contexte

Le jour de la Grande Division naissent quatre factions : une dictature basée sur les principes de l’Institut qu’on avait connu ; une communauté qui fonctionne sous forme de vote et de code pénal ; un groupe retrouvé piégé dans le bunker ; et une anarchie qui s’est ancrée en pleine Nature. Des tensions, étincelles existants déjà avant la Grande Division et la Révolution, ont fait naître une ambiance de guerre froide entre les factions. L’Institut Espoir n’existe plus, mais cette ambiance survivaliste, à qui l’emportera sur l’autre prend racine.

Il ne reste plus que l’Espoir. +

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Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Mar 4 Juin - 23:40
Au Regard de la NuitEizenija


Victor portait encore sa blouse blanche alors qu'il entrait dans le Bâtiment, ôtant nonchalamment ses gants en plastique qu'il avait omis de retirer sur son trajet, ayant terminé de noter quelques inscriptions sur son calepin. Les mains encore poudreuses par le talc, il se passa une main dans les cheveux grisonnants pour remettre quelques mèches rebelles en place, son pas rapide le guidant jusqu'à la cafeteria. Il faisait sombre, la lumière blafarde du couloir illuminant les ténèbres qui tournoyaient sournoisement à l'extérieur, une nuit sans lune posant indolemment son regard sur l'Institut Espoir. Seule la haute silhouette du Docteur Graham se détachait dans le hall puis dans la grande salle, ses chaussures cirées aux talons métalliques résonnant sur le sol impeccable sans qu'il ne cherche à en réduire le bruit. Il était seul, et cela lui convenait : Victor ne supportait pas de se sustenter en compagnie d'êtres humains qu'il n'estimait pas un minimum, même pour une simple tasse de thé. Heureusement, à cette heure-là, tout le personnel était endormi, plongeant le Bâtiment dans un silence que seul le grand ophtalmologiste venait troubler. C'est pourquoi, en arrivant à la cafeteria, Victor ne fut pas surpris de la découvrir vide, il en fut même satisfait.

Jetant dédaigneusement ses gants dans la poubelle, il s'approcha du buffet principal qu'une bouilloire ornait, et il leva les yeux au ciel en constatant qu'il fallait qu'il se fasse chauffer de l'eau lui-même. Lorsque Victor revenait vivre à son château, certains soirs, il était toujours ravi de retrouver son majordome et son service de chambre, choses qui manquaient cruellement à cet institut. Il poussa un grognement de désapprobation et il s'assit sur une grande chaise. Le vide de la salle donnait un air de gigantisme à chacune des tables et à chacun des sièges, mais ce n'était pas pour déplaire au marquis, qui laissa son dos se reposer sur le dossier en jetant un regard à sa montre : 2h du matin. Les tâches suspectes sur la blouse du médecin témoignaient pour lui des expériences et recherches qu'il avait mené jusqu'à tard dans la nuit, une heure où les autres fainéants préféraient dormir - mais pas Graham. Il était au dessus de ce besoin primaire de sommeil.

Profitant de sa solitude pour se mettre à l'aise, Victor ouvrit sa blouse et tira sur son nœud de cravate pour en réduire la morsure sur sa nuque raidie. Son costume en queue de pie se distinguait sous ses atours de médecin, encore impeccables malgré l'heure tardive. En revanche, tandis que le grand médecin laissait sa pensée dériver au fil du murmure de l'eau qui bouillait, son visage laissait échapper quelques signes de fatigue à travers les légères cernes qui entouraient ses yeux, ou par ses joues plus creusées qu'à l'ordinaire. Ses yeux d'émeraude, en revanche, n'avaient rien perdu de leur ardeur, et ils semblaient plus brûlants que l'eau dans la bouilloire. Ses mains puissantes se serraient et se desserraient autour de sa tasse, un bel objet de porcelaine finement décoré de rouge que le marquis avait pris de son vaisselier personnel pour l'accompagner à l'Institut. Il était hors de question qu'il boive dans une tasse bas-de-gamme.

Alors que la bouilloire se faisait plus silencieuse et que le grand marquis, interrompant ses pensées, s'apprêtait à se servir une tasse, un bruit lui parvint en direction de l'entrée de la cafeteria. Victor s'imagina qu'un des membres du personnel daignait enfin lui rendre visite, ne songeant pas une seule fois qu'ils étaient tous endormis à cette heure-ci. Sa bouche prit un pli sévère tandis qu'il s'exclamait, sans voir celui ou celle qui s'approchait tant il était occupé à se servir de l'eau dans sa tasse :

-Enfin ! Vous daignez enfin vous réveiller ? Ce n'est pas trop tôt - et pourtant trop tard, mon thé est déjà p...

Le Docteur Graham s'interrompit alors qu'il faisait volte face, sa tasse en main. Ce n'était pas un des préposés à la cafeteria qui lui faisait face, elle n'en avait pas l'uniforme.

-...Que faites-vous ici ? tonna-t-il, surpris.

Il ne s'était pas attendu à être troublé dans son intimité en cette heure tardive par une telle demoiselle.

Victor Graham
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Eizenija VitolsInfirmière
Mer 5 Juin - 11:38

Lundi 3 Juin 2019 - Verseau

Ne vous tuez pas au travail, quelqu'un d'autre s'en chargera pour vous.

Au regard de la nuit





Ce bébé me tue. Je n'en peux plus. Si je le balance par la fenêtre et le remplace par un faux, quelqu'un verra-t-il la différence ?
Je soupire dans le couloir vide, m'adossant contre un mur tiède. Les nuits se réchauffent, et je ne suis pas la seule à transpirer. Le bâtiment en lui-même semble suer. Parfois je me demande s'il n'est pas vivant ; avec ses lézardes dans les briques comme les blessures des patients que je soigne trop souvent et sa propre façon de ressentir le climat capricieux.
Je me laisse tomber et m'évente avec mon porte-vue en repensant à cette fille âgée de deux mois qui a chialé toute la nuit. Le pédiatre et moi, on a tout essayé pour cesser ses pleurs mais rien à faire. Ni lui ni moi ne sommes parents. Franchement, je comprends que les patrons soient désemparés face à cette situation, et nous refourguer le mioche n'était pas une mauvaise idée : il n'est pas dans les pattes des hauts placés, ni dans celles des malades. Et il faut bien punir la mère, donc rien de mieux que de la séparer de son bébé en la fichant à l'asile. Mais, si le pédiatre sait gérer à peu près la situation, j'en suis bien incapable. Heureusement que le bébé reste dans son coin aménagé de l'infirmerie et qu'on s'en occupe par roulements. Je n'ai pas signé pour donner des biberons et calmer des pleurs. Je suis là pour poser des pansements et gérer les doses de médicaments.
Je sors mon portable de la poche de ma blouse. Presque deux heures du matin. J'ai l'impression d'avoir fais des heures supp' jusqu'à l'aube et il n'est que deux heures ?! J'irais me plaindre au réveil.
Je me lève en ayant l'impression de faire grincer mon squelette et me dirige d'un pas lourd vers le Bâtiment. Une bonne nuit de sommeil, je ne rêve que de ça.
Je traverse la nuit et ses ombres, et, bien que je ne sois pas une grande peureuse, je préfère me rassurer dans ma traversée nocturne. Je textote alors à Angie, lui envoyant ma plus belle déclaration d'amour. La lumière de mon écran m'aveugle. Si un patient rebelle se balade un couteau à la main, je viens de lui signaler de ma position.
J'arrive dans le bâtiment. J'allume tout. Non, je ne suis pas peureuse. Les français diraient :" on n'est pas à Versailles, ici" et ça me fait rire. Juste pour les emmerder, je pousse la porte d'un bureau qu'un médecin avait oublié de verrouiller et l'allume.
Je m'autorise un petit tour vers le réfectoire pour une bonne gorgée d'eau fraîche, et j'irais retrouver Morphée.
Je m'étire et baille quand une silhouette interpelle mon regard. Je ne suis pas la seule à subir du travail supplémentaire. Je suis encore dans le couloir qui mène à la cafet' et je vois la pauvre Madame Dubois sur le seuil. Notre administratrice aux traits tirés. Elle vieillit de dix ans chaque jour cette pauvre dame. Elle a le visage tourné vers l'intérieur du réfectoire : quelqu'un s'adresse à elle, et de ce qu'on lui dit, je n'en entend que des bribes :

- ... Vous daignez ... réveiller ? Ce n'est pas ... Que faites-vous ici ?

De ma position un peu lointaine, je vois Madame Dubois hausser les épaules, puis partir. Je ris sous cape. Cette dame n'en a plus rien à faire. Est-ce que moi aussi j'aurais le droit à un sermon si j'entre dans la cantine ?
Je tourne le visage vers la fenêtre à ma gauche. J'y vois la nuit, et j'y vois mon reflet. La fatigue a fait pâlir mon teint et ma chevelure. Mes nattes sont emmêlées et mon col de chemise est aplati. Je le redresse puis tire la langue à mon image. Qui est beau à une heure pareille, de toute façon ?
Je garde la blouse pour le côté sérieux, bien qu'elle dénote sévèrement avec les collants en résilles rose. Soit.
Dubois est partie et c'est à mon tour d'apparaître sur le seuil. J'aperçois alors celui qui crachait son venin sur cette dame. Victor Graham. Un homme élégant en apparence mais une vipère à l'intérieur. Je crois que je ne l'ai jamais entendu raconter une blague. Et pour se plaindre, c'est un roi. Pire qu'une fille parfois. La preuve : ces cinq dernières minutes. Il devrait se dérider parfois.
Dans le réfectoire vide, il paraît encore plus grand que d'ordinaire. En se mettant debout, il rapetisse les chaises et rapproche les murs.

- Tu fais fuir les femmes, Victor. Si tu es célibataire et te demande pourquoi : tu as ta réponse.

J'affiche un grand sourire. Mes lèvres bleues métalliques - quoique, mon reflet avait l'air de me montrer tout à l'heure que la moitié du rouge à lèvres s'était caché dans les ridules - s'étirent malicieusement, et j'espère que cette mimique ennuie mon interlocuteur. Ça lui apprendra à être ronchon dès le matin - 'chier, c'est vrai qu'il est encore et toujours deux heures.
Je m'approche de la fontaine à eau et me sers un verre bien frais.

- Dubois ne t'as pas répondu, mais je suis sûre qu'à ta question idiote elle aurait rétorqué quelque chose comme : " je travaille et vis ici, idiot.".

Oh, l'insulte a jailli malgré moi. Mon ton est calme, posé. On n'aperçoit même pas mon accent. Et pourtant je me retrouve à lâcher un "idiot" malgré moi.
Tant pis, de toute façon, il est déjà de mauvais humeur. Que je sois gentille ou non, il aurait quand même sorti les crocs. Après tout, du peu que je vois de lui, c'est un impétueux. Typique du Bélier. Oh, je paries qu'il est Bélier, tiens !
Cette rencontre m'ennuyait, mais finalement, je n'ai pas envie de partir tout de suite. Je n'ai jamais eu l'occasion d'être seule avec Victor, et c'est le moment de faire connaissance. Et je ne parle de pas de savoir qui est le médecin face à l'infirmière. Je veux savoir des trucs sur Victor.
A nous deux.



Eizenija Vitols
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) Ya38Fiche personnage : Son histoireEspace personnel : Sa p'tite vie persoGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 12/09/2010Age : 35
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Mer 5 Juin - 23:22
Au Regard de la NuitEizenija


Demoiselle...Etait-ce vraiment le mot qui avait traversé l'esprit de Victor lorsqu'il avait aperçu la vieille femme grincheuse à l'orée de la salle ? Le marquis devait être plus fatigué qu'il ne voulait l'admettre, car même en étant un bon gentleman il ne pouvait décemment pas confondre une vieille peau avec une demoiselle. Surtout qu'il la reconnaissait : c'était la matriarche de l'Institut, la concierge des lieux si Victor se souvenait bien - il avait tendance à oublier ce qui ne l'intéressait pas. Elle était probablement sourde, car elle quitta la salle sans chercher à répondre au Docteur Graham, lequel se rassit, introduisant son filtre à thé dans l'eau bouillante en arquant un sourcil froissé. Eh bien. On faisait décidément de biens étranges rencontres à ces heur-...

