Cap se traînait pas mal aujourd’hui. Lui qui était d’ordinaire si enjoué se sentait d’humeur vraiment maussade. Depuis quelques temps, quand il refaisait surface, prenant la place du Génie, quelque chose avait changé. Lore… Comment avait-il pu oublier. Comment avait-il pu occulter ce qui s’était passé ? Il avait envie de se flageller pour ça. C’était sûrement pour ça qu’il s’était entaillé la peau, surtout sur le ventre. Parce qu’il sentait qu’il oubliait. Que son esprit essayait d’effacer cet instant de sa mémoire alors qu’il ne devait pas. Il n’avait pas le droit. Il avait ce sentiment étrange, que lorsqu’il l’oubliait, il la faisait mourir. Encore une fois.
Maintenant il savait. Il ne savait pas pourquoi mais il n’oubliait plus. D’une certaine façon, peut-être que l’agression gratuite qu’il avait fait subir à Lu deux mois plus tôt avait agi comme un électrochoc ? Mystère. En tout cas, il avait toujours du mal à sentir la présence du Génie dans sa tête. Il était bien là, quelque part, il le savait, mais il était comme… inaccessible. Comme s’il avait verrouillé la porte de sa chambre et qu’il était parti faire la sieste. C’était comme s’il tombait sur répondeur à chaque fois qu’il l’appelait.
Pourtant il avait des nouvelles de lui. Lorsqu’il sortait sans le vouloir, qu’il habitait de nouveau leur corps comme après un long sommeil sans rêve, il retrouvait des post-it sur leur bureau. Le Génie lui demandait des nouvelles, lui faisait un topo de la semaine, ce genre de choses. Il n’y répondait jamais. Il ne s’en sentait pas le courage. Souvent, il prenait à peine le temps de les lire. Mais celui de ce matin avait suscité sa curiosité. En lettres capitales, un grand : « LIS-LE. POUR UNE FOIS. S’il te plait. » Il avait soupiré mais l’avait néanmoins fait. Heureusement. Le Génie lui expliquait qu’il avait obtenu de leur médecin qu’elle transmette une lettre à leurs pères pour eux. Sans passer par la censure.
Au début, l’idée l’avait laissé perplexe. Puis, au fil de la matinée, elle avait fait son petit chemin et il caressait désormais la possibilité qu’il avait de parler à Papa-Soja et Paparbichette sans surveillance. Aucun doute, il fallait qu’il saute dessus. Alors, après le repas, il s’était dirigé vers la bibliothèque pour rédiger cette lettre sous couvert de faire ses devoirs.
Lorsqu’il entra dans la salle – peut-être pour la deuxième fois de sa vie – il alla aussitôt s’installer sur table bien au fond, cachée derrière les rayonnages où l’on pouvait trouver quelques BDs. Cependant, cette table était déjà occupée… Il se dissimula derrière l’étagère, espérant qu’on ne l’avait pas vu.
En effet, la chevelure blanche qu’arborait l’occupante ne lui était pas inconnue, et sa présence le mettait mal à l’aise. Lu. Il s’était montré si injuste envers elle… Les mots qu’il lui avait balancés lui revinrent en pleine figure. Il envisagea un instant de faire demi-tour. Pourtant, lorsque ses pas se remirent en route, ils se dirigèrent tout naturellement vers elle.
Tout d’abord, il s’installa une chaise plus loin, sans un mot, comme si de rien n’était. Il sortit ses affaires, les étalant sur la table, et commença un bête exercice de maths qui le faisait bien chier. En plus il n’y comprenait rien, d’habitude, il laissait ça au Génie. Mais bon, il fallait bien se donner une contenance n’est-ce pas ? Ce manège continua plusieurs minutes. Peu de temps en vérité, mais dans le silence englobant de la bibliothèque et le malaise qui l’habitait, cela lui sembla une éternité. Il craqua.
- Je suis désolé.
