-C'est inadmissible !

Les mots de Victor Graham résonnaient sévèrement dans la pièce qui servait à la fois de chambre et de cellule à Amalia. L'ophtalmologue fulminait, tournant en rond dans la pièce et passant sa main dans sa barbe. Sa mâchoire était contractée et ses yeux verts brillaient de fureur.

Victor était arrivé depuis peu à l'asile où Amalia avait été enfermée officiellement depuis moins d'une semaine. Le marquis connaissait depuis quelques temps la punition que Donatien Elpida avait réservé pour sa Némésis, il ne s'était toutefois pas attendu à ce qu'il maintienne cette idée folle jusqu'au bout, en particuliers sans en consulter Victor auparavant. Il était le médecin de la concernée, tout de même ! Et pas n'importe quel médecin, un des piliers de l'institut, une pierre centrale de cet édifice défraichi et en cours d'effondrement ! Comment osait-on le traiter ainsi ?? Par cette décision, Donatien avait fait d'une pierre deux coups : il s'en était pris à l'égo et à la muse de Victor.

Très mauvaise décision, en somme.

Victor était du genre rancunier et vindicatif. Si le Docteur Elpida ne jouait pas selon les règles du marquis, ce dernier n'allait plus jouer selon celles de l'Institut, quand bien même il s'était proposé pour servir de bourreau. Cette pensée lui arracha un mauvais sourire, bien vite effacé par la contrariété : cette petite entrevue avec Donatien lui semblait bien lointaine désormais.

Victor jeta un regard à Amalia. Cette dernière était l'égale d'elle-même malgré son enfermement : pâle comme la mort, les cheveux noirs comme le plus obscur des corbeaux, et ses deux magnifiques yeux que l'ophtalmologue admirait profondément.  L'un était de la couleur du sang fraichement versé, l'autre de la couleur d'une nuit sans lune. Splendide. Cette vue avait le don de réveiller la passion scientifique du marquis, calmant très légèrement ses pulsions violentes que la colère éveillait. Si Donatien avait été dans la pièce, Victor n'était pas sûr qu'il se serait contenu comme il le faisait d'ordinaire. Sachant qu'Amalia avait également un penchant pour la violence, la scène n'aurait pas été jolie pour le nouveau directeur.

Victor s'approcha d'un pas rapide de la jeune femme et lui agrippa le menton d'un geste qui ne tolérait aucun refus. Approchant son propre visage de celui de la patiente, il plongea ses yeux dans les siens, le mojo de ce regard-là ne l'atteignant pas grâce à la lentille qui sertissait son unique oeil valide - Victor ne pouvait pas prendre le risque que l'étrange capacité d'Amalia gêne ses analyses. Ainsi proche d'elle, il remarqua alors que les yeux de la jeune femme semblaient plus ternes qu'à l'ordinaire, et cette constatation confirma un de ses questionnements. L'absence de stimuli, que la présence d'autres êtres humains et de leurs douleurs offraient, se faisait déjà ressentir. Victor s'écarta et lâcha sa patiente avec une moue de déplaisir.

-Tu n'aurais pas dû provoquer le Docteur Elpida, je t'avais déjà mis en garde à son sujet, l'accusa-t-il froidement. Il aurait pu te crever l'un de tes yeux, ses caprices infantiles ne sont plus à prouver. C'est tout mon travail que tu mets ainsi en péril !

Le marquis se redressa en une posture militaire et remit en place ses boutons de manchette, pensif, le regard dur. Lorsqu'il reprit la parole, il s'adressait davantage à lui-même qu'à Amalia :

-Il est hors de question de jouer par ses règles. Peut-être que Zyra va m'être d'une certaine utilité finalement. Nous être utile.

