La neige semblait persister sur l’île. Malgré le soleil, les rayons de chaleurs n’arrivaient pas à faire fondre le gel qui s’était posé sur Terre. Les différentes factions s’étaient préparées pour ce moment et semblait plutôt bien gérer la situation. Mais qu’en était-il des électrons libres ? Lucy était en sécurité dans sa bâtisse qu’ils avaient réussis à isoler, mais que devenait ceux dans la grotte ou bien éparpillés dans des cabanes aux alentours ? Que devenait l’étrange fille tombée de la colline ?

Armé d’une tenue plus chaude qu’en novembre - l’institut ne le maltraitant pas, étrangement - il se rendit là où devait se trouver la cabane de Solveig. Nevrabriel se perdit un peu, n’étant y aller qu’une fois, il y a un moment, il ne se souvenait plus de l’emplacement exact de l’habitation précaire de sa cadette.
Mais finalement elle était là. Un peu plus feuillu et épaisse que la dernière fois, certainement pour protéger l’intérieur du froid et de l’humidité de l’hiver, bien que le jeune homme doutait que Solveig puisse avoir chaud ainsi. Elle aurait dû faire une cabane à même le sol pour y poser un feu et pouvoir s’endormir à côté. Mais n’étant pas un pro de la survie en cas d’attaque zombies, l’écossais se doutait qu’il y avait des mauvais côté à faire une habitation à même le sol.

Nevrabriel se rapprocha et tira doucement sur la robe qui servait de porte. Il fallait vraiment que la propriétaire des lieux en fabrique une un jour, même s’il ne savait pas comment elle allait s’y prendre. Mais elle avait réussi à construire une cabane, elle allait bien réussir à faire tenir une porte, non ?
Le jeune homme toqua sur le bois de la cabane - puisqu’il n’y avait pas de portes - et attendit que la blondinette se tourne vers lui pour poser ses coudes sur le plancher et son menton sur ses bras, ses presque deux mètres aidant beaucoup, avant de demander avec un grand sourire : « Bonjour miss, vous m’invitez dans votre cabane ? »
C’était une phrase presque enfantine quand on y pensait, mais cela était de mise vu que c’était réellement une cabane !

Solveig semblait surprise, rien d’étant en vue de la disparition du roux, lui qui avait promis de revenir et n’était pas revenu durant les semaines, les mois, suivant ses dires. Mais ses récentes aventures l’en avaient empêché. A présent il avait plus de temps, un quotidien moins mouvementé et une psychologie plus stable. Il était prêt à refaire connaissance avec le monde, à petite dose et avec moins de crédulité.

La blonde se rua vers lui pour se réfugier dans ses bras. Par bienveillance, il referma ses bras sur elle et lui tapota gentiment le dos, comme un enfant qu’on rassure. Le jeune homme ne s’attendait pas à un tel accueil. Il devrait revenir plus souvent … Non pas pour retrouver un accueil aussi chaleureux mais parce qu’il avait l’impression que Solveig avait toujours besoin de cette compagnie qu’elle quémandait lors de leur première rencontre. Cette soudaine étreinte fut suivit d’un soudain embarras qui fit légèrement sourire le jeune homme d’amusement.
Elle était mignonne.

_Tu es la bienvenue.

_ « Le bienvenue », puisque je suis un homme.

Nevrabriel secoua doucement la tête pour refuser la boite de raviolis que Solveig lui avait tendu vigoureusement. Elle en aura plus besoin que lui, il lui semblait qu’elle avait un peu maigris depuis novembre … Lui aussi certainement, bien que l’Institut était assez généreux malgré l’hiver.

Suite à cela, l’écossais se hissa pour poser ses fesses sur le plancher. Ce dernier n’était pas gelé, comme tout ce qui était en dehors, mais il restait froid. L’arrivant pensait faire comme la première fois, rester à moitié dehors mais le froid mordant pénétrait avec méchanceté dans la cabane et Nevrabriel  entra totalement avant de remettre la porte de fortune convenablement pour éviter les entrées d’airs. Le jeune homme hésita un moment avant de s’adosser au mur à côté de l’entrée, mais par peur de fragiliser la cabane il se ravisa, se mit en tailleur, les coudes sur les genoux.

_Tu l’as un peu agrandit non ? dit-il alors que ses yeux balayaient l’intérieur de la cabane

Il lui semblait que la cabane était plus sombre à cause du temps monotone et l’épaisseur devenue plus grande depuis la dernière fois. Il regarda la boite de raviolis que sa cadette avait reposé. Il devrait lui dire de ne pas donner ses rations ainsi, aussi aisément, sinon elle ne passerait jamais l’hiver à être aussi généreuse … et naïve.

