Ne reste pas seule

[21h00]

Donatien s'était faufilé jusqu'au bâtiment des patients, l'inquiétude grandissant dans son ventre. Myosotis était presque aveugle et craignait la foule, elle n'était certainement pas parmi la bande de déments qui squattaient l'entrée. Mais elle pouvait être en danger : on pouvait la prendre pour cible. S'il suivait la logique des fous, Donatien était le grand méchant et ces cinglés pouvaient très bien s'attaquer à Myosotis ou Edelweiss ou Pavot pour l'atteindre lui. Avec ses handicaps, Myosotis était certainement la plus exposée au risque.
Sa personnalité dirigeante se fit violence pour ne pas renvoyer ces patients dans leur chambre au lieu de rester ainsi sous la pluie en se pensant révolutionnaires. Il écouta la voix surprotectrice qui lui chuchotait en rappel la perte de deux de ses patientes déjà ... Voulait-il revivre le même cauchemar ?
Il fit un détour, passant par l'arrière du bâtiment. Tout le monde était déjà sorti visiblement puisqu'il ne croisa quasiment personne. Avec son physique, il lui serait difficile de passer inaperçu. D'ordinaire, il n'aurait pas craint un seul patient puisqu'il était supérieur à eux, mais ils avaient l'avantage du nombre. Et surtout, il savait très bien que la folie pouvait faire perdre les moyens d'une personne.
Il dût se cacher derrière une énorme plante verte à l'étage des X quand deux patients se mirent à courir dans le couloir pour ensuite rejoindre la foule, dont le brouhaha était distinctif à cause des fenêtres ouvertes. Un frisson lui fit hérisser le poil mais une fois seul, il sut l'ignorer et arriva devant la chambre de Myosotis. Bien que la situation pressait, il savait respecter l'intimité de sa patiente, jugeant son innocence plus importante que le reste et frappa délicatement à sa porte. Puis, d'une voix étonnement posée, il dit :

- Myosotis ? Ouvre-moi.

Pas la peine de se présenter, il savait qu'elle le reconnaîtrait. Maintenant il fallait espérer plus que tout qu'elle soit dans sa chambre.

Je ne suis plus seule

Le disque tournait silencieusement sur son socle, laissant échapper de douces notes, au rythme d'une ancienne chanson nordique. La voix grave du chanteur, accompagnée d'un violon malingre, résonnait dans la chambre de Béatrice, allongée sur son lit. Ses cheveux presque bruns encadraient son visage serein, couvert par son bras tandis qu'elle cachait ses yeux. Ce n'était pas le genre de musique qu'elle affectionnait particulièrement, mais elle était déjà reconnaissante au Docteur Elpida de lui avoir permis d'avoir de quoi écouter de la musique, bien qu'il ait été assez pointilleux sur les disques qu'il lui autorisait. Cette musique là, Vargsången, faisait partie des berceuses que son père lui chantait lorsqu'elle était enfant.

Elle avait l'avantage d'être apaisante.

La nuit était tendue. L'orage grondait à l'extérieur, et les patients étaient plus agités qu'à l'ordinaire. Béatrice savait pourquoi, ou du moins elle en avait une idée : la Cannibale l'avait avertie qu'une révolte approchait et que les patients se réunissaient parfois. Ce n'était probablement qu'une réunion de plus. La jeune nordique n'était pas assez confortable avec la foule pour s'y mêler, et elle ne se sentait pas la bienvenue. Si la Cannibale ou même Alexander l'avait conviée de vive voix, elle serait venue. Mais elle savait qu'en tant que patiente du Docteur Elpida, elle était de toute façon entre deux feux. Son dernier entretien avec son médecin, par ailleurs, l'avait confortée dans l'idée qu'il n'était pas le monstre que les autres décrivaient, sans pour autant le dédouaner des atrocités qu'il avait commis. Béatrice soupira.

"Qui aurait cru qu'un institut de soin soit plus prolifique en dilemmes et en drames qu'un show de téléréalité ?" avait-elle écrit dans son journal, accompagné d'un caricature plus ou moins réussie de patients en pleine grève.

