garçon était contagieuse, un peu comme un rayon de soleil au milieu d'une de ces sombres forêts dans lesquelles les petites aimaient tant jouer.
- Dites, vous vous appelez comment? reprit-il finalement. Vous voulez bien être mes amies?
Kora et Heida se consultèrent du regard, surprise. Amies ? Les jumelles n'avaient jamais fait face à une telle déclaration, surtout aussi rapidement. En fait, elles n'avaient jamais eu d'amis très longtemps puisqu'elles se suffisaient à elles mêmes. Mais...Avoir un ami dans un lieu aussi austère que l'asile, c'était une bonne chose non ? Et puis Papa serait tellement content de savoir que Kheidra n'était plus toute seule ! Surtout que le garçon avait l'air gentil, et qu'il les trouvait "adorables". Le reste de la méfiance des jumelles s'évanouit tandis qu'un grand sourire venait éclairer leurs petits minois.
-Oui, d'accord ! s'exclama Kheidra d'une seule voix.
Kora fit un signe de tête en direction d'Heida.
-Ça c'est Heida.
Heida fit un signe de tête en direction de Kora.
-Ça, c'est Kora !
Puis dans un éclat d'enthousiasme, elles continuèrent d'une voix unique :
-Ensemble, nous sommes Kheidra ! Kheidra Goeschmann !
Avisant leur dessert maintenant terminé, les jumelles commencèrent à agiter leurs petits pois de leur fourchette. Leurs légumes étaient en train de refroidir.
Prenant une bouchée et relevant la tête, Kheidra demanda alors :
-Et toi, t'es qui ? Et pourquoi t'es là ?
Par "là" elle entendait bien sûr "à l'Institut", mais ça lui semblait tellement évident qu'elle ne détailla pas.
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La surprise des deux jeunes filles était perçue par l'ange. De but en blanc, il savait que sa question pouvait estomaquer, mais il n'était pas là pour perdre son temps avec de grands discours sur l'amitié et le besoin philosophique d'autrui, surtout lorsque son auditoire était deux petites filles qui ne comprendraient certainement rien à ce baragouinage...
Mais le visage des filles s'illuminaient. Après la surprise, le réconfort. C'était si simple, Orgue ne comprenait vraiment pas les gens qui n'arrivaient pas à se faire des amis: il faut juste bien le vouloir. Encore une fois, les voix des deux fillettes raisonnaient de concert pour ne donner qu'une seule réponse. Encore une fois, ça amusait Orgue de les voir autant en symbiose.
"- Oui, d'accord !
- Super!!
- Ça c'est Heida. disait l'une en désignant l'autre,
- Ça, c'est Kora ! disait l'autre pareillement, et ensemble elles enchainaient:
- Ensemble, nous sommes Kheidra ! Kheidra Goeschmann !"
Orgue riait la bouche fermée, puisqu'il avait la fin de sa macédoine en bouche. Ensemble? Elles s'étaient créé un nom à elles deux? Si ça pouvait leur faire plaisir... Heida et Kora. Kheidra. Ca sonnait bien, mais il aurait certainement du mal à s'en rappeler. Attendez, laquelle était Heida, laquelle était Kora, déjà? Kora était celle avec la bille.. dorée... Non? Elles parlaient à nouveau ensemble. Les appeler Kheidra serait bien plus simple...
"-Et toi, t'es qui ? Et pourquoi t'es là ?"
W156 posait sa petite assiette vide de macédoine dans un coin de son plateau. Il ramenait alors sa grande assiette à lui: elle était encore chaude, heureusement. Il plantait sa fourchette dans le gigot alors qu'il se saisissait de son couteau. C'était encore l'heure de profiter de la viande, autant profiter avant la semaine suivante.
Tout en se préparant à déguster son assiette, coupant en petits morceaux sa viande, Arthur souriait et regardait Kora puis Heida, leur répondant. Ses yeux se reconcentraient assez rapidement sur sa tache pratique, néanmoins.
"- Je m'appelle Orgue, et je suis le Saint-Esprit. Je suis la dernière partie de la Trinité du catholicisme, aux côtés du Père et du Fils."
Orgue mit un bout d'agneau dans sa bouche et laissait les deux filles imprimer son nom et son identité. Ses yeux bleus, purs, se posaient à nouveau sur elles. Orgue savait qu'il ne devait pas trop les marteler explicitement le cerveau avec sa religion: ça risquerait de les repousser. Alors, il ne disait que cela, chose très simple. Tout son travail de missionnaire se passerait implicitement et pédagogiquement auprès de ses nouvelles amies.
