Levée depuis les aurores, Elizabeth s'était afférée à faire le petit déjeuner comme à son habitude. Elle commençait à cerner ce qu'elle devait faire pour rendre le goût meilleur et ce qu'elle devait éviter pour ne pas leur donner d'indigestion. De l'eau bouillante et des feuilles de thé pour monsieur Elpida, des grains de café moulus pour ceux qui préféraient se réveiller en vitesse et du pain qu'elle avait réussi à faire avec le reste de farine, d'eau et de sel.

Elle s'installa à table, attendant que tout le monde se lève et se serve. Tous arrivèrent à leur rythme, certains avec des têtes impossibles et d'autres avec une allure plus matinale. Plus le petit déjeuner se déroulait, plus les personnes quittaient la table. Jusqu'au moment où il ne restait que Elizabeth et Lucy. Elizabeth pencha la tête sur le côté pendant qu'elle laissa Wendy se diriger joyeusement jusqu'à leur espace intime pour commencer à jouer. Cette fille lui disait quelque chose... Est-ce que ce n'était pas celle de la douche ? Elle lui avait pris ses vêtements...

Elle claqua des doigts pour attirer son attention et lui dit :

- Dis, on ne se serait pas vu dans les sanitaires ?

Puis elle se posa contre le dossier de sa chaise, l'air taquine. Elle pensait bien que cette leçon lui avait été profitable, selon les bruits qu'elle avait pu entendre la dernière fois. Elle était juste à côté de sa chambre, les rideaux n'étaient pas suffisamment épais pour couvrir ce genre de bruits et surtout : Elizabeth était une experte dans ce domaine. Elle saurait reconnaître ces petits plaisirs auxquels elle s'adonnait. Mais surtout : quelle était la personne qui l'avait accompagnée ? Un homme, c'était certain : mais lequel ?

Les yeux remplis de malice, Elizabeth se délectait de cette situation. Elle retrouvait un peu l'esprit qu'elle avait autrefois, avant que l'Institut ne s'effondre sur lui-même, ravagé de l'intérieur par ses propres enfants, tel Cronos se faisant déchirer ses entrailles par sa progéniture, désireuse de s'en extirper. Hors, à cet instant précis, Lucy n'avait pas cette chance de pouvoir s'enfuir des griffes d'Elizabeth, ayant repris ses vieilles habitudes tortueuses.
Sa position de force et de supériorité, les bras croisés sous son imposante poitrine, elle pencha son visage vers la droite, l'air de sonder son ancienne proie qui semblait vouloir goûter aux plaisirs de la chair.

- Oui, tu as raison, je t’avais emprunté ton peignoir ce matin-là...

Elle opina, confirmant ses dires à l'aide de ses propres souvenirs. Emprunté... Elle n'était pas certaine du terme ceci-dit.
Elle se rapprocha de Lucy, laissant son buste rejoindre la table et ses bras s'y poser. Elle avait un peu le droit de s'amuser, non ?

- Ce qui est amusant, c'est que ce jour-là, on a eu l'occasion de se voir sans vêtements. Ton corps a bien du changer, depuis.

Etrangement, Elizabeth ne cherchait pas à coucher avec elle contrairement à ce qu'un spectateur extérieur pourrait penser. Elle jouait simplement de ce qu'elle savait pour voir jusqu'où Lucy serait prête à se confier, voire se laisser absorber par une telle situation qui pourrait être... Incommodante.

- De ce que j'ai pu comprendre, Nevrabriel a bien apprécié ces changements.

Son air perplexe qui se déformait petit à petit par un air paniqué délectait Elizabeth, plus que satisfaite du résultat de sa taquinerie. Elle avait véritablement touché un point sensible en plus d'avoir trouvé du premier coup qui était l'auteur de ses cris de plaisir. En vérité, ce n'était pas très compliqué à deviner. Béryl et elle n'étaient pas très proches, Jessy était enfermé, Donatien la considérait comme sa fille et Béatrice ne semblait pas intéressée par les femmes. Il ne restait que le rouquin violoniste. Elizabeth aurait fait une excellente détective.
Lucy, dans sa panique, tenta de communiquer avec la langue des signes mais tout semblant décousu. On aurait dit un enfant qui récitait son vocabulaire appris la veille.

