Elle ruminait dans sa barbe, attablée avec son café, à se demander comment elle pouvait faire son enquête. Quitte à ne pas avoir pu la faire changer d'avis, autant s'assurer qu'elle ne fait pas zig zig avec n'importe qui. Même si cet homme était déjà n'importe qui.
Même monsieur Elpida aurait été un meilleur choix, avec son teint blafard et ses habits blanchâtre.
Même le patient Kan était un meilleur choix.
Elle joua nerveusement avec son plume, le balançant de gauche à droite entre son index et son majeur. Majeur qu'elle aurait levé avec joie pour le docteur Graham. Lui et son arrogance, toujours fourrés ensemble.
Sa rage était palpable. Si bien que les tables autour d'elle s'étaient vidées pour laisser de la place à son horreur menaçante. Elle n'avait aucune envie de prendre part aux élucubrations d'une femme en manque de bite. Mais cette femme était son amie. Et elle avait le devoir de faire les choses qu'elle n'avait pas l'intelligence de faire.
Elle ferma les yeux et inspira. Cette journée où elle allait poser des questions sur le pire médecin allait faire courir des rumeurs et ça ne lui plaisait pas. Mais bon, que pouvait-elle y faire ? Son devoir d'amie pesait sur ses épaules.
Dans un geste, elle attrapa son carnet et se leva de sa chaise, délaissant sa tasse vide. Elle se dirigea vers un docteur, et demanda le plus naturellement du monde, sans même le saluer :
- Dîtes-moi, savez-vous si le docteur Graham est un homme tendre pour les relations sexuelles ou si c'est un animal primitif qui se sert des femmes comme des mouchoirs ?
Le tact n'a jamais été une de ses qualités, et la discrétion non plus.
Victor Graham jeta un regard dédaigneux à sa tasse - vide, froide. Le thé brûlant qui l'avait remplie quelques heures plus tôt n'était plus qu'un lointain souvenir. Un si bon Darjeeling d'Inde, avec son amertume florale et sa note d'épice de muscat...Victor se tourna vers la théière, qu'il découvrit vide. Il la toisa avec autant de mépris que s'il s'agissait d'une véritable personne, bien que la porcelaine dont elle était composée soit bien plus précieuse que n'importe quel être humain ne le serait jamais, autre qu'un marquis de Graham ou peut-être que le duc de Montrose, évidemment. Il allait décidément falloir que Victor recrute une secrétaire, bien qu'il ne supporte pas déléguer son travail aux autres ou avoir à se reposer sur eux : il était intolérable qu'un homme comme lui ait à faire son thé lui-même.
Soupirant, Victor quitta donc son bureau où il travaillait depuis de longues heures pour gagner le réfectoire où étaient attablés quelques uns des membres du personnel. Victor n'aimait pas le fait d'avoir à côtoyer de simples médecins, sans compter les femmes de ménage et autre petit peuple qui s'ajoutait à eux, mais il savait faire des sacrifices. Il ne leur accorda ainsi aucune attention, et de son pas décidé coutumier il avisa la bouilloire qu'il mit immédiatement en service, se demandant distraitement si acheter ce genre de machine ne serait pas moins agaçant qu'avoir à supporter une secrétaire. L'eau commençait ainsi à bouillir quand l'énonciation de son nom de famille attira son attention :
-...Graham est un homme tendre pour les relations sexuelles ou si c'est un animal primitif qui se sert des femmes comme des mouchoirs ?
La voix nasillarde qui s'exprimait n'était pas sans familiarité, et Victor se détourna donc de son activité pour porter son regard vers celle qui osait ainsi porter de telles paroles. Les sourcils froncés avec agacement et le visage sévère, il avisa alors la disgracieuse silhouette d'une femme - pardon, sorcière - penchée sur un homme intimidé.
Marjorie Hernandez.
