C’était comme s’il avait toujours été là et il avait su empêcher l’ennui de le trouver, dans cet endroit morne, en partageant de nombreux gossip avec les autres patients. La Cannibale en faisait partie. Une mangeuse d’homme ? Oh il voulait voir ça.
Lorsque son médecin lui avait demandé de faire plus de sport pour voir quelle influence cela aurait sur son profil psychologique, il s’était arrangé pour aller s’entrainer sur les installations de sport de l’institut en même temps qu’elle. Le spectacle était à la hauteur de ces attentes. Elle méritait apparemment son surnom. Et ça se voyait qu’elle le savait. Pas besoin de faire d’effort quand on a un corps sculpté par Aphrodite.
Même transpirante, elle était séduisante. Ou plutôt elle était d’autant plus séduisante. Elle courrait en petite foulée sur son tapis, sa queue de cheval battant l’air. Il profita qu’elle soit concentrée pour s’attarder sur ces formes avantageuses qui avaient l’art d’attirer l’œil.
Il terminait son échauffement, frais comme un gardon, heureux de pouvoir se dépenser un peu. Avant son arrivée à l’institut, il avait pour tradition de courir tous les matins, afin de se tenir en forme. Alors, certes, certains jours, il allait dehors aider à jardiner, mais rien de mieux que la course à pied pour vraiment s’entrainer. Il avait opté pour un jogging sombre, évitant le short de sport qui lui aurait donné l’allure d’un jeune collégien ainsi qu’un t-shirt de sport plutôt coloré.
Malgré sa petite stature, il était plutôt rapide, mais par contre il n’était pas très endurant. Il jeta un œil à la belle Cannibale, captant son regard le temps d’une seconde avant de la saluer de manière décontracté, puis s’appliqua à programmer le tapis roulant qui jouxtait celui de la blonde. Il lui demanda, un léger sourire aux lèvres :
- Est-ce que je dois avoir peur ?
Il ajouta, pour se faire comprendre :
- De la Cannibale.
Evidemment il n’avait pas peur. Mais il avait toujours un tas d’idées de phrases d’accroche lorsqu’il s’agissait de parler à une fille, c’était peut-être pour ça qu’il avait tant de mal à parvenir à ces fins lorsqu’il s’agissait de draguer. Mais il restait confiant envers ces méthodes. Il affichait donc un air tout à fait décontracté alors que le tapis ce mettait en route. C’était partit pour une course pour le moins particulière.
Il fait de plus en plus froid à l'Institut, et les jogging à l'extérieur deviennent frileux. Bien qu'elle préfère la nature variante au même mur pâle, la Cannibale s'entraîne désormais à la salle de sport plutôt que dans les sentiers de l'île. Les moments de footing sont moins intéressants sans Zyra qui est aux abonnés absents et dans un endroit confiné, mais elle s'est rendue compte des effets bénéfiques du sport sur son corps, alors elle poursuit l'entraînement.
Aujourd'hui, elle est moins investie que les autres jours. Ses pensées s'agitent dans tous les sens. Elle remue les images troublantes de ces derniers mois. Les fioles. La porte du fond. Cap. Le Génie. L'opération. Amalia Reano. L'Institut est de plus en plus fragile et Ophelia a conscience d'avoir entre les mains de quoi le détruire. Elle n'y arrivera pas seule, certes, mais elle possède tant de preuves désormais. Que faire de ce pouvoir ? Il est si immense qu'il l'écrase complètement, elle, simple adolescente aux cœurs malades.
Elle se défoule sur le tapis, ne sentant plus la transpiration qui rend son top collant, son short qui au fur et à mesure des mouvements de jambes se rétracte sous ses fesses bombées, ou sa queue de cheval épaisse qui se balance au rythme de ses pas, lui claquant le visage par intermittence. Aussi, elle ne voit pas arriver une tête rousse s'installer près d'elle. Trop concentrée, elle ne sent pas sa présence s'imposer à sa droite. D'ailleurs, lorsqu'il s'adresse à elle d'une phrase prononcée avec malice " Est-ce que je dois avoir peur ?", il lui faut un moment pour comprendre qu'il s'adresse à elle. Elle essaie alors de sortir de la brume qui enveloppe ses pensées pour lui adresser une tentative de sourire poli.
"De la Cannibale.", précise-t-il.
Accrochée enfin au moment présent, elle éclate de rire. On ne le lui avait jamais dite, celle-la.
Sans s'arrêter de courir, mais ralentissant le rythme, elle étudie son interlocuteur (c'est quelque chose qu'elle fait de plus en plus, commençant à se méfier maintenant qu'elle sait ce qui se passe de sombre à l'institut). C'est un p'tit gars aux yeux dorés comme l'été et à la chevelure rousse comme le feu. Il lui paraît immature mais sympathique, du genre à parler fort pour ne pas dire grand chose mais pas méchant. S'adaptant à lui, elle lui adresse un clin d’œil taquin.
"Tu devrais avoir peur des femmes en général, on n'est pas en sucre."
Elle se recentre sur sa course, elle en a encore pour vingt bonne minutes. Elle voit que le nouveau débute sa séance. Elle va se le farcir pour une moitié d'heure encore. Mais il a l'air sympathique, pourquoi pas faire connaissance ? Après tout, elle est quelqu'un de sociable, à la base. Elle est toujours dans l'optique de juger ceux qui sont bons à sauver.
" Il t'as fallu peu de temps pour entendre parler de moi. Je serai curieuse de savoir ce qu'un nouveau comme toi peut bien savoir en un si court laps de temps."