_Tu n’as pas trop froid ici ?

_Tu n’as pas trop froid ici ?

Solveig se mit à rire avant d’offrir son poing à sa poitrine, un air sûr d’elle arborait son visage, ce qui amusa le jeune homme.

_Jamais ! Je suis du pays de la Suède ! J'ai l'habitude du froid !

La Suède ? Nevrabriel hésita un instant, essayant de se souvenir si elle ne lui avait pas déjà dis mais Solveig ne semblait pas accompagner sa phrase d’un « tu ne t’en souviens pas. » alors il se contenta d’acquiescer, soufflant de soulagement intérieurement.
La maitresse des lieux retourna à son ouvrage où l’écossais l’avait dérangé. Nevrabriel en profita pour continuer d’observer la cabane et ce qu’il trainait par terre. La demeure de la demoiselle était à son image, désordonné, mais un désordre organisé. Elle avait attrapé la boite de ravioli sans se poser de question, elle semblait savoir où était chaque chose. Et surtout, il y en avait des choses … Mise à part le box d’Elizabeth, il n’avait pas vu autant d’effet personnelle dans une pièce depuis longtemps. Il ne savait pas comment étaient les chambres des autres patients, mise à part celle de Lucy, Ulysse et Aeden, mais les leurs étaient impersonnelles et peu garnie, comme si on leur avait offert le strict minimum. Puis son box en bunker … se résumait à un matelas, une pile de linge, son sac et son violon.
Il trouvait le lieu de vie de Solveig presque charmant avec cet amas de chose qui comblait les vides, rendant la cabane plus chaleureuse que ce qu’il a pu connaitre depuis qu’il était sur l’île.

_Tu n'es plus au bunker ? Je ne te vois plus faire les chemins jusqu'au puits.

Nevrabriel hésita un instant à répondre à cette question. Il tourna la tête vers l’extérieur. Solveig avait en effet une bien bonne vue sur le point d’eau.

_Au lac. Ce n’est pas un puits.

Bientôt ça ne serait plus un mystère, mais il restait assez pudique sur sa vie privée et lui annoncer son mariage prochain n’était pas dans ses plans. Nevrabriel était parti pour énormément de raisons mais préférait en donner une seule, seulement, il ne savait pas laquelle ; le comportement de Donatien, la liberté de Lucy, son amour pour Katerina, le fait qu’il ne se sentait pas à sa place ?
Solveig n’avait pas besoin de tout savoir, moins elle en savait mieux elle se porterait, certainement.
Nevrabriel tourna de nouveau la tête vers la suédoise et esquissa un bref sourire avant d’ajouter :

_Non j’ai changé de faction pour … quelque chose qui me tient à cœur.

Plutôt « quelqu’un » mais cela serait trop en dire. Les yeux vairons du jeune homme se posèrent sur les mains de la demoiselle sans comprendre ce qu’elle était en train de coudre. Ça ressemblait à un grand drap. Une couverture peut-être ?
Nevrabriel commença à se lever pour rejoindre Solveig mais percuta un adversaire de taille ; le plafond. Heureusement que son geste n’était pas trop brusque pour la solidité de la bâtisse mais il s’emmêla quelque mèche dans les brindilles et du laisser deux ou trois cheveux roux sur le toit. Le jeune homme finit par se rendre à côté de la demoiselle pour s’asseoir près d’elle et passa une main dans ses cheveux roux pour y retrier ce qui aurait pu s’y accrocher. Nevrabriel n’avait rien pour les attacher alors il les laissa retomber où bon leur semblait. Quelques mèches rebelles retournèrent sur son front pour venir lui chatouiller le bout de son nez et ses cils alors que le reste de sa chevelure venait épouser avec une certaine allure ses larges épaules jusqu’au début de ses omoplates. Nevrabriel se rendit alors compte que sa tignasse avait encore poussé depuis la dernière fois qu’il s’en était préoccupé. Il devrait demander à quelqu’un de les couper mais pour le moment il préférait occuper son temps à d’autres choses qui lui semblait plus importante.
Alors que l’écossais continuait à vérifier que plus rien ne résidait dans ses cheveux, il demanda :

_Qu’est-ce que tu fais ? Si ce n’est pas indiscret.

_Qu’est-ce que tu fais ? Si ce n’est pas indiscret.