Victor eut une expression de pur mépris. Il n'était pas froissé par ses paroles, contrairement à ce que l'on pourrait penser : il accordait trop peu d'importance aux dires d'une Nuisible comme elle. Au contraire, il trouvait cocasse qu'elle porte de telles insinuations sur sa personne, suggérant non seulement qu'elle avait pensé ultérieurement à lui suite à leur petite chirurgie, mais également qu'elle entrevoyait la possibilité d'une relation sexuelle. Insolite. Méprisable. Adorable, en un sens.
Victor eut un sourire arrogant qui ne cacha rien de son mépris et il quitta sa théière pour se rapprocher de la jeune femme, la surplombant de sa taille. Elle lui faisait dos, si bien que seul le médecin à qui elle s'adressait put le voir venir. Il se confondait en paroles dénuées de sens, cherchant la meilleure réponse pour fuir la sorcière, et sembla à la fois horrifié et soulagé d'apercevoir le Docteur Graham.
-Bonjour Docteur Hernandez, déclara alors Victor de son ton sévère où le sarcasme se dissimulait. Si je puis me permettre, vous prenez vos rêves pour des réalités, en plus de manquer de discrétion. Peut-être devriez-vous reconsidérer vos pensées : jamais une femme comme vous ne sera à la hauteur d'un homme comme moi. Même pour me servir de "mouchoir", comme vous dites si bien.
L'interlocuteur de Marjorie déguerpit sur le champs, laissant les deux titans s'affronter en paix. Victor la toisa de toute sa hauteur. A vrai dire, si la sorcière n'était pas des plus désirables, elle avait tout de même une paire de jambe à faire pâlir les mannequins les plus entrainés. Mais son visage et ses yeux...Non. C'était intolérable.
Les seuls bruits que sortait le médecin de sa bouche étaient dignes d'une langue ancienne toujours indéchiffrée. Elle fronça les sourcils et inspira, de plus en plus irritée de la réaction de l'agneau que la louve piégeait entre ses crocs. Il ne la regardait même plus, ayant une toute nouvelle admiration pour le plafond. Elle soupira et s'appuya sur sa hanche. Elle était vraiment en train de perdre son temps avec un incapable et un imbécile.
-Bonjour Docteur Hernandez.
Elle sursauta et se retourna vivement, se retrouvant nez à nez avec son ennemi. C'était sa présence qui l'avait prise de court, elle avait pourtant vérifié qu'il ne se trouvait pas dans la pièce avant de se lancer dans son enquête. Comment Diable avait-il réussi son coup ? Elle était persuadée que c'était une sorcière et qu'il s'était téléporté avec ses pouvoirs démoniaques. Dommage qu'ils n'étaient plus en l'an 1690 et qu'ils n'étaient pas à Salem où il aurait été sur le bûcher. Elle aurait déclenché le feu avec plaisir, se délectant de sa chute avec les autres fautifs.
Malheureusement, ils se situaient en l'an 2000 et sur une île éloignée de Salem, où les sorcières n'étaient plus chassées. En revanche, il ne manquait pas de prédateur sexuel comme cette Drama Queen.
-Si je puis me permettre, vous prenez vos rêves pour des réalités, en plus de manquer de discrétion. Peut-être devriez-vous reconsidérer vos pensées : jamais une femme comme vous ne sera à la hauteur d'un homme comme moi. Même pour me servir de "mouchoir", comme vous dites si bien.
Elle voulut rire aux éclats, se moquant ouvertement de ce prétendu "marquis" qui l'avait pour sûr, mal comprise. Seul un sourire moqueur et sarcastique la trahissait. Elle leva les yeux au Ciel, ne se préoccupant pas de l'inutile présence de la Drama Queen, et se focalisa sur son objectif. Seulement, ce peureux de médecin en avait profité pour prendre la fuite. Elle le vit ouvrir la porte au loin et quitter la pièce. Elle maudit davantage le prétendu "marquis" et se tourna vers lui, l'air énervée.
- Vous avez l'habitude d'interrompre les conversations ? Votre impolitesse a fait fuir mon interlocuteur.