Victor Graham bouillait tellement qu'il entendit à peine la réponse de sa patiente. Mais "à peine", ce n'est pas "pas du tout", et il releva son visage sévère vers elle en captant ses bribes de paroles insignifiantes. "Janvier" ? Etait-ce ce qu'il avait entendu ? Victor n'en était pas sûr, et il s'aperçut qu'il s'en fichait hautement, alors il balaya ses mots de sa pensée d'un geste de la main. Le marquis n'aimait pas se sentir aussi peu au contrôle de ses émotions, sentir le ressentiment contracter sa mâchoire si bien que même sa barbe ne pouvait dissimuler ses traits anguleux. Agacé, Victor passa alors une main sur son menton barbu, signe qui chez lui trahissait son irritation ou une activité encore plus forte qu'à l'ordinaire de sa pensée. Actuellement, le Docteur Graham se trouvait dans les deux cas.

Pourtant, une idée se profilait dans son esprit. Ce n'était qu'une graine de possibilité, bien sûr, mais Victor savait qu'il pouvait la faire germer en opportunité, pour ensuite la faire fleurir en un bouton d'utilité. Cette métaphore de la plante était on-ne-peut-plus appropriée au Docteur Elpida, songea par ailleurs Victor avec ironie. Cette lubie de nommer ses patients à l'instar de fleurs était décidemment la preuve vivante de la démence qu'il cultivait dans son propre esprit, et dont il choyait la florescence avec tout autant d'ardeur. Le train effréné de la pensée de Victor siffla sa locomotive, remettant le marquis sur les rails de son idée avant qu'il ne se perde dans son mépris.

Victor reporta son attention sur sa patiente, et il la fixa quelques instants. Même s'il était toujours irrité, sa fureur semblait avoir été refroidie à mesure qu'il prenait la mesure de ses possibilités. Le marquis de Graham était caractériel, mais il était surtout brillant, et il le savait.

-Donatien Elpida pense qu'en t'enfermant ici, il pourra te briser, déclara-t-il soudain d'un ton sec. Pathétique. Mais dis-moi, très chère, penses-tu comme lui être de ceux qui puissent être brisés...

Victor se pencha vers elle, et pour la première fois depuis qu'il était entré dans cette geôle, un sourire vint flotter sur ses fines lèvres. Mais ce n'était pas un sourire sympathique ou un sourire joyeux, c'était un sourire carnassier, le genre d'expression qu'un serpent particulièrement vorace pourrait aborder.

-...Ou es-tu de ceux qui connaissent cette lueur particulière du regard de la volonté qui part en éclat ? reprit-il avec une certaine satisfaction.

Pour être tout à fait honnête, Victor n'avait pas la réponse à cette question. La patiente était cruelle, mais il y avait une différence entre savoir faire souffrir et savoir réduire à zéro la volonté de son adversaire. Cela demande une certaine patience, et une grande obstination.

Victor avait un plan, mais il devait savoir si Amalia avait la volonté et la subtilité nécessaires à y contribuer. Après tout, il comptait lui demander de torturer une autre patiente, ce qui allait également fortement concourir aux recherches que le Docteur Graham menait sur sa pathologie. Si Donatien Elpida pensait que Victor allait se contenter de laisser sa patiente apathique derrière les barreaux, il s'était largement fourvoyé.

A cette pensée, Victor se souvint de quelque chose. Il porta sa main à la large poche de sa blouse et en sortit le carnet que lui avait prêté sa patiente et qu'il n'avait pas eu l'occasion de lui rendre bien que toutes les informations qu'il contenait aient déjà été stocké dans les archives du marquis. En théorie, ce dernier n'avait pas le droit de faire entrer dans l'asile des objets autres que ceux médicaux, mais pour parler crûment, il n'en avait absolument rien à foutre.

-Tiens, lui dit-il nonchalamment en lui tendant l'objet. Tu vas en avoir besoin.

Victor croisa les bras dans le dos en observant d'un oeil approbateur Amalia qui récupérait son carnet. Elle abordait une expression intense qu'il ne lui avait encore jamais vu, comprenait-elle la mission que lui confiait son médecin ? Le Docteur Graham peinait parfois à appréhender le niveau de compréhension inférieur de ses congénères.

-Auriez-vous le dossier de cette Zyra sur vous ? répondit alors abruptement la patiente. Il me faudra l'étudier pour trouver l'angle d'attaque adéquat.