Il est facile de repérer les bleus, surtout quand on s'ennuie dans sa chambre (elle est trop fatigable, et est donc dispensée de jardinerie). Le pauvre ne sait pas où il est tombé.
"Tu devrais avoir peur des femmes en général, on n'est pas en sucre."
Le poids plume hocha la tête et un large sourire se matérialisa sur son visage. Ça c’était certain. Les femmes étaient des êtres bien trop balaises à son gout. Mais l’amusement qu’il tirait d’une conversation avec un autre être humain était bien trop agréable pour le forcer à s’arrêter au genre. D’autant que certains hommes n’avaient rien à envier aux femmes.
" Il t'as fallu peu de temps pour entendre parler de moi. Je serai curieuse de savoir ce qu'un nouveau comme toi peut bien savoir en un si court laps de temps."
Elle l’avait directement catégorisé petit nouveau. Pas mauvaise, il aimait les esprits capables d’un peu de gymnastique. Ça avait son intérêt. Il lança un regard de connivence à la Cannibale avant de lui répondre, entre deux foulées :
- Oh je suis du genre sociable alors… j’ai entendu parler de toutes sortes de chose déjà. Les sanctions, le journal clandestin, la révolution,… Ca à l’air calme ici, mais il semblerait que ce ne soit que la partie visible de l’iceberg…
Il savait que la légèreté avec laquelle il mentionnait toutes ses choses pouvait faire tiquer, mais il n’était pas du genre à prendre des pincettes ou même juste à prendre les choses au sérieux. Il n’avait pas peur de l’institut, des Elpida ou des médecins. Il n’était pas là pour se pisser dessus, marcher à reculons ou avancer à tâtons. Il était là, par obligation, mais comptait bien retourner la situation à son avantage, et il n’allait pas attendre qu’on lui donne la permission de le faire. Et il n’avait pas entendu parler de la Cannibale dans n’importe quel contexte. Son intervention lors de la Sanction qui avait précédé l’arrivée de Jessy lui était parvenue très tôt. Il était curieux de voir cette fille qui s’était opposé à Elpida. Après avoir rencontré Aeden, c’était la suite logique. Elle surpassait ces attentes, clairement, elle était bien plus charismatique que le brun.
Il en venait à se demander comment l’institut avait pu rester debout si longtemps sans que la révolution ne le souffle. Qu’attendaient donc ces jeunes qui semblaient déjà posséder un sacré nombre de clés ? Celles que Jessy avait récupérées suffiraient en tout cas à définitivement couler cet endroit, il en était désormais persuadé. Mais au profit de qui ? C’était là tout l’enjeu auquel se confrontait le jeune. Il n’était pas là depuis assez longtemps pour que les autres se tournent vers lui. Il s’était fait un paquet de connaissances déjà, mais il était persuadé qu’il n’avait pas encore sa place dans toute cette affaire. Il devait faire profil bas encore un peu, avant de dévoiler son atout majeur, peut-être profiter un peu de ce pass particulier pour s’emparer de ce dont il avait besoin. Pas question de faire les choses n’importe comment.
L'effort commence à se faire ressentir. Ophelia se sent à la fois légère et lourde, comme chargée d'une adrénaline lui permettant de terminer un marathon, mais avec du plombs dans les muscles. C'est un moment crucial dans l'entraînement, un tournant, lui avait une fois expliqué Zyra dans un footing. C'est le moment où on commence à avoir mal dans les cuisses et le souffle court, mais c'est à partir de là que le corps travaille vraiment. Ophelia s'arrêtait toujours avant, incapable de surmonter la douleur. Aujourd'hui, elle a su s'habituer et petit à petit, elle arrive à ignorer l'élancement qui la freinait auparavant. Elle le surpasse et trouve son rythme, à l'aise sur le tapis.
En revanche, le poids lourds à sa droite n'est pas là pour l'aider à gérer sa concentration.
« Oh je suis du genre sociable alors… j’ai entendu parler de toutes sortes de chose déjà. Les sanctions, le journal clandestin, la révolution,… Ca à l’air calme ici, mais il semblerait que ce ne soit que la partie visible de l’iceberg… »
D'accord, il faut l'admettre, il attire la curiosité de la Cannibale.
Elle ne lui répond pas derechef afin de ne pas s’essouffler, mais aussi parce qu'elle se sait trop spontanée. Elle était sur le point de s'extasier sur le fait qu'un camarade soit déjà au courant de tout ça quand, justement, un fait la titille ... Comment la bleusaille peut-elle être déjà au courant de la sanction, du journal clandestin, et de la révolution ? Il aurait rencontré quelqu'un de trop bavard ? Ça ne peut pas être Alexander, c'est même impossible. Ni W133 car, malgré tous ses défauts, la Cannibale lui reconnaît sa loyauté : il n'irait pas tout cracher au premier venu. Qui donc alors ? Nevrabriel ? Alors qu'il veut s'éloigner de toute cette affaire ? Il y aurait une autre personne qui magouillerait dans son coin et que le Mouvement ignore ?
Le visage concentré, son rythme de course n'ayant pas oscillé, elle finit par éteindre sa machine. Elle feint de faire une pause et s'abaisse pour prendre sa serviette. Ce mouvement lui permet de se rapprocher de W111 et donc, tout en se relevant, elle peut lui parler sur le ton de la confidence.
« Un conseil si tu ne veux pas te faire déchiqueter par certains ... »
Notamment un grand frère au cœur brisé et un ami qui défendrait la cause d'une personne au prix d'un sacrifice.
