Jessy quitta le port, sac sur le dos, paré. Il avait dormi toute la journée et se sentait en pleine forme. Plus impatient que jamais. 15 jours plus tôt, il avait discuté avec un des vigiles de ce cher Graham. Un plan s’était peu à peu dessiné dans l’esprit du jeune homme. Il lui manquait encore quelques pièces, pour lesquels il n’était pas sûr de trouver de solution -entre autres concernant Lucy- mais le principal restait de détrôner Graham et de savourer sa revanche. Et s’il pouvait faire plier ce crétin d’ex-bras-droit de Donatien du même coup, il serait ravi.

Et Vincent lui avait proposé le deal parfait. De la méthadone et oxycontine provenant du bunker en échange d’informations. Il connaissait le bunker, les habitudes de chacun de ces membres. Lorsqu’il avait fui, avant de retrouver Lucy, il avait passé beaucoup de temps à roder à l’extérieur de l’endroit, en analysant chaque faille. Il avait découvert le défaut dans le grillage qui permettait de se glisser à l’intérieur. Il avait vérifié la veille encore, et personne ne s’en était aperçu apparemment, il pouvait donc rentrer sans grande difficulté. L’avantage de passer sur le côté était qu’il soit moins visible et passe par un chemin inattendu, que ce soit lors du chemin aller ou retour de son expédition.

Il patienta un peu dans l’ombre, attendant les heures de la nuit où il savait que la plupart des membres du bunker dormaient. Ou qu’ils ne se promenaient pas du côté de la cuisine en tout cas. Il put donc se faufiler comme prévu au-delà du grillage.

Il atteignit la bouche d’aération. Elle était toujours là, non loin de l’endroit où l’ex bras droit de Donatien avait tenté de lui fracasser la tête. Jessy pouvait pour une fois se satisfaire de sa petite taille car il ne devait pas exister beaucoup de personne capable de se faufiler là-dedans. Il devait maintenant espérer qu’aucuns de ces insomniaques de l’institut ne le remarquerait avant qu’il n’ai eu le temps d’aller fouiner dans les réserves médicales du bunker et surtout, il lui fallait passer par l’aération sans faire trop de bruit. Il avait prévu un couteau qu’il utilisa pour dévissé la plaque et permettre qu’il ne s’engouffre dans le bunker.

Jessy jaugea le tuyau. Il se déplaça vers l’arrière du bâtiment pour y déposer sa veste, son pull et son écharpe, trop encombrants pour se déplacer facilement dans le conduit avec. Il retourna au niveau de l’aération, ignorant le froid aux prises avec son t-shirt, coinça le couteau entre ces dents pour être sûr de continuer à l’avoir à porter de main, prit son sac dans ces mains pour le faire passer en premier et s’engouffra dans les tuyaux à son tour le plus délicatement possible. Les tuyaux sentaient le vieux fer rouillé et chaque mouvement lui prenait un temps fou pour éviter qu’il ne résonne dans tous le bunker. Après, il supposait qu’un peu de bruit n’alerterait personne tant que cela restait minime. Après tout, une souris ou un rat aurait très bien pu se faufiler à travers la plaque d’aération, il pensait en avoir entendu depuis la cuisine. C’était d’ailleurs là qu’il se rendait. Il avait passé son temps par là-bas et savait exactement où se situait la bouche d’aération élimée par le temps. Il n’aurait aucun mal à en sortir normalement. Il suffirait qu’il force un peu sur la plaque pour parvenir à la déplacer et pénétrer dans le bunker.

Il frissonna face aux courants d’air froid du tuyau. Il avait les poils de bras qui se dressaient, c’était insupportable. Avoir abandonné une partie de ces affaires et entre autres la chaine qu’il avait désormais l’habitude de voir porter à sa ceinture lui laissait une sensation désagréable au possible. Tout comme pénétré dans le lieu qui avait été sa prison pendant plusieurs mois.