- Tu fais fuir les femmes, Victor, s'écria une voix sarcastique, l'interrompant dans ses pensées. Si tu es célibataire et te demande pourquoi : tu as ta réponse.

Victor cilla, interloqué et discrètement offusqué. Une nouvelle demoiselle - une vraie, cette fois - venait de faire son entrée dans ce réfectoire décidément trop fréquenté aux goûts du marquis. Il ne la reconnaissait pas, mais elle apparemment le connaissait - ce qui n'était guère surprenant, tout le monde devait avoir eu vent de la réputation du grand Docteur Graham. Pourtant, la jeune femme qui lui faisait face à l'autre bout de la pièce était singulière : une chevelure claire, des accessoires atypiques, une peau pâlotte et une allure débraillée...La blouse qu'elle portait devait signer son appartenance à la gent médicale, mais Victor n'en avait cure : il fronçait les sourcils avec mépris en entendant le ton qu'elle utilisait pour ainsi le héler. Si cette jeune impertinente avait usé de la langue de Molière au lieu de celle de Shakespeare, le marquis était certain qu'elle l'aurait tutoyé, au vue de son irrespect apparent. Et l'appeler par son prénom ?! Quelle inconvenance ! L'honneur de faire face au Docteur Graham ne lui donnait pas les droits de se montrer si familière, surtout pour insinuer un quelconque rapport avec les femmes dont elle ne connaissait visiblement rien.

L'expression interloquée du grand médecin se mue rapidement en un regard froidement dédaigneux. Il se détourna de cette insolente juste à temps pour voir que son thé est infusé, le Earl Grey induisant de jolies teintes sombres à l'eau, mais pas assez pour ignorer ce sourire provocateur venu remonter ses yeux. Ces derniers étaient trop loin pour que Victor puisse les jauger comme il aimait le faire, son unique œil valide peinant à évaluer les détails distants, mais il pouvait y deviner une lueur insolente. Il se crispa, son irascibilité faisant mauvais ménage avec sa lassitude, mais il se contraignit au calme : ce n'était pas la première perturbatrice qu'il rencontrait. Elle ne valait même pas la peine qu'il connaisse son nom, et encore moins qu'il lui réponde.

La jeune femme continua de son ton chantant, s'étant déplacée vers la fontaine à eau :

- Dubois ne t'as pas répondu, mais je suis sûre qu'à ta question idiote elle aurait rétorqué quelque chose comme : " je travaille et vis ici, idiot.".

Victor Graham souffla sur son thé pour en chasser les vapeurs, puis prit une gorgée brûlante qui fit écho à son agacement. Le bouquet amer de la bergamote vint flatter son palais, et l'espace d'un instant, le grand marquis put s'imaginer dans le calme de son château, loin des paroles provocantes de l'impertinente inconnue. Mais cela ne dura qu'un instant, et seul l'arrière goût du thé noir resta sur sa langue quand il reposa sa tasse. Ses yeux perçants se tournèrent vers la jeune femme. Cette fois, son ego ne pouvait pas tenir sa langue.

-Madame Dubois, si tel est son nom, aurait été bien imbécile de me répondre une pareille niaiserie, rétorqua-t-il, sèchement sarcastique. Il en va de même de celle qui interrompt ma tranquillité pour faire preuve d'une telle impertinence sans daigner se présenter.

Victor prit une nouvelle gorgée de thé tandis qu'il s'asseyait plus confortablement, croisant les jambes. Il poursuivit d'un ton sévère :

-Et je te serais gré de ne pas user de mon prénom pour t'adresser à moi. Pour toi, ce sera "Docteur Graham".

Maintenant que la jeune femme était plus proche, Victor pouvait davantage la détailler, ne se gênant pas pour ostensiblement la toiser. Elle n'était pas repoussante, bien que sa tenue manque de tissus par endroits. Ses yeux présentaient quelques agréables reflets bleutés, ce genre de scintillement que les lacs d'hiver tiennent en haute estime, mais le grand ophtalmologue avait déjà vu pareilles prunelles. Même dans son regard, cette gamine semblait bien Inutile.

Et pourquoi diable était-elle debout à cette heure-là ?

Victor Graham
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Eizenija VitolsInfirmière
Jeu 13 Juin - 10:59

Lundi 3 Juin 2019 - Verseau

Ne vous tuez pas au travail, quelqu'un d'autre s'en chargera pour vous.

Au regard de la nuit




Il me fait bien rire, Victor. On dirait un personnage de livre, ou un Vicomte qui s'est trompé de siècle. Il a une force tranquille qui lui permet d'accueillir mes paroles indélicates sans froncer les sourcils, alors que je suis certaine de l'avoir piqué quelque part.
Il est là, imposant, à boire son infusion du bout des lèvres, ignorant ma présence. Je reste près de la fontaine à eau, me concernant, finissant de me ré-hydrater de ma journée tiédasse. Je contemple alors ce bout d'histoire, ce personnage farfelu d'un autre temps, avec un demi-sourire. Je suis peut-être apparue en grandes pompes, mais ce court moment m'apaise.
Et soudainement, on revient au présent. Le Vicomte prend à nouveau ma présence en compte et l'attaque par ses yeux verts. Un vrai vert.

- Madame Dubois, si tel est son nom, aurait été bien imbécile de me répondre une pareille niaiserie. Il en va de même de celle qui interrompt ma tranquillité pour faire preuve d'une telle impertinence sans daigner se présenter.

Je vais m'étrangler de rire. Je reste avec mon demi-sourire mais cette réponse me satisfait tellement ! Je vais ramener Victor à sa machine temporelle parce que ça ne va plus. "Si tel est son nom" ? Sérieusement, il ignore qui est Madame Dubois ? Elle travaille ici depuis si longtemps qu'elle fait partie des meubles. C'est un fossile qu'on ne présente plus.
Et cette façon sous-entendue de mettre en avant mon impolitesse : je ne me suis pas présentée.
Je secoue la tête en pouffant doucement. Puis je passe une main dans ma frange et la plaque en arrière. Geste bien futile puisque la frange revient bien vite à sa place sur mon front. C'est toujours une bonne idée que les deux premières semaines la frange, après ça pousse et on n'en veut plus. Seulement, elle, elle veut encore de nous.
Bref, je remets de l'eau dans mon verre avant de m'approcher de Victor. Je l'entends me dire à travers les gargouillements de la fontaine qui crache son flux :

- Et je te serais gré de ne pas user de mon prénom pour t'adresser à moi. Pour toi, ce sera "Docteur Graham".

Je lève les yeux au ciel. Il est drôle ce monsieur.
Je m'approche de lui et m'assieds juste en face. Je jette un coup d’œil aux fenêtres. Il fait toujours nuit, bien sûr. Maintenant que le noir est dehors, cette couleur m'aspire. Ne m'étouffe plus. Bien que je n'en ai pas peur !
Je pose à nouveau mes yeux sur Victor. La rencontre avec ce vert me met à l'aise. J'aime les yeux colorés, j'ai l'impression de voir vraiment la personne. Lorsque je discute avec quelqu'un à l'oeil noir, je me sens comme face à un mur. Ce n'est pas le cas avec Victor.

- Eizeinija. Je suis infirmière ici. Et je ne t'appellerais pas "Docteur Graham", désolée. Nous ne sommes pas en service, et tu es un être humain comme un autre.

Je prends une gorgée d'eau, mon dos enfoncé dans mon siège mais le regard serein. Je ne lui ai pas donné mon nom de famille volontairement. Je n'ai pas envie de "Mademoiselle Vitols" par-ci, ou pire "Infirmière Vitols". Nous ne sommes pas des statuts, nous sommes des êtres à part entière.
Néanmoins, je suis bien contente que Victor demande à savoir mon nom. Je ne suis pas forcément une tête connue à l'Institut, mais je sais que, lorsqu'on entend parler de moi, on a tendance à fuir mon chemin. C'est Margaret qui me l'a raconté. Apparemment je suis trop insupportable pour certains, trop intrusive voire insolente. Ce que je reconnais, et ce que je ne changerai pas. C'est juste dommage qu'il existe si peu de personnes qui acceptent mes défauts, et trop qui ne désirent pas faire ma connaissance en dépit d'eux.

- Alors Victor, tu es Bélier ?

Je suis narquoise. Je suis une enfant dans une cour de récréation qui a trouvé une image dans un livre et qui veut s'amuser avec. L'image, c'est toi Victor.
Je pose mon index sur mon menton et fait mine de réfléchir.

- Voyons voir, je parie que je peux deviner quelque chose sur toi.

Les Bélier sont des impétueux. Ils sont souvent des leaders nés, des fois malgré eux, mais le plus souvent ils cherchent ce pouvoir. Le hic, c'est qu'ils se laissent trop emporter par leurs émotions, jusqu'à la violence pour certains.
Ce qui est intriguant avec mon interlocuteur, c'est qu'il reste calme en dépit de tout. Jusqu'ici, bien que je l'ai agacé - à croire le sous-texte de ses propos -, il n'a pas mouché.

- Je suis certaine que tu t'emportes facilement. Tu sembles détaché de toute situation, mais tu es un faux-calme...

Je me redresse de ma chaise, taquine, et mon semi-rictus s'élargit enfin.

- ... et je me demande à quoi ressemble ce grand monsieur quand il n'est pas content.

Je reviens à ma position initiale en riant doucement. Je dois être vraiment fatiguée par contre. Intrusive et insolente : ils ont bien raison les connards qui me tiennent ce discours.

Eizenija Vitols
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) Ya38Fiche personnage : Son histoireEspace personnel : Sa p'tite vie persoGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 12/09/2010Age : 35
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Dim 16 Juin - 0:33
Au Regard de la NuitEizenija


Victor Graham aurait apprécié que l'insolente jeune femme s'en aille et le laisse déguster son thé en tête, mais l'infirmière avait d'autres plans en tête apparemment. Elle s'assit en face de lui, son ridicule gobelet en plastique en main - comment pouvait-on boire dans de tels objets ? Ses yeux verts croisèrent le bleuté de ceux de la demoiselle, et il y lut une tranquillité malicieuse qui l'ennuya profondément. Les yeux bleus étaient incroyablement paradoxaux aux yeux de Victor : ils n'étaient pas les plus fréquents au sein de la population occidentale, mais ils étaient généralement tous oubliables. Parfois, le marquis rencontrait la perle rare, ce bleu lumineux proche de cet éclair indigo illumine le crépuscule, ou bien ce bleu presque gris qui imite les brumes épaisses d'un Londres matinal. Le bleu de la demoiselle aurait pu être au croisement de ces couleurs là, mais il avait ce je-ne-sais-quoi qui le rendait banal, peut-être trop foncé, ou simplement trop insolent. Victor n'aurait su dire.

- Eizeinija. Je suis infirmière ici. Et je ne t'appellerais pas "Docteur Graham", désolée. Nous ne sommes pas en service, et tu es un être humain comme un autre.

"Eugénia" ? Ce nom n'était pas complètement inconnu à Victor, mais il n'inspirait à aucune réminiscence particulière, et le marquis n'avait aucune envie de créer des souvenirs avec quelqu'un qui refusait de lui faire preuve du respect qu'il méritait. "Comme un autre" ? Et puis quoi encore ? Il serra la mâchoire, contrarié, et crispa ses doigts sur sa tasse pour dissimuler son agacement tandis qu'il toisait son interlocutrice.