Solveig semblait soudainement gênée. Le jeune homme avait-il fait quelque chose de déplacé ? C’était dû au fait que Solveig s’était rendu compte qu’il était trop grand pour sa cabane ? Il espérait que non, ce n’était pas parce qu’il était trop grand que la demeure de la jeune femme ne lui semblait pas chaleureux et plaisant.

_Une tente ... Comme ça si quelqu'un a besoin d'un refuge pour dormir ...

Une tente ? Nevrabriel osa prendre un bout des tissus dans sa main et le frissonna doucement, se demandant si la matière était assez imperméable pour la pluie. Solveig était aussi débrouillarde que maladroite, elle était une contradiction à elle seule.

_Je veux créer un ... un camp pour quelqu'un qui a besoin de fuir. Un camp pour qu'il ait chaud aussi.

Nevrabriel acquiesça doucement, se rappelant de sa fugue avec Lucy. Ils n’étaient certainement pas les seuls à ne plus croire en leur faction ou se faire chasser, peut-être que Solveig avait raison, une âme en peine aura besoin d’un refuge tôt ou tard, et Dieu savait ô combien les hommes avaient besoin d’un toit sur la tête.
D’après la pyramide de Maslow, le besoin de sécurité était la base du bonheur après les besoins physiologiques. Tout le monde avait besoin de se sentir chez soi, sécurité et bien-être, quelque part, et d’avoir la soif de retrouver son foyer.
Le jeune homme regarda de nouveau Solveig, se disant qu’elle souffrait certainement beaucoup de son foyer malgré son sourire constant sur son joli visage. Il aimerait pouvoir la rassurer mais il n’était pas devin. Comme pour beaucoup, il ne pouvait rien pour elle …

_C’est super attentionné de ta part. Le monde a besoin de plus de personnes comme toi.

Nevrabriel vint doucement caresser le sommet de la tête de la demoiselle. Il admirait la jeunesse innocente. S’il y avait plus de personne comme Solveig, ils n’en seraient pas là aujourd’hui, à se faire la guerre, à se battre pour le pouvoir et la survie au lieu de vivre en utopie, en harmonie et s’entre-aider dans l’adversité. Mais telle était les hommes et Solveig tombera de haut un jour, très haut, en voyant le vrai visage de ce monde. Il espérait que cela soit le plus tard possible, qu’elle puisse garder à jamais le soleil qu’elle avait en elle, mais la vie ne le lui permettrait certainement pas.

_Tu es très manuelle, tu faisais quoi avant de venir sur l’île ?

Le jeune homme se permit de laisser son corps coulisser lentement pour qu’il détendre ses longues jambes et s’appuyer sur son coude.

_Et ça va mieux avec les électrons ? Tu t'es fais des amis ?

Une Twitch ? C’est quoi ? Une console de jeu ?

_Et ça va mieux avec les électrons ? Tu t'es fais des amis ?

Solveig si agitée d’habitude semblait toute timide. Ou tellement concentré sur son œuvre qu’elle n’osait pas trop le regarder. Nevrabriel la regarda sans vraiment comprendre. Elle pouvait être si entreprenante d’un coup et la seconde d’après toute gênée. Mais il semblerait que cette demoiselle était un amas de contradictions alors cela n’était pas si étonnant.

_Un peu. Il y a Rose, elle est super belle et super cool. Et Sheila, elle est héroïque ! Et Jeremiah, il est rigolo mais malade très fort. Et aussi Aeden mais il est parti maintenant ...

Nevrabriel tiqua sur les prénoms « Rose » et « Sheila », ça lui disait quelque chose mais … Il ne savait pas … peut-être était-ce simplement une impression ou un songe de son cerveau à cause de sa maladie ? En tout cas ces prénoms le troublaient légèrement mais il préféra ignorer son ressenti, c’était certainement le fruit de son imagination.
Le jeune homme ne releva pas le fait qu'Aeden ait quitté les électrons, il le savait déjà. C'était dommage pour Solveig puisque l'irlandais était vraiment un gars bien et donc un bon allié dans ce clan.

Solveig délaissa sa couture pour montrer quelque chose au jeune homme. Ce dernier se redressa pour regarder ce que voulait lui montrer sa jeune amie.

_On a décoré un sapin de Noël ensemble !