"- Je suis là car mes parents ne croyaient pas à ce que je disais, ni à mes responsabilités divines."
Il essayait aussi d'utiliser des mots simples: il aurait préféré utiliser "géniteurs" plutôt que "parents", mais encore une fois il ne fallait pas les perdre aussi rapidement à cause d'un langage trop soutenu.
"- Et vous? Pourquoi vos parents vous ont amenées ici?"
Kheidra prit une nouvelle bouchée de ses petits pois tandis qu'elle observait son nouvel ami se régaler de son plat également. Le blondinet avait l'air de préférer la viande que les légumes, ce qui n'était pas le cas de son interlocutrice, mais elle avait remarqué que généralement les gens préféraient la viande. Peut-être parce que c'était plus consistant. Kheidra n'en savait rien. Elle-même préférait peut-être les légumes parce qu'elle aimait les plantes.
- Je m'appelle Orgue, et je suis le Saint-Esprit, se présenta à son tour le garçon. Je suis la dernière partie de la Trinité du catholicisme, aux côtés du Père et du Fils.
Kora et Heida écarquillèrent les yeux, et Kora manqua de s'étouffer sous l'effet de la surprise. Heida lui tapota le dos pour lui faire recracher son petit pois en toussant à son tour, comme pour accompagner sa jumelle. "Orgue-Saint-Esprit de la Trinité" songea Kheidra, incrédule. "C'est son titre ? Ca veut dire qu'il fait partie de l'Eglise...?"
Les connaissances religieuses des jumelles étaient trop faibles pour qu'elles puissent comprendre les paroles d'Orgue, mais vu la longueur de son titre, il semblait être quelqu'un d'important ! Après tout les fillettes avaient déjà entendu ces mots prononcés les rares fois où elles avaient assisté à des cérémonies religieuses, et cela faisait de mémoire référence à des anges ou à quelque chose de proche de Dieu. Kheidra était un peu flattée que quelqu'un d'apparemment hors du commun lui demande d'être son ami, si bien qu'un nouveau sourire lui échappa, plus admiratif cette fois.
Le Saint-Esprit, après ce court instant, reprit posément :
- Je suis là car mes parents ne croyaient pas à ce que je disais, ni à mes responsabilités divines... Et vous? Pourquoi vos parents vous ont amenées ici?
"Des responsabilités divines..." songea en écho Kheidra, abasourdie.
Donc ce n'était pas juste un titre mais une vocation d'ordre céleste ! Cette fois, les jumelles furent un peu triste pour leur nouvel ami qu'il ait été rejeté par sa famille. Qu'il soit vraiment le Saint-Esprit, ce dont Kheidra ne doutait pas car après tout il avait l'air sincère, ou que ce soit juste une fantaisie, ça avait dû être dur de ne pas se savoir écouté. Le papa de Kheidra, même s'il n'aimait pas penser à ses filles au singulier, avait fait l'effort de les comprendre, et il n'avait jamais nié ce que ses filles pensaient à défaut de l'accepter.
-C'est triste...murmura Kheidra d'un ton réconfortant. La famille, ça doit toujours se serrer les coudes. Sinon c'est pas une famille, juste une communauté ! Nous, on n'a pas le même sang que notre Papa, mais c'est notre père parce qu'il nous croit et qu'il tient à nous !
Les jumelles lui sourirent gentiment. Il n'y avait pas de pitié dans leur expression, juste une sympathie sincère teintée d'une maturité qui dépassait leur puérilité habituelle. Mais cette expression changea vite quand elle se rendirent compte qu'il leur avait posé une question également. Kora et Heida se consultèrent du regard, une légère moue sur le minois.
-Bon...C'est vrai que même si Papa croit en nous, il aime pas trop qu'on soit Kheidra...commença Heida en soupirant.
-...Du coup il a décidé de nous amener ici, compléta Kora.
Les jumelles se tinrent la main sous la table et ajoutèrent d'une même voix sur le ton de la confidence, plongeant leurs quatre yeux soudainement sérieux dans ceux bleus du garçon :
-Mais nous on n'est mieux ensemble ! On n'aime pas être séparées...C'est un peu comme retirer ses pétales à une fleur : c'est moche, et c'est pas normal. Tu comprends...?
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"- C'est triste..."
Le Saint-Esprit voyait le visage des deux jumelles s'assombrir. Il ne voulait pas les rendre triste, bien que ça le réconfortait de voir qu'elles le comprenaient, et peut-être qu'elles étaient d'accord avec lui et contre l'injustice de ses géniteurs.