-"Comme un autre" ? répéta-t-il d'un ton sarcastique. Tu me sous-estimes, très chère.  Je ne suis pas comme les autres, je suis bien au dessus. Par ailleurs, "Docteur" n'est pas juste un titre professionnel, c'est ce que je suis. Si j'avais voulu que tu utilises mon titre, j'aurais demandé à ce que tu m'appelles "Monsieur le marquis de Graham", ou simplement "sir".

Il avait beau faire preuve d'un sarcasme dédaigneux, le Docteur Graham pensait chacun des mots qu'il avait prononcé avec un fervent sérieux. Il était sincèrement convaincu de sa supériorité et de la déférence qui lui était due par sa simple existence. Il ne lui serait jamais venu à l'esprit que l'on puisse en douter, sauf peut-être suite à un défaut cérébral.

Cette réponse ne sembla pas arrêter Eugénia dans son élan, car elle reprit de but en blanc :

- Alors Victor, tu es Bélier ?

Victor cilla, à nouveau interloqué. Bon sang, cette femme savait le prendre au dépourvu, voilà qui était peu commun. Bélier...? Comme le signe astrologique ? Pourquoi diable lui posait-elle cette question à cette heure tardive ? Le marquis fronça les sourcils et examina les traits fins de l'infirmière. Elle avait des cernes sous les yeux, chose qu'il n'avait pas remarqué tant il avait l'habitude de se concentrer sur les prunelles de ses interlocuteurs. Peut-être bien que la fatigue la privait de ses capacités mentales. Cela expliquerait peut-être son manque de politesse.

Malgré tout, Victor ne daigna pas répondre. Il n'avait pas à parler à une femme qui s'évertuait à l'appeler par son prénom, surtout pour une si inutile question. Il prit une nouvelle gorgée, puis essuya élégamment une perle de thé de la commissure de ses lèvres à l'aide de son mouchoir de tissus avant qu'elle ne tâche son impeccable barbe cendrée. Il espérait, tout en effectuant ce manège, que le traitement du silence ferait fuir Eugénia.

Il n'en fut rien.

- Voyons voir, je parie que je peux deviner quelque chose sur toi.

Victor poussa un ostensible soupir, profondément ennuyé. Pourtant, il eut un léger sourire arrogant en reportant son attention sur la pâle jeune femme qui lui faisait face. Elle n'était donc pas si incongrue cette demoiselle si comme tous les autres elle éprouvait de l'intérêt pour le grand ophtalmologue. Mais pouvait-on la blâmer d'être intriguée par Victor ? Lui-même se trouvait des plus passionnants.  Alors, à défaut de daigner lui parler, le marquis lui accorda l'honneur de l'écouter, son unique oeil valide parcourant les traits de ce fin minois avec son ardeur coutumière.

- Je suis certaine que tu t'emportes facilement, reprit Eugénia, un sourire aux lèvres. Tu sembles détaché de toute situation, mais tu es un faux-calme... ... et je me demande à quoi ressemble ce grand monsieur quand il n'est pas content.

Victor ne broncha pas malgré la véracité de ces propos, mais l'émeraude de son regard vibra d'un éclat indéchiffrable, comme pour confirmer la facticité du calme apparent du Docteur Graham. Quiconque le connaissait un minimum savait qu'il était prompt à l'emportement - et pire, à la violence. Mais Victor avait pris l'habitude de se voiler la face sur ce sujet, comme sur le reste de ses défauts.

En revanche, à ces derniers mots, le sourire du marquis se renforça. Il posa sa tasse et se pencha d'un air de confidence.

-Oh, très chère, tu n'as pas envie de me voir contrarié.

Il y avait une menace implicite dans ce ton. Il se redressa et pencha la tête sur le côté à la manière d'un oiseau de proie à l'affut. Maintenant qu'il souriait, même si ce sourire n'avait rien de sympathique, il semblait un peu moins sévère, quoique toujours aussi strict et propre sur lui.

-Je suis bien Bélier, finit-il par ajouter gracieusement, faisant le don de cette réponse à son interlocutrice. Mais je préfère me considérer comme Poignard, selon l'astrologie arabe. J'en apprécie davantage l'ironie, à défaut d'en accepter la niaiserie.

L'Afghan qui lui avait enseigné cette astrologie avait fini avait un poignard dans le bas-ventre et les entrailles sur le sol, mais Victor savait ce détail comme classé défense par les opérations militaires anglaises, et il tut donc les raisons de cette fameuse "ironie". De toute manière, il n'aimait pas particulièrement en parler. Il haussa les épaules et prit une nouvelle gorgée de thé : il n'avait rien à ajouter à cette conversation sans intérêt.

Victor Graham
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Eizenija VitolsInfirmière
Ven 21 Juin - 20:06

Lundi 3 Juin 2019 - Verseau

Ne vous tuez pas au travail, quelqu'un d'autre s'en chargera pour vous.

Au regard de la nuit




- "Comme un autre" ? Tu me sous-estimes, très chère. Je ne suis pas comme les autres, je suis bien au dessus. Par ailleurs, "Docteur" n'est pas juste un titre professionnel, c'est ce que je suis. Si j'avais voulu que tu utilises mon titre, j'aurais demandé à ce que tu m'appelles "Monsieur le marquis de Graham", ou simplement "sir".

Il me fait rire. J'ai l'impression d'être en plein rêve et de discuter avec l'un des personnages royaux de Shakespeare. Je croise les doigts pour que ce ne soit pas Lear, je n'ai pas envie de me retrouver à faire la conversation à un fou.
Suite à mon discours sur son signe, il pose sa tasse et j'ai le cœur qui s'attriste. C'est déjà fini ? Je l'ai irrité et il veut se faire la malle ? Ceux qui ne savent pas résister à un peu de taquinerie sont vraiment fragiles. Ce n'est pas grave, je finirai en tête à tête avec mon verre d'eau. Je vais profiter de la moiteur ambiante et j'imaginerai moi-même la suite de cette conversation onirique.

- Oh, très chère, tu n'as pas envie de me voir contrarié.

Je souris jusqu'aux oreilles. Le regard baissé sur mon verre dont je fais tourner l'eau avec le même mouvement quasi-invisible depuis tout à l'heure, j'essaie de cacher ce rictus. Je sens mes zygomatiques qui travaillent et j'ai besoin de mettre ma main inoccupée contre ma joue pour sentir mes pommettes remontées et ma température corporelle qui augmente.
Si je suis dans tous mes états c'est pour deux raisons : tout d'abord, ce monsieur reste avec moi. J'ai mal interprété trop tôt, et je ne suis que plus satisfaite de l'entendre poursuivre la discussion. Ensuite, ce type m'a encore appelé "très chère". J'ai l'impression d'avoir un statut, une importance. Je suis Lady Mcbeth avant qu'elle n'ait du sang sur les mains.
Avec la lumière lunaire et le poids écrasant de la solitude dans ce grand réfectoire, j'ai la sensation d'être ailleurs. J'ai les pieds légers malgré l'épaisseur gargantuesque de mes semelles à chaussures.
Je relève les yeux et j'y vois un sourire bien différent de celui de tout à l'heure. Il n'est plus hautain et méprisant. A vrai dire, je le croirais presque joueur.
J'ai l'impression d'avoir à nouveau neuf ans et d'être sous ma couverture-igloo à essayer de m'inventer des histoires. Sauf que cette fois-ci, mon ami imaginaire me répond et accepte de jouer avec moi.

- Je suis bien Bélier.

Et toc. J'ai un flair pour ça, coco.

- Mais je préfère me considérer comme Poignard, selon l'astrologie arabe. J'en apprécie davantage l'ironie, à défaut d'en accepter la niaiserie.

Ma bouche fait un rond de surprise. J'adore creuser l'astrologie, et souvent quand j'évoque une astrologie étrangère, mes interlocuteurs ne connaîtront que les signes chinois. Mais c'est la première fois que quelqu'un a autre chose à me répondre dans ce domaine. Bien que je ne sois encore qu'à la phase de la découverte - ou de la fascination - concernant l'astrologie arabe, je suis ravie.
Sous mes doigts glacés, je sens ma joue se réchauffer.
Je suis particulièrement réactive vis-à-vis des signes lunaires - je les préfère aux solaires, mais je les trouve bien trop nuancés pour réussir à les reconnaître comme j'y arrive avec les solaires - que les signes arabes, mais soit. Un poignard donc ? C'est cohérent. Selon mes recherches, un Poignard est brutal, agressif. Mais on lui trouve la loyauté et l'ambition comme qualité. Cela fait écho au Bélier.

- C'est presque la même chose. C'est juste une question de préférence.

Quant à moi, je sais que je ne suis pas particulièrement fan de la Fronde, le jumeau arabe du Verseau. A part l'aspect individualiste qui me correspond globalement.
Mais revenons à mon personnage d'une pièce de théâtre du XVI ème siècle. Il est éloquent lorsqu'il s'y met. Je note qu'il a cet aspect bavard lorsqu'il parle de lui-même. Je ne pense pas qu'il serait avide de questions me concernant. Mais c'est normal, c'est un Vicomte.
Le coude posé sur la table, ma main soutenant mon menton, je suis à l'écoute. Espiègle, je laisse une risette prend le contrôle de ma mâchoire.

- Dis-moi Poignard, combien de dos as-tu planté ?

Je ne sais pas vraiment si ma référence à l'expression "planter un couteau dans le dos" est claire, mais j'imagine que cela fait de moi un être mystérieux. Ou loufoque. Je laisse Monsieur Sir Votre Altesse Royale Graham choisir l'option qu'il préfère.

- Avec ton caractère instable, tu as sûrement fais des saletés. Je ne te juge pas, mes propres mains sont souillées. Et tu as le droit de te taire. Mais bon, on est quand même deux solitaires à la bouche cousue. Ça peut être sympa parfois de tout découdre.

Me voilà rêveuse. Me revoilà enfant. Me revoilà joueuse. Mais me voilà accompagnée dans une nuit d'insomnie et d'ennui.





Eizenija Vitols
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) Ya38Fiche personnage : Son histoireEspace personnel : Sa p'tite vie persoGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 12/09/2010Age : 35
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Sam 22 Juin - 23:47
Au Regard de la NuitEizenija


Eugénia changea de regard devant les yeux scrutateurs de Victor Graham. Elle sembla...Rougir ? Perdre de son insolence, du moins. Bien sûr, elle conservait ce petit air malicieux et agaçant qui semblait faire partie intégrante de son irritante personne, mais Victor eut la satisfaction de lire de la surprise sur son expression devant la culture générale du marquis. Il arqua un sourcil. Pourquoi s'étonnait-elle des connaissances du Docteur Graham : n'était-il pas le plus cultivé de cet institut ? A moins qu'elle ne soit juste étonnée qu'il ne daigne lui répondre ? Oui c'était probablement cela. Victor lui-même en était surpris, à vrai dire.

En tout cas, le marquis semblait faire de l'effet à la jeune femme, dont les joues rosissaient à vue d’œil. Victor eut un nouveau rictus vaniteux en songeant à l'effet dévastateur de son propre charisme. Peut-être allait-il pouvoir tirer quelque chose de cette conversation, finalement. Eugénia semblait, cependant, un peu jeune pour lui - elle avait, quoi, vingt-cinq ans ? Le marquis n'avait rien contre faire la cour à quelques jeunes femmes de temps en temps, d'autant qu'il ne vivait plus avec sa propre épouse, mais il n'allait toutefois pas s'abaisser à courtiser une gamine.

Quoiqu'elle avait quelques charmes, avec sa longue chevelure claire et son air mutin, Victor devait bien l'admettre. Plus ou moins consciemment, il se redressa sur sa chaise pour se donner meilleure prestance, bien qu'il y soit déjà droit comme un i.

- C'est presque la même chose. C'est juste une question de préférence, finit par répondre l'infirmière.

Elle parlait du "Poignard", évidemment. Victor eut une moue désapprobatrice.