« ... ne parle pas de Loreleï avec autant de tranquillité. »
Elle se tourne, s'essuie le visage, continuant de jouer la sportive et non la magouilleuse. Elle en profite pour se désaltérer, tendant le cou et le visage pour finir sa bouteille d'eau d'une traite. Elle aimerait savoir qui lui a révélé ces informations, qui serait cette personne secrète qui en dirait tant aux nouveaux. Pour cela, elle veut mettre ce garçon en confiance, en lui lâchant ce qui ressemblerait à une information, il pourrait se sentir assez à l'aise pour en faire de même.
« Et puis, tout est souterrain ici. Chaque information est étudiée avec minutie avant d'être transmise, comme tu le sais pour les symboles. Du coup je suis curieuse, qui t'as informé ? Et que penses-tu de tout ça ? »
En parlant des symboles, elle évoque les fioles qu'elle a étudié avec W133 et Alexander. Elle préfère parler de symboles plutôt de fioles ou de l'endroit où elles sont cachées car c'est l'information la plus vague que ça puisse être. Oui il y a des symboles sur les fioles, mais il y en a partout, des symboles. Et elle est certaine que l'information ne peut avoir fuité. Donc si l'autre lui répond qu'il ne sait pas de quoi elle parle, il sera un garçon honnête et donc de confiance. Mais s'il a l'air de comprendre ... Alors la Cannibale aura de quoi avoir peur.
Et elle sait aussi qu'elle a menti. Tout n'est pas toujours dit.
La pièce du fond. Les fioles. Sa relation avec Ange.
Elle garde le regard droit, ne trahissant son trouble. Elle veut être certaine de pouvoir faire confiance à ce garçon avant de pouvoir s'allier avec lui, et son informateur. Honnêtement, deux personnes en plus, on ne crachera pas dessus.
« Un conseil si tu ne veux pas te faire déchiqueter par certains ... ne parle pas de Loreleï avec autant de tranquillité. »
Loreleï… Etait-ce le nom de la gamine qui s’était fait descendre ou celui de celle qui avait échappé de justesse à la torture ? Il penchait plutôt pour la première option, dans son souvenir, la seconde s’appelait Amalia. C’était ça le problème de se gaver d’un tas de rumeurs, on était plus trop sûr de ce qu’on pouvait se rappeler. Mais effectivement, elle n’était pas la première à lui recommander plus de prudence. Il sent dans ses jambes les premiers effets de sa course, ces muscles qui se contractent pour faire avancer son corps le galvanisent. Courir lui avait manqué. Concentré sur sa respiration, il écoute tout de même la Cannibale d’une oreille presque attentive :
« Et puis, tout est souterrain ici. Chaque information est étudiée avec minutie avant d'être transmise, comme tu le sais pour les symboles. Du coup je suis curieuse, qui t'as informé ? Et que penses-tu de tout ça ? »
Il haussa un sourcil. Ils transmettaient les informations sous forme de symbole ? Il pensait que le journal clandestin était un journal plus classique. Il fit ralentir un peu l’allure de son engin, conscient qu’il aurait sinon du s’époumoner pour parler, et souhaitait rester discret. Il lui répondit, essayant de remettre les choses dans l’ordre :
- Et bien d’abord plusieurs gars qui m’ont racontés des trucs qui se sont produits ici avant que j’arrive. Puis il y a eu Marco avec qui j’ai beaucoup discuté, qui m’a parlé de mission et ce genre de truc, il m’a conseillé d’aller voir un autre gars, Aeden, si je voulais en savoir plus. Celui-là ne m’a pas révélé grand-chose à part des trucs au sujet d’un journal clandestin, il m’a surtout dit qu’il reviendrait vers moi d’ici quelques jours, quand il aurait discuté avec sa hiérarchie ou je sais pas quoi.
Il sentait son cœur battre au rythme de sa course.
- Mais je ne sais même pas l’emplacement du journal, j’aurais voulu pouvoir le voir de mes propres yeux, le lire. D’après ce que les autres disent, Aeden et toi vous seriez interposés entre Elpida et une patiente, du coup, j’ai supposé que tu serais peut-être plus de choses sur ce qui se passe ici.
Lorsqu’il eut terminé son laïus, il s’arrêta un instant de parler, histoire de reprendre sa respiration, élément essentiel de la course à pied. Ensuite, il dévisagea Ophélia de ces deux yeux dorés. Avait-il eu raison de faire le lien ? Il y avait intérêt, parce que si elle n’était pas dans le bon camp…bah il venait de lui raconter absolument tout ce qu’il avait appris. C’était ça de faire facilement confiance à deux yeux bleus aux longs cils. Il n’avait pas vraiment le choix non plus, personne ne semblait vouloir lui raconter quoi que ce soit dans ce foutu Institut.
- Je vais pas attendre de me faire charcuter pour réagir. Je n’ai pas encore de médecin fixe attribué, mais certains sont vraiment…
Il cherchait un mot pour les décrire. La semaine précédente, l’un d’entre eux avait utilisé des impulsions électriques afin de lui faire changer sa version des faits sur une anecdote qu’il avait soit disant transformé. Le fait qu’il lui ai tenu tête avait apparemment envenimé la situation et la séance lui avait plus fait pensé à de la torture qu’a de la médecine. Il avait mis quelques jours avant d’arrêter de sursauter en croisant un médecin dans les couloirs. Avec son caractère particulièrement prononcé, il n’était pas certain de faire long feu ici.