Mais bon, Orgue n'en voulait pas vraiment à ses géniteurs, il les pardonnait comme Dieu pardonne à tous. Ils ne se rendaient juste pas compte... Orgue savait qu'il y aurait toujours des non-croyants et des extrémistes qui voudraient le mettre à terre; tout comme les Romains qui ont mis son Père sur la croix. W156 mangeait un bout de viande encore, avec quelques petits pois qu'il avait piqués avec sa fourchette.
"- La famille, ça doit toujours se serrer les coudes. Sinon c'est pas une famille, juste une communauté ! Nous, on n'a pas le même sang que notre Papa, mais c'est notre père parce qu'il nous croit et qu'il tient à nous !"
Orgue leur souriait humblement. Elles n'avaient pas le même sang que leur père? Comme lui-même au final. Mais pour elles, l'ange pensait plus que c'était parce qu'elles ont été adoptées, c'était le plus logique. Leur père devait être très gentil et bon, de les avoir adoptées.
Orphelines, par quelconque des Quatre Chevaliers de l'Apocalypse -La Guerre, la Maladie, la Faim et la Mort-, leur père devait avoir beaucoup de courage pour avoir adopté non seulement des jumelles, mais de s'en être occupé seul. -Enfin, ceci n'était qu'une supposition, puisqu'elles ne parlaient pas de leur mère, comme si elle était absente depuis toujours.
Le Saint-Esprit avait beaucoup de respect pour lui.
Cependant, la moue des fillettes changeait à nouveau. Orgue perdait son sourire et les regardait avec patience. Que se passait-il dans leur tête?
"- Bon... C'est vrai que même si Papa croit en nous, il aime pas trop qu'on soit Kheidra...
- ...Du coup il a décidé de nous amener ici."
Orgue mit dans sa bouche des petits pois seulement, cette fois. Leur père était bon, mais pas infaillible.
"-Mais nous on est mieux ensemble !
- C'est le principal.
- On n'aime pas être séparées...C'est un peu comme retirer ses pétales à une fleur : c'est moche, et c'est pas normal. Tu comprends...?
- Je comprends parfaitement. En plus, ça ruine la vie de la pauvre petite fleur..."
Complétement attendrit par les deux demoiselles, Orgue leur fit un plus grand sourire. Tous yeux sur lui, il voyait le pétillement de courage et tout l'amour qu'elle portait non pas l'une pour l'autre, mais pour leur unité. C'était pour ça qu'elles étaient ici, donc. Ne formant qu'un seul esprit, Dieu décidait pourtant de les séparer en deux corps différents. Pourquoi avaient-elles mérité un pareil châtiment? Devant lui, elles n'avaient pourtant rien de maléfique... Ca rendait Orgue tout penaud.
"- Je suis certain que vous Lui montrerez que vous saurez tout surmonter dans la vie, ensemble. Après tout, vous êtes une très jolie fleur, avec de splendides pétales."
Il fit un gentil rire, calme. Elles étaient unique, Orgue était si heureux de les avoir rencontrées. Puis, comme il s'était rendu compte qu'elles étaient très peu convaincues par leur plat, le Saint-Esprit leur désignait son yaourt par le bout de sa fourchette. Il finissait sa bouchée avant de parler et il les regardait. Il voulait être altruiste, comme sa doctrine lui dictait, et puis il pouvait bien faire ce cadeau à sa nouvelle amie.
"- Vous voulez mon yaourt? Je vous l'offre, si vous le voulez. Il est à la fraise. Peut-être que vous n'aimez pas?..."
- Je comprends parfaitement. En plus, ça ruine la vie de la pauvre petite fleur...
Kheidra acquiesça vigoureusement à ses paroles : c'était exactement cela. Son sourire se renforça, heureuse de faire face à quelqu'un qui prenait autant à cœur la vie des fleurs qu'elle - même si les jumelles étaient évidemment conscientes qu'il s'agissait d'une mépa..métapa...Métapaphore ?
Les cours de littératures n'avaient jamais été les cours préférés de Kheidra, au grand dam de leur père.
-Je suis certain que vous Lui montrerez que vous saurez tout surmonter dans la vie, ensemble, continua Orgue avec un sourire apaisant. Après tout, vous êtes une très jolie fleur, avec de splendides pétales.
Les jumelles rougirent de plus bel et se lâchèrent la main pour masquer leur trouble en prenant quelques bouchées. Mais en dehors de la flatterie, la justesse des paroles du blondinet les touchèrent profondément.