-Je désapprouve, rétorqua-t-il posément. L'astrologie des armes associe la vie à un combat, là où l'astrologie occidentale ne se base que sur le bon vouloir des étoiles. Evidemment, le concept même de l'astrologie ne repose que sur des superstitions de bas-étage, mais quitte à me fier à ces niaiseries, je préfère que ma grandeur me soit restituée dans une connotation guerrière.

Son ton avait été incisif, ne laissant pas la place à une quelconque protestation - qu'il n'aurait de toute manière pas écouté. Le marquis s'apprêtait à prendre une nouvelle gorgée de son thé, qui refroidissait lentement, quand Eugénia le surprit encore à sauter sur un nouveau sujet comme une puce mal éduquée :

-Dis-moi Poignard, combien de dos as-tu planté ? Avec ton caractère instable, tu as sûrement fais des saletés. Je ne te juge pas, mes propres mains sont souillées. Et tu as le droit de te taire. Mais bon, on est quand même deux solitaires à la bouche cousue. Ça peut être sympa parfois de tout découdre.

Victor se raidit sur l'anse de sa tasse. Le sujet, en lui-même, n'était pas sujet de quelconques remords ou embarras, mais le marquis avait pris l'habitude de ne pas en parler. Mary lui disait qu'il valait mieux éviter de faire remonter de mauvais souvenirs à la surface, et qu'inconsciemment, Victor faisait preuve de décence en laissant au passé ses traînées ensanglantées. Mais Mary n'était pas là et Mary n'était qu'une sotte.

Le Docteur Graham passa une main pensive dans sa chevelure poivre et sel ramenée vers l'arrière, et il eut soudain l'envie de jouer avec Eugénia, puisqu'elle jouait déjà avec lui. Après tout, il n'avait pas fini son thé, et cette empêcheuse de tourner en rond ne faisait pas mine de s'en aller, attirée par l'incroyable aura du merveilleux marquis comme un papillon par une chandelle. Alors, autant rendre cette conversation moins inintéressante, et voir ce que la jeune femme avait dans le ventre.

-Si j'avais quelque chose à découdre, très chère, ce ne serait pas avec toi, déclara finalement Victor d'un ton sarcastique, reportant ses yeux d'émeraude tranchante dans le lac glacée du regard d'Eugénia. Néanmoins, je n'ai pas non plus de raison de me taire, et je suppose que je peux te faire la faveur d'une réponse, alors je vais te prendre au mot.

D'un geste élégant, il défit son luxueux bouton de manchette gauche et remonta la manche de sa chemise pour dévoiler une épaisse et ancienne cicatrice qui barrait son avant bras d'une teinte rosée, presque effacée. La marque était irrégulière et étroite, mais profonde et ferme.

-J'étais médecin de guerre. Evidemment, j'ai dû planter de nombreux poignards, comme tu le dis toi -même, énonça-t-il sur ce ton calme et pourtant rodé de tous les bons conteurs. D'autres, également, ont tenté de faire de même. C'est un soldat ennemi qui m'a fait cette cicatrice avec une dague rouillée : j'ai dû l'achever avec mon couteau avant qu'il ne me dépèce.

Il y avait une once de fierté dans les paroles de Victor, qui derrière son masque d'impassibilité, bouillonnait aux souvenirs de ses jeunes années. Ses yeux se perdirent dans l'ardeur qui les consumait.

-Mais je suis un médecin avant d'être un soldat. J'ai donc davantage sauvé de vies que je n'en ai pris, contrairement à ces idiots de fantassins. Et les vies que j'ai dû prendre, je l'ai fait avec honneur : jamais dans le dos, et toujours au nom de la Science, autant que possible bien entendu.

C'était presque la vérité. Victor avait torturé de nombreux hommes pendant la guerre, et il n'en avait rien tiré de scientifique. Mais il avait rarement dû achever ses victimes, et il n'avait jamais commis pareils actes sans en avoir reçu l'ordre de ses supérieurs. A ce souvenir, son orbite vide le brûla, et le marquis dût user de toute sa discipline de fer pour ne pas se frotter l’œil - ou du moins la prothèse.

Victor remit en place sa manche dans un léger silence, puis jeta un petit coup d’œil à son interlocutrice, guettant sa réaction : était-elle un de ces coqueberts effarouchés ou avait-elle autant de tripes qu'elle le prétendait ? Il fallait bien mériter l'intérêt du Marquis de Graham, après tout.

Victor Graham
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Eizenija VitolsInfirmière
Jeu 27 Juin - 19:42

Lundi 3 Juin 2019 - Verseau

Ne vous tuez pas au travail, quelqu'un d'autre s'en chargera pour vous.

Au regard de la nuit





- Si j'avais quelque chose à découdre, très chère, ce ne serait pas avec toi.

Il a beau toucher ma corde sensible avec son "très chère", il vient surtout de me clouer le bec. Quel connard. Il gâche mes rêves. Moi qui ne tenais déjà plus en place à l'idée de découvrir le lourd passif du Vicomte Royal et Docteur le Merveilleux Victor Graham, je suis déçue. Je lui offre ma moue la plus peinée : la lèvre inférieure par-delà la supérieure, et des grands yeux larmoyants qui ne cilleront pas tant que tu ne m'auras pas donné ce que je veux.
Il tombe son regard dans le mien, et j'ose à croire que mon visage affligé est la raison pour laquelle il reprend :

- Néanmoins, je n'ai pas non plus de raison de me taire, et je suppose que je peux te faire la faveur d'une réponse, alors je vais te prendre au mot.

"Me faire la faveur". Je comprends maintenant mieux pourquoi la pièce semble si petite. Ce n'est pas à cause de la taille physique de Victor, mais plutôt de celle de son égo. Ça ne m'étouffe pas pour autant. Au contraire, j'ai encore du mal à me cacher lorsque je pouffe. Je comprends pourquoi je n'ai pas encore fui. J'aurais pu me barrer. Après tout je viens de voir qu'il est égocentrique, sarcastique, et il m'a lui-même approuvé lorsque je l'ai deviné violent. Mais il est naturel. Il ne cache pas ses défauts. Aujourd'hui on se camoufle les imperfections sous du fond de teint et à travers une hypocrisie générale. Docteur Graham a l'air de n'en avoir rien à cirer de l'opinion des autres à son sujet, et c'est pour ça que je ne suis pas étouffée par son aura. En fait, j'ose même croire que c'est une bouffée d'air frais.
Moins impétueuse et plutôt calmée, je suis désormais à moitié affalée sur ma table : seule ma main soutenant mon menton m'empêche de tomber. Tout doit avoir l'air de chuter chez moi actuellement : ma chevelure, ma blouse, mon amour-propre. Fascinée, je le regarde déboutonner sa manche et la relever. J'admire une cicatrice qui n'a pas encore blanchie et qui pourtant se fait discrète, s'effaçant presque.

- J'étais médecin de guerre. Evidemment, j'ai dû planter de nombreux poignards, comme tu le dis toi -même; D'autres, également, ont tenté de faire de même. C'est un soldat ennemi qui m'a fait cette cicatrice avec une dague rouillée : j'ai dû l'achever avec mon couteau avant qu'il ne me dépèce. Mais je suis un médecin avant d'être un soldat. J'ai donc davantage sauvé de vies que je n'en ai pris, contrairement à ces idiots de fantassins. Et les vies que j'ai dû prendre, je l'ai fait avec honneur : jamais dans le dos, et toujours au nom de la Science, autant que possible bien entendu.

J'ai manqué d'éclater de rire lorsqu'il prononça sa première phrase. Pas un éclat moqueur, ou comme lorsqu'on rit à une blague. Mais plutôt en guise de réaction de surprise. Mais j'ai été tellement prise par son récit que je n'ai pas su laisser un son sortir. Je l'ai écouté si fort que j'en ai oublié de respirer. Ou plutôt, je voulais inconsciemment qu'aucun son, pas même celui de mon souffle, n'interrompe le conte.
Je laisse un silence planer. Il ne me déçoit pas, le bonhomme. Il est vraiment à part. Il ne pouvait pas être comme Elpida qui torture psychologiquement ses patients ou Ange qui bute une adolescente. Non, monsieur a vécu une autre vie. Monsieur a fait la guerre, la vraie.
Je finis par me redresser et m'étire longuement en lâchant un petit gémissement. Je bats des cils. L'ambiance a changé. L'heure n'est plus à la frime ou aux taquineries. On est sur quelque chose de plus sincère. Je me dit que c'est moi qui guide la conversation depuis tout à l'heure et que je suis celle qui a permis cette atmosphère apaisante. Moi aussi j'ai mon égo.

- "Et toi ?"

J'ai dessiné des guillemets dans les airs, alors je laisse retomber mes mains sur la table. Ma position n'est plus confortable, alors je change de jambes. En bougeant, j'effleure le bout de la chaussure de Victor. Involontairement mais tout de même de mon initiative. Un effleurement comme lorsque j'ai touché du bout des doigts son histoire.

- Enfin, je ne sais pas si tu parles français, mais je suis persuadée que tu aurais tendance à dire "et vous ?", dis-je dans un sourire en prononçant le "et vous" dans la langue du pays qui m'a accueilli pour mes études. Je t'ai dit que mes mains étaient souillées aussi et tu n'as ni la curiosité, ni la politesse, de me demander ce qu'il en était de mon côté. Et tu sais quoi ? Ça ne me dérange même pas.

J'ai soif, mais mon verre est vide. Je le repousse du bout de l'index. J'ai faim également, maintenant. Je grignoterais bien quelque chose. Je ne sais pas encore quoi. J'hésite entre un paquet de chips et une salade de riz. Peut-être qu'il y a des restes du dîner quelque part. Ça m'éviterait de cuisiner. Est-ce que je pourrais manger un gâteau au chocolat avec Victor devant une série de Netflix ? L'image est tordante. Impossible que cela arrive un jour, j'en suis certaine.
Je fais reculer ma chaise et me lève.

- Faim ? Si tu as travaillé autant que moi cette nuit, tu dois être affamé. Je vais voir s'il y a des restes. Je te laisse me suivre et me raconter si tu as quand même une passion dans tout ça.

Entre-temps j'ai déjà avancé vers la cuisine. Je lui tourne le dos. Ce n'est pas très poli. Je tourne juste légèrement la tête vers Victor. Dans la pénombre, seuls ses yeux verts brillent. A cette distance, il n'est plus qu'une silhouette énigmatique.

- J'veux dire c'est quand même drôlement sombre tout ça. J'espère pour toi qu'il y a du positif. Une femme, des parties de foot ou que sais-je ? T'es plein de surprises. Et ça tombe bien, j'adore ça.

Je lui adresse un clin d’œil espiègle avant de me diriger vers la cuisine. S'il me suit tant mieux, s'il reste là-bas tant pis. Je mangerais en face de lui. Et s'il est parti ... Je le retrouverai et le hanterai jusqu'à la fin de ses jours.




Eizenija Vitols
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) Ya38Fiche personnage : Son histoireEspace personnel : Sa p'tite vie persoGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 12/09/2010Age : 35
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Dim 30 Juin - 22:53
Au Regard de la NuitEizenija


Entre les mains de Victor, son thé refroidissait et diminuait en quantité au fil de ses gorgées. L'amertume du Earl Grey emplissait sa bouche et flattait délicieusement son palais, effaçant les brumes de lassitude qui menaçaient de planer dans l'esprit aiguisé du Marquis de Graham. Ainsi, ce dernier demeurait vif malgré l'heure tardive, fixant son interlocutrice avec son intensité coutumière. Eugénia semblait avoir perdu de son impertinence au fil du récit de Victor, l'observant avec une attention ardente qui satisfaisait grandement le marquis. Il n'était guère surpris : son passé et son éloquence n'étaient plus à remettre en question. Néanmoins, il aimait voir l'insolente infirmière le réaliser en temps réel devant ses yeux. Un sourire arrogant releva légèrement la commissure de ses lèvres.