Elle sourit à cette pensée, toujours aussi calme grâce à la musique qui susurrait à son oreille. Elle manqua de ne pas entendre la voix de Donatien Elpida, de l'autre côté de la porte, mais le terme de "Myosotis" rebondit jusqu'à elle. Béa retira son bras, surprise, et éteignit la musique. Sa chambre retrouva le silence qui lui était si familier, ce qui lui permit de se rendre compte que la pluie frappait violemment les carreaux de sa fenêtre.

Se redressant, Béatrice se rapprocha de la porte avant de l'ouvrir. Elle ne prit pas la peine de prendre sa canne : cette dernière n'était pas utile dans un environnement qu'elle connaissait déjà.

Le Docteur Elpida lui fit alors face.

Béa eut une expression étonnée.

-Bonsoir Docteur. Il y a un problème ?

Elle s'aperçut, en posant la question, qu'elle en connaissait la réponse.

Elle fut frappée d'un mauvais pressentiment quant à cette réunion clandestine.

Codage par Libella sur Graphiorum

Ne reste pas seule

Les secondes étaient des journées entières. Myosotis était-elle sortie ? Impossible, cela ne lui ressemblait pas. Était-elle dehors, dans la foule, à l'attendre pour le trahir ? Donatien ne pourrait supporter un énième couteau dans le dos. Il était si rare qu'il entende les réactions de son corps : son cœur qui défiait les meilleurs records de vitesse, ses mains trempées comme plongées dans l'océan, quelque chose à l'intérieur de son ventre qui l'obligeait à se plier en face de la douleur. Il restait droit en dépit de ce corps qui lui parlait pour la première fois depuis des mois.
Myosotis lui ouvrit enfin la porte, et le corps de Donatien relâcha toute la pression. Elle avait l'air sincère et innocente, se préparant à aller dormir.

-Bonsoir Docteur. Il y a un problème ?

Il devait la mettre en sécurité ... mais comment ? Où ? S'enfermer dans sa chambre n'était pas une bonne idée : si elle était belle et bien une cible, cette pièce était le premier endroit que ces fous viendraient saccager. Cette chambre c'était le sanctuaire de Myosotis, là où le bourgeon qu'elle était fleurissait. Donatien ne les laisserait pas faire.
Il eut alors une idée où elle pouvait être en sécurité mais cela transcendait les règles. Pouvait-il aller au delà des limites qu'il avait lui même posé, que son père et son grand-père avait instauré ?
Il regardait Myosotis et la réponse lui sembla évidente. Il essaya de paraître calme, notamment en contrôlant sa voix.

- Bonsoir. Tu es en effet potentiellement en danger. Penses-tu pouvoir rapidement emporter sur toi ce qui est essentiel et me suivre ? Et sais-tu si Edelweiss est dans sa chambre ?

Il lui posait la question mais ne lui laissait pas vraiment le choix. Il aurait souhaité pénétrer sa chambre pour l'aider à plier bagage mais il ne voulait pas enfreindre son intimité, cet espace qui lui était réservé. Il ouvrit ses sens à la place, écoutant les bruits autour de lui et à l'extérieur pour anticiper les allées et venues des déments.

Je ne suis plus seule

Malgré les circonstances troublantes, le Docteur Elpida était calme. Une légère tension semblait toutefois émaner de lui, Béatrice semblait la percevoir sur son visage qu'elle distinguait plus ou moins bien avec le peu de distance les séparant.

-Bonsoir, lui répondit-il. Tu es en effet potentiellement en danger. Penses-tu pouvoir rapidement emporter sur toi ce qui est essentiel et me suivre ? Et sais-tu si Edelweiss est dans sa chambre ?

Béatrice écarquilla les yeux, surprise à nouveau.

-Que se passe-t-il...? Je...Oui, entrez, je vous en prie.

Elle s'écarta pour le laisser entrer, puis partit se saisir de son journal et de sa canne. La tension était soudainement palpable, même elle pouvait la sentir, et elle ne souhaitait pas perdre du temps à attendre des réponses : elle les obtiendrait sur le chemin. Tout en récupérant ses quelques affaires, elle répondit :

-J'ignore où se trouve Edelweiss. Pardonnez ma question, mais pourquoi suis-je en danger ?

