_Je ne peux pas …
Jessy aurait rigoler mais la douleur à son visage était trop forte. Il n’osait plus bouger. Il sentait sa joue plus enfler que jamais. Le morveux semblait partager, presque déchirer. Finalement, il était un peu moins stupide qu’il n’en avait l’air.
_Soit tu le fais pour toi, soit tu le fais pour elle, mais arrête … C’est certainement ce qu’elle t’aurait demandé. Arrête de tuer, n’essaye pas de retrouver au bunker pour te venger de quelconque manière. J’ai fais croire que tu étais mort. Lucy t’a donné une seconde chance, la chance de ta vie, elle est morte pour cette seconde chance …
L’autre continuait dans ces délires par rapport à Lucy. N’avait-il pas compris qu’elle était morte ? Etait-il assez stupide pour croire qu’elle était quelque part à les regarder et juger leurs choix ? Le rouquin ne recevait pas sa seconde chance d’un mort mais bien d’un morveux stupide. Et c’était à peine une seconde chance s’il le laissait enchainer à un arbre.
_Moi je ne peux pas te donner cette chance … Quelqu’un de plus noble, de plus bienveillant, le fera, mais ça ne sera pas moi …
Jessy n’y croyait pas. Il n’attendrait pas cette personne fictive qu’il ne pensait pas exister. Les chances pour que celui qui ne le trouve ne cherche qu’une vengeance était plus élevée. Il imaginait croiser la route du binôme de W82… Il ne savait pas si ce dernier connaissait le fin mot de l’histoire mais il n’attendrait pas ici de le savoir.
Le morveux commença à s’en aller, après avoir déposer sa clé sur l’une des tombes. D’où il se trouvait, Jessy n’aurait su dire à qui elle appartenait, et il s’en fichait. Tout ce qu’il pouvait voire c’était que la clé n’était pas à porter de mains ni de quoi que ce soit. Elle était beaucoup trop loin pour lui.
_Je déteste ce que tu es … mais j’espère tout de même que tu changeras un jour pour mériter d’avoir été sincèrement aimé.
Ces yeux dorés se tournèrent vers le visage du gamin qui continua sa route sans un regard. Ces yeux brillaient d’un éclat mauvais. Si Lucy l’avait sincèrement aimé, elle ne se serait pas donné la mort après la promesse qu’elle lui avait faite. Il attendit de longues minutes après que l’autre rouquin soit parti, sa tête contre l’écorce, se forçant à rester lucide. Il tenta de glisser ces mains pour échapper aux chaines mais en vain. C’était son pouce qui bloquait. Il ne lui manquait pas grand-chose…
Il respira fort pour se donner du courage. Il devrait agir rapidement avant que cela ne gonfle et que cela ne l’empêche définitivement de sortir. Il respira fort. Il ne pouvait rester à découvert au milieu de ce cimetière, à la portée de n’importe quel imbécile de cette île. Il respira fort.
Libéra sa main gauche. La douleur du déplacement de l’os fut aussi intense lorsqu’il le fit dans un sens que lorsqu’il le remit dans l’autre. Elle éclipsa celle de sa tempe. Sa main se mit à gonfler aussitôt. Il poussa une plainte. Suivi de plusieurs grognements frustrés, se forçant à ne pas faire plus de bruits. Il respira fort. Il se releva, cherchant son équilibre. Vacilla jusqu’à la tombe où se trouvait la clé, trainant encore sa chaine derrière lui. Libéra sa main droite. Il regarda ces deux poignets libres. Libre
Il ramassa la chaine, il ne la laisserait pas trainer ici. Il ne devait pas trainer dans le coin non plus d’ailleurs. Il marcha à l’aveuglette dans la forêt. La douleur le déboussolait, aussi, dès qu’il fut suffisamment éloigné, il chercha un arbre capable de supporter son poids, possédant de grosses branches. Grimper fut un supplice. Mais Jessy avait un instinct de survie si fort qu’il arriva en haut. Il porta sa main à sa tempe. Elle était gonflée et brulante. Putain. Il regarda sa main. Il saignait à l’oreille. Il ferma les yeux, essayant de calmer sa respiration. Il allait passer une nuit abominable. Putain. Mais il était libre.
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