Elle avait compris, donc. Voilà qui était appréciable.

Le marquis eut un sourire où arrogance et satisfaction se mêlaient en un rictus carnassier perdu derrière sa barbe. Amalia allait droit au but, c'était digne du rang de POI que Victor lui avait mentalement attribué. Sans un mot, Victor prit le temps de retirer sa blouse et ouvrit la veste de son costume, dévoilant davantage le luxueux gilet bleu qui ponctuait son costume trois pièces. Il retira ainsi d'une poche intérieure un fin dossier portant le numéro de la patiente concernée. Il y jeta un regard méprisant et songeur tandis qu'il rattachait sa veste, puis feuilleta brièvement son contenu avant de relever les yeux vers Y66.

-Tu as de la chance, déclara Victor d'un ton vaguement sarcastique. J'étudiais justement son cas avant de venir te voir.

Il lui tendit le dossier sans davantage perdre de temps. Peut-être en d'autres circonstances, se serait-il montré davantage réticent à l'idée de confier un de ses dossiers à une gamine, mais la situation lui ôtait toute envie de faire preuve de son habituelle retenue professionnelle. Amalia n'était pas une patiente comme les autres, c'était un des principaux sujets d'étude de Victor qu'un Directeur incompétent avait enfermé hors de la vue de son médecin. Elle partageait ainsi une partie du grief du Docteur Graham, en plus de sa volonté d'étude pathologique, en cela elle se présentait comme une sorte....D'alliée ? Allons donc. L'idée amusait Victor, qu'une patiente puisse se présenter comme l'alliée d'un homme de son importance suggérait une forme d'égalité qui n'était pas appropriée. "Outil" semblait pourtant un terme trop faible.

Il n'existait aucun mot pour décrire le contrat de prédation qui se mettait en place entre les deux êtres.

Y66 était décidémment une POI hors norme. Voilà qui apaisait la colère de Victor et ravivait sa soif scientifique. Heureusement pour lui, il tenait justement l'occasion de voir sa muse en action.

Tandis qu'il la laissait consulter le dossier, le marquis se redressa et remit en ordre sa veste d'un geste rigoureux. Il consulta sa montre, avisa mentalement son emploi du temps, puis reposa son regard flamboyant vers la jeune fille.

-Lundi, 8h, annonça-t-il d'un ton sans appel. Sois prête, très chère.

Cela laisserait le temps au marquis de terminer ses petits projets déjà mis en place concernant Zyra, songeait-il distraitement. Etre un bourreau était tout un art auquel Victor avait excellé autrefois. Il n'était pas cruel, mais il n'était pas empathique non plus et il savait ce qu'il faisait : déjà, il avait commencé à diminuer les rations qui étaient fournies à Zyra, à l'isoler de ses amis, et à augmenter le temps qu'elle devait passer sans ses précieuses prothèses. Pour le moment, aucun sévice corporel n'avait eté infligé...Mais ce n'était pas le meilleur moyen pour briser la volonté d'un être humain, Victor en avait conscience. L'opportunité que lui présentait Amalia était bien plus intéressante.

Une opportunité à la fois scientifique et vindicative. Idéale, en somme.

Il fit volte face, blouse reposant nonchalamment sur son bras, et de son pas hâtif et assuré il quitta la pièce sans un regard en arrière.

Lundi serait une journée particulièrement intéressante. A cette pensée, la colère de Victor - qui n'avait toujours pas disparue - prit une tournure bien moins amère.

A 7h58, Victor arrivait devant la porte de la geôle de sa patiente. Le garde lui jeta un regard inquisiteur, mais le marquis n'entra pas de suite. Il attendit que son cobaye arrive à son tour.