Béatrice se savait entre deux feux, mais de là à se faire attaquer par des patients ? Elle ne voyait pas quel autre danger pouvait craindre le Docteur Elpida, mais elle s'imaginait mal devenir une cible. Avec ses pathologies, elle n'était pas considérée comme un danger, elle pouvait peut-être en revanche servir d'otage pour atteindre son médecin. Mais Béa ne pouvait pas croire que les patients soient aussi déterminés à atteindre leur médecin en chef.

Et elle n'était pas du genre à se laisser faire, même avec son handicapante haptophobie.

Ses mains se refermèrent durement sur la canne, plus fermes qu'à l'ordinaire. La jeune fille remarqua alors que l'odeur qui flottait dans l'air n'était pas l'habituelle flagrance de rose et de métal du médecin.

Il sentait la pluie et la rouille.

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Ne reste pas seule

Etait-il un vampire ? Il n'arrivait pas à entrer chez quelqu'un lorsqu'on ne l'invitait pas. Maintenant que Myosotis l'autorisait à venir dans sa chambre, il sut y accéder. Il remarqua le tourne-disque qu'il lui avait confié et eut l'ombre d'un sourire en imaginant Myosotis l'écouter avant qu'il n'arrive. Saurait-il s'infiltrer dans ses sens ? Parviendrait-il vraiment à posséder son ouïe ?
Il posa son parapluie fermé dans un coin, regrettant sa tenue négligée. Il plaqua sa chevelure en arrière pour sauver sa coupe dérangée par la pluie. Cela l'irritait de ne pas être parfait physiquement, surtout face à sa patiente. Il se fichait qu'elle ne puisse pas distinguer visuellement ses imperfections, il avait l'impression de lui manquer de respect en débarquant trempé jusqu'aux os et avec ses pieds nus boueux.
Il vit Myosotis se saisir de sa canne et de son carnet ; elle n'avait pas l'air de vouloir plus. Il apprécia qu'elle ne soit pas assez matérialiste pour perdre du temps en remplissant des sacs et des sacs. Mais comment allaient-ils parcourir toute l'île avec la canne de Myosotis ?

-J'ignore où se trouve Edelweiss. Pardonnez ma question, mais pourquoi suis-je en danger ?

Il voulait protéger son innocence en la gardant ignorante, mais elle avait le droit à des réponses. Il la considéra un instant, trouvant dans ses traits doux une certaine sérénité. Il y avait quelques minutes il affrontait Jessy, menaçant, et désormais il ressentait étrangement un sentiment de plénitude. Il ne voulait pas confier la mort d'un patient à Myosotis, il ne voulait pas souiller ses pensées pures, mais accepterait-elle de le suivre s'il elle ne voyait aucun danger ? Elle n'était pas comme Edelweiss qui le suivait les yeux fermés, il n'avait pas encore gagné toute sa confiance. Edelweiss... Il devait la trouver rapidement ...
Face à Myosotis, il s'affaissa légèrement pour être à sa hauteur. Il était bien plus serein désormais, contrôlant mieux sa voix et son attitude.

- Tends l'oreille.

Il laissa écouter d'elle-même sans l'influencer, puis précisa ce qu'elle devait l'entendre :

- Des patients se révoltent dans la cour. Ils sont certainement déments. Ils pourraient te faire du mal.

Il regarda sa canne, embêté. Sa presque-cécité les ralentirait. Il ne contrôlait plus son Institut malheureusement, et cela le terrifiait. Il prit une décision qui l'étonna.

- Je vais te porter au début, nous serons plus efficace.

Je ne suis plus seule

Le Docteur Elpida se pencha vers Béatrice.

- Tends l'oreille, lui intima-t-il.

Béa obtempéra. Derrière la pluie battante, les murmures et les bruits de pas étaient plus forts qu'à l'ordinaire. Béatrice l'avait déjà remarqué, mais la présence de son médecin ainsi que son avertissement ajoutaient à ces bruits quelques notes de tensions et de méfaits. La musique de l'Institut était complètement différente, en cette pluvieuse soirée. Elle avait des accents de drames et de non-dits. Béa fronça les sourcils, soudainement alerte.