Mais plus dérangeant, c’étaient les bruits désagréables que le vieux métal du tuyau faisait à chaque mouvement, comme s’il allait céder sous le poids de Jessy. Il serra les dents sur son couteau, les muscles tétanisés. Il essayait de se montrer le plus discret possible mais ce n’était pas tâche facile. Il avait beau avancer très lentement et retenir tous ces gestes pour les atténuer, il devait tout de même se déplacer. Si l’un des membres du bunker venaient à se réveiller, il devrait se montrer plus offensif. Il pouvait bien entendu, mais cela serait plus désagréable et compliqué que de simplement se servir dans la réserve. Surtout si c’était son demi-frère qui l’accueillait…

Il savait que Lucy était partie au bunker expliquée qu’elle était en vie… Il désapprouvait cela. Mais c’était trop tard. Et il ne savait pas comment Elpida réagirait en le voyant pénétrer le bunker. Quand Lucy était encore morte à ces yeux, il restait un être plus faible. Mais depuis ? La savoir vivante jouerait-il en son avantage ? C’était agaçant parce qu’il n’en savait rien… Et s’il ne devait affronter que son demi-frère, ce n’était pas trop grave, mais si ce dernier appelait d’autres membres du bunker, il serait bien embêté. Chacun d’eux séparément n’était pas du tout une menace aux yeux du rouquin, mais malheureusement, les effets de groupe rendaient souvent les choses plus complexes qu’elle ne l’était. Comme si les membres d’un groupe se soutenaient les uns les autres.

Il arriva finalement devant la sortie de l’aération, celle qui menait sur la cuisine. Il aurait pu tenter sa chance plus loin dans les tuyauteries pour essayer d’atterrir directement dans la pièce qui contenait les réserves du bunker, mais c’était un risque qu’il n’était pas prêt à prendre. S’il se trompait d’endroits où que la grille d’aération était en hauteur, il risquait de faire beaucoup trop de bruit. Il allait déjà en faire en délogeant la plaque d’aération de la cuisine de sa place.

Bref, ramper dans les tuyauteries du bunker était plus usant qu’il ne l’aurait pensé mais il atteignait enfin son objectif. Evidemment, les vis de la bouche d’aération de la cuisine se trouvait dans la cuisine et pas de son côté. Rien de plus normal, les aérations n’étaient pas vraiment faites pour être parcourue de l’intérieur. Mais le système était vieux et il comptait bien forcer le passage avec son épaule. Le plus grand risque était qu’il soit entendu. Mais la première chose qu’il ferait lorsqu’il serait parvenu à forcer le passage, serait de se saisir d’un des couteaux de cuisine qui se trouvaient dans l’armoire, il avait la chance de connaitre la cuisine comme sa poche -enfin si les choses étaient bien restées à leur place. Quelque chose de plus efficace que le petit ustensile qu’il avait toujours, coincé entre les dents.

Il poussa sur la bouche d’aération, s’apprêtant à la retenir avec les mains pour qu’elle ne tombe pas dans un bruit de ferraille au sol.

Evidemment, l’usure de la bouche d’aération est plus importante que prévue. Pour parvenir à déloger la plaque de sa place, Jessy est obligée d’y mettre tout son poids…. Et la plaque s’écroule au sol. Et merde… Evidemment, il fallait qu’il fasse les choses sans aucunes discrétions. Et bien très bien… Puisqu’il n’avait plus le choix… La dernière fois qu’il avait tenté de se montrer pacifique en utilisant la méthode douce, il avait fini la tête dans la terre. D’un autre côté, ici il est loin d’être en supériorité numérique…

Il s’extirpe donc hors du conduit, afin de récupérer toute sa liberté de mouvement et glisse le couteau qui se trouve entre ces dents dans sa poche. De là où il est, il peut admirer la cage vide où il a passé ces nuits pendant des mois. L’idée de la réintégrer lui est insupportable. Il sait que cette fois, si ça doit arriver, personne ne l’en tirera. Il se précipite ensuite sur le tiroir de cuisine dans lequel son rangé les couteaux. Pas question d’affronter cette bande de cons du bunker sans rien pour se défendre.

Il espère juste que cette pétasse d’Elizabeth ne va pas s’en mêler, il sait qu’elle voulait sa peau quand il était encore au bunker. Mais il suppose qu’elle a d’autres chats à fouetter avec sa gamine qui chouine. Et que Béatrice dormait encore, ça valait mieux s’il ne voulait pas se faire éjecter fissa par Donatien.

Si l’ombre qui approche est celle de Donatien ou Béryl, il trouverait un moyen de baratiner. Béryl était un imbécile fini à qui il était facile de faire gober des trucs… Quant à Donatien… C’était plus compliqué. Il avait l’humeur changeante. L’essentiel était surtout qu’il parvienne à choper ces médocs et qu’il se taille vite fait. S’il fallait négocier, il négocierait. S’il fallait menacer, il menacerait.