- Chambre. Maintenant. Venir.

Lucy se leva rapidement, sans ranger la table. Elizabeth jeta un coup d'oeil aux restes et se dit qu'elle nettoiera juste après leur discussion. Même si elle s'avérait déjà compliquée puisque Lucy semblait être assez limitée dans la langue des signes. A quoi servaient les cours qu'elle donnait si c'était pour à peine savoir aligner trois mots correctement ?
Elle ouvrit un rideau et laissa entrer Lucy, puis prit Wendy avec elle pour pouvoir la surveiller et la garder loin du meurtrier en cage. Elle la posa à côté de sa grosse peluche, avec qui elle se mit à jouer, puis referma les rideaux une fois les deux à l'intérieur de sa chambre.

- Qu'est-ce qui est si urgent ?

Elizabeth fronça les sourcils et serra les dents. Si elle était muette, elle n'était pas sourde pour autant. En quoi cela était utile qu'elle chuchote en même temps qu'elle signe ? Elle avait l'impression d'être prise pour une demeurée, une handicapée, une idiote sans nom. Ce n'était vraiment pas un sentiment agréable qu'elle recommanderait.

- Quelle idée de parler enfin d’écrire enfin de quelque chose comme ça... dans la cuisine.

De l'air s'échappa de ses narines sans un bruit, exaspérée par la fragilité des enfants de Donatien. S'ils s'adonnaient à un faux inceste, autant qu'ils l'assument jusqu'au bout, sans faux semblant. Sans compter qu'Elizabeth était une experte dans ce domaine, et qu'elle n'attendait pas moins d'elle qu'une naïveté amoindrie. Surtout que les deux jeunes femmes étaient seules dans la cuisine. Au besoin, elle aurait abaissé son carnet en vitesse et aurait fait mine de ne rien avoir écrit. La séductrice savait tout de même être discrète quand il le fallait. Enfin, la plupart du temps.

- Ce n’était pas Nev que tu as entendu, mais l’idée générale tu l’as comprise.

Soudainement amusée par cette tentative désespérée de Lucy de cacher l'identité de son partenaire de jeu, un sourire se dessina sur ses lèvres alors que ses sourcils se levaient sur son front, agrandissant significativement ses yeux. Puis, elle tenta vaguement de reprendre une expression sérieuse. Et c'était plus ou moins réussi...
Soit, ce n'était pas Nevrabriel, le violoniste avec qui elle était très proche et en qui elle avait sans doute confiance. C'était Béatrice. Une voix masculine comme celle-ci, c'était forcément elle.

- Je ne voulais pas déranger ton sommeil, je suis désolée.

Elizabeth se fichait pas mal de son sommeil, surtout lorsque des moments comme ça se déroulaient à côté de sa chambre. Enfin un peu d'action dans ce bunker, c'était tout ce qu'elle demandait. Et surtout, cela faisait longtemps que la jeune adulte était habituée aux nuits courtes, avec un bambin qui ne faisait pas encore parfaitement ses nuits.
En revanche, elle tiqua lorsque la blanche décida que le lit d'Elizabeth accepterait volontiers ses fesses sur son matelas. Elle inspira, pensant que la jeune fille se sentait probablement trop à l'aise...

- De toute façon ça ne risque pas d’arriver encore... ça fait un mal de chien.

Oh ? Est-ce qu'elle allait lui révéler certains détails ? Voilà qui pourrait faire accepter à Elizabeth sa présence sur son lit.
Dans un élan presque maternel, elle s'assit à ses côtés et la regarda longuement. Elle avait beau être devenue une femme, son visage n'avait pas beaucoup changé. Elle avait la même expression qu'à l'époque : timide, fragile, vulnérable. Elle lui accordait cependant un changement : une confiance en soi qui semblait s'être accentuée. Au moins, leur rencontre dans les douches n'avait pas été inutile.

- J'imagine que c'était ta première fois. C'est souvent pendant la première fois que ça fait mal.

Elle se pencha vers elle, l'air de vouloir lui confier un secret. Un sourire malicieux sur sa bouche, elle se délectait de ces petites confessions entre femmes. Voilà qui était inhabituel, de partager ses expériences avec les plus démunies.

