Béryl se rendait souvent sur la plage pour marcher un peu et profiter de l’air marin. Ça lui permettait aussi de filer deux trois bricoles aux électrons libres, de les soigner en cas de blessures, s’assurer qu’ils se portaient bien et leur permettre de discuter avec quelqu’un de ce qu’ils avaient sur le cœur.

Mais aujourd’hui, il cherchait Bae. Son collègue lors de la séparation en différentes factions avait opté pour la grotte. Une bonne nouvelle pour l’infirmier qui trouvait cela rassurant de savoir qu’au moins quelques médecins ou membres du personnel prenait soin de tous ces jeunes en marge. Lorsque Béryl avait débarqué à l’institut, Bae s’y trouvait déjà. C’était un jeune médecin qui se montrait en général plutôt sympa avec les infirmiers contrairement à certains autres médecins et qui était très professionnel, une caractéristique qui plaisait beaucoup au jeune français. Bae faisait sans aucun doute partie des mecs les plus cool de l’institut Espoir avant que ce ne soit le chaos.

Ils n’étaient pas vraiment amis post-révolution, mais Béryl écoutait volontiers les histoires qu’il racontait à ces amis près de la machine à café. Et ces amis justement le chambrait souvent au sujet de ces conquêtes. Il répondait souvent cette phrase qui avait marqué l’infirmier : « Qui ne tente rien n’a rien ».

Et c’était exactement le genre de devise dont il avait besoin aujourd’hui. Les deux hommes avaient appris à se connaitre après la révolution. En effet, s’était souvent en assistant Bae que Béryl avait aidé des jeunes électrons. Il s’était mis à bavarder de temps à autre lorsqu’ils se croisaient, ce qui étaient plutôt agréable. En général, ils parlaient de tout et de rien, du temps qu’il faisait ou des dernières nouvelles de leurs factions respectives. Mais aujourd’hui, Béryl voulait vraiment lui parler.

Il le trouva prêt de la grotte et le salua, avec un grand sourire :

- Salut Bae, alors comment ça se passe ces derniers temps ? J’ai ramené quelques poissons, je sais que vous en avez déjà mais je me suis dit que ce serait toujours ça de plus. Et puis vous pourrez peut-être faire du troc avec le Village.

Il tapota le sac de toile, qu’il se trimballait toujours lorsqu’il allait distribuer des trucs, pour ponctuer ces paroles. Bon, il devait bien avouer qu’aujourd’hui, ça lui servait plutôt de prétexte pour amorcer la conversation avec le gynécologue.

- Merci Béryl. C’est super sympa de ta part. Bah écoute… On se fait chier. Haha.

L’infirmier compatissait. Même s’il se sentait très chanceux par rapport aux autres parce qu’il ne parvenait pas à s’ennuyer même sans ses séries préférées, il pouvait comprendre à quel point le temps pouvait être long pour certains. Evidemment, lui il aimait les randonnées en solitaire, la pêche et il vivait bien à l’abri des murs du bunker. Honnêtement, s’il n’avait pas été séparé de sa famille qu’il chérissait tant, il aurait à peine ressenti la différence.  Enfin si, sur le plan professionnel, ça restait aussi plus compliqué de travailler dans les conditions dans lesquels ils se trouvaient.

Il oublia bien vite la raison de sa venue ici… Il se demandait surtout comment raviver un peu l’entrain de son ami.

- Et toi ? Ça se passe bien avec Donatien ?

C’était encore un peu le chaos au bunker mais il était certain d’en voir le bout. Il fallait juste qu’ils trouvent tous leur équilibre. Il dodelina donc de la tête pour exprimer un couci-couça :

- Ca se passe… C’est pas toujours facile, y a beaucoup de boulot pour moi au bunker. Mais c’est bien, je me sens vraiment utile là-bas.  

Il eut un sourire complice avec Bae. Quand il parlait de beaucoup de boulot au bunker, il faisait bien sur allusion à sa spécialisation en psychologie et non pas à sa spécialisation dans les soins bloc op’. Il garderait bien sur pour lui les détails, dans un souci d’éthique, mais il était clair qu’il avait encore du boulot.

Il observa l’intérieur de la grotte. Il n’y avait pas grand monde à cette heure-ci, juste un feu qui brulait proche de l’entrée. Il aimait les imperfections et interstices de la paroi rocheuse. Il aurait adoré découvrir une cavité et des tunnels à l’intérieur quelque part. Il aurait fait de la spéléo, ça aurait été top. Ça où avoir récupéré les quelques pitons qui lui servait de points d’encrages et son matos d’escalade qui devait prendre la poussière dans sa chambre, du côté de l’institut Graham. Même si les falaises de l’ile ne ressemblaient en rien aux montagnes sur lequel il avait l’habitude de grimper, ça lui aurait fait plaisir quand même. Et qui sait ? Ça aurait peut-être amusé Bae vu qu’il s’ennuyait à mourir le pauvre.