Elle en rit. Il sourit. Son innocence était touchante. C’était une enfant après tout.
Le regard du jeune homme parcourut le sapin, ne se rendant pas compte que la demoiselle s’éloignait de lui. Il aurait vraiment aimé décorer un sapin au bunker. Parfois il pensait à Donatien, Wendy et Béryl. Aeden donnait des nouvelles, peu réjouissantes, mais au moins la santé était là et Béryl s’occupait de leur mental. Parfois il pensait à Béatrice et Elizabeth également, mais cela ne durait jamais bien longtemps, quelques secondes à peine.

_Et tu... Et toi ? Tu vas bien dans la vie ?

Nevrabriel se tourna vers la demoiselle, sortit de sa rêverie, il eut un sourire au coin, ravageur malgré lui. Il allait merveilleusement bien. C’était certainement cette quiétude qui illuminait son visage. Il finit par s’étendre complètement, les yeux rivés sur le plafond de la cabane faite de branches et de feuilles. Aucun éclat de lumière ne traversait cette assemblage, elle semblait très bien étanche, cette cabane. Le bois n’était pas du premier confort mais un peu de communion avec la nature ne pourrait pas lui faire de mal. Il ferma les yeux un instant, appréciant l’odeur du bois dont était fait ce lieu.
Il aimait l’odeur du bois, ça le ramenait à son village en Ecosse. Cette odeur de verdure, de mousse après la pluie, ce relevé de menthe mélangé à la sève d’un arbre fraichement coupé … ces petites odeurs si insignifiantes qui était pour lui un réconfort et un moment de quiétude.

_Je vais très bien, merci.

Le jeune homme réfléchit un moment. Il posait des questions, Solveig lui répondait, mais lui ne répondait pas vraiment au sienne, partiellement. C’était si peu avenant de sa barre de mettre autant de barrière alors qu’elle semblait très sincère. L’écossais n’avait pas confiance envers la demoiselle pour tenir sa langue mais il la voyait mal aller rencontrer des gens simplement pour faire des ragots. Et de toute évidence le mariage aurait bientôt lieu alors toute l’île serait finalement au courant tôt ou tard.
Toute l’île … même le bunker …

Nevrabriel prit une grande inspiration avant d’avouer, le timbre de voix monocorde :

_Je vais me marier.

_Je vais me marier.

Solveig se redressa instantanément. Il y avait de quoi être surpris, il n’y avait ni mairie ni église pour ce genre d’événement. Mais Graham avait ce pouvoir et lorsqu’ils reprendraient contact avec le continent, ils auraient juste à envoyer les papiers pour que cela soit officiel aux yeux de la loi.
L’écossais ne t’attendait pas à ce que sa camarade saute de joie à cette nouvelle, il était habitué à présent à ce que ses congénères ne puissent pas comprendre ce geste ni même se réjouir pour lui.

La blonde se tourna vers lui, il la regarda tout en restant allongé, les mains sur ses abdominaux, se laissant bercer par sa propre respiration.

_Avec qui ? Et quand ?

Avec qui … cela était difficile à avouer. Tout le monde détestait Graham, très peu pourrait aimer sa pupille par extension. Ce qui était fort dommage, même pour Katerina. La jeune russe avait passé bien trop de temps avec le marquis, il l’avait mis dans un moule pour la formater à son image. Même si sa fiancée lui montrait son vrai visage, à lui, il voyait bien que l’emprise du vieil écossais était très forte sur Katerina tant et si bien qu’elle s’empêchait même toute relation avec les autres.

Mais ça, il ne pouvait le confier à personne, même à Aeden et Lucy. Quoique, vu le caractère d’Elizabeth et le personnage qu’était Jessy, peut-être pourraient-ils comprendre que son amour pour Katerina était plus grand que la peur de l’empreinte du  marquis ?

_Dans dix jours.

_Et pourquoi tu me dis ça ?

Nevrabriel avait encore la bouche ouverte. Solveig lui afficha une expression qu’il ne lui connaissait pas et cela inquiéta un peu le jeune homme. Cela la choquait tant que ça ? L’écossais n’avait plus 15 ans, il était peut-être encore un peu jeune mais ça ne le perturbait pas tant que ça, sa génitrice s’était mariée à l’âge de 18 ans et l’a eu à 19. Il était parfaitement conscience de l’engagement, il était également conscience que ce n’était pas un caprice, si Katerina retrouvait son traitement et si on le lui en offrait un ce n’était pas une romance de 2 ans mais un mariage jusqu’à avoir des cheveux blancs. Il était jeune, pas stupide.

_Je pense …. Non j’en suis sûr en fait. Je t’aime bien et je ne veux pas que tu le saches du bouche à oreille.