- "Et toi ?"

Le rictus se crispa immédiatement tandis que Victor arquait un sourcil, observant Eugénia imiter les guillemets de sa phrase à l'aide de ses doigts. Comment diable faisait-elle pour sans cesse le surprendre dans ses réactions ?

-Et toi ? répéta-t-il sans comprendre, caustique.

Cet élan goguenard fut également crispé tandis qu'un délicieux effleurement vint se perdre contre sa propre jambe. Victor cilla imperceptiblement, coi l'espace d'un instant. Il avait bien senti que son charme fonctionnait sur la jeune femme, mais il ne s'était pas attendu à ce qu'elle en témoigne de cette manière.

Cela n'était pas pour lui déplaire.

- Enfin, je ne sais pas si tu parles français, mais je suis persuadée que tu aurais tendance à dire "et vous" ? continua malicieusement Eugénia en usant de la langue de Molière sur ses derniers mots. Je t'ai dit que mes mains étaient souillées aussi et tu n'as ni la curiosité, ni la politesse, de me demander ce qu'il en était de mon côté. Et tu sais quoi ? Ça ne me dérange même pas.

Victor prit une gorgée de thé tiède, insensible aux réflexions de la jeune femme. Il balaya cette déclaration d'un revers de main sévère mais eut un mince sourire sarcastique. Sans qu'il ne s'en rende compte, le marquis se déridait légèrement sous l'attitude espiègle de la jeune femme, dont il tolérait davantage la compagnie maintenant qu'elle se faisait moins irrévérencieuse.

-Ma curiosité est difficile à conquérir, répondit-il. Je ne vais tout de même pas te poser la question alors que ta réponse ne m'apportera rien.

Il ne rebondit pas sur le fait qu'Eugénia ait parlé français, non seulement parce qu'il parlait lui-même couramment français et qu'il estimait que quiconque ayant bénéficié d'une bonne éducation devrait faire de même, mais aussi parce qu'il n'aurait pas vouvoyé la jeune femme : le vouvoiement était réservé à ceux qu'il respectait ou avec qui il entretenait une relation professionnelle, ce qui n'était pas le cas actuellement. Victor ne répondait pas avec respect à ceux qui n'en faisaient pas preuve.

Il était un gentleman, mais il avait ses limites.

Eugénia se leva sous le regard inquisiteur du marquis. Maintenant qu'elle était debout, elle le dépassait légèrement, et Victor eut une splendide vue sur ses vêtements dénués d'élégance. Même dans sa manière de s'habiller, la jeune femme était insolente. Victor en aurait presque été admiratif, s'il n'était pas aussi réprobateur de ce genre d'attitude et de choix vestimentaires. Au moins, cela avait l'avantage de mettre en avant ses courbes fines et son teint pâle que Donatien Elpida lui enviait surement.

-  Faim ? demanda-t-elle en commençant à s'éloigner. Si tu as travaillé autant que moi cette nuit, tu dois être affamé. Je vais voir s'il y a des restes. Je te laisse me suivre et me raconter si tu as quand même une passion dans tout ça.  J'veux dire c'est quand même drôlement sombre tout ça. J'espère pour toi qu'il y a du positif. Une femme, des parties de foot ou que sais-je ? T'es plein de surprises. Et ça tombe bien, j'adore ça.

Victor la fixa tandis qu'elle s'éloignait dans l'obscurité, s'attardant sur sa démarche chaloupée, puis jeta un regard à sa tasse bientôt vide. Il devait bien admettre avoir légèrement faim, mais il n'avait aucune envie de déguster les restes de ses prédécesseurs. Il méprisait cette simple idée, de même que celle de suivre Eugénia comme un vulgaire clébard. Le marquis se redressa donc et savoura les dernières gorgées de son thé, profitant du silence que l'infirmière laissait derrière elle. Même si la compagnie de la jeune femme n'était pas aussi désagréable que Victor l'avait tout d'abord estimé, elle n'en était pas moins encombrante. Néanmoins, quand sa tasse fut vidée, le Docteur Graham rechigna à quitter la salle sans un mot. Ce serait si malvenu de partir sans un mot, n'est-ce pas ? Surtout pour une audience attentive et séduisante.

Il se leva donc et en profita pour retirer sa blouse qu'il posa sur son épaule, lissant son costume avec une précision maniaque.  Songeant qu'il s'était suffisamment fait attendre, il rejoignit la jeune femme dans la cuisine. Par la fenêtre, la nuit était d'une obscurité poisseuse, langoureuse, un vent doux giflant les arbres avant de venir frapper les carreaux du couloir. L'ambiance était étrange, Victor en avait la sensation. Il s'en désintéressa pourtant pour reporter son attention sur Eugénia, dos à lui. Victor la dominait par sa taille, même malgré la distance, et il s'aperçut qu'il n'avait jusqu'alors pu la toiser qu'en position assise. Une odeur de malbouffe parvint à ses narines et il eut une expression dégoûtée.

-Hippocrate disait : "Que ton aliment soit ta seule médecine". Je doute qu'avec cette nourriture ta santé soit assurée, très chère, fit-il remarquer d'un ton où se mêlaient désapprobation et sarcasme.

Victor jeta un regard dédaigneux à la pièce. Il n'y était jamais allé avant, et il s'était attendu à un matériel plus obsolète, mais il semblait bien qu'à défaut d'être à la pointe de la technologie, l'équipement de cuisine était moderne et propre.  Le marquis croisa les bras, inclinant la tête sur le côté tandis qu'il observait plus en détail les lieux, puis il alla à l'encontre du frigidaire qu'il ouvrit avec un sans-gêne des plus aristocratiques. De nombreux ingrédients, légumes et féculents, attendaient d'être utilisés. Ils semblaient frais, ce qui aviva l'intérêt du Docteur Graham. Ce dernier était habitué à être servi par des domestiques, mais l'armée lui avait appris à se débrouiller, de même que sa femme, qui n'était pas la plus servile des épouses. Victor finit par craquer à l'idée d'un repas, et il estima qu'un plat qu'il aurait lui-même cuisiné ne pouvait qu'être de bonne qualité - cuisiner était certes une tâche ingrate, c'était toujours préférable à se sustenter des restes d'autres êtres humains. Sans plus attendre, il se saisit donc de quelques tomates, oignons, olives et d'une boîte d'anchois, dans le but de faire une salade niçoise comme sa fille les adorait autrefois - même si c'était le chef de son manoir qui cuisinait, à l'époque. Il lâcha nonchalamment :

-Puisque tu m'as posé la question, sache que j'ai été marié, chose qui n'a pas été ton cas je pense puisque tu sembles peu encline aux bons repas. Assieds-toi et laisse-moi faire : il est hors de question que je laisse quiconque souiller mes sens en se nourrissant d'une telle nourriture en ma présence. Autrement, tu peux toujours quitter la pièce.

En terminant sa phrase d'un ton strict et autoritaire, il déposa ses aliments sur le plan de travail.

Victor Graham
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Eizenija VitolsInfirmière
Jeu 4 Juil - 22:15

Lundi 3 Juin 2019 - Verseau

Ne vous tuez pas au travail, quelqu'un d'autre s'en chargera pour vous.

Au regard de la nuit




J'arrive seule dans la cuisine, soudainement démotivée. C'est toujours la même chose lorsque je fais face à un frigo. Le vide. J'ai beau avoir l'envie de m'atteler au travail d'un bon repas, je suis épuisée rien qu'en m'imaginant casser un oeuf - littéralement, je ne suis pas fichue de les fissurer convenablement, il faut toujours que j'ai le jaune sur la paume de main et des bouts de coquille dans la poêle. Mon truc à moi c'est plutôt regarder ceux qui cuisinent pour moi. J'adore me lever du canapé en geignant, énervant tant Angie qu'elle me pousse pour me préparer mes tartines beurre-confiture. Ses formes qui débordent du tablier, ses fesses qui remplissent sa culotte en dentelle et sa tâche de naissance qui grimpe sur son mollet comme du lierre sur une façade de maison.
Immobile au milieu de cette pièce cafardeuse, je me rends compte que j'ai complètement occulté Angie de ma vie pendant plusieurs heures. Elle est revenue à moi lorsque j'eus fini mon travail, mais le livre que je lisais - ou plutôt l'histoire que me contait Sir Victor - m'avait bien trop absorbé pour que je pense à elle.
J'éprouve une pointe de culpabilité. Je me presse de lui envoyer un texto mielleux avant d'ouvrir le frigo. Je n'ai franchement pas le courage. Dommage que mon compagnon nocturne ne m'ait pas suivi, il m'aurait été un parfait domestique. J'aurais aimé le voir hors de son cadre de noble, avec ses manches retroussées et un tablier noué au tour de la taille.
La lumière du frigo m'aveugle. Je m'étais visiblement habituée à la pénombre. Je prends une assiette d'une salade de riz, ferme la porte, me retrouve à nouveau dans une semi-obscurité, et met mon assiette au micro-ondes. Pendant que le ronronnement de la machine comble le vide, je repense à ce que m'a dit Victor plus tôt :

- Ma curiosité est difficile à conquérir. Je ne vais tout de même pas te poser la question alors que ta réponse ne m'apportera rien.

Étonnement, ça me fait sourire. S'il est encore là quand mon assiette aura fini de chauffer, j'irais lui montrer qu'il a tout à gagner en étant curieux à mon sujet. Les Poignards, franchement, de vraies plaies, mais tellement fascinants. Heureusement que je ne me vexe pas facilement, car ce genre de remarque aurait pu me faire prendre la mouche.
Il ne reste plus que dix secondes au micro-ondes pour finir son travail quand ça me frappe : une salade de riz. Que je fais réchauffer. Putain.
Blasée, je laisse le décompte aller jusqu'à son terme. L'arrêter avant ne servirait pas à grand chose. Puis je sors l'assiette et la laisse sur le côté, dépitée. Je passe une main dans ma frange, sur mon crâne, rabattant mes mèches en arrière.

- Hippocrate disait : "Que ton aliment soit ta seule médecine". Je doute qu'avec cette nourriture ta santé soit assurée, très chère.


Cette voix dans mon dos m'arrache un sourire qui n'a plus rien à voir avec celui que j'avais bien pu afficher jusqu'ici. Je ne sais pas s'il sert ses "très chère" à tous ceux qu'il croise, mais ça me change radicalement d'état d'esprit.

- Et McDo dit "Venez comme vous êtes". Laisse-moi manger ce qui me ressemble.

Je baisse les yeux vers mon assiette et grimace. Ce plat qui a été victimisé n'est pas le reflet de ce que je suis. J'ai du mal à me reconnaître en ce maïs éclaté et cette vinaigrette qui dégage une odeur repoussante.
Je fais lentement volte-face. Il est vraiment là, je n'ai pas imaginé sa voix. Bien qu'il ait la même posture absurde assis et debout, il semble changé. Il a ôté sa blouse, alors il est tout de suite animé d'un tout autre cachet. Il s'est débarrassé de ce qui fait de nous des collègues, alors moi aussi je laisse ma blouse de côté. J'en oublie que ma chemise est sans manches. L'air est peut-être tiède et lugubre, j'en frissonne pas moins. Je laisse mon corps s'habituer à la nouvelle température, puis pose mes mains sur un plan de travail auquel je tournais le dos. Je prends appui et me soulève - non sans un ou deux battement de jambes maladroits - afin de m'asseoir. Ainsi, Victor me semble moins grand. Quoique, je dois encore tordre mon cou pour essayer de croiser ses yeux. A chaque endroit où il se pose, ce type prend toute la place.
Et comme s'il avait lu dans mes pensées tout à l'heure - ce qui est sûrement la raison de pourquoi il fut si long à me rejoindre, la télépathie c'est tout de même éreintant -, il se met à cuisiner. Pour une fois je me tais et je laisse le silence faire son travail. Il cuisine à côté de moi alors j'ai juste à tourner ma tête pour le voir faire. Je m'attéle donc à une de mes activités préférées : observer activement quelqu'un cuisiner pour moi.
Il garde son élégance qui lui est propre quand il tranche les tomates. Plusieurs odeurs me parviennent et m'enivrent. Tout ça m'a l'air délicieux. Tout est doux, tout est calme, tout est relaxant. Je sue moins des mains et j'ai moins envie d'embêter Victor. Je veux juste profiter de ce moment en dehors des courses dans l'Institut et de la pression de l'emploi. C'est un autre moment dans un autre endroit, au plein de cœur de là où mon ami imaginaire veut me guider.