Le Docteur Elpida explicita :

- Des patients se révoltent dans la cour. Ils sont certainement déments. Ils pourraient te faire du mal. Je vais te porter au début, nous serons plus efficace.

Cette dernière phrase fit réagir Béatrice qui eut un mouvement de recul, peu encline à se laisser toucher, même si la situation était aussi mauvaise que le clamait son médecin.

-Je peux me déplacer seule Docteur, ne vous inquiétez pas pour moi, lui répondit-elle hâtivement, sa voix douce demeurant ferme malgré le léger tremblement que la simple idée du contact déclenchait chez elle. Mais si vous dites vrai, c'est vous qui êtes en danger.

Sauf s'ils décidaient de s'en prendre à elle pour lui faire du mal par procuration ? Mais elle n'était que sa patiente, pas un membre de sa famille : qui serait assez tordu pour avoir ce genre de raisonnement ?

Elle réfléchit brièvement. Comment témoigner de son ressenti à son médecin sans se lancer dans une longue explication qu'elle appréciait aussi peu que lui ? Béa prit sa décision.

-Docteur, personne ne se méfie de moi, et je suis à l'Institut depuis trop peu de temps pour que l'on sache que je suis votre patiente. Je peux aller chercher Edelweiss pour vous, si vous le souhaitez : je ne veux pas que vous soyez blessé à cause de moi. Je vous ralentirais à coup sûr. Laissez-moi vous aider.

Elle était sincère. Aussi horrible le médecin avait pu être par le passé, il ne méritait pas de subir le courroux d'une foule en colère. S'il devait être sanctionné, cela devait être par la justice, pas par la vengeance. Et si un patient pouvait servir d'intermédiaire de cette même vengeance, Edelweiss était plus en danger que Béatrice, moins connue de la foule.

La jeune nordique sut alors qu'elle avait choisi son camp.

Et c'était celui de la Raison et de la Liberté.

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Ne reste pas seule

Donatien n'était pas surpris que Myosotis refuse d'être portée, mais cela ne diminua pas son agacement. Il y avait quelque chose de différent dans sa relation avec Myosotis qu'avec ses autres patients : elle avait une certaine façon de lui tenir tête sans manquer de respect, avec des propos si pertinents que Donatien en restait paralysé quelques secondes. Cette relation combinée au deuil de Rose qu'il acceptait, ainsi que les apports bénéfiques de ses conversations avec Lilith, le faisait penser différemment par momenst. Et ce vide qui s'effaçait, laissant place à des émotions qui n'étaient que théories pour lui ... La situation lui échappait, et il en avait conscience. Comment reprendre le contrôle ? Et ce contrôle était-il une bonne chose ? Ça devait l'être.

- Mais si vous dites vrai, c'est vous qui êtes en danger. Docteur, personne ne se méfie de moi, et je suis à l'Institut depuis trop peu de temps pour que l'on sache que je suis votre patiente. Je peux aller chercher Edelweiss pour vous, si vous le souhaitez : je ne veux pas que vous soyez blessé à cause de moi. Je vous ralentirais à coup sûr. Laissez-moi vous aider.

Il aurait apprécier de prendre le temps de lui expliquer qu'elle était sa patiente depuis bientôt un an - malgré la coupure - et que tout se savait à l'institut le concernant, mais la conversation aurait été parasite. Cela aurait déplu tout autant à Myosotis. En revanche, il ne voulait pas qu'elle s'en aille dans la foule avec sa canne se perdre à la recherche d'une patiente également en danger.
Edelweiss ... Pavot ... C'était ça, le sentiment de vouloir protéger les autres d'un danger incontrôlable ?

- Vos vies sont plus précieuses, annonça-t-il.

Il s'était toujours considéré supérieur aux autres, même au dessus de ses patients bien qu'il les tenait en estime. Mais maintenant qu'il y avait un véritable risque, Donatien se rendait compte avec amertume que ses patients l'avait toujours dominé.
Il ouvrit à nouveau la porte en se disant qu'il allait devoir accompagner Myosotis pour être certain qu'elle ne soit pas prise en otage quand il vit une silhouette dans le couloir qu'il ne pouvait pas mieux espérer apercevoir : Edelweiss.