- Allez, si tu t’ennuies, tu viens avec moi, je te réquisitionne !

Il n’avait peut-être pas de matos d’escalade, ni de jeu mais Béryl n’était pas le genre à se laisser démonter par ce genre de détails. Il entraina Bae vers l’extérieur par le bras. Il ne faisait pas très chaud mais les températures étaient un peu plus douces que celle qu’ils avaient connu ces derniers temps. Il écarta les bras, tandis que le vent marin essayait de le pousser en arrière.

Il fit quelques pas dans le sable, les yeux plongés par terre jusqu’à ce que ces yeux tombent exactement sur ce qu’il cherchait.  

- Ahah ! J’en tiens un !

Il brandit devant le visage de Bae un coquillage, l’air conquérant. Il continua, les yeux joueurs :

- Le premier à 10 gagne le droit de poser une question indiscrète à l’autre… Je te préviens tout de suite, je suis un as de la pêche aux coquillages.

Alors ? Challenge accepted ou pas ?

Une fois qu’ils auraient ramassés des coquillages, ils pourraient les déposés dans la grotte pour décorer, ça ferait sourire les plus jeunes électrons libres, il en était certain. Puis Béryl comptait bien continuer de trouver des idées de challenge pour occuper son ami. Un château de sable même s’ils devraient se débrouiller à la main, celui qui serait capable de rentrer entièrement dans l’eau glacé le premier, celui qui ferait le sprint le plus rapide d’un bout à l’autre de la plage, celui qui démarrerait un feu le plus rapidement, il en avait pleins en stocks des idées.

Béryl souriait de toutes ces dents, il crut repérer un petit quelques choses d’enthousiasme chez son collègue, en tout cas, il y croyait si fort que c’était comme ci. Il avait à peine remarqué le soupir de son collègue. Il comptait bien le sortir de la morosité. Entre collègues, fallait rendre les journées plus amusantes, faction ou pas, fin du monde ou pas. Il observa le petit coquillage qu’il tenait entre ces mains, parsemé de grains de sable.

- Ok. Je ne vais pas rejeter ton essai à me distraire. Je suis pas un connard..... Celui que tu tiens ne compte pas, on est d’accord ?

Il eut un sourire taquin, agitant le coquillage sous les yeux de son collègue sur un ton de défi :

- Alors là… C’est mal me connaitre. Va falloir être rapide M. Jeong.

Après ça, il s’abaissa rapidement, faisant la grimace à Bae, cherchant déjà un second coquillage. Ils se retrouvèrent bientôt tous les deux, accroupit dans le sable à chercher des coquillages. De l’extérieur, on aurait pensé deux enfants. Pour rajouter un peu de piments, Béryl fit semblant de vouloir piquer un coquillage à Bae en rigolant. Finalement et sans grosse surprise avec son avance considérable et sa motivation à toutes épreuves, Béryl arriva finalement à dix coquillages avant son collègue, qui en avait quand même presque autant. Comme quoi, la pêche aux coquillages, c’était plus simple que la pêche aux poissons. En tout cas, ça réussissait mieux au jeune doc. L’infirmier, lui tapota l’épaule :

– Tu gagneras la prochaine… Enfin… si tu n’es pas contre moi.

Il eut un sourire joueur. Il faisait le malin, mais il n’était pas si bon que ça à la pêche aux coquillages. En tout cas, sa filleule le battait tout le temps. En même temps… Il n’était possible que pour sa filleule, il arrivait qu’il ne soit si maladroit qu’il fasse parfois tomber ces coquillages par terre. Il fit ensuite mine de réfléchir, son index venant taper le bord de sa lèvre, le majeur coincé sous le menton. Son autre main tenait encore les coquillages qu’il avait ramassé. En réalité, au-delà de faire semblant de réfléchir, il faisait vraiment tourner ces méninges. A la base, il n’était pas tout à fait venu ici pour tirer Bae de son ennui. Peut-être qu’il pouvait combiner ces activités à des questions qui lui servirait pour Miss Horoscope.

- Hmmmm une question… Ouai j’ai un truc pas mal… Vas-y, raconte comment on réussi un rencard… Heu je veux dire, ton premier rencard ! Oui c’est ça, raconte ton premier rencard. En général, les premiers rencards c’est toujours un désastre.

Bon rattrapage Béryl… ça devait rester une espèce de gage ou vérité, il ne pouvait pas non plus juste lui demander comment s’y prendre pour que la jeune femme ne s’intéresse à lui. A la base, c’était un gage pour Bae, pas une interrogation et prise d’informations pour lui.

Enfin… Même si c’était probablement grillé pour Miss Horoscope, vu qu’il avait l’impression de devenir son meilleur ami plus qu’il ne devenait un potentiel « plus qu’ami ». Peut-être que dans les prochaines questions, il devrait demander à Bae s’il s’était déjà fait friendzoner ? Ca marchait pas mal aussi. Il aurait peut-être des conseils ?