- …Inquiétants ? Et pourtant je suis passé par beaucoup d’institut spécialisé avant celui-ci.
De l'extérieur, La Cannibale ressemble à une jolie blonde au tempérament calme. Les arrondis de ses cuisses dans un short trop long pour être vulgaire mais trop court pour être sage attirent plus l'attention que le tic nerveux qu'est celui de repousser l'unique mèche qui dépasse de sa queue de cheval derrière son oreille. Elle s'essuie tranquillement la bouche, puis le front à nouveau, feintant l'innocence. Cependant, au fond d'elle, ses deux coeurs sont comme des bombes à retardement. Une partie de sa transpiration est dû au stress plutôt qu'à l'effort physique. Que va lui apprendre cet homme-là ? Elle a l'impression d'avoir déjà un savoir immense, beaucoup trop grand pour ses petites mains malades, elle ne sait pas si elle pourrait encaisser une information supplémentaire.
« Et bien d’abord plusieurs gars qui m’ont racontés des trucs qui se sont produits ici avant que j’arrive. Puis il y a eu Marco avec qui j’ai beaucoup discuté, qui m’a parlé de mission et ce genre de truc, il m’a conseillé d’aller voir un autre gars, Aeden, si je voulais en savoir plus. Celui-là ne m’a pas révélé grand-chose à part des trucs au sujet d’un journal clandestin, il m’a surtout dit qu’il reviendrait vers moi d’ici quelques jours, quand il aurait discuté avec sa hiérarchie ou je sais pas quoi. »
Plusieurs gars ? Marco ? Aeden ? Qui sont ces plusieurs gars ? Qui est Marco ? Qui est Aeden ? Ha oui, W133 ... Il faut vraiment qu'elle le tienne plus en respect, ce garçon, il a finalement plus de qualité qu'elle ne le pensait.
Par contre, la blonde pince les lèvres. Les réponses sont trop évasives. Ça ne lui convient pas.
« Mais je ne sais même pas l’emplacement du journal, j’aurais voulu pouvoir le voir de mes propres yeux, le lire. D’après ce que les autres disent, Aeden et toi vous seriez interposés entre Elpida et une patiente, du coup, j’ai supposé que tu serais peut-être plus de choses sur ce qui se passe ici. »
Elle pousse un soupir. C'est juste un bleu qui a entendu beaucoup de rumeurs, beaucoup de noms, et qui n'arrive pas à tout replacer convenablement sur ce puzzle monstrueux qu'est l'Institut.
Il continue de courir et elle de réfléchir. Elle est arrivée à l'Institut il y a six ans en tant que Lili, la petite pleurnicheuse qui ne voulait pas quitter sa famille. Elle est devenue, malgré elle, La Cannibale, un nom plutôt qu'une personne. Puis, après qu'elle ait rencontré Ange, et après qu'elle ait décidé de cesser ses médicaments, elle a su s'affirmer en tant qu'Ophelia, une révolutionnaire en devenir. Mais ces derniers mois l'avait transformé. Elle avait façonné sa Cannibale, donc une belle jeune femme qui cache derrière des sourires craquants une armée de monstres. Ces monstres sont des informations grouillantes, des secrets qui la hantent, et qu'elle cherche à combattre. Alors en tant qu'Ophelia, elle aurait continuer d'essayer de recruter le jeune homme, mais en tant que vraie Cannibale elle veut tester ses limites. Jusqu'où peut-elle aller ? Jusqu'où peut-elle se hisser ? Est-elle capable de manipulation ?
« Je vais pas attendre de me faire charcuter pour réagir. Je n’ai pas encore de médecin fixe attribué, mais certains sont vraiment… Inquiétants ? Et pourtant je suis passé par beaucoup d’institut spécialisé avant celui-ci. »
Elle roule des yeux. Un vrai nouveau, celui-là. Mais si elle lui dit que tous les médecins ne sont pas des enfoirés, la croira-t'il ? Mais en même temps, plus tôt il le saura, moins il aura de chance d'être conformé.
Bref, elle glisse ses deux mains dans sa chevelure, faisant celle qui replace les épis de sa queue de cheval mais en vérité, elle sait qu'ainsi elle dégage son buste et bombe discrètement sa poitrine. C'est quelque chose qu'elle a découvert avec le concierge et le vigile lors de son excursion avec ... Aeden ; si elle en fait des caisses, le piège sera gros comme une maison. Or, si elle se met en avant de façon insidieuse, cela pourrait plutôt avoir un impact sur l'inconscient, et c'est bien connu qu'environ 95% du cerveau humain est au-delà du conscient.
Puis, maintenant qu'elle lui donne une image positive d'elle, elle se rapproche de lui, les coudes posé sur l'écran de la distance parcourue de sa machine pour être son centre d'attention.
« Tu n'as pas répondu à ma question quand je t'ai demandé qui t'avais informé.», gronda-t-elle dans un murmure, menaçante.
Puis, elle atténua son timbre de voix et sa posture.
« Tu ne saurais pas le nom de ces fameux gars ? Et Marco, tu sais qui c'est ?»
Elle fait glisser ses deux mains le long des poignées de la machine, jusqu'à ce que ses doigts effleurent la peau du patient. Sans le quitter du regard. Puis elle se hisse sur la pointe des pieds pour approcher son visage de celui de son camarade. Clairement, elle n'est pas ravie.
