Les minutes s’écoulèrent doucement, la trotteuse indiquant seule le passage du temps. Alice tapotait du pied sur le sol, lisant son carnet vite fait. Elle avait noté de manière très maladroite, avec une sorte de ligne cassée, une mélodie. Plus la ligne montait, plus elle était aiguë, et plus elle descendait, plus elle allait dans les graves. La ligne formait une sorte de schéma en dent de scie assez incompréhensible pour une personne extérieure. Pour elle aussi, d’ailleurs. C’est pour ça qu’elle avait pris soin de dessiner une petite clé de sol, juste à côté. Là, c’était tout de suite beaucoup plus compréhensible.
Elle leva les yeux de ses pages gribouillées lorsqu’elle entendit des bruits de pas se rapprocher. Une personne toute de blanc vêtue arriva, clés à la main. Alice se releva d’un bond. Sous son regard plus qu’intéressé, l’inconnue débloqua la porte de la bibliothèque, avant d’ouvrir – ENFIN – celle de la salle de musique. Alice la remercia et fonça sans rien ajouter dans la pièce. Là, elle étudia les différents instruments présents. Il y avait deux violons, deux guitares, et une trompette. Mais surtout, il y avait le piano.
Elle y accourut, comme une gamine qui accourait vers le Père Noël. Se glissant derrière l’imposant objet, elle ouvrit délicatement le couvercle qui protégeait les touches. Un énorme sourire s’afficha sur son visage, l’espace d’un instant, avant de s’effacer. Elle reprit son carnet, et tourna à la page marquée qu’elle avait relu juste avant. Elle connaissait cette mélodie, mais voulait être sûre de l’avoir notée pour ne pas avoir de trou de mémoire. En restant debout devant l’instrument, elle garda à hauteur de lecture son petit carnet de la main gauche, alors que son index droit pressait quelques touches au hasard. Elle semblait chercher une tonalité très particulière.
Elle ne remarqua pas tout de suite aux personnes qui entraient dans la pièce, trop concentrée sur ses touches. Son jeu n’en était pas. Elle continuait de chercher ses notes, tentant de former un début de mélodie dénué de tout sens du tempo. Il était évident qu’Alice n’avait jamais appris à jouer de cet instrument.
Mais ce qui me gêne le plus, c’est qu’on m’ait pris mon appareil photo. La photo, c’est ma bouée, ma bouffée d’oxygène. C’est ma passion. Et on m’empêche de la pratiquer pour une raison qui m’échappe. Ce n’est pas dangereux la photo. C’est juste un art. Prendre des gens, des paysages, des couchers de soleil. Je ne vois pas en quoi c’est une menace. Et mauvais pour moi… À part s’ils ont des choses à cacher. Et si c’est le cas, je comprendrais mieux pourquoi mon clone de mère m’a envoyée dans ce trou.
Mais en attendant, je dois me trouver une nouvelle occupation. Sans mon appareil photo, je m’ennuis à mourir. J’ai beau leur demander de me le rendre, ils refusent toujours. Alors je vais devoir me trouver une nouvelle passion temporaire, le temps que je sorte d’ici. Même si la peur de perdre mon talent est présente dans mon cœur, je n’ai pas vraiment le choix.
Alors je me suis dit que la musique était une bonne idée. Je me suis dit que je pourrais peut-être tenter la guitare. C’est un instrument que j’ai toujours trouvé cool. Et si j’y touche un peu, peut-être que je vais comprendre comment ça fonctionne et réussir quelques accords.
C’est le début de l’après-midi, juste après le repas, et je crois que c’est le moment où ils ouvrent la bibliothèque et la salle de musique. Je marche d’un pas nonchalant dans les couloirs en direction des instruments mais ne vois personne. C’est toujours fermé ? Ou alors c’est déjà ouvert ? Je m’approche de la porte et entends des notes de piano. Des notes…pas très harmonieuses. Comme si, on cherchait une note particulière sans vraiment la trouver.
Je pousse un petit soupir, ce n’est pas très agréable, mais ça ne va pas m’empêcher de découvrir la guitare. Je risque de faire exactement la même chose après tout.
Alors j’entre dans la pièce, cherche du regard une guitare et m’approche quand j’en vois deux. Parfait. Je ne lance un regard très bref à la fille déjà présente pour finalement me concentrer sur l’instrument. Alors… comment ça se tient… Je l’installe entre mes bras un peu maladroitement. Il faudrait peut-être que je m’assois. Ce sera plus facile à tenir.
Je regarde autour de moi et m’approche d’une chaise placée sur le côté de la salle pour m’y installer. Je me place, confortablement et gratte les cordes de manière incertaine. Elle est accordée ? J’en sais pas grand-chose moi… Et puis vu comment elle joue mal, la fille présente ne doit pas savoir non plus…
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