Il éprouvait une certaine satisfaction à l'idée même d'utiliser Amalia pour suivre la plan qu'il avait conçu avec Donatien, à l'époque où les deux hommes n'étaient pas encore en désaccord complet. Ce petit enfant-roi serait probablement furieux de savoir qu'Y66 trouvait encore le moyen de se divertir, même enfermée dans l'Asile...ou peut-être qu'il ne s'en préoccuperait pas. Cela n'était, cependant, qu'un agréable bonus aux yeux de Victor. Il était surtout contenté de donner l'occasion à sa patiente de stimuler son étrange capacité tout en étant témoin d'une expérience très intéressante d'un point de vue scientifique. La séditieuse W56 servirait également d'exemple pour tous les Nuisibles de l'Institut qui pensait pouvoir mener en paix une petite révolution.

Cette matinée mettait Victor de très bonne humeur. La colère de sa dernière visite s'était estompée, simplement remplacée par un mécontentement sourd à l'égard de l'ancien Directeur. Il ne méritait pas de davantage occuper l'attention du Docteur Graham.

Des bruits de pas dans le couloir lui parvinrent et Victor ralentit le train effréné de sa pensée. Un surveillant arrivait, accompagné de la patiente dont les prothèses cliquetaient à chaque mouvement. Elle semblait épuisée, ses traits creusés par d'épaisses cernes, le teint terne. Elle n'était pas encore amaigrie, mais la malnutrition devait contribuer à son état de fatigue. Victor croisa les bras dans son dos en une posture militaire, impeccablement droit, et d'un mouvement de tête il ordonna au garde d'ouvrir la porte.

8h01. En retard, à cause de W56, voilà qu'elle se compliquait davantage les choses.

Victor fit s'arrêter le surveillant juste avant qu'il n'arrive à l'encadrement de la porte. Il porta alors son regard ardent sur la jeune fille, ses yeux verts intenses faisant écho à son visage dur à moitié mangé par une barbe rigoureusement taillée. Un dédain aristocratique était visible sur sa moue, avant qu'il ne tourne son attention vers l'autre jeune fille qui l'attendait dans la salle. Son regard s'adoucit alors au profit de l'habituelle passion dévorante que Victor avait pour la pathologie de sa muse.

-Bonjour, Amalia, la salua-t-il courtoisement. J'espère que tu es reposée. Pardonne mon retard, il semblerait que notre sujet d'expérience ne connaisse pas les termes de la ponctualité. J'aurais à lui apprendre, mais ce n'est pas le sujet.

Il jeta un regard au surveillant.

-Retirez-lui ses prothèses, et disposez.

L'homme obtempéra rapidement, et les prothèses mécaniques furent prestement ôtées. Pendant ce temps, le garde vint placer deux chaises dans la petite cellule, conformément aux instructions de Victor, et le surveillant vint faire asseoir W56 sur l'une d'entre elle. Les deux hommes disposèrent ensuite, refermant la porte derrière Victor, laissant ainsi l'ophtalmologue et les deux femmes à leur petite entrevue.

Victor se saisit alors de la chaise d'Amalia qu'il vint placer à droite de la sienne, légèrement en retrait. Courtoisement, il l'invita à s'y asseoir, s'asseyant lui-même sur celle qui faisait face à la patiente mutilée.

-W56, je suis le Docteur Graham, ophtalmologue et marquis de même nom, et voici Amalia Reano, ma patiente, commença le Docteur Graham. Nous n'avons pas été formellement présenté, mais je suis désormais en charge de ta santé comme tu es probablement au courant.

Il sortit de la poche de sa blouse son calepin et jeta reporta son regard asymétrique sur la jeune fille.

-Dis-moi : comment te sens-tu ?

Ce n'était pas une question de préoccupation sur le confort de la Walkyrie, mais simplement un bilan médical de sa personne afin de posséder un état de référence avant de poursuivre l'expérience. Rien, dans l'expression de Victor, n'indiquait une quelconque empathie. Il n'était que suffisance et sévérité.

Le savoir-vivre d'Amalia ne mettait que plus en valeur la grossièreté de W56. Victor Graham écouta leurs deux réponses, l'une avec une attention satisfaite, l'autre avec un agacement princier. Il releva ses yeux verts de son cahier de note et toisa froidement son interlocutrice. Il n'y avait aucune considération dans ces émeraudes ardentes, mais simplement un mépris arrogant qui le caractérisait.