« Et ne t'avises pas de voir tous les médecins comme des enculés. Ne soit pas naïf et sache faire la part des choses. »
Elle n'est pas quelqu'un de violent, alors n'usera pas de cette force, mais ses muscles sont tendus comme le sont ceux des prédateurs s'apprêtant à bondir sur leur proie. Elle regarde intensément le roux, glissant dans ses yeux dorés. Elle s'y calme, bien que son irritation n'ait pas non plus été flagrante, et reprend sérieusement la conversation.
« Bon, allons droit au but. Si tu me parles, c'est pour une raison. Tu veux quoi ? Des informations ? Nous rejoindre activement ? »
Lorsqu’elle se place devant lui, il est bien forcé de se concentrer sur elle. Elle a l’air d’un fauve près à se jeter sur sa proie. C’est à la fois sexy et un peu stressant. Définitivement, la Cannibale, ça lui va bien comme nom. Jessy ne se laisse pas démonter pour autant, profitant de sa course pour évacuer l’énergie qu’elle peut provoquer en lui.
« Tu n'as pas répondu à ma question quand je t'ai demandé qui t'avais informé.
Il ne prête tout d’abord pas beaucoup d’attention à la jeune femme, bien que son ton menaçant ai de quoi l’impressionné. Il sourit juste, content d’avoir définitivement capté l’attention de cette belle femme. Est-ce qu’il aurait une chance ?
« Tu ne saurais pas le nom de ces fameux gars ? Et Marco, tu sais qui c'est ?»
Cette histoire de rébellion semble vraiment la travailler. Définitivement, cela le frustre. Alors qu’il allait à nouveau diminuer la vitesse de sa machine, la Cannibale glissa ces mains le long des poignées sur lequel s’appuyait le garçon jusqu’à effleurer le bout de ces doigts. Il fut tout de suite plus attentif, la bouche un peu sèche. Qu’elle joue ou non avec lui, il s’en fichait. Sa sensualité aurait pu rendre un homme aveugle, sans pour autant qu’il ne la voit plus. Leurs visages sont très proches. Si proche qu’il ne peut que plonger dans ceux, sublime de la Fauve.
« Et ne t'avises pas de voir tous les médecins comme des enculés. Ne soit pas naïf et sache faire la part des choses. »
Il hocha la tête. Il avait du mal à faire la part des choses, là, actuellement, mais peut-être plus tard…. Il se contenta de répondre à sa première question, après s’être attribué une gifle mentale pour se remettre à réfléchir normalement.
- Bah si, je peux te donner les noms de mes potes, mais ils ne m’ont parlés que de rumeurs, faut pas trop s’inquiéter. Et pour Marco, bah apparemment c’est un bon ami à Aeden, son voisin de chambre aussi.
Il diminua finalement sa vitesse de sa course, un peu essoufflé, rompant le contact d’une des deux mains de la jeune femme pour atteindre son tableau de bord, effleurant les coudes de la Fauve. Il avait dû déplacer un peu son visage sur la gauche, pour éviter qu’ils ne se fassent un coup de boule malheureux avant de le reculer à nouveau, marchant désormais au pas.
« Bon, allons droit au but. Si tu me parles, c'est pour une raison. Tu veux quoi ? Des informations ? Nous rejoindre activement ? »
Il voulait les deux. Enfin, c’est ce qu’il supposait, parce qu’il ne savait pas encore grand-chose de cette espèce d’organisation sous-marin qui semblait naviguer discrètement à l’institut. Il commença donc :
- Dans un premier temps des informations….
Cela faisait longtemps alors allait-il… La jeune femme avait beau avoir couru, elle sentait bon, et son visage si près du sien lui faisait de l’œil... Alors…Il jeta un coup d’œil autour de lui. Personne.
- En réalité, je fais partie d’une agence de journalisme qui enquête sur les faits et gestes de l’institut. Je cherche à réunir des informations sur leurs agissements, et apparemment j’ai eu raison de m’y intéresser. La famille Elpida est très riche et influente, mais il semblerait qu’il ait de loin dépassé les droits qui leurs ont été attribués.
« Bah si, je peux te donner les noms de mes potes, mais ils ne m’ont parlés que de rumeurs, faut pas trop s’inquiéter. Et pour Marco, bah apparemment c’est un bon ami à Aeden, son voisin de chambre aussi. »
W133 n'a jamais mentionné ce Marco, alors la Cannibale plisse l'ensemble de son visage dans une grimace suspicieuse. A vrai dire, elle cache surtout son égo blessé en se la jouant soupçonneuse. Elle pensait connaître tous les patients, et qu'Aeden lui ait tout confié depuis leur découverte, mais visiblement la confiance n'est pas encore à tous les niveaux.
Elle soupire et son visage reprend une apparence convenable (donc charmante). Elle s'épuise en devenant paranoïaque. Aeden est fiable, ça la tue de l'admettre, mais c'est un bon gars. C'est à elle et rien qu'à elle-même qu'elle à qui elle doit entièrement dévouer sa confiance.
« Bon, allons droit au but. Si tu me parles, c'est pour une raison. Tu veux quoi ? Des informations ? Nous rejoindre activement ? »
« Dans un premier temps des informations…. »
Elle acquiesce sobrement, sa tête n'ayant pas grandement bougé de sa position proche de celle de Jessy. Grâce à sa posture, ses sens ont le droit à une optimisation. L'odeur de Jessy n'est plus un vulgaire voile de sueur, mais son parfum, propre à lui, vient s'insinuer dans les narines de la blonde. Et le grain de peau du rouquin paraît plus clair, les pores de son visage ouverts vers elle. Elle n'hésite pas à montrer qu'elle le déshabille du regard, étudiant minutieusement chaque grain de beauté, chaque mouvement de cheveux, chaque tressautement qui modifie une expression.