Je ne suis plus seule

-Vos vies sont plus précieuses, répondit alors le Docteur Elpida à Béatrice.

Cette dernière l'observa, attendrie et frustrée à la fois. Plus que jamais, elle avait l'impression d'être reléguée au rang de chose à protéger, et cela ne lui plaisait guère. Béa peinait déjà à accepter ce sentiment d'emprisonnement dans son propre corps, elle ne voulait pas y rajouter la sensation d'être prisonnière d'une image vulnérable aux yeux des autres. Cela donnerait trop de pouvoirs à ses plus grandes craintes. Et elle aurait aimé se rendre utile, ressentir le frisson de l'aventure qui la parcourait autrefois. Là, elle n'avait même pas peur : son calme ordinaire persistait, comme pour maintenir ses pensées claires en cas de situation tendue.

Consciente cependant que son médecin était trop déterminé - certains diraient même entêtés - pour entendre raison, elle céda donc et le suivit dans le couloir.

-Monsieur Elpida, je vous ai enfin trouvé !

La voix familière d'Edelweiss fit tourner la tête à Béa. Une petite silhouette blanche approchait, aussi immaculée que la grande silhouette aux côtés de la jeune nordique. Quoique soulagée de la voir, cette dernière songea que le Hasard était bien tombé, cette soirée-là, pour que la patiente se retrouve au même endroit que son médecin - sauf si elle connaissait l'emplacement de la chambre de Béa, ce dont elle doutait puisqu'elle ne lui avait jamais montré, mais après tout le monde est petit - et que cette clémence divine venait s'ajouter au souffle de mystère qui flottait sur l'Institut.

Béatrice, sortant des rêveries qui avaient embrumé quelques instants son regard gris, reporta son attention sur ses deux interlocuteurs. Elle sourit à Edelweiss pour la saluer - son prénom était Lucy, n'est-ce pas ? Béa fut surprise de ne pas mieux s'en rappeler - puis jeta un regard inquisiteur à son médecin. Ses deux patientes étaient là, que voulait-il faire à présent ? Car s'il cherchait tant à les mettre en sécurité, il lui fallait un endroit à l'abri du regard des rebelles. Et Béa devait admettre ne pas être à l'aise avec l'idée d'être mise à l'écart. Elle aurait préféré aller parler avec Alex ou la Cannibale, essayer de comprendre ce qu'il se passait, essayer peut-être de les raisonner.

La fuite n'était pas une option qu'elle choisissait souvent.

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Ne reste pas seule

Donatien aurait pu enlacer Edelweiss tant il était soulagé de la voir. Il n'était jamais déçu de sa loyauté : elle était si profonde qu'elle venait toujours à Dodo. A nouveau, c'était une différence notable avec Myosotis : c'était lui qui venait à elle.
Il considéra ses deux patientes avec appréhension et apaisement. Maintenant qu'elles étaient là, il avait l'impression de pouvoir se dépasser, que plus rien ne pourrait leur arriver. Il pouvait les surveiller, les avoir sous son contrôle. Il aurait souhaité que Pavot soit avec eux mais Pavot n'était plus vraiment son patient. Leur relation n'était plus définie, et Donatien tenait toujours à lui mais sous un angle différent. Il n'était plus de son devoir de le protéger ; Nevrabriel devait apprendre à se suffire à lui-même.
Il profita quelques secondes de ce cloître paisible pour se ressourcer et se ragaillardir. Ils allaient passer par des sentiers méconnus, évitant les caméras de surveillance. Et ensuite il les amènerait dans un lieu inconnu, et surtout à l'abri.

- Suivez-moi sans faire de bruits. Oh, et protégez-vous de la pluie pour ne pas tomber malades.

Il ramassa son parapluie et le tendit à Edelweiss pour qu'elle puisse s'y abriter dessous avec Myosotis. Ses fleurs ne devaient pas être inondées si elles voulaient bien pousser.