Elle s'apprêta à faire volte-face et à ignorer cet hurluberlu pour le restant de sa vie, combien même Eizenija n'allait pas lui rendre la tâche facile, mais se ravisa. Si elle devait se renseigner sur l'activité sexuelle et les compétences de l'ophtalmologue, elle n'avait qu'à lui demander directement.
Alors, lui plus sérieusement du monde, elle reprit son carnet, prête à inscrire les réponses du plus insupportable des hommes. Il devrait choisir avec attention ses mots car ce sera la seule et unique fois qu'elle écrira ses paroles dans son précieux carnet.
- Mais vous allez finalement m'être utile. Lors de rapports sexuels, vous protégez-vous ? Vous avez des IST ? Vous considérez-vous comme bon, moyen ou mauvais dans vos rapports ? Prenez-vous en considération les envies de votre partenaire pendant l'acte ?
Malgré l'expression sarcastique que lui fournit le Docteur Hernandez en guise de réponse, Victor se délecta de son irritation lorsqu'elle constata que le laps de temps pendant lequel elle s'était retournée avait permis à son interlocuteur de s'enfuir. De toute manière, elle pouvait bien se cacher derrière autant de moqueries qu'elle le souhaitait, ses paroles avaient parlé pour elle et il n'y avait plus de retour en arrière possible pour effacer ses mots.
- Vous avez l'habitude d'interrompre les conversations ? gronda-t-elle. Votre impolitesse a fait fuir mon interlocuteur.
-Je suis certain que l'intéressé n'y verra pas d'autre impolitesse que celle de lui avoir sauvé sa pause, très chère, rétorqua-t-il avec une arrogance amusée.
Victor arqua toutefois un sourcil en voyant la femme se saisir à nouveau de son carnet. Qu'espérait-elle accomplir en se tournant à nouveau vers lui, son objet journalistique entre les mains ?
Marjorie reprit alors :
- Mais vous allez finalement m'être utile. Lors de rapports sexuels, vous protégez-vous ? Vous avez des IST ? Vous considérez-vous comme bon, moyen ou mauvais dans vos rapports ? Prenez-vous en considération les envies de votre partenaire pendant l'acte ?
Cette fois, le rictus arrogant de Victor se raidit tandis qu'il écarquillait les yeux, stupéfait par l'audace de la médecin. Il s'étrangla avec la réponse acerbe qu'il s'était apprêté à donner et resta quelques instants silencieux, hésitant entre se froisser de l'outrage sous-entendu par ces questions ou éclater de rire devant le manque de savoir-vivre du Docteur Hernandez. S'était-elle concertée avec Eugénia avant de venir ainsi lui parler ? Elle avait le même comportement insolent que la jeune femme qui laissait sans voix le marquis et ses règles de courtoisie. Décidément, cet Institut attirait les femmes de petite vertu et de faible morale.
Victor se reprit finalement et un nouveau rictus indéchiffrable vint étirer ses lèvres fines.
-Etes-vous sourde en plus d'être incongrue ? demanda-t-il, méprisant et amusé, en se penchant vers elle. Vous ne m'intéressez pas, alors à quoi diable vos questions peuvent-elles vous servir ?
Il plissa les yeux et ajouta :
-A moins que vous ne vous fassiez journaliste de moindre renom ? C'est un moyen comme un autre de rehausser une vie sans intérêt, et il est vrai que les informations à mon sujet doivent se vendre sans difficulté, mais mordiable ! un peu de dignité.
Victor se redressa avec suffisance et il la toisa de toute sa hauteur. Son sourire se fit moqueur et il haussa les épaules.
-Sachez toutefois qu'aucune de mes amantes ne s'est jamais plainte de mes performances, bien au contraire. Mais, n'étant pas aussi indiscret que vous, je préfère garder les détails pour moi.
Sur ces dernières paroles, il se détourna pour retourner aux côtés de sa bouilloire qu'il entendait à présent siffler.
- HRP:
- Joyeux noël ! (:
-Etes-vous sourde en plus d'être incongrue ? Vous ne m'intéressez pas, alors à quoi diable vos questions peuvent-elles vous servir ?