- Puisque tu m'as posé la question, sache que j'ai été marié, chose qui n'a pas été ton cas je pense puisque tu sembles peu encline aux bons repas. Assieds-toi et laisse-moi faire : il est hors de question que je laisse quiconque souiller mes sens en se nourrissant d'une telle nourriture en ma présence. Autrement, tu peux toujours quitter la pièce.

La Eizenija de tout à l'heure aurait sûrement voulu tester ce géant barbu en s'en allant. Elle serait revenue le lendemain, l'aurait croisé "par hasard" et aurait découvert sa réaction. Mais la salade est posée à côté de moi, et j'ai envie de la goûter.
En me disant d'aller m'asseoir, je suppose qu'il voulait que j'aille me mettre à table. Mais je suis bien plus à l'aise sur mon îlot. Les jambes dans le vide, à les balancer comme si j'avais trois ans et qu'en dessous de moi : plus rien. Je me saisis de l'assiette et d'une fourchette.

- Celle-la, je vais éviter de la faire chauffer.

Je suis espiègle par rapport à ma propre bêtise de tout à l'heure. Je prends une première bouchée en repensant à ce que Victor vient de me dire. Il a donc été marié ? Quelle pauvre femme a bien pu dire oui à un pareil homme ? Peut-être qu'il a encore une autre vie. Il a eu celle de médecin de guerre, il a celle d'ophtalmologue actuellement ... Qui sait qui il a pu être pour qu'une cinglée ait bien voulu l'épouser ? Avec une barbe pareille, je paries qu'il a été bûcheron par le passé.
En tout cas, c'est plutôt bon ce que je mange-là. Ce n'est pas ce que je préfère, mais ça a bon goût. Et ça me sauve de mon erreur de tout à l'heure.

- Tu sais, tu es vraiment exécrable. Mais vraiment.

Il est à côté de moi, je ne le regarde pas. J'ai le nez dans mon assiette.

- Tu penses sûrement que tu vaux mieux que moi alors que tu ignores presque tout de moi. Tu es impétueux et violent - bien que ça, je ne l'ai pas encore vu. Tu te la joues avec tes airs pompeux, tu te penses sûrement le nombril du monde et ton égo nous étouffe tous. Je comprends qu'on puisse te retrouver seul dans le réfectoire à une heure pareille.

Je prends encore une bouchée, puis tends l'assiette vers mon cuisiner, comme pour lui en proposer. Je ne vais pas être la seule à me régaler, tout de même !

- Mais ...

Je regarde le mur en face de moi. Un rayon de lumière lunaire a traversé la fenêtre et un carré clair éclairci le papier peint en face de moi. Je laisse flotter la fin de ma phrase. A lui de compléter par ce qui arrangera le mieux son égo.
Finalement je me détache de ma contemplation et essaie de trouver les yeux de mon interlocuteur. Mais il est trop grand, et j'ai beau être plus haute que lorsque j'étais sur ma chaise, je n'en reste pas moins quelqu'un de moins imposant.
Ni une, ni deux, je retire mes chaussures et me met debout sur la plateforme du plan de travail. Je le dépasse enfin. Je me sens plus confiante qu'à l'ordinaire alors je gonfle la poitrine et n'hésite pas à faire face à Sir Victor. Je lui souris de toutes mes dents.

- Avant que tu ne fasses la remarque : je sais, c'est pas hygiénique, bla bla bla. Mais la vue de là-haut est impressionnante. Toi tu connais, mais je te jure que quand sait pas, on a la sensation de ... D'être tout puissant.

Les poings sur les hanches, je lui tire la langue avec malice. En effet, je suis redevenue une enfant.

Eizenija Vitols
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) Ya38Fiche personnage : Son histoireEspace personnel : Sa p'tite vie persoGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 12/09/2010Age : 35
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Lun 8 Juil - 14:25
Au Regard de la NuitEizenija


Cuisiner était facile. Victor savait manier un couteau de cuisine, et s'il n'avait pas l'aisance d'un chef, il avait la dextérité d'un ancien soldat et d'un excellent médecin. Les légumes succombèrent sous sa lame, le saladier se remplit. Il ne restait plus qu'une sauce vinaigrette, pour laquelle Victor devait admettre ne pas être certain du dosage, et la salade était prête ! L'odeur piquante réveilla l'appétit du marquis, satisfait de son œuvre, comme toujours. Il posa le plat sur la table de la cuisine, jetant un regard critique en direction d'Eugénia qui n'avait pas quitté la salle mais était demeurée assise sur le plan de travail, le regardant faire avec une avidité dont il s'enorgueillissait. Sans se presser malgré son agacement, Victor se saisit de couverts et de deux assiettes, leur servit chacun une belle part de salade, puis tendit galamment une des assiettes à la jeune femme qui la saisit avec quelques mots amusés mais aucun remerciement. Victor ne releva pas son ingratitude, cela semblait aller avec le manque de savoir-vivre dont elle témoignait. Pour sa part, Victor envisagea de retourner s'asseoir dans le réfectoire, mais il n'avait point l'envie d'avoir cuisiné un plat pour simplement le laisser là entre les mains de l'impolie infirmière.  Il s'appuya simplement contre la table et jeta un regard scrutateur à son plat : il n'aimait guère manger avec un service de table qui n'était pas le sien, mais il s'était habitué à vivre hors du luxe qui l'avait façonné. Il savait s'accommoder de tout, et il avait l'élégance qui lui permettait de manger debout tout en ayant l'air le plus aristocratique possible.

- Tu sais, tu es vraiment exécrable. Mais vraiment.

Victor arqua un sourcil. Les mots de la jeune femme avaient manqué de l'interrompre alors qu'il s'apprêtait à goûter la salade, qui se révéla bonne, sans atteindre la qualité de celle cuisinée par le chef de son manoir.

-Tu penses sûrement que tu vaux mieux que moi alors que tu ignores presque tout de moi, continua Eugénia sans le regarder. Tu es impétueux et violent - bien que ça, je ne l'ai pas encore vu. Tu te la joues avec tes airs pompeux, tu te penses sûrement le nombril du monde et ton égo nous étouffe tous. Je comprends qu'on puisse te retrouver seul dans le réfectoire à une heure pareille.

Victor s'interrompit dans sa bouchée et fronça les sourcils. Il n'était pas vexé par les propos d'une femme qu'il estimait peu, il fallait bien plus que cela pour atteindre son ego démesuré.  En revanche, il sentit l'irritation monter en flèche dans sa poitrine devant l'irrespect dont continuait à faire preuve l'infirmière, même après que le marquis lui ait gracieusement préparé une nourriture digne ce nom. Il la toisa, soupirant pour faire passer l'exaspération qui l'empêchait de profiter de son repas. Il reposa son assiette pour croiser les bras - manger debout ne lui plaisait décidemment guère . Bien qu'il n'accordait que peu de crédits à de telles diffamations, le marquis ne laissait pas ses pairs l'insulter impunément.

-J'ai connu pires insultes, railla-t-il froidement. Tu ignores de qu-...

-Mais...l'interrompit alors la jeune femme en relevant ses yeux de glace et en lui tendant vainement son assiette, s'attendant naïvement à partager la même assiette qu'un marquis.

Victor pinça les lèvres, déstabilisé, et il n'aimait pas cette sensation. C'était décidément  un talent bien à elle : celui de prendre le marquis au dépourvu. Qu'avait-elle derrière la tête ? Essayait-elle d'énumérer de prétendus - et faux - défauts du marquis parce qu'elle n'osait pas aborder ses nombreuses qualités ? Peut-être était-elle timide au fond. Victor eut un sourire arrogant à cette pensée.

Sous ses yeux, il aperçut alors la jeune femme se mettre debout sur le plan de travail, pieds nus, un air béat sur le visage. Victor cilla. Là, il n'était plus déstabilisé ou irrité : il était effaré. Mais quel diable occupait dont l'esprit de cette femme là ??

- Avant que tu ne fasses la remarque, s'exclama fièrement Eugénia, Je sais, c'est pas hygiénique, bla bla bla. Mais la vue de là-haut est impressionnante. Toi tu connais, mais je te jure que quand sait pas, on a la sensation de ... D'être tout puissant.

Victor cilla à nouveau, ses traits d'ordinaire sévères troqués au profit d'une sincère stupéfaction. L'absurde de la situation éloignait de lui son agacement et son arrogance, le marquis n'étant pas habitué à avoir affaire avec une pure démente. Il l'observa quelques instants, puis un sourire naquit derrière sa barbe grisaillante avant qu'un rire ne s'arrache de ses lèvres fines. Ce n'était pas un éclat d'hilarité ni un gloussement, mais c'était déjà bien plus que ce que la sévérité du Docteur Graham tolérait d'ordinaire, bien que ce rire n'avait pour but que d'évacuer le ridicule de la situation et l'effarement du marquis.

-Tu es aliénée, ma parole ! souffla-t-il en passant une main sur sa bouche et sur sa barbe pour dissimuler ce rire qui lui avait échappé.

La fatigue n'aidait pas Victor à conserver son habituelle attitude indifférente, et le sourire persista sur ses lèvres jusqu'à ce qu'il parvienne à retrouver son sérieux. Sans prévenir, il saisit l'infirmière par la taille et la força à descendre entre ses bras puissants pendant un bref instant de proximité, avant qu'il ne la dépose à quelques centimètres de lui. L'infirmière était si fine que Victor avait l'impression qu'il pouvait la briser entre ses doigts s'il n'y faisait pas attention. Il l'observa avec un air strict  et moralisateur :

-Aussi plaisant soit-il d'observer de haut, tu devrais laisser ce plaisir à ceux qui sont nés avec ce droit. Par ailleurs, je te le confirme : ce n'est pas hygiénique.

Le marquis s'aperçut qu'il avait encore ses mains sur les hanches de la jeune femme, pouvant presque sentir sa peau froide sous le fin tissu qui la recouvrait, et il les retira nonchalamment, presque à regrets bien que la démence et le lunatisme de l'infirmière n'étaient pas vraiment le genre de chose qu'il voulait garder près de lui.

Pour achever de reprendre sa contenance, Victor resserra son nœud de cravate, jetant un regard en biais à leurs assiettes délaissées : le marquis n'avait aucunement l'intention de débarrasser ou de faire la vaisselle. Il refusait de tomber si bas.

Son regard revint vers la femme. Alors qu'il passait sur son corps tout entier, la jaugeant sans chercher à s'en dissimuler, ses yeux d'émeraude étaient encore plus ardents que d'ordinaire.

-Tu es prompte à méjuger un homme, acheva-t-il finalement d'un ton indéchiffrable. Mais si j'étais aussi impétueux que tu sembles l'entendre, ne me serait-ce pas déjà emporté ? Après tout, je ne t'ai pas entendu me remercier pour le plat. As-tu donc un peu de décence derrière ces frêles atours ? Ou ne sais-tu que jouer l'impertinence et la folie ? Car à cela, très chère, tu es la plus piquante des femmes qu'il m'ait été donné de rencontrer.

Dans sa bouche, cela sonnait à la fois comme un compliment et comme un reproche.

Victor Graham
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Eizenija VitolsInfirmière
Mer 17 Juil - 13:55

Lundi 3 Juin 2019 - Verseau

Ne vous tuez pas au travail, quelqu'un d'autre s'en chargera pour vous.