Car aucun doute que les harpies de Graham n’allaient pas diffuser la nouvelle dans toute l’ile … si ce n’était pas déjà fait… Surtout que ce mariage était dans moins de deux semaines, les préparatifs étaient quasiment finis. (C’était la couturière de Nevrabriel qui allait être déçue de ne plus le voir à demi-nu) Il ne restait qu’à attendre et apprendre par cœur des vœux un peu bateau qui n’exprimaient rien que des formalités.

_Et c’est aussi pour ça que tu ne me vois plus aller au lac et que j’ai mis du temps à revenir te voir.

Graham, ce tyran, l’avait confiné pendant plusieurs jours après que l’écossais ait demandé la main de sa pupille, il ne pouvait même pas retourner voir Lucy pour lui expliquer, il ne pouvait même pas chercher le peu d’affaires qu’il possédait. Il n’avait pas pu être là pour le départ d’Aeden vers le bunker. Encore une raison de détester Graham.

Le jeune homme se redressa à son tour pour se mettre en tailleur, se tournant pour faire face à la maitresse des lieux et laissa son regard bicolore rencontrer ceux très lumineux de la jeune femme. Il lui adressa un faible sourire, un peu penaud.

_Tu es quelqu’un de très bien et très gentille, tu méritais plus d’explications que mes réponses évasives.

_Tu es quelqu’un de très bien et très gentille, tu méritais plus d’explications que mes réponses évasives.

Solveig se jeter au cou de l’écossais, ce qui le surpris un peu. Il eut un léger mouvement de recul mais laissa la suédoise le presser contre elle.

_C'est merveilleux, Nev. C'est vraiment merveilleux, je suis si heureux pour vous deux.

Le jeune homme chercher d’abord de l’air dans cette étreinte, levant son visage pour respirer avant de venir gentiment tapoter le dos de la blonde. Il ne savait pas si enlacer d’autres femmes que sa future épouse était quelque chose de tolérable. Mais si c’était en tout bien tout honneur, il n’y avait pas de mal, si ?
Solveig serra davantage le roux qui eut un gloussement avant de transformer ses petits tapotements en caresse amical. Le dos de Solveig était vraiment fin et sa situation n’arrangerait pas les choses. Avait-elle assez de réserve pour tenir encore ? Devait-il lui proposé de rejoindre l’Institut ? Pas sûr qu’elle s’y plairait cependant. Elle serait comme la petit Heidi loin de sa montagne.

La suédoise le délaissa pour retourner en tailleur.

_Tous mes vœux de bonheur. Qui a fait sa demande ? C'était comment fait ? Elle a dit oui tout de suite ? Quelle robe va-t-elle mettre ? Oh, est-ce que je suis invitée ?? Je me demande quelle tenue je vais mettre !

C’était vraiment un truc de fille ça, savoir comment il avait fait sa demande. Mais il n’avait pas à rougir, il avait faire bien les choses. Bien, avec les circonstances, il était certain qu’il n’aurait pas pu lui payer un voyage à Venise pour lui faire sa demande en pirogue. Posé un genou à terre tout la tour Eiffel ou l’emmener dans le restaurant le plus prisé d’Écosse ou de Russie pour lui demander sa main. Il avait fait ce qu’il pouvait cela avait plu à la jeune russe, c’était tout ce qui comptait.

La demoiselle alla faire un amas de tissu et commença à fouiller. Elle allait vraiment chercher comment s’habiller ?
Nevrabriel l’arrêta rapidement, un peu embêté de la situation :

_J’aurais bien aimé que tu viennes mais c’est compliqué. Ça sera en petit comité, je suis désolé.

« Petit » n’était pas vraiment le mot, ça sera surtout le comité de Graham où il ne connaissait personne à part le célébrant, les témoins, la mariée, quelques enfants, et celle qui s’est occupée de son costume, Mathilda. Évidemment, il aurait préféré changer d’invités mais ce n’était malheureusement pas possible. Si dans sa grande bonté, le tyran avait accepté ce mariage, il ne fallait pas non plus lui demander de ramener le bas peuple dans son royaume.
Le jeune homme hésita cependant, une nouvelle fois, à inviter Solveig à venir après la cérémonie, il ne lui faisait pas assez confiance pour le moment. Si elle prévenait tous ses amis, dont certains qui avaient des comptes à rendre à Graham, Katerina pourrait se retrouver en danger. En plus si Ophelia venait, elle perdrait automatiquement toute crédibilité dans sa faction à « pactiser » avec l’ennemi. Et en plus Aeden qui était au bunker récemment et Lucy qui était censé être morte … Non décidément, il ne fallait pas que cet after s’ébruite.