Bien qu'il ait son petit rictus irrespectueux habituel, cela n'empêcha pas la mexicaine de se demander s'il était sérieux. Pensait-il réellement avoir une chance avec la vierge pour rétorquer deux fois la même chose ? Les commérages avec sa meilleure amie lui prouvaient que plus on répétait une chose, plus on pensait l'inverse. Si tel était le cas, elle devait de suite le remettre à sa place car non seulement il voudrait salir Eizenija, mais en plus il ne s'en contenterait pas puisqu'il s'intéresserait à la neurochirurgienne. Elle réprima une nausée, incapable de se voir nue et en train d'enlacer tendrement un homme aussi abject. Si elle devait partager son corps, ce sera à sa mort et en distribuant ses organes pour des personnes dans le besoin.
-A moins que vous ne vous fassiez journaliste de moindre renom ? C'est un moyen comme un autre de rehausser une vie sans intérêt, et il est vrai que les informations à mon sujet doivent se vendre sans difficulté, mais mordiable ! un peu de dignité.
Elle était à deux doigts de bénir les Dieux en l'entendant enfin utiliser son cerveau pour réfléchir. Elle devrait, par ailleurs, l'étudier pour savoir si son arrogance et son irrespect étaient innés ou acquis. Elle nota cette remarque dans un coin de sa tête.
Elle soupira très légèrement, las de son égocentrisme. Comme si sa vie l'intéressait ne serait-ce qu'un peu. Non, Margaret n'avait d'intérêt pour lui que par le biais d'Eizenija. Par ailleurs, si elle avait pu éviter cet enquête, c'était avec un grand plaisir qu'elle l'aurait fait. Mais non, elle en était là, à souiller son carnet de notes inutiles et uniquement présentes à cause de l'inquiétude que sa meilleure amie avait créé.
Elle resta silencieuse, le laissant affabuler des âneries comme à son habitude combien même elle détestait le savoir aussi grand. La Nature n'aurait pas dû être aussi généreuse avec sa taille. Cela l'énervait davantage de le voir avec son air suffisant.
-Sachez toutefois qu'aucune de mes amantes ne s'est jamais plainte de mes performances, bien au contraire. Mais, n'étant pas aussi indiscret que vous, je préfère garder les détails pour moi.
- Ce n'est pas parce qu'elles ne se sont jamais plaintes qu'elles n'avaient pas de matières à le faire. La plupart des femmes simulent pour contenter l'homme. Votre égocentrisme peut, comme à son habitude, jouer à votre défaveur.
Elle afficha un petit sourire pincée, et croisa les bras derrière elle. Il avait le dos tourné et elle prenait un malin plaisir à ne plus voir son horrible visage. Cependant, pour continuer cette conversation et obtenir des réponses valables, elle devait l'accompagner dans sa marche. Elle s'avança alors jusqu'à son niveau, les mains toujours dans le creux de son dos, observant avec attention les moindres faits et gestes de la Drama Queen.
Elle en profita pour continuer sur sa lancée :
- J'espère ne rien vous apprendre, mais il est difficile de stimuler le plaisir de la femme. Surtout si l'homme est atteint d'éjaculation précoce ou est très inexpérimenté. La plupart des hommes se documentent, si j'ose le dire ainsi, via des vidéos prévues à leur jouissance, mais cela ne remplacera jamais la pratique. Êtes-vous de ceux-là ?
Elle inspira, prévoyant de nouvelles remarques cyniques ou un manque de participation :
- Si cela peut vous rassurer, aucunes de ces informations ne seront dévoilées et elles resteront strictement secrètes. De même, si cela peut vous rassurer, vous ne m'intéressez et ne m'intéresserez jamais.
- Spoiler:
- Joyeux Noël à toi aussi !
D'ailleurs, saches que pour ce rp, j'ai du chercher des études sur l'orgasme féminin... Heureusement que j'ai un ordi perso o_o
Et j'ai même pas trouvé ce qui m'intéressait ptdr
Victor versa l'eau bouillante dans sa tasse, observant les volutes de fumée tournoyer dans l'air avant de disparaitre sans un bruit. Il aurait apprécié que Marjorie fasse de même, hélas il n'en était rien.