Au regard de la nuit





Des boules de poussière, un trombone et un bouchon de stylo. Voilà ce qu'il y a au dessus du gargantuesque frigo de la cuisine. Des boules de poussière et une trace de doigt : ce qui recouvre le haut du meuble à vaisselle. Des cheveux de la couleur de la poussière au niveau des racines, pas un poux ou une bille de pellicule : le cuir chevelu de Victor est aussi impeccable que lui. Ça ne surprend plus désormais. Evidemment qu'il est classe sur lui jusque dans le détail de sa racine capillaire. J'ai presque envie de voir son côté violent désormais, tester ce qu'il a dans le ventre. Je le vois comme coincé dans un cadre. Fais péter le cadre, Victor.
C'est alors qu'il rit. Enfin je crois. Ça ressemble à un rire. Je baisse les yeux vers lui et il me semble déceler un petit rictus caché dans sa barbe de bûcheron. C'est contagieux comme maladie, le rire, alors ça me fait pouffer un peu aussi.

- Tu es aliénée, ma parole !
- J'ai connu pires insultes, dis-je railleuse, lui renvoyant ce que lui-même m'a dit quelques minutes plus tôt.

Soudain, deux mains me saisissent par la taille. Je n'ai jamais eu d'aussi grands doigts pour m'encercler comme ça - de toute façon tout était petit chez cet incompétent de Magnuss. Ceux d'Angie sont fins et osseux, mais fermes quand ils m'attrapent. Du moins quand ils arrivent à me capturer, car je ne me laisse pas prendre aussi facilement.
Mais Victor a joué la carte de la spontanéité - qui aurait cru qu'il cachait une telle carte dans sa poche ? - et je me laisse faire. Il me fait redescendre et j'ai le cœur qui s'emballe. Pendant quelques secondes je ne touche plus rien. Mes pieds sont dans le vide. C'est la même sensation lorsque les mains d'un plus grand que toi, comme ton père, te soulève dans les airs pour faire l'avion. A nouveau, avec Victor, j'ai neuf ans, six, ou onze. Il me dépose et j'ai encore l'adrénaline qui courent dans mes veines. Ça me chatouille sous la peau et de ce fait j'ai la chair de poule.

- Aussi plaisant soit-il d'observer de haut, tu devrais laisser ce plaisir à ceux qui sont nés avec ce droit. Par ailleurs, je te le confirme : ce n'est pas hygiénique.

Oh, ça y est, il gâche le peu de magie qu'il y avait eu. Le rire, les airs, l'emprise... L'égo vient tout écraser.
Il retire ses mains, et quand quelqu'un comme lui vous lâche, on s'en rend vite compte. L'emprise sur ma taille était si forte que je suis certaine de trouver une marque sur ma peau, dessinée par nos sueurs respectives.
Je soupire. Maintenant les ondes négatives reviennent à la charge, comme la fatigue, la soirée de merde, la chaleur, les relations à distance, les connards qui jettent leur déchet à côté de la poubelle et la faim dans le monde. Je prends une bouchée de salade. Je n'ai plus si faim. Il fait noir, je ne vois pas pourquoi ni moi, ni Victor n'avons allumé. Ça aurait été plus simple pour cuisiner.
Je tourne la tête vers l'évier, un peu pour éviter de regarder Victor, ou que lui ne me regarde avec ma tête ronchon, et re-soupire. La vaisselle. Il y a bien un lave-vaisselle ici, non ? Parce que je ne nettoierai rien.
Je tâte les meubles pour trouver le lave-vaisselle, me penchant en avant, me courbant dans tous les sens. J'en ai mal au dos.

- Tu es prompte à méjuger un homme. Mais si j'étais aussi impétueux que tu sembles l'entendre, ne me serait-ce pas déjà emporté ? Après tout, je ne t'ai pas entendu me remercier pour le plat. As-tu donc un peu de décence derrière ces frêles atours ? Ou ne sais-tu que jouer l'impertinence et la folie ?

Je me tourne vers lui, décontenancée. Il met le point sur une vérité : il ne fait que me confirmer son impétuosité, et je me sais insolente. Le fait que j'ai oublié de le remercier pour le plat n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Et pourtant pas une seule fois j'ai vu une ride de lion, entendu le ton se hausser ou senti un poing taper sur la table.
A moitié penchée sur le lave-vaisselle que je viens de trouver, assez éloignée de Victor, j'essaie de suivre son raisonnement. Quand c'est lui qui mène la conversation, je n'arrive pas à voir le cheminement de sa pensée.

- Car à cela, très chère, tu es la plus piquante des femmes qu'il m'ait été donné de rencontrer.

Je ne cille pas, ne remue pas les paupières, ne respire plus. Je ne sais pas comment le prendre ? Un compliment ? J'ai l'impression. Le corps réagit à l'instinct quand la raison panique. Je ris, gênée. Le genre de petit rire naturel qu'on aimerait bien modifier parce qu'il est trop aigu. Et ça aurait été sympa si le corps s'arrêtait là pour les réactions mais je sens que ça chauffe sur mes joues, et rougir quand on a une peau aussi pâle que la mienne c'est donner l'impression d'avoir des plaques d’eczéma. C'est sûrement pour cette raison que la lumière n'est pas allumée.
Je déglutis bruyamment, parce que je n'avais pas juste oublier de respirer, mais également d'avaler ma salive dont la production a soudainement décuplé. C'est la première fois que moi, miss-réponse-à-tout, n'a pas de réponse.
Je range nos assiettes dans le lave-vaisselle, finalement silencieuse pour une fois. Une fois fait, je fais face à Victor et je remarque qu'il a renoué la cravate qu'il avait pourtant dénouée tout à l'heure. Démunie, je finis par baisser les bras. Autant ne pas le cacher, c'est évident comme tout : il m'a cloué le bec.

- Je ne sais pas quoi te répondre. Est-ce un compliment ? Une insulte ? Et tout dépend du nombres de femmes que tu as rencontré, car si c'est deux, je t'avoue que la compétition n'est pas folle.

Je regarde l'heure sur mon portable. Si on continue comme ça on va voir le soleil se lever. Je n'ai pas besoin de ça. J'ai besoin du noir de la nuit, de sommeil, de remettre mes idées en place. Je reprends mes chaussures et les garde à la main. Je suis étrangement bien avec mes pieds nus. Je poursuis la discussion tout en sortant de la cuisine, une chaussure dans chaque main que je balance avec nervosité.

- Mais merci pour le plat, c'était très bon. Et merci pour ce bout de la nuit aussi, tu es de bonne compagnie finalement.

Je m'arrête de marcher un instant et pose mes deux chaussures à terre. Je me rapproche légèrement de Victor, monte mes mains à sa nuque et desserre légèrement sa cravate. Voilà, là il a l'air moins cadré. Il est exactement comme lorsque je suis entrée dans le réfectoire alors qu'il remballait cette pauvre madame Dubois. Dire qu'il aurait pu passer tout ce moment avec elle au lieu de moi. Ça me fait sourire de l'imaginer lui cuisiner un plat. La soulever dans les airs. Coincer ses doigts dans sa peau fripée.
Après avoir laissé trop de temps mes mains sur son torse, et ayant pourtant fini de desserrer sa cravate depuis un moment, je reprends mes chaussures et un air assuré. Tout sourire, j'adresse un clin d’œil à ce cher Sir :

- Je te raccompagne jusqu'à ta chambre. En guise de ... remerciement ou je ne sais quelle autre connerie.

Bien sûr, je le sens gros comme une maison qu'il va vouloir rester ici, et que je vais trouver une excuse dans ce cas-là pour l'accompagner encore un moment moi aussi. Je ne sais pas, j'ai l'impression d'être encore dans l'histoire de Shakespeare, ou d'un autre auteur. C'est ça, d'être dans un patchwork de pièces de théâtre. Et comme l'histoire est bonne, je n'ai pas envie de tourner la dernière page tout de suite.

Eizenija Vitols
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) Ya38Fiche personnage : Son histoireEspace personnel : Sa p'tite vie persoGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 12/09/2010Age : 35
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Dim 21 Juil - 0:52
Au Regard de la NuitEizenija


Eugénia était dos à Victor, offrant une vue plongeante sur son postérieur alors qu'elle rangeait la vaisselle. Le marquis profita très brièvement de cette vision - il était un homme après tout - avant de vivement reporter son regard ailleurs dans un excès de décence gentleman. Bien que le corps de l'infirmière n'était pas désagréable à regarder, Victor appréciait surtout le léger silence que sa phrase avait laissé flotter. Il se rendit compte que depuis le début de cette entrevue, l'impertinente jeune femme avait toujours ponctué les phrases du médecin de moues insolentes ou de paroles effrontées. Finalement, elle n'était pas aussi intouchable qu'elle aimait prétendre être. Cette pensée arracha un sourire arrogant au marquis, satisfait de retrouver la position de supériorité qui lui était due.

- Je ne sais pas quoi te répondre, finit-elle par déclarer en se retournant. Est-ce un compliment ? Une insulte ? Et tout dépend du nombres de femmes que tu as rencontré, car si c'est deux, je t'avoue que la compétition n'est pas folle.

-Oh, ne t'inquiète pas : la compétition est bien plus large que cela, répliqua Victor en croisant les bras.

La jeune femme s'approcha, chaussures en main. En arrivant au niveau du marquis, elle s'arrêta.

- Mais merci pour le plat, c'était très bon. Et merci pour ce bout de la nuit aussi, tu es de bonne compagnie finalement.

Victor arqua un sourcil, puis d'un geste de main il balaya cette gratitude comme si elle ne l'atteignait pas, quand bien même il était celui qui l'avait requise. En réalité, il aimait être remercié par Eugénia, voir l'impertinence courber l'échine. Lorsqu'elle vint dénouer sa cravate, s'attardant sur le buste musclé du marquis, ce dernier ne bougea tout d'abord pas, la jaugeant de toute sa hauteur, puis il vint interrompre son mouvement en posant ses mains sur les siennes, l'intimant sans un mot à ne pas davantage défaire ce qu'il venait lui-même de nouer. Malgré la moue vaguement sévère qui vint flotter sur son visage, Victor ne chercha pas à éloigner la jeune femme. Sa proximité ne le dérangeait plus, et toutes ses réticences de tantôt commençaient à se dissiper. Elle avait beau être "a pain in the ass", comme disaient ses compatriotes anglais, elle n'en était pas moins charmante, "piquante" comme Victor l'avait lui-même admis. Et il n'y était pas indifférent, la fatigue le rendant moins distant qu'à l'ordinaire. Il aimait en particuliers voir son insolence pencher vers autre chose tandis qu'elle côtoyait le marquis, cela flattait son ego.

Victor aimait voir son égo flatté, presque autant qu'il n'aimait l'ophtalmologie.

- Je te raccompagne jusqu'à ta chambre, déclara Eugénia en s'écartant comme à regrets de l'ophtalmologue. En guise de ... remerciement ou je ne sais quelle autre connerie.

Elle reprit ses chaussures et eut un mouvement pour s'éloigner, mais Victor eut un sourire moqueur.

-Me raccompagner ? répéta-t-il avec une arrogance sarcastique. Allons. C'est au gentleman de raccompagner la donzelle, pas l'inverse. Par ailleurs...

Il lui attrapa le poignet et la ramena sans douceur à lui. Sa poigne était ferme, brutale, et pourtant infiniment délicate, comme un étau de métal bordé de plumes blanches. Le vert des yeux du marquis était d'une ardeur brûlante tandis qu'il plongeait son regard dans les yeux de la jeune femme, et son sourire oscillant entre arrogance et raillerie n'avait rien de tendre. Il avait quelque chose de...Prédateur.

-...Cette rencontre ne se terminera que lorsque je l'aurais décidé. Et je n'ai point le besoin de l'amener à ma chambre pour l'écourter.