Le jeune homme posa affectueusement sa main sur l’épaule de Solveig pour attirer son attention et lui offrit un sourire doux et agréable.

_Mais lorsqu’on retrouvera contact avec le continent et que cette pseudo guerre idiote s’arrêtera, on devra renouveler les vœux, tu pourras venir si tu veux. Et cette fois tu auras plus de choix pour ta tenue.

La jeune suédoise serait surement déçue. A son age et en vue de son débit de questions, auxquels Nevrabriel n’a pas répondu, elle aurait surement adoré faire la fête, assister à un mariage. Pouvoir danser, rire, jouer, manger à sa faim, s’imaginer son propre mariage.

Le regard de l’écossais vagabonda un peu dans la pièce avant de tomber sur un peigne ayant vécu la guerre près du tas de vêtements, maculé de plusieurs cheveux blonds. Il se pencha près de Solveig, tant et si bien qu’on aura pu croire qu’il allait la prendre dans ses bras, mais ce n’était que pour agripper le peigne. Il se rassit en tailleur et commença à retirer les quelques cheveux rester entre les dents de l’objet.

_Pour me faire pardonner, ça te plairait que je te coiffe ?

La joie d’avoir eu une petite sœur aux cheveux aussi longs que sa taille, et devoir s’en occuper le matin avant d’aller à l’école, c’était de devoir la coiffer tous les jours. Cela expliquait comment et pourquoi le jeune homme savait se coiffer quand la flemme ne venait pas l’envahir.

La suédoise, obéissante, tourna le dos au jeune homme pour lui présenter sa chevelure. L’écossais n’y avait pas vraiment porté attention mais il était clair que l’état des cheveux de la demoiselle était assez piteux. Il pinça un énorme nœud du bout des doigts. Encore un peu et il faudrait tout lui couper. Elle devrait essayer de plus se les attacher pour éviter ce genre de nœud qui allait l’entrainer à devoir se raser le crâne. Et que ferait-elle s’il y avait une invasion de poux un jour ?

_Tu peux faire des tresses comme toi ?

Nevrabriel esquissa un sourire. Elle parlait comme une petite fille, c’était adorable.

_Oui, si tu veux.

Peut-être pas une coupe de cheveux exactement comme lui, il fallait une coiffure qui attache l’entièreté de ses cheveux pour qu’elle n’ait pas à se coiffer avant plusieurs jours, vu qu’elle semblait bouder férocement son peigne. En voyant la longueur de Solveig, Nevrabriel regarda ses mèches rouges épouser son épaule. Il devrait demander à quelqu’un de les couper un jour, vraiment, surtout à l’approche de l’été, il allait mourir de chaud et de toute façon ses cheveux repoussaient bien trop vite, il passait son temps à se les faire couper autrefois.

Le jeune homme passa d’abord sa main dans les cheveux de la demoiselle pour écarter les gros nœuds du reste de la chevelure. Les cheveux de Solveig étaient gras et sales. Nevrabriel se surpris de ne pas être dégouté par cette sensation d’huile et de colle, sur ses doigts mais il comprit rapidement qu’après avoir passé des mois les mains dans la terre, il avait perdu toute forme de coquetterie, et que sa peine envers la situation de Solveig était plus grande que le dégout face à quelque chose de « naturel » finalement.

_Dis-moi si je te fais mal.

Le combat contre les cheveux de Solveig semblait plus périlleux que prévue, mais le jeune homme ne se démontait pas, passant tantôt ses doigts dans cette masse blonde, tantôt le peigne qui souffrait atrocement. Les cheveux de Solveig étaient vraiment abimés, il lui faudrait vraiment un coup de ciseaux et un bon shampooing. Pouvait-il lui en offrir un discrètement ? Elle le partagerait certainement à tout le monde et s’ils étaient 50 sur un malheureux tube, pas certain qu’il y survive. Le jeune homme s’étonna d’ailleurs que les quelques savons qui ont été volé au bunker ait pu tenir 10 mois pour 50 personnes. Ou alors ils en avaient volé énormément et ne se savonnait qu’une fois par semaine ? … mais même avec ça, ils étaient 50 pour un savon. Un savon c’est quoi ? … Environ 60 utilisations, un savon ça leur tiendrait environ 2 jours s’ils se lavaient tous …
Ou alors certains ne se lavait jamais ? Bonjour l’odeur dans la grotte. En plus s’il utilisait leur savon pour laver également leurs vêtements… Le Village en fournissait ? ça serait étonnant, eux, ils étaient une centaine et l’hygiène était très importante avec les enfants et ceux qui étaient malades, le Village n’aurait pas offert une ressource aussi rare et précieuse.
L’écossais devrait demander à Lucy une explication parce que ce n’était pas rationnelle, leur ressource poussait sur les arbres ? S’il y avait un secret, l’écossais aimerait bien le connaitre, ça pourrait profiter à l’Institut, même s’il ne s’inquiétait pas trop en vue des caisses, des tonneaux, des cargos entières de produits d’hygiènes. Donatien était un être vraiment …. Mysophobe.