Elle apprécie tout de même l'honnêteté de son camarade. Il sait ce qu'il veut, c'est bien.
Il a l'air de vouloir poursuivre sa phrase mais s'arrête, zieutant les alentours. L'imitant par réflexe, elle balaie la salle du regard. La dernière personne présente vient de pousser la porte pour les laisser seuls. La Cannibale croise les doigts pour que le fuyard ne soit parti pour leur laisser de l'intimité. Il ne lui manquerait plus que ça dans ses rumeurs, qu'elle saute sur le premier venu. Quoique, le titre de nymphomane revient à W05, pas à elle.
« En réalité, je fais partie d’une agence de journalisme qui enquête sur les faits et gestes de l’institut. Je cherche à réunir des informations sur leurs agissements, et apparemment j’ai eu raison de m’y intéresser. La famille Elpida est très riche et influente, mais il semblerait qu’il ait de loin dépassé les droits qui leurs ont été attribués. »
D'accord, il pique de plus en plus sa curiosité.
Elle, elle n'a toujours pas bougé, son regard analyste profondément ancré dans ceux de l'homme. Ainsi penchée en avant, elle prend conscience de son top qui dévoile les courbes naissantes de sa poitrine. Alors, sans trop en abuser, elle insiste sur sa position, dégageant un bout de ce territoire galbé.
Une agence de journalisme ? D'habitude les patients sont des pauvres mineurs, rarement des employés. Mais s'il a des informations sur Elpida, elle ne crachera pas dessus. Elle ouvre sa bouche pulpeuse pour l'interroger sur ses informations quand elle percute sur les mots utilisés.
« En réalité ? Tu veux dire que tu n'es pas un vrai patient ? »
Elle tente de dissimuler son exaltation. Un journaliste dans la poche ? Le rêve ! Elle se tortille un peu plus, ayant du mal à cacher sa curiosité et son engouement. Son expression prédatrice n'a pas bougé, mais son pied ne tient plus en place.
« De quelle agence fais-tu partie ? Qui t'envoie ? Tu sais quoi sur Elpida ? Il se peut que je ... »
Des flashs reviennent. Elle reste ainsi, les mots et les lèvres suspendus dans l'air. Des images de sa découverte reviennent hanter sa mémoire, et elle en blêmit. Elle se recule, baisse la tête, cherche à retrouver sa respiration. Les crises d'angoisses sont de plus en plus présentes et de plus en plus fortes. Il est grand temps qu'Ange l'opère. Auparavant elle en tremblait d'effroi, aujourd'hui elle se fiche des conséquences néfastes, tant qu'on la laisse respirer.
Elle lève le bras, paume de main tendue vers le roux, mettant ainsi de distance entre eux et sous-entendant qu'il n'a pas besoin de venir s'occuper d'elle. Elle sait se gérer. Elle n'a besoin de personne. Ou pas grand monde.
Les images s'effacent et Ophelia finit, petit à petit, par voir ses pieds au lieu du cauchemar.
Ne pense pas à tes problèmes, ne pense pas à Ange, ne pense à rien d'autre qu'à maintenant ...
Elle relève doucement la tête et pose son dos contre le mur derrière elle. Le souffle court mais sa peau devenue de nouveau colorée, elle peut enfin discuter de nouveau.
« En réalité, je suis bel et bien une patiente. Ce genre de choses arrive, mais ne t'inquiète pas. Revenons à nos moutons. Tu sais donc des choses sur le docteur Elpida ? »
« De quelle agence fais-tu partie ? Qui t'envoie ? Tu sais quoi sur Elpida ? Il se peut que je ... »
Il allait l’interrompre lorsque la Cannibale sembla presque sur le point de faire un malaise. Il éteignit l’appareil sur lequel il courait, prêt à lui venir en aide, mais elle fit un geste pour l’en dissuader. Il resta là, adosser à sa machine, attendant qu’elle reprenne ces esprits. Il savait que raconter tous ces bazars étaient un risque que sa couverture saute, mais les informations qu’il pensait qu’elle détenait en valait peut-être la peine.
« En réalité, je suis bel et bien une patiente. Ce genre de choses arrive, mais ne t'inquiète pas. Revenons à nos moutons. Tu sais donc des choses sur le docteur Elpida ? »
Jessy prit la peine de tendre une bouteille d’eau à la jeune femme qui s’adossait désormais au mur. Il espérait que ce n’était réellement rien de grave, histoire d’éviter de la voir mourir d’un AVC ou n’importe quel truc flippant d’hôpital.
- Je fais partie de la filiale anglaise de News Corporation. C’est mon référent qui m’envoi. Comme je suis jeune, j’avais plus de chance de me fondre dans la masse ici.
Facile de se faire passer pour un gosse quand tu ne dépasses pas le mètre 60 et que ta pilosité semble avoir pris des vacances à vie. Il s’était coupé les cheveux avant son arrivée afin de paraitre plus jeune, abandonnant sa longue crinière rousse. Qu’est-ce qu’on ferait pas pour un job bien payé. Il continua, conscient qu’il en faudrait plus pour gagner la confiance de cette jeune demoiselle :
- Bien évidemment, je ne suis pas venu ici sans avoir fait des recherches en amont. Au début, mon supérieur voulait juste faire un article sur les récents changements de direction de l’institut. Il avait entendu dire que Monsieur Elpida était assez malade et qu’il se faisait soigner dans un hôpital privé, il n’a malheureusement pas réussi à obtenir d’interview de sa part. Son fils et le nouveau directeur ne souhaitait pas qu’un journaliste débarque à l’institut. Son article tombait à l’eau. Jusqu’à ce qu’il creuse un peu plus loin.