Les deux êtres étaient proches désormais, leurs souffles s'entremêlaient tandis que le marquis restreignait les mouvements de la jeune femme entre la plaque de la cuisine et son propre corps, immense. Depuis le début de cette entrevue, Victor sentait le jeu d'égo et de séduction qui flottait dans l'air. Il se demandait jusqu'où la jeune infirmière était prête à le mener. Peut-être était-elle plus effarouchée qu'elle ne le semblait après tout.

Peut-être que le marquis était plus impulsif qu'il ne le pensait. Non. Impossible, évidemment.

Victor inclina la tête sur le côté, jouissant de ce moment de puissance. Il détailla les traits fins de la jeune femme, maintenant qu'elle était aussi proche de lui, et malgré ses imperfections et ses yeux sans intérêt, il lui trouva une certaine beauté dans son teint pâle et ses cheveux fins. Elle était si jeune, si frêle, son corps était si chaud contre le sien...

Le marquis haussa les épaules et s'écarta, retrouvant sa contenance en un éclair.

-Mais peut-être bien devrais-tu y aller, finalement. Ce n'est pas comme si nous avions grand chose d'autre à nous dire, puisque ton histoire ne m'intéresse guère. Et il se fait tard : seules les femmes aux mœurs légères sont de sortie à cette heure-là. Je peux te raccompagner pour éviter toutes confusions, si tu le souhaites.

Victor eut un sourire indéchiffrable à ces mots volontairement provocateurs.

Victor Graham
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
Eizenija VitolsInfirmière
Jeu 25 Juil - 0:28

Lundi 3 Juin 2019 - Verseau

Ne vous tuez pas au travail, quelqu'un d'autre s'en chargera pour vous.

Au regard de la nuit




- Me raccompagner ? Allons. C'est au gentleman de raccompagner la donzelle, pas l'inverse. Par ailleurs...

Je n'ai pas le temps de respirer, de penser, de rétorquer, de me dire que ce cher Graham vit dans un monde où c'est la honte que ce soit la femme qui raccompagne l'homme et que c'est bien triste mais non surprenant venant de lui ; que mon poignet est pris d'assaut. Soudainement, je suis de nouveau proche de Victor. Non, je suis contre lui. La poigne fut si brutale, on aurait dit qu'il refusait de me laisser partir. Pourtant, l’atterrissage n'est pas agressif. Il n'y a aucune intention de me blesser; juste une animalité, un instinct, je ne sais quoi.
Dans l'obscurité flottante je distingue deux lumières vertes. A rester ainsi, se regardant, respirant l'air de l'autre, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose de différent au niveau de ses yeux. Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Et, de toute façon, je suis visiblement dans un état de fatigue avancé pour que je remarque quoi que ce soit de pertinent.

- ...Cette rencontre ne se terminera que lorsque je l'aurais décidé. Et je n'ai point le besoin de l'amener à ma chambre pour l'écourter.

J'hausse un sourcil, aguicheuse. Sans que je ne le contrôle ou ne le prévoit, un sourire malicieux naît sur mes lèvres. Alors on y est. Il y a une ligne, une limite, et on est deux funambules dessus. On s'en rapprochait au fur et à mesure de la nuit et désormais on joue à l'équilibriste sur la frontière du non-retour.
Écrasée contre l'îlot de cuisine, je n'arrive plus à penser. Il y a mon cœur qui bat dans mes tempes, pulsé par l'adrénaline. Y'a un truc qui se réveille dans mon ventre, le même que lorsque j'aperçois la tâche de naissance d'Angie.
Mais je dois dire stop. Je dois dire stop parce qu'il y a Angie, justement. Et parce que je sais à quel point c'est nul, avec les garçons. Le faire avec un mec, ça pourrait être bien, mais ils gâchent tout. Ils sont trop nombrilistes. Et avec l'égo de Victor, j'imagine bien qu'il voudra ... Je ne sais pas, absolument me satisfaire; à un tel point que ce ne serait même pas amusant.
Mais en même temps, je n'ai connu que ce crétin de Magnuss. Ce serait intéressant de comparer les différentes façons de le faire côté mâle. En fonction de leur confiance en eux, et de leur matériel, en quoi ce serait différent ?
Je ne sais plus quoi penser. Oui. Non. Peut-être. Là, maintenant, dans le réfectoire ?
Allez. Je suis trop curieuse, et ça permettrait de mieux dormir cette nuit.
Je profite de notre proximité, de la façon qu'il a de me regarder pour me pencher vers lui, mais c'est à ce moment qu'il recule.

- Mais peut-être bien devrais-tu y aller, finalement. Ce n'est pas comme si nous avions grand chose d'autre à nous dire, puisque ton histoire ne m'intéresse guère. Et il se fait tard : seules les femmes aux mœurs légères sont de sortie à cette heure-là. Je peux te raccompagner pour éviter toutes confusions, si tu le souhaites.

Ce sourire-là, je ne le contrôle pas non plus. Victor est confiant, impulsif, sait ce qu'il veut et m'offre le regard de celui qui obtiendra ce qu'il convoite. Mais à la dernière minute il fait demi-tour. J'ai presque envie de croire qu'il se cache, mais je ne suis pas une psychologue. Surtout que, comme monsieur l'a souligné tout à l'heure, il a eu une collection de femmes. Qui a la première place sur le podium ?
Il s'est écarté, mais je ne laisserais pas partir. Très doucement, je me penche vers lui. Main délicatement posée sur son torse, je réponds à son expression indéchiffrable.

- Tu as raison : à cette heure-ci, on ne trouve que femmes aux "mœurs légères". Mais tu oublies que sans les hommes affamés qui viennent à leur rencontre, elles n'auraient aucune raison d'être de sortie.

Il doit bien y avoir une bouche dans toute cette barbe. Je me hisse sur la pointe des pieds, fait durer le moment, prend le temps, et pose mes lèvres sur le coin des siennes. Ça me pique un peu au niveau du menton, je ne connais pas du tout cette sensation. J'ai bien envie de lui pincer les fesses - j'adore les fesses des autres, un beau cul, ça fait tout -, mais ce petit Roi pourrait mal le prendre.
Je me détache de lui, rompant tout contact - mains, lèvres - et esquisse un rictus, ma foi, enjôleur.

- Mais comme ni toi, ni moi, sommes ce genre de gens, on va pouvoir se raccompagner tout seul. Et la prochaine fois qu'on se rencontrera ...

Je laisse flotter la fin de ma phrase, lui laissant deviner où j'amène la conversation.
Je ne peux pas faire ça à Angie. Je ne suis pas quelqu'un d'infidèle. Alors je vais simplement provoquer une dispute si violente entre elle et moi que cela nous amènera à mettre notre relation sur pause. Et qui dit pause, dit goûter de quelqu'un d'autre. C'est à ce moment-là que j'irai à nouveau traîner dans le réfectoire la nuit, ou pourquoi pas surprendre Victor un soir dans sa chambre. D'ici là, j'aurais eu le temps de me renseigner à nouveau et de préparer mon tableau de comparaison.
Je reprends mes chaussures - elles étaient tombées dans l'élan - et adresse un clin d'oeil taquin à son Altesse Victor.

- Bonne nuit, je susurre. Bien que sans moi, elle sera bien triste, ta fin de nuit.

Je pouffe un peu. La fatigue fait baisser ma garde : je me laisse prendre par surprise, je suis prête à répondre à mes instincts, et je blague un peu trop.
Je m'éloigne, m'engouffrant dans la vraie obscurité du couloir. Je repense à ces lumières vertes dans le noir qui auraient pu me guider, et ricane toute seule. Je pense que désormais, je vais bien m'amuser avec Victor.

Eizenija Vitols
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) Ya38Fiche personnage : Son histoireEspace personnel : Sa p'tite vie persoGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 12/09/2010Age : 35
Victor GrahamDirecteur de l'Institut Graham
Dim 4 Aoû - 0:20
Au Regard de la NuitEizenija


Victor plongea son regard dans les lueurs bleutées de Eugénia, et cette petite lumière qui faisait luire ces yeux là lui plut grandement. Il retrouva un sourire ardent et observa avec une certaine suffisance la jeune femme s'approcher de lui, posant ses mains sur son torse. Une chaleur envahit son corps, mais le marquis ne bougea pas : il aimait les femmes entrepreneuses.

- Tu as raison : à cette heure-ci, on ne trouve que femmes aux "mœurs légères", susurra la langoureuse infirmière, attirant toute l'attention séductrice de l'ophtalmologue. Mais tu oublies que sans les hommes affamés qui viennent à leur rencontre, elles n'auraient aucune raison d'être de sortie.

Victor arqua un sourcil avec déplaisir. Evidemment, il fallait qu'elle gâche ce moment avec ses railleries habituelles, mais le contraire l'aurait, en un sens, déçu : cet effrontement rajoutait un peu de piquant à ce bout de femme. Après tout, sans cela, le marquis l'aurait à peine remarquée puisque ses yeux n'avaient pas le même éclat que celui des nombreuses femmes qu'auparavant il avait éconduit. Il aimait par dessus tout les yeux verts, de cette teinte si proche du morfil de l'émeraude brute, par pur narcissisme évidemment. Mais, pour un soir, son désir masculin pouvait se contenter d'un bleu banal, surtout s'il était accompagné de courbes séduisantes.

Rendu avide par cette pensée, Victor laissa grâcieusement Eugénia l'embrasser, mais il donna davantage de fougue au chaste baiser qu'elle lui offrait, l'ardeur de sa langue et de ses lèvres ne tolérant aucune résistance. C'était un baiser dénué de douceur, aussi flamboyant que l'était le marquis. Convaincu d'avoir conquis la jeune femme, Victor s'apprêta à aller plus loin que cette simple étreinte mais l'infirmière s'écarta à ce moment là, surprenant le marquis - qui pourtant ne récoltait que la monnaie de sa pièce.

- Mais comme ni toi, ni moi, sommes ce genre de gens, reprit-elle avec un sourire enjôleur, on va pouvoir se raccompagner tout seul. Et la prochaine fois qu'on se rencontrera ...

Elle laissa sa phrase en suspens probablement dans un but de séduction mais Victor la fixa avec froideur, vivement irrité par ce refus évident. Ainsi donc Eugénia n'était qu'une allumeuse parmis tant d'autres, se pensant capable de se refuser au marquis tout en se conservant ses faveurs pour plus tard ? Quelle naïve compréhension des choses. Victor était un homme d'honneur, jamais il ne forcerait une femme à une quelconque relation avec lui, mais jamais il ne deviendrait son jouet de séduction. Il croisa les bras et la toisa tandis qu'elle récupérait ses affaires. Jusqu'au bout, l'irrespect de cette demoiselle l'avait pris de court, pensa-t-il froidement en écoutant distraitement ses salutations. Il répondit à ces dernières d'un geste nonchalant de la main.

-Profite de ta nuit solitaire, ma chère, car il n'y aura pas de prochaine fois
, lui dit-il simplement d'un ton séchement railleur avant qu'elle ne s'éloigne. Ne surestime pas tes charmes.

Avec lassitude et irritation, le marquis rajusta ses vêtements, fixant du coin de l'oeil la silhouette séduisante de la jeune femme qui s'éloignait. Son mépris était revenu, profitant du vide laissé par ses ardeurs refroidies, et la sévérité hantait à nouveau ses traits charmeurs malgré son âge mûr. Néanmoins, malgré son agacement aristocratique, ses yeux d'un vert ardent brillaient encore d'une lueur de désir que la retenue militaire du marquis ne pouvait pas noyer.

Il était certes un Poignard atteint de mégalomanie prononcée, mais il restait un homme...



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Victor Graham
Image : Au Regard de la Nuit (Eizenija) 2ur6Fiche personnage : Biographie du Marquis Victor de GrahamEspace personnel : et son AlmanachGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 05/05/2013Age : 54
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