Il avait prononcé ces mots à mi-voix, comme le voulait le règlement mais pas seulement pour cette raison. Il avait le souffle un peu court, sous l’emprise du stress.
- Je te l’ai déjà dit mais je voulais que tu saches que c’est vrai. Je m’en veux beaucoup pour… tu sais quoi.
Pas une seconde il n’avait levé la tête. Pourtant, une chose était claire, cet exercice de maths n’avait plus aucune miette de son attention.
Maintenant il savait. Il ne savait pas pourquoi mais il n’oubliait plus. D’une certaine façon, peut-être que l’agression gratuite qu’il avait fait subir à Lu deux mois plus tôt avait agi comme un électrochoc ? Mystère. En tout cas, il avait toujours du mal à sentir la présence du Génie dans sa tête. Il était bien là, quelque part, il le savait, mais il était comme… inaccessible. Comme s’il avait verrouillé la porte de sa chambre et qu’il était parti faire la sieste. C’était comme s’il tombait sur répondeur à chaque fois qu’il l’appelait.
Pourtant il avait des nouvelles de lui. Lorsqu’il sortait sans le vouloir, qu’il habitait de nouveau leur corps comme après un long sommeil sans rêve, il retrouvait des post-it sur leur bureau. Le Génie lui demandait des nouvelles, lui faisait un topo de la semaine, ce genre de choses. Il n’y répondait jamais. Il ne s’en sentait pas le courage. Souvent, il prenait à peine le temps de les lire. Mais celui de ce matin avait suscité sa curiosité. En lettres capitales, un grand : « LIS-LE. POUR UNE FOIS. S’il te plait. » Il avait soupiré mais l’avait néanmoins fait. Heureusement. Le Génie lui expliquait qu’il avait obtenu de leur médecin qu’elle transmette une lettre à leurs pères pour eux. Sans passer par la censure.
Au début, l’idée l’avait laissé perplexe. Puis, au fil de la matinée, elle avait fait son petit chemin et il caressait désormais la possibilité qu’il avait de parler à Papa-Soja et Paparbichette sans surveillance. Aucun doute, il fallait qu’il saute dessus. Alors, après le repas, il s’était dirigé vers la bibliothèque pour rédiger cette lettre sous couvert de faire ses devoirs.
Lorsqu’il entra dans la salle – peut-être pour la deuxième fois de sa vie – il alla aussitôt s’installer sur table bien au fond, cachée derrière les rayonnages où l’on pouvait trouver quelques BDs. Cependant, cette table était déjà occupée… Il se dissimula derrière l’étagère, espérant qu’on ne l’avait pas vu.
En effet, la chevelure blanche qu’arborait l’occupante ne lui était pas inconnue, et sa présence le mettait mal à l’aise. Lu. Il s’était montré si injuste envers elle… Les mots qu’il lui avait balancés lui revinrent en pleine figure. Il envisagea un instant de faire demi-tour. Pourtant, lorsque ses pas se remirent en route, ils se dirigèrent tout naturellement vers elle.
Tout d’abord, il s’installa une chaise plus loin, sans un mot, comme si de rien n’était. Il sortit ses affaires, les étalant sur la table, et commença un bête exercice de maths qui le faisait bien chier. En plus il n’y comprenait rien, d’habitude, il laissait ça au Génie. Mais bon, il fallait bien se donner une contenance n’est-ce pas ? Ce manège continua plusieurs minutes. Peu de temps en vérité, mais dans le silence englobant de la bibliothèque et le malaise qui l’habitait, cela lui sembla une éternité. Il craqua.
- Je suis désolé.
Il avait prononcé ces mots à mi-voix, comme le voulait le règlement mais pas seulement pour cette raison. Il avait le souffle un peu court, sous l’emprise du stress.
- Je te l’ai déjà dit mais je voulais que tu saches que c’est vrai. Je m’en veux beaucoup pour… tu sais quoi.
Pas une seconde il n’avait levé la tête. Pourtant, une chose était claire, cet exercice de maths n’avait plus aucune miette de son attention.