Il n'eut même pas besoin de rétorquer quelques acerbités, Amalia lui ota les mots de la bouche :

-Tu ne seras jamais utile, par contre ça ne t'empêche pas de répondre à la question. Correctement.

Victor n'eut aucune véritable réaction, habitué à masquer ses émotions, mais un léger rictus satisfait vint agiter sa barbe tandis qu'il croisait les jambes. Il passa une main dans ses cheveux pour les remettre en arrière, bien qu'ils soient déjà parfaitement positionnés, ce simple geste relevant sa suffisance naturelle tandis qu'il continuait son examen silencieux de W56. Sans ses prothèses, W56 ressemblait à une poupée de chiffon maltraitée par un enfant, comme celles qu'autrefois Maggie utilisait avant que Victor ne s'en agace et ne les remplace par des jouets plus luxurieux. Elle était disgracieuse, impuissante, et sur la défensive, comme en témoignait sa réponse. Elle n'était pas attachée, mais elle avait l'attitude d'une captive, le Docteur Graham en avait vu assez pour savoir les reconnaitre. C'était amusant : des trois personnes présentes, seule Amalia était la véritable prisonnière de cette chambre, pourtant elle dominait la patiente W de son aura et de son assurance.

Victor savait comment traiter ce genre de patients récalcitrants. Dans l'armée, cela avait été son métier.

Etape n°1 : Faux espoirs.

-Voyons Amalia, déclara alors sévèrement Victor en se tournant vers la jeune femme qui l'assistait. Ne sois pas si dure : W56 a déjà fourni un élément de réponse. Elle est fatiguée, et l'absence de prothèses l'accable durement. Je n'en attendais pas autrement.

Si Amalia commençait à connaitre Victor, elle devait être capable de déceler la pointe de sarcasme qui pimentait la voix dure du marquis. Ce dernier prit quelques notes sur son calepin, son écriture élégante ajoutant un certains nombres de détails physiques et psychologiques à son examen clinique. Il se releva ensuite et s'approcha de la jeune femme en sortant sa lampe de diagnostic de sa blouse immaculée. Sa main puissante se posa fermement sur l'épaule frêle de la Walkyrie, refermant un large étau sur son articulation, tandis que de l'autre main il venait examiner les réflexes oculaires de la patiente. Tout en pratiquant silencieusement son examen, penché sur la jeune fille qu'il recouvrait de son ombre imposante, le Docteur Graham en profita pour s'attarder sur les prunelles dorées qui lui faisaient face. Il n'avait jamais eu l'occasion de les observer de près, elles étaient d'une belle nuance d'or, proche d'un sable particulièrement fin que la mer viendrait frôler sans jamais parvenir à s'y égarer. Victor fut presque attristé de découvrir une si belle couleur aux mains d'un visage si imparfait et d'une personnalité si parasite. Ce n'était pas de l'or, c'était de la pyrite, un vrai gâchis minéralogique.

Il finit par se relever, faisant durer son silence qu'il devinait et souhaitait pesant. Tout en prenant à nouveau quelques notes sur son carnet, il prit son temps pour l'allonger, le dérouler entre ses doigts, jusqu'à ce qu'il atteigne son instant de rupture : il était difficile, pour de jeunes gens inexpérimentés dans la situations de W56, de supporter un silence lorsqu'ils ignorent à qui ils ont affaire et ce qui les attend. Les doutes, l'imagination, et les espoirs font très mauvais ménage.

-Fatigue. Bonne vivacité rétinienne. Début de malnutrition. Je reformule ma question, ce sera la seule et unique fois : as-tu d'autres constats physiques à déplorer ?

Son ton n'avait pas changé, il était également toujours debout face à la jeune fille. Il voulait tout autant sa réponse qu'il voulait la laisser dans l'indécision. Cette première étape était tout autant importante pour le médecin qu'elle l'était pour le bourreau.