-M-merci...déclarèrent-elles en reprenant de l'assurance. J'espère qu'on saura lui montrer, oui ! Mais papa est têtu...
Elles n'avaient évidemment pas compris que c'était de Dieu que leur ami parlait. Kora et Heida se consultèrent du regard, puis Kheidra reprit d'un ton malicieux.
-Et puis toi aussi tu ferais une jolie fleur ! Une belle Ancolie jaune !
Elle gloussa avec le garçon, se remémorant cette fleur qu'elles affectionnaient beaucoup. Que le Saint-Esprit soit comparé à cette fleur témoignait de l'affection qu'elle commençait déjà à lui porter, c'était une fleur chère à son cœur : la toute première plante que les jumelles avaient ajouté à leur herbier.
- Vous voulez mon yaourt? demanda alors soudainement le blondinet. Je vous l'offre, si vous le voulez. Il est à la fraise. Peut-être que vous n'aimez pas?...
Kheidra releva la tête alors qu'elle enfournait une énorme bouchée de petits pois. Kora hésita, mais Heida était plus décidée : le yaourt semblait bien plus appétissant que le plat. Cette assurance prit le dessus sur Kheidra, qui répondit alors :
-Oui on veut bien, merci ! Mais tu veux quelque chose dans mon assiette ? Ce serait du gâchis sinon...
-Des petits pois...proposa Kora.
-...Ou de la viande ! offrit Heida pour compléter. On n'aime pas trop ça.
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Les jumelles avaient comparé Orgue à une Ancolie jaune... Orgue aimait beaucoup la nature, mais il n'était pas incollable en botanique. Il connaissait les bases, quelques exceptions plus rares, mais là, il était incapable de poser une image sur le nom. Ancolie jaune... Une fleur jaune du coup, mais au-delà de ça, elle lui était inconnue. Peut-être que le jaune était pour ses cheveux? On lui disait plus souvent qu'il était blond comme le blé, mais pas comme ancolie jaune.
Quoiqu'il en soit, Orgue irait voir ce qu'était exactement cette si douce fleur après le repas, dans la bibliothèque.
"-Oui on veut bien, merci ! Mais tu veux quelque chose dans mon assiette ? Ce serait du gâchis sinon... Des petits pois.." disaient-elles séparément "..Ou de la viande ! On n'aime pas trop ça."
W156 passait son regard de l'une à l'autre, puis il observait l'assiette des deux petites filles. Il fit la moue... Déjà qu'il avait pris assez à manger, il ne voulait pas non plus trop en prendre... En plus, son ventre était déjà un peu grasouillet, alors s'il se mettait à voler la nourriture aux autres, qu'est-ce que ça serait! ...mais bon, il devait l'avouer, il avait particulièrement faim, aujourd'hui.
"- Mmhh... Bon! D'accord!... Mais je ne prends qu'un peu des deux!... Il faut que vous mangiez, aussi, sinon vous allez être toutes maigres. On fait comme ça?"
Le sourire lui revient aux lèvres. De sa main qui tenait déjà sa fourchette, il prit son yaourt et le posait sur le plateau des petites filles. De son autre, il vient délicatement prendre leur assiette. Il la soulevait et la posait à côté de son plateau, puisqu'il devait couper le gigot. Il le coupait en trois parts.. plus ou moins égales et en piquait une pour la mettre dans son assiette. Dans son élan, et puisqu'il avait son couteau à la main, il coupait les deux autres bouts en petits morceaux. Peut-être que voir les parts en gros morceau les repoussait, alors que de petits morceaux seraient plus faciles à faire manger? Quoiqu'il en soit, c'était purement altruiste.
Après avoir tout découpé, il se saisit à nouveau de l'assiette et il faisait glisser une portion des petits pois dans sa propre assiette. Pour une raison inconnue, Orgue n'aimait pas les légumes verts: brocolis, chou de bruxelles... Un réflexe d'enfant, mais les petits pois étaient vraiment quelque chose qu'il mangeait sans mal. L'exception à la règle.
Enfin, il reposait soigneusement l'assiette remplie de deux tiers dans le plateau des fillettes. Il leur fit un doux sourire avant de prendre un air un peu plus concerné, sa voix s'adoucissait bien qu'elle restait dans les aigus.
"- Voilà. Mangez au moins un peu du reste, d'accord? Sinon, je serais triste, et puis votre papa sera certainement pas très content non plus de savoir que vous ne mangez presque rien..."