Jessy sort le premier couteau de cuisine qui lui tombe sous la main et se retourne. En garde, il observe l’ombre qui s’avance mais plus elle avance et moins il ne la reconnait. Ou plutôt… il finit par penser la reconnaitre. En même temps… il a une bonne mémoire, et celui-là n’est autre que l’une de ces cibles principales post-révolution. Y15. Quelque soit ce qu’il croit savoir, il faut que le jeune homme parvienne à lui faire croire le contraire. Mais pas maintenant, là, il n’a pas le temps de s’épancher en explication. Prétendre que Donatien est le vrai coupable du meurtre de W82 et qu’il lui a tout mis sur le dos pour éviter les répercussions une fois le contact avec le Continent rétabli. Ça paraitrait vraisemblable à la majorité des patients, car après tout, c’est Donatien le méchant de l’histoire. Et lui avait été gravement blessé, personne ne savait par qui… Bref. Là, ce n’était pas le meilleur moment pour croiser Y15.

Ce dernier, reconnaissant Jessy se met en garde, prêt à se défendre. Le rouquin, lui, décide de faire preuve de bon sens et de bonne volonté et fait mine de baisser sa garde, abaissant son arme de fortune en signe d’apaisement. Puis pour expliquer la raison de sa venue, il lève le sac qu’il a apporté d’une main, et indique la porte de la petite réserve jouxtant la cuisine du doigt, de sa main armée.

Il espère que Y15 est capable de garder sa rancœur pour plus tard. Il sera toujours temps de s’expliquer après. D’abord, parvenir à chopper un max de truc mais surtout ce qu’il a promis à Vincent et sortir de là. Il lui fait signe à son tour. Si Y15 est là pour piller -ce qui est probablement le cas, sinon, pourquoi serait-il là ? – alors ils sont là plus ou moins pour la même raison. Avec un peu de chance, Jessy pourrait même se servir de sa présence ? Il lui proposa donc une alliance, le montrant du doigt, puis lui.

Note: étant donné le retard de chacune, il est possible désormais d'accumuler plusieurs post sans délai.

Y15 sembla accepter. Jessy resta très méfiant mais fut forcer de prendre la tête des opérations, connaissant mieux les lieux. Il s’avança vers la remise, certain qu’il trouverait à l’intérieur ce pourquoi il était venu. Il s’apprêtait à ouvrir la porte de la remise, ce qui leur permettraient enfin de se mettre un peu à l’abri, le temps de fouiller après les médocs (et surtout ceux que visait le jeune homme). Mais alors qu’il posait sa main sur la poignée de la porte, une lame se plaça sous sa gorge, son acier au contact de la peau du rouquin. Evidemment. Impossible de se dégager sans risquer de se faire égorger, Y15 était plaqué contre lui. Il lui murmura à l’oreille :

- Pourquoi tu l'as tué ?

Pas le temps de perdre son sang-froid. Il se trouvait exactement dans le genre de situation qui lui permettait de garder l’esprit clair. Il savait comment réagir, quoi dire. Il était préparé à ce genre d’éventualité. Depuis le temps. Jessy leva doucement sa main qui tenait encore un couteau pour le poser sur une étagère située à côté de la porte de la remise. Son geste était lent, il ne voulait pas qu’il y ai mauvaise interprétation de la situation.

- Ok… Je pose mon arme…

Il avait murmuré lui aussi évidemment. S’ils se faisaient prendre maintenant… Avec Y15, il aurait plus de mal à se tirer de ce mauvais pas, quel qu’il soit. A moins que… Il pourrait toujours se servir de ce dernier pour gagner du temps. Mais il ne parviendrait pas à obtenir ce qu’il était venu chercher.

- Il était mon ami… Tu penses vraiment que je serais capable de…

Il se tut un instant. Juste ce qu’il faut pour paraitre peiner sans en abuser non plus. Il n’avait pas prononcé le mot tuer. S’il fallait jouer la sensiblerie, il savait comment s’y prendre. Il continua, s’appliquant à murmurer pour ne pas être entendu :

- Si tu penses réellement que c’est moi, alors Elpida a gagné.

Il avait de la chance, depuis tout à l’heure, il n’avait montré aucun désir de se battre avec Y15 ou de lui faire du mal avec son couteau. Un type qui n’essayait même pas de se défendre, qui ne semblait pas capable de tuer ou faire du mal… Cela le ferait douter, c’était certain. Jessy devait tenir ce rôle s’il voulait s’en sortir sur ce coup. Et la déception mêlée à cette résignation dans sa voix l’aidait grandement. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas joué.