Il fit une pause, se décidant enfin à descendre de sa machine, et continua, après s’être appuyé sur le mur d’une main pour se tenir en équilibre alors qu’il commençait ces étirements. Il n’avait certes pas beaucoup galopé aujourd’hui, avant d’être interrompu, mais un corps, ça s’entretenait.
- Son ex-femme est beaucoup plus bavarde qu’eux. Il m’a envoyé discuté avec elle, et elle m’a avoué toutes sortes de choses au sujet de l’institut. Elle n’avait aucune preuves de ce qu’elle avançait cependant, d’où ma présence ici.
Il changea de jambe, continuant ces étirements.
- Apparemment Donatien Elpida serait psychologiquement instable, et ce depuis sa plus tendre enfance. Elle m’a parlé de son mari, du fait qu’elle le soupçonnait de laisser certains médecins expérimenter sur les patients. Le scoop du siècle quoi. Et après les histoires que j’ai entendues depuis mon arrivée, je ne doute pas que cette femme avait raison. Il se passe vraiment quelque chose ici.
Il cessa ces étirements, qui avaient été presque aussi court que son entrainement, et se repositionna face à la Cannibale. Ces yeux dorés se plantèrent dans ceux, immensément bleu de la jeune femme. Il avait sincèrement besoin qu’elle le croit et saisisse l’urgence de la situation.
- Avant de pouvoir retourner donner des infos à la rédaction et faire tomber les Elpida de leur piédestal, j’ai besoin de preuves. Sauf que je ne m’attendais pas à un tel niveau de sécurité ici. C’est pour ça que je m’intéresse au journal clandestin et compagnie. Si je dois me débrouiller tout seul, ça risque de me prendre des plombes, et des gosses pourraient encore se faire tuer. Où je pourrais juste être forcé à rentrer… le budget qui a été alloué à cette enquête est loin d’être illimité.
Il se tut quelque instants, le temps que la jeune femme puisse digérer l’information qu’il venait de lui fournir. Puis il reprit, conscient qu’après s’être mis à nu de la sorte, il attendait d’elle des informations qui auraient pu le guider :
- Bon je t’ai tout dit. Mais du coup, toi, est-ce que tu as des infos utiles ?
C'est quand même interpellant cette information. Alors comme ça ce type serait journaliste ? Et son agence enquêterait sur l'Institut ? Est-ce que finalement ils auraient réussi à toucher un média ?
Plus elle y pense, plus son corps se remet en route. Son rythme cardiaque retrouve une cadence plutôt régulière et sa peau un teint de pêche. Elle apprécie que le jeune homme ne se soit pas penché vers elle, tel un prince venant au secours de sa demoiselle en détresse. Mais elle note aussi qu'il ne reste pas insensible en lui tendant une bouteille d'eau. Elle le remercie d'un hochement de tête et prend le temps de réhydrater son corps.
« Je fais partie de la filiale anglaise de News Corporation. C’est mon référent qui m’envoi. Comme je suis jeune, j’avais plus de chance de me fondre dans la masse ici .»
Elle tique sur les termes de son annonce. Etant elle-même londonienne, elle reconnaît News Corporation et une lueur vient illuminer son regard. Ce type serait-il lui aussi un natif de la Grande-Bretagne ? Elle, il est difficile de le cacher avec son accent appuyé, mais lui ... ? Elle serait ravie de bavarder avec lui de cheesecake, de thé et du quartier Soho qui lui manque tant.
« Bien évidemment, je ne suis pas venu ici sans avoir fait des recherches en amont. Au début, mon supérieur voulait juste faire un article sur les récents changements de direction de l’institut. Il avait entendu dire que Monsieur Elpida était assez malade et qu’il se faisait soigner dans un hôpital privé, il n’a malheureusement pas réussi à obtenir d’interview de sa part. Son fils et le nouveau directeur ne souhaitait pas qu’un journaliste débarque à l’institut. Son article tombait à l’eau. Jusqu’à ce qu’il creuse un peu plus loin. »
Il sait capturer son audience. Il marque une pause pile là où son public attend la suite. Entretenant le suspens, il descend de la machine et s'étire. Elle, elle reste contre son mur, bras croisés et bouteille d'eau presque finie. Elle le regarde sans rien dire, préférant attendre la fin de son discours. Si elle le coupe, il pourrait oublier les informations importantes. Un journaliste infiltré, il n'y a rien de mieux pour la Révolution ...
Mais pourquoi se confie-t'il à elle ? Il n'a pas peur qu'elle aille tout répéter ? Après tout, elle est la patiente du directeur actuel.