- Ce n'est pas parce qu'elles ne se sont jamais plaintes qu'elles n'avaient pas de matières à le faire, lui asséna-t-elle. La plupart des femmes simulent pour contenter l'homme. Votre égocentrisme peut, comme à son habitude, jouer à votre défaveur.
Le marquis soupira ostensiblement. "Egocentrique", "mégalomaniaque", "complexe de supériorité", autant de termes que les âmes les plus aigries répétaient en sa présence, confondant sa supériorité naturelle avec un quelconque accroc psychologique. Victor n'avait aucune considération pour leur avis, ces mots sonnaient donc creux à son oreille.
Dans sa tasse, l'eau prenait une couleur sombre tandis que le thé y diffusait doucement, en une nuance de brun et de doré.
Dans la périphérie de la vision de son oeil valide, Victor aperçut la silhouette de la médecin qui l'avait rejoint, son habituelle expression aussi arrogante que déplacée. Pour une fois, le marquis regretta qu'elle ne se soit pas placée du côté de son œil aveugle, cela lui aurait évité d'avoir à souffrir de sa présence. Son indifférence hautaine n'était-elle pas assez évidente pour la jeune femme ?
-J'espère ne rien vous apprendre, continuait-elle, mais il est difficile de stimuler le plaisir de la femme. Surtout si l'homme est atteint d'éjaculation précoce ou est très inexpérimenté. La plupart des hommes se documentent, si j'ose le dire ainsi, via des vidéos prévues à leur jouissance, mais cela ne remplacera jamais la pratique. Êtes-vous de ceux-là ?
Une fois encore, sa franchise discourtoise surprit le Docteur Graham qui tourna brièvement le regard vers elle, arquant un sourcil railleur et effaré. Une femme de son âge ignorait-elle tout des règles de bienséance ? Ses insinuations étaient aussi aberrantes qu'affligeantes, elles semblaient dénoter un cruel manque de savoir-vivre ou une absolue méconnaissance du domaine sur lequel elle aimait tant parler. Après tout, pour faire appel à de si vulgaires généralités, le Docteur Hernandez avait sans doute prêté attention à quelques revues imbéciles que les sots adoraient. Victor hésita distraitement : devait-il lui répondre ou l'ignorer afin de mettre fin à cette entrevue déplaisante ? Lui rappeler son rang serait fort agréable, mais Victor craignait qu'elle ne poursuive alors sa lancée.
Dans tous les cas, c'est ce qu'elle fit :
-Si cela peut vous rassurer, aucunes de ces informations ne seront dévoilées et elles resteront strictement secrètes. De même, si cela peut vous rassurer, vous ne m'intéressez et ne m'intéresserez jamais.
Ces mots achevèrent de décider le marquis de Graham, qui laissa son thé infusé pour se tourner complètement vers Marjorie. Son regard resta dur, mais un léger sourire rogue flotta sur ses lèvres fines.
-Inutile de me mentir sur ce point, très chère, lui dit-il. Mais j'apprécie votre tentative de me "rassurer", comme vous dites.
Il eut un petit rire intérieur que son aristocratique contrôle réfréna. Son expression redevint aussi sévère qu'à l'accoutumée et il demanda avec un certain dédain :
-Allez droit au but, Docteur Hernandez. Vos questions indiscrètes m'incommodent, vous me semblez bien assez mûre pour entreprendre votre éducation sexuelle sans mon aide. Vos questions disgracieuses ne sont que poudre aux yeux, il y a quelque chose de précis que vous attendez de moi : parlez sans faux-semblants, je vous prie.
Il plissa les yeux, puis ajouta sans chercher à retenir cette dernière pique :
-Sachez toutefois que non : je ne connais aucun sexologue ayant la possibilité de vous recevoir dans les semaines à venir, si telle est votre nécessité. En revanche, je connais un spécialiste de l'étiquette qui, ma foi, ne vous refusera aucun rendez-vous.