- Alors oui je me sens responsable… W82 a voulut m’aider quand Elpida m’a poignardé, j’ai pas su l’aider en retour… J’en ai pas eu le temps… Je m’en veux pour ce qui s’est passé mais c’est trop tard… C’est trop tard…

Sa voix tressauta sur le mot responsable. Une voix qui se sentait coupable. Une voix de quelqu’un qui s’en veut sincèrement, qui avait perdu lui aussi un ami. Il eut une respiration un peu saccadée, le genre de respiration de celui qui retient ces larmes. Il nota dans un coin de sa tête que s’il voulait préserver Donatien de ce type-là, il faudrait qu’il trouve un moyen de s’en débarrasser avant qu’il ne lui nuise. Enfin… S’il gobait ses explications bien évidemment. Une idée aussi simple que brillante germa aussitôt dans son esprit. Il savait exactement quoi faire…

- Mais si je suis là ce soir, c’est pour les patients avant tout. Fait de moi ce que tu veux après, mais laisse-moi d’abord t’aider… J’ai trouvé un moyen de faire tomber Graham. Ça pourrait tout changer.

Graham restait l’un des obstacles majeurs à la paix sur cette île. Et Y15 le savait pertinemment. Il devait jouer là-dessus. Et en associant Y15 à son plan, il lui donnait l’impression d’être dans son camp -ce qui n’était pas entièrement faux- et il lui donnait de bonne raison de lui faire confiance. Le jour viendrait ou Graham chercherait à rendre des comptes. Jessy savait cet adversaire encore plus redoutable qu’il n’y paressait. Si Y15 devait disparaitre dans la transaction, à n’importe quel moment du déroulement de son plan, cela ne serait pas une grande perte… Alors l’impliquer était un bon moyen de protéger son idiot de demi-frère.

- Je suis pas très bon pour travailler en équipe. Toi non plus c’est sur… Mais essayons de le faire. Pour W82.

Il ne pourrait pas faire mieux. Il avait tout donné.

Il abaissa finalement sa lame et Jessy put respirer à nouveau. Il ne savait pas si ces explications avaient suffi même si son ego était plutôt rassuré, il comptait bien se montrer encore très prudent à l’avenir avec Y15 mais il avait l’air d’y croire. Une prudence qu’il n’aurait probablement jamais eu avant de se retrouver enfermé dans ce bunker justement… Devait-il remercier son demi-frère de l’avoir rendu méfiant ou lui péter les dents ? Il serait toujours temps de se poser la question plus tard.

- Excuse-moi. Je suis à cran.

Jessy murmura, faussement compréhensif :

- On l’est tous…

Rien d’étonnant que Y15 soit à cran… Il avait perdu son seul véritable ami. Peut-être que se trouver un allié en Jessy serait une bonne bouée à laquelle il pourrait se raccrocher. Enfin… une bonne bouée, c’était clairement sûr que non. Alors que Y15 crochetait la serrure d’un placard contenant de la nourriture, Jessy récupéra son couteau et le glissa à sa ceinture pour garder les mains libres. Etre désarmé dans un endroit comme le bunker ne lui plaisait pas trop, même après s’y être fait un allié autant supposé qu’il n’était inattendu.

Ils devaient se montrer prudent et ne pas continuer de chuchoter tout ce qu’ils avaient sur le cœur, Jessy avait déjà fait comprendre à Y15 qu’il cherchait quelque chose en particulier puisqu’il avait parler d’un plan pour coincer Graham. Pendant que ce dernier jetait un œil aux provisions, il approcha de la poignée de la remise et la tourna. Il ne savait pas si elle pouvait se fermer à clé mais lorsque Donatien avait soigné Nevrabriel, il avait dû récupérer du matériel là-dedans, les chances pour qu’il y trouve ce qu’il était venu chercher étant donc plus grande.