_Quand on aura contact avec le continent, qui tu iras dire bonjour en premier ?
_Quand on aura reprit contact avec le continent, à qui iras-tu dire bonjour en premier, corrigea gentiment et lentement l'écossais pour que Solveig comprenne où étaient ses petites erreurs,Tu parles mieux anglais j'ai l'impression, bravo.

Le jeune homme réfléchit en silence, émettant un « hmmm » pour que Solveig comprenne qu’il l’avait entendu mais devait réfléchir à cette question. Il n’avait personne qui l’attendait ailleurs que sur ce bout ce caillou. Peut-être Ulysse ? Autrement … tristement, sa maison était ici. Il avait des parents, certes, mais ils ne s’étaient jamais souciés de lui depuis toujours, il semblait être mort-né pour eux. Il avait perdu contact avec ses amis depuis qu’il était ici, il ne se souvenait plus vraiment d’eux à vrai dire.
Si, peut-être, il restait une personne en qui le jeune homme croyait et aurait toujours le désire de revoir :

_Ma petite sœur, dit-il avec une pointe d’émotion dans la voix, et toi tu iras voir tes parents ?

Même après tout ce qu’il s’était passé, Merywen demeurerait toujours dans son cœur, c’était son petit trésor après tout, même si le petit trésor avait bien grandi loin de lui. Quel âge avait-elle à présent ? Elle allait finir sa formation d’infirmière cette année, non ? Il aurait tellement adoré être là pour célébrer son diplôme.
Il aurait surtout dû être là pour l’empêcher d’être infirmière. S’il n’avait pas été malade, elle aurait certainement suivi sa passion pour les oiseaux et continuer de faire des compétitions de patinage et de gymnastique. Elle ne lui avait pas dit, mais il le savait, il l’avait deviné lorsqu’elle lui avait dit qu’elle avait raté médecine. Il savait qu’elle a tenté médecine pour un jour le soigner, mais comme ce n’était pas sa vocation et malgré tous ses efforts elle n’a pas réussi et s’est rabattue à être infirmière, espérant pouvoir côtoyer de grands médecins qui trouveront le remède miracle à la maladie de Nevrabriel.
Elle avait réellement un grand cœur.

_Tu ressembles à ma soeur lorsqu’elle avait ton âge.

Quoique plus excessive. Merywen était un vrai garçon manqué lorsqu’elle était jeune, la seule raison pour laquelle on savait que c’était une fille était la longueur exagérée de sa chevelure rouge qui lui arrivait aux genoux. Étrangement, elle était très attachée à ses cheveux même si elle adorait grimper partout et se rouler par terre. Elle était également bien moins maladroite que Solveig et beaucoup plus justicière, n’ayant jamais peur d’affronter des brutes même en ayant la taille d’un pois chiche, mais elles avaient ce même éclat solaire qui pourrait faire fondre n’importe quel cœur de glace.
Il s’était déjà fait cette réflexion, mais Solveig lui rappelait parfois sa petite sœur et cela faisait toujours sourire l’écossais.

_Au fait … tu as quel âge ?

_ Tu as une petite soeur ? Imouto-chan ? Quel est son ... hm ... prénom ?

L’écossais n’avait aucune idée de ce que voulait dire « Imouto-chan », il se disait que cela voulait dire « petite-sœur » par logique à la suite de sa demande, mais il n’en était pas certain. Méticuleux envers les cheveux suppliants de Solveig, il répondit avec une pointe d’émotion dans la voix :

_Merywen. Mais on l’appelait tous « Mery ».

Le simple fait de dire le prénom de sa soeur faisait naitre en lui des sentiments contradictoires, entre joie et tristesse, entre amour et déception, mais malgré qu’elle l’ait abandonné ici, il lui avait pardonné ses erreurs. Ses larmes, son étreinte contre lui, ses excuses par milliers, comment ne pouvait-il pas lui pardonner ? Il aurait tant aimé qu’elle soit là pour son mariage. Il espérait avoir la chance de vivre assez longtemps pour que les femmes de sa vie puissent se rencontrer un jour, qu’elles deviennent amie, que Merywen et elle puisse travailler la médecine ensemble.