Et à en croire par la continuité de cette discussion, il fallait croire qu'elle n'en avait pas terminé d'entendre des bêtises :
-Inutile de me mentir sur ce point, très chère. Mais j'apprécie votre tentative de me "rassurer", comme vous dites.
Elle leva les yeux vers le ciel, exaspérée par cet homme toujours plus abject. C'était mal connaître Margaret de penser qu'elle puisse vouloir d'un homme tel que lui. L'argent n'arrivait pas à le sauver et ses compétences professionnelles n'étaient que poudre aux yeux lorsque l'on s'intéressait vraiment au personnage. Que croyait-il, que toutes les femmes de la Terre mouillaient ne serait-ce qu'à la vue de cette barbe hideuse ? Il fallait redescendre sur Terre lorsque l'on en avait encore l'occasion.
Elle le laissa s'enfoncer dans sa folie et observa la scène avec dégoût :
-Allez droit au but, Docteur Hernandez. Vos questions indiscrètes m'incommodent, vous me semblez bien assez mûre pour entreprendre votre éducation sexuelle sans mon aide. Vos questions disgracieuses ne sont que poudre aux yeux, il y a quelque chose de précis que vous attendez de moi : parlez sans faux-semblants, je vous prie.
Elle eut espéré que cela était un point final à son interminable monologue, mais elle était bien loin d'imaginer qu'il l'assénerait de coups aussi dégradants :
Sachez toutefois que non : je ne connais aucun sexologue ayant la possibilité de vous recevoir dans les semaines à venir, si telle est votre nécessité. En revanche, je connais un spécialiste de l'étiquette qui, ma foi, ne vous refusera aucun rendez-vous.
Son irritation n'était désormais plus contenue. C'était un don chez lui, il arrivait toujours à la mettre hors de ses gongs. Si bien que la veine sur son front se mit à former une très légère bosse sur sa peau. Elle inspira en soulevant sa cage thoracique, tentant de calmer la colère qui brûlait en elle. Comment Eizenija avait-elle pu se laisser tenter par un marquis aussi diabolique que lui ? Elle valait bien mieux que cela, elle ne comprenait vraiment pas comment elle avait pu être séduite.
Elle balaya l'air de sa main, et dans une expression de dégoût, elle rétorqua :
- Eizenija, elle m'a confiée vouloir entretenir un rapport avec vous et je voulais m'assurer que vous serez homme à la satisfaire. Si vos compétences chirurgicales peuvent être peu discutables, je doute sérieusement quant à vos compétences plus intimes.
Elle appuya ses propos d'un regard peu flatteur, en le regardant de haut en bas. Il n'était décidément pas un homme à qui elle confierait sa virginité. Sa seule qualité était qu'il était un des rares à la dépasser d'une tête, rien de plus. De plus, lorsque l'on apprenait à le connaître, il n'avait rien de bon à en ressortir. Ses propos et ses expressions faciales étaient à vomir. Pour un marquis, il était le seul à avoir la tête aussi grosse qu'un ballon de montgolfière.
Et puisqu'il voulait de la transparence, elle continua sur sa lancée, voulant mettre un terme quant à ses doutes sur les véritables intentions de Margaret :
- Elle est la seule personne qui compte pour moi et je ne permettrai pas que vous fassiez partie de sa vie si vous n'êtes qu'un poison. C'est, certes, une affaire entre vous puisqu'en aucun cas je ne veux faire partie de vos rapports, cependant je ne pense pas que vous soyez un homme pour elle, et ce à raison.
Marjorie semblait tellement irritée que ses yeux menaçaient de sortir de leurs orbites. Ce n'était évidemment qu'une piètre métaphore, mais aussi réductrice était-elle pour un ophtalmologue comme le Docteur Graham, il la trouvait appropriée. Cela aurait peut-être l'effet bénéfique d'éjecter ces vilaines lentilles, ce violet était d'un manque de goût écœurant.