La porte s’ouvrit sans trop d’effort, à la grande satisfaction du rouquin. Il pénétra dans la remise mais se rendit bien vite compte que si des médicaments s’étaient trouvés là, il n’y était désormais plus. Putain. S’il avait pu se montrer bruyant, il en aurait bien profité pour pousser un gros juron. Y15 qui semblait trouvé cette situation marrante s’approcha du jeune homme pour lui glisser que les médicaments se trouvaient ailleurs, avec un mouvement de la tête vers le fond du couloir. Evidemment… Pourquoi vivre une vie simple sans embrouille quand on pouvait se la compliquer un maximum ? Il observa la porte de la salle de bain, presque blasé. S’il voulait atteindre le fond du couloir, il allait devoir passer par les chambres, or il savait à quel point les trois quarts de ce putain de bunker étaient des insomniaques notoires. Il adressa tout de même un sourire de remerciement à Y15 puis décida de se lancer en direction de la pièce. Jessy était, tout comme Y15, un gars plutôt discret, d’autant plus depuis qu’il se sentait comme un fugitif, conscient que la majorité des dirigeants des différentes factions seraient plutôt enclin à le voir derrière des barreaux.

La seule chose qui pouvait lui faire défaut, était ces tout récent problème d’audition. Et peut-être aussi les soucis d’équilibre qui en découlaient… Ce qui faisait déjà deux bonnes raisons de faire demi-tour. Mais Jessy avait besoin de ces médocs. Ils étaient essentiels pour lui.

Jessy aurait dû le sentir venir. Il fixait le dos de Y15, plutôt satisfait de ne pas être devant, de ne pas risquer un coup de couteau dans le dos. Il avait beau avoir montré toute la bonne foi du monde, il n’était pas dupe. Si les deux jeunes n’avaient jamais su travailler ensemble, c’était pour une bonne raison. W82 était le seul du duo qui avait toléré Jessy à son arrivée. Et il était clair que Y15 ne lui ferait jamais confiance après la mort de son coéquipier. Qu’il soit coupable ou non.

Mais lorsque Y15 fit claquer la porte derrière lui, le rouquin fut véritablement surpris. Une surprise de courte durée bien sur mais c’était lui qui faisait des sales coups à longueur de temps, il n’était peut-être juste plus habitué à la possibilité que d’autres le fasse. Il poussa sur la clinche de la porte mais elle était bloquée. Y15 n’était pas un idiot, il savait exactement ce qu’il faisait. Mais s’il était rentré et c’était enfermé là… Alors il ressortirait par l’endroit ou Jessy était rentré plus tôt…

Le jeune homme fonça en direction de l’entrée. Y15 était rentré ici… Et pas par les conduits d’aération. Il avait ouvert la putain de porte d’entrée. Plus le temps de réfléchir pour trouver une meilleure solution, il fallait qu’il sorte immédiatement. Plus le temps pour la discrétion non plus. Il courrait en direction de l’entrée, qu’il devait atteindre avant d’être surpris. Et alors qu’il tapait son meilleur sprint, il poussa sa capuche sur son visage, conscient que si Donatien le voyait ici au cœur de la nuit, il deviendrait difficile de négocier avec lui, surtout si ce crétin de Y15 lui échappait ou s’il n’avait pas récupéré les médicaments que recherchait Jessy avec lui.

Il devait ouvrir la porte et attendre Y15 dans l'obscurité, pas loin de la bouche d’aération. L’autre imbécile mettrait plus de temps que lui à traverser le bunker en se servant des conduits et c’était là sa chance. Il devait rafler le sac de cet abruti en le cueillant à la sortie. Puis il verrait bien pour la suite.

Jessy tomba nez à nez avec Y15 comme il s’y attendait. Ce dernier tira son couteau, prêt à se défendre. Jessy secoua la tête, gardant le sien à sa ceinture. Si Y15 tentait de se tirer en courant comme il l’avait fait plus tôt, le rouquin serait prêt à le poursuivre. Il serait plus rapide en gardant ces deux mains libres qu’en s’encombrant d’une arme. Puis il préférait que Y15 continue de le considérer comme inoffensif et lui donner l’impression de ne pas être trop porter sur les armes sinon cela pourrait le conduire à se poser des questions à nouveau au sujet de W82 et de sa mort.

Il ne pouvait pas se permettre de passer par quatre chemins par contre, le bunker avait été réveillé par le claquement de porte, il avait entendu des pas derrière lui alors qu’il s’échappait :

- J’ai besoin de méthadone et d’oxycontine Y15. Si tu en as récupéré dans le bunker, file-les-moi.

C’était un ordre. Très peu agressif mais c’était un ordre tout de même. Jessy espérait que cela suffirait à obtenir ce qu’il désirait parce qu’il n’avait vraiment pas envie d’entrer en négociation trop longtemps. C’était peut-être mal connaitre Y15 que de penser qu’il obtiendrait si facilement ce qu’il voulait mais puisqu’il n’y arrivait pas de manière détournée, autant tenter la manière frontale.