- Honnêtement, je te conseille de recommencer une seconde fois. Et prenez un lubrifiant ou un préservatif, ça aide à ne pas faire mal. Et si vraiment c'est encore douloureux, peut-être que ce n'est pas le bon partenaire.

Elle se surprit à lui donner de vrais conseils. Elle aurait pu la manipuler, la faire tourner en bourrique, mais quand il était question de plaisirs charnels, elle ne rigolait plus. Il était important que les autres puissent avoir autant de plaisir que possible, de voir toutes les possibilités qu'offraient les relations sexuelles. L'abondance affolante de satisfaction, faisant des hommes et des femmes des esclaves demandeurs, à en toujours vouloir plus.
Là était toute la beauté du sexe. Et Elizabeth en était plus que consciente.

Comme si son instinct maternel prenait le dessus, Elizabeth se détendit, sentant ses muscles se relâcher petit à petit. La vulnérabilité était toujours énervante aux yeux de la mère, mais elle le semblait beaucoup moins lorsqu'elle portait un regard maternel sur la personne en question. Elle était bien loin de considérer Lucy comme sa fille, déjà parce qu'elle ne l'était pas, mais surtout parce qu'elle avait tout de même eu l'audace de s'installer sur son lit sans même lui demander son autorisation.

Je n’ai pas ce que tu dis... de toute façon, il ne va pas vouloir recommencer. Déjà que, enfin c’est moi qui ai demandé.

Dans de telles conditions, pas étonnant de ne pas trouver ni lubrifiant ni préservatif. Mais il restait tout de même des solutions moins douloureuses à essayer, des positions plus agréables, des techniques à explorer et à maitriser. L'orgasme féminin était compliqué à atteindre, surtout quand le partenaire était un homme impatient et rapide dans son exécution. Cependant, que les deux éprouvaient du plaisir, c'était suffisamment important pour qu'Elizabeth partage sa sagesse.
Et si Lucy le lui avait demandé... Ce n'était pas une raison pour que Nevrabriel - c'était certain qu'il s'agissait de lui - refuse une seconde partie de jambes en l'air. Il était certain que lui avait apprécié. Rares étaient ceux qui ne hurlaient pas de plaisir, même avec une performance médiocre de leur partenaire.

Qui sait peut-être qu’un jour quelqu’un avec tout ce que tu as dit et qui a un faible pour les pirates arrivera au bunker... Je me demandais... comment savoir si, enfin si j’avais faits la bonne chose. Ça semblait lui plaire, enfin je crois.

Elle ne tarda pas à exprimer un second questionnement, ce qui coupa Elizabeth dans sa réponse :

Quand ça fait pas mal, c’est agréable pour la femme aussi ? Je t’avoue que... j’aimais mieux les caresses du début.

Ce n'était pas étonnant. Lucy avait l'air d'être une jeune femme qui aimait le sexe dans son côté vanilla, doux et basique. Les caresses, les étreintes et les baisers devaient être plus excitants qu'un doigt un peu trop explorateur.

- Déjà, crois-moi, les hommes atteignent toujours l'orgasme. C'est biologique : pour les femmes, c'est plus compliqué. Donc, à mon avis, et avec ce que j'ai entendu, tu as été sur la bonne voie. Et dans le pire des cas, tu le laisses simplement rentrer et faire son affaire, tu n'auras rien de plus à faire.

Elle prit une légère pause pour qu'elle assimile ce qu'elle venait de dire, ou plus de signer, et reprit pour sa seconde question :

- Et oui, c'est agréable pour la femme aussi. Mais la première fois est souvent douloureuse. Je ne sais pas si tu sais, mais on a un hymen, une sorte de peau qui est transpercée lors de la première fois. C'est probablement ça qui t'a fait mal. Mais une fois que c'est transpercé, normalement tu n'as plus mal.

Elizabeth posa ses mains sur ses cuisses, satisfaite de son explication. Les cours d'éducation sexuelle à l'Institut avaient été ceux qu'elle avait le plus écouté, là où elle avait été bien attentive. Pas étonnant donc qu'elle en sache autant.

- Et tu sais, tu peux toujours dire ce que tu préfères dans vos parties de jambe en l'air à ton partenaire. La communication, ça aide pas mal.