-Eizenija, répondit alors la doctoresse du bout des lèvres. Elle m'a confiée vouloir entretenir un rapport avec vous et je voulais m'assurer que vous serez homme à la satisfaire. Si vos compétences chirurgicales peuvent être peu discutables, je doute sérieusement quant à vos compétences plus intimes.
Victor arqua un sourcil, sincèrement surpris. Il ne s'attendait pas à ce qu'Eugénia apparaisse dans cette conversation. Il en oublia presque d'aborder son rictus sarcastique alors que Marjorie reprenait la parole :
-Elle est la seule personne qui compte pour moi et je ne permettrai pas que vous fassiez partie de sa vie si vous n'êtes qu'un poison. C'est, certes, une affaire entre vous puisqu'en aucun cas je ne veux faire partie de vos rapports, cependant je ne pense pas que vous soyez un homme pour elle, et ce à raison.
Victor la toisa de toute sa hauteur, pensif derrière ses traits durs. Il ignorait que les deux femmes étaient intimes - il ne s'y était jamais intéressé et ne s'y intéressait toujours pas, à vrai dire - mais il n'en était guère surpris après réflexion. Les deux avaient cette déconcertante franchise et cette insolente vulgarité en points communs.
Eugénia avait-elle envoyé ce vilain molosse pour recueillir des informations ? Victor en doutait. Ce qu'il savait, en revanche, c'était qu'il lui tenait toujours rigueur de l'avoir séduit pour finalement repousser ses avances comme une vulgaire courtisane. Cela lui était resté au travers de la gorge. Il ne pouvait pas nier ressentir quelques attirances physiques pour cette femme, bien que ses yeux ne soient pas à la hauteur des lubies du marquis, mais il comptait bien lui faire part de sa rancune si elle surgissait avec d'explicites attentes en tête.
Cela dit, Victor ignorait s'il saurait longtemps se refuser ce petit plaisir, même avec une femme de petite vertu.
-Je vois, dit-il d'un ton pimenté de sarcasme. Je vous ignorais si sentimentale. Vous avez toutefois raison sur deux points...
Victor prit son temps pour retirer le sachet d'infusion, verser une goutte de lait, porter la tasse à ses lèvres et souffler la vapeur dans la direction de la jeune femme tout en humant les effluves délicats de son thé.
-...Tout d'abord, mes compétences chirurgicales sont bel et bien indiscutables, continua-t-il avant de boire une gorgée.
Les élégants parfums floraux diffusèrent sur sa langue, délicieusement amers, doucement musqués. Il laissa le liquide brûlant s'écouler le long de son œsophage avant de retourner ses yeux d'émeraude vers elle et d'achever :
-Ensuite, ce ne sont définitivement pas vos affaires, si vous êtes aussi désintéressée que vous prétendez l'être. Si, pour le grand plaisir de votre amie, nous en venons à pratiquer la bête à deux dos, je suis certain qu'elle vous en contera les détails. L'une comme l'autre, vous ne semblez pas tenir la discrétion en haute estime.
Son expression était arrogante, son regard était peu amène. Victor lui indiqua d'un bref mouvement de la tête la théière :
-Souhaitez-vous une tasse de thé avant que vous n'alliez transmettre mes amitiés à votre chère et tendre infirmière ? demanda-t-il d'un ton où courtoisie et sarcasme se confondaient en parfaite osmose.
Victor avait beau ouvertement mépriser son interlocutrice, il n'avait pas prévu d'en perdre ses bonnes manières et d'ainsi se retrouver au niveau du Docteur Hernandez. De toute manière, il était certain qu'elle refuserait, après tout il la congédiait presque par ses derniers mots.
Les bras croisés, les pieds ancrés dans le sol, elle planta son regard jusqu'à en aspirer toutes les réponses qu'elle attendait. Il avait l'air plus apte à lui accorder ce qu'elle attendait de cette conversation. Une confirmation verbale qu'il ne fera aucun mal physique ou psychologique à Eizenija. Un accord verbal valait autant qu'un accord écrit, et Margaret le savait très bien.