Merywen ... C’était un prénom atypique, même pour les écossais de la vieille école. Il n’avait jamais osé demander la signification de ce prénom et le sien à sa mère, le temps, la volonté, il en a énormément manqué avec sa génitrice. Le jeune homme se souvenait des très longs cheveux flamboyant de sa sœur. Il n’a jamais aimé le rouge, hormis celui encadrant le visage de sa jeune sœur et de sa grand-mère avant qu’ils ne devinent grisonnant. Il avait encore le souvenir de la femme qui l’a élevé ayant l’air si jeune, après tout Heather eut Nevrabriel lorsqu’elle avait 19 ans, alors Aila était encore jeune lorsqu’elle était devenue grand-mère, on la prenait parfois pour la mère de l’enfant lorsqu’elle le promenait dans la grande ville. Nevrabriel aurait préféré que cela soit le cas par moment, sa vie aurait été bien différente. Mais il ‘était inutile de ressasser le passer. Il était inutile d’imaginer sa vie autrement, si les choix avaient été différents.

_ J'ai... Dix-neuf ans ! Je suis née le 10 juillet.

Le jeune homme s’arrêta net.
19 ans ?
19 ?
Mais … il lui en donnait 15 … maximum ... même si elle était grande, elle se comportait vraiment comme une enfant, il pensait que c’était une adolescente qui avait un corps de jeune femme. Et il venait de la comparer à sa petite sœur quand celle-ci avait 12 ans… Seigneur… C’était gênant.
Nevrabriel se demandait si Solveig s’était trompée mais il n’osait pas lui demander de réfléchir de nouveau ou lui montrer avec ses mains. Il avait du mal à croire qu’il voyant en cette jeune femme sa petite sœur lorsque celle-ci entrait à peine au collège.

_C'est la fin ??

_Oui, je crois. Tourne-toi vers moi pour voir.

Nevrabriel attendit que la jeune femme (et non la jeune fille) se tourna vers lui pour regarder son visage. Elle ne faisait vraiment pas son âge, encore moins avec ses couettes malheureusement. Il espérait qu’elle ne lui tienne pas rigueur de s’être fourvoyé sur le fait qu’elle n’était plus une enfant. Le jeune homme prit doucement quelques mèches qu’il avait délibérément laissé libre afin qu’ils viennent chatouiller délicatement les joues de Solveig et eut un léger sourire attendrit. Même si elle ne faisait pas son age avec ses couettes, cela lui allait vraiment bien, elle était adorable, il avait presque envie de lui embrasser le front, il se contenta de lui caresser doucement la joue du dos de son indexe après s’être essuyé discrètement  le sébum de Solveig sur le pan de son t-shirt.

_Là c’est fini, tu es très mignonne.

L’écossais regarda un peu partout pour voir si quelque chose pouvait refléter l’apparence de Solveig afin qu’elle puisse se voir mais il semblait qu’à part la partie métallique de ses boites de conserves, il ne voyait pas grand-chose pouvant permettre de faire office de miroir. Il y avait toujours sa camera, elle pouvait seulement l’allumer et se voir dans le retour, mais était-elle prête à utiliser sa batterie pour cela ?

Nevrabriel laissa Solveig toucher ses fleurs de tresses, se demandant sans aucun doute à quoi elle pouvait ressembler. Le jeune homme était bien moins confiant d’un coup. Il se sentait sur le départ, il avait déjà quitté le territoire de l’Institut depuis bien trop longtemps maintenant. Graham et les autres ne lui faisaient absolument pas confiance, il ne faudrait pas qu’on le surprenne à « fricoter avec les anarchistes ». La liberté des électrons auprès de Lucy lui manquait. Etre libre, indépendant, ne devoir obéir qu’à soit même, ne pas se sentir en cage …

_J’espère que tu m’accueilleras encore dans ta cabane la prochaine fois.

Même s’il l’avait déçu, même s’il ne pouvait pas l’inviter à son mariage, même s’il ne la visitait pas aussi souvent qu’il ne le voudrait ou ne le devrait, même s’il continuerait à être maladroit avec Solveig, il espérait que ce petit soleil lui offrirait toujours une petite place dans sa petite cabane bien trop petite pour lui mais si chaleureuse.