-Je vois, Je vous ignorais si sentimentale. Vous avez toutefois raison sur deux points...
La mexicaine ne s'était jamais sentie comme une jeune femme sentimentale, et elle savait qu'elle ne l'était aucunement. Cependant, son amie était l'une des seules, si ce n'était la seule, qu'elle possédait. Qui la comprenait. Qu'elle acceptait dans ses proches au même titre que sa famille.
Et son bien-être lui importait. Sans compter que faire perdre le temps de l'ophtalmologue valait également le coup.
Elle s'attendait à ce qu'il lui dise qu'elle avait raison sur le fait que cette affaire ne la concernait pas - et à raison, pour une fois elle ne lui retira pas cette remarque juste pour son déplaisir - mais elle ne s'attendait pas à avoir raison sur un second point. Elle haussa le sourcil, perplexe quant à la suite de cette phrase.
-...Tout d'abord, mes compétences chirurgicales sont bel et bien indiscutables.
Elle n'eut même pas la force d'être exaspérée. Elle se contenta d'une expression monotone, dans l'attente du second point dans son raisonnement qui était juste, bien qu'elle en avait sa petite idée. De toute évidence, l'ego de cet homme n'était plus à retravailler, il était persuadé d'être le meilleur dans tout ce qu'il entreprenait. Grand bien lui fit d'être aveugle à ce point. Margaret n'en avait que faire de ses élucubrations. Elle savait simplement reconnaître des compétences professionnelles acceptables. Et jamais elle n'avait dit "indiscutable" afin de les définir. Mais manifestement, il n'entendait que ce qu'il voulait entendre pourvu que ses chevilles gonflent.
-Ensuite, ce ne sont définitivement pas vos affaires, si vous êtes aussi désintéressée que vous prétendez l'être. Si, pour le grand plaisir de votre amie, nous en venons à pratiquer la bête à deux dos, je suis certain qu'elle vous en contera les détails. L'une comme l'autre, vous ne semblez pas tenir la discrétion en haute estime.
En vérité, elle n'était pas très surprise. Elle était même assez déçue. Cette conversation n'amenait à rien si ce n'était assouvir ses besoins d'incommoder ce pédant. Elle ne cherchait pas à les empêcher à faire quoique ce soit, ils était suffisamment adultes pour faire leur propre décision et elle n'était pas leur mère. Cependant, s'il ne saisissait pas l'importance d'être rassurée pour ses proches, alors il n'était pas plus humain qu'elle ne l'était avant de rencontrer Eizenija.
Elle se demanda quelques secondes si elle jubilerait davantage en faisant couler son sang à lui, malencontreusement.
Elle expira silencieusement, extirpant son irritation hors de son corps. Lâcher prise. C'était en répondant émotionnellement avec cet homme qu'il jouait avec elle. Elle en avait conscience, fort-heureusement.
-Souhaitez-vous une tasse de thé avant que vous n'alliez transmettre mes amitiés à votre chère et tendre infirmière ?
Ses bras se lâchèrent et s'en allèrent le long de son corps. Elle fit un mouvement de tête vers la sortie et capta quelques regards de commères dans son balayage visuel. Prendre le thé avec ce malotru ? Il en était hors de question. S'il n'était pas décidé à lui offrir ce qu'elle attendait, elle ne restera pas plus d'une minute avec lui. Elle avait suffisamment insisté pour s'assurer que tout ce passerait selon les convenances d'Eizenija, et même si ça l'énervait de ne pas avoir obtenu ce qu'elle voulait, cela ne valait pas la peine de continuer à fréquenter la Drama Queen.
Elle posa son regard sur lui et sans lui offrir la moindre émotion, déclina :
- Vous êtes plus inutile que vous n'en avez l'air. Profitez de votre thé seul, vous m'épargnerez.
De son pas rythmé par les claquements de ses talons, elle le contourna et rejoignit la sortie, là où elle avait l'opportunité de fumer une bonne cigarette. Après avoir autant mi ses nerfs à rude épreuve, elle avait bien besoin de nicotine dans son organisme.