« Son ex-femme est beaucoup plus bavarde qu’eux. Il m’a envoyé discuté avec elle, et elle m’a avoué toutes sortes de choses au sujet de l’institut. Elle n’avait aucune preuves de ce qu’elle avançait cependant, d’où ma présence ici. Apparemment Donatien Elpida serait psychologiquement instable, et ce depuis sa plus tendre enfance. Elle m’a parlé de son mari, du fait qu’elle le soupçonnait de laisser certains médecins expérimenter sur les patients. Le scoop du siècle quoi. Et après les histoires que j’ai entendues depuis mon arrivée, je ne doute pas que cette femme avait raison. Il se passe vraiment quelque chose ici. Avant de pouvoir retourner donner des infos à la rédaction et faire tomber les Elpida de leur piédestal, j’ai besoin de preuves. Sauf que je ne m’attendais pas à un tel niveau de sécurité ici. C’est pour ça que je m’intéresse au journal clandestin et compagnie. Si je dois me débrouiller tout seul, ça risque de me prendre des plombes, et des gosses pourraient encore se faire tuer. Où je pourrais juste être forcé à rentrer… le budget qui a été alloué à cette enquête est loin d’être illimité. »
Elle entortille une mèche blonde autour de son index mais se tient sans ciller face au jeune homme. Il semble pressé, et sincère. Et elle comprend petit à petit où il veut en venir. Il veut qu'elle lui fournisse des preuves. Sans le vouloir il a répondu à sa question ... Pourquoi moi ? Parce qu'elle a sa réputation. Parce qu'elle a des preuves. Parce qu'il suffit d'aller faire un tour dans la grotte clandestine pour voir son activité. Et qui sait, peut-être qu'elle n'est pas la seule qu'il sollicite ? Il faudrait qu'elle en parle avec le Génie.
Il veut des preuves mais elle ne peut pas les lui livrer aussi facilement. Le destin d'Adèlys, les fioles, tout ça ne tient pas qu'à elle. Ils sont plusieurs derrière ces secrets et en les disant à cet homme, elle agirait en solo. Ils sont un collectif.
Mais d'un autre côté, tout pourrait-il être si simple ? Elle lui donne le numéro de chambre, il en parle aux médias et tout est fini ? Aussi simplement ? Alors que depuis des années les patients travaillent durs pour leur liberté ?
« Bon je t’ai tout dit. Mais du coup, toi, est-ce que tu as des infos utiles ? »
Le temps qu'il discute, elle a pu retrouver ses esprits. Elle se tient là, de nouveau féline (du moins dans le regard, son corps est encore appuyé contre le mur) et séductrice. Elle se penche légèrement vers lui, faisant tomber ses boucles blondes et son parfum devant son visage. Un sourire railleur revitalise sa face.
« Oui, j'ai des infos utiles. »
Et elle s'arrête là. Elle aussi, elle sait jouer sur les suspens. Elle regarde le rouquin dans les yeux, plongeant dans leur couleur ambrée, enfonçant son bleu dans son doré, y faisant sa petite place. Le bleu de ses yeux, l'exotisme de son parfum, son petit rire ... Mobilisant tous les sens du jeune homme, elle espère se faufiler dans sa tête. Il ne doit pas l'oublier. Il doit la laisser s'infiltrer en lui. Ce qui est bien avec ce garçon, c'est qu'elle peut faire naître la Cannibale. Pour de vrai. Cette fois, ce ne sont pas les rumeurs qui la construise, mais bien elle, et seulement elle.
« Mais je ne peux pas les révéler aussi simplement. Tu as dû t'en rendre compte, c'est un travail d'équipe. Si tu veux les infos, il va falloir gagner la confiance de tout le monde. »
Etant assez proche de lui pour le faire, elle se décolle légèrement de son point d'appui et dépose un léger baiser sur sa joue. Un simple contact, comme une courte caresse ( ou un marquage du territoire). Elle attrape ses affaires puis revient vers lui.
« Je vais être honnête avec toi, on va avoir besoin de toi. Tu m'as déjà contacté, c'est bien. Maintenant va discuter avec le Génie. »
Elle lui fait un clin d'oeil et se dirige vers la sortie. Elle ouvre la porte et, théâtrale, se retourne vers son interlocuteur une dernière fois, l'air nonchalant de celle qui aurait oublié quelque chose.
« Oh, et dis-lui que la Cannibale attend encore ses deux vœux. »
Sur ce, la porte se referme sur elle.
Elle avance dans le couloir, assurée mais elle ne peut s'empêcher d'hésiter. Il suffit de donner la chambre à ce type pour sauver tout l'Institut. Tant que les Elpida ne sont pas au pouvoir, c'est le moment ou jamais.
Mais agir seule ne lui ressemble pas. Les principes passent avant la liberté ? Vraiment ?
Cette information lui tire une certaine excitation. Vas-y petite… C’était le moment de déballer ce qu’elle savait, histoire qu’il n’ai pas raconté tout ça pour rien. Il en attendait beaucoup de la Cannibale. Les yeux dorés de Jessy étaient ceux d’un fauve, persuadé d’avoir mit la main sur la proie parfaite. Et les yeux bleus, séducteurs de la jeune femme ne semblaient pas le démentir. Il voulait que les choses se fassent vite. Il avait autre chose à foutre que de squatter cet institut.
« Mais je ne peux pas les révéler aussi simplement. Tu as dû t'en rendre compte, c'est un travail d'équipe. Si tu veux les infos, il va falloir gagner la confiance de tout le monde. »
Elle se joue de lui. Jessy déteste ça. Il est patient cependant quand c’est nécessaire, alors il se contente de la déshabiller du regard. Une petite équipe dont elle faisait partie donc… il ne louperait ça pour rien au monde. Lorsqu’elle se penche et dépose un baiser sur sa joue, il se retient d’attraper son bras. De lui tirer les informations d’une autre manière. Non Jessy. Non. Tu la tiens déjà, même si elle n’en a pas la moindre idée. Il faut rester calme. Ce n’est pas le moment de tout gâcher. Comme il le lui avait dit, il lui fallait ces informations. Et un geste violent pouvait tout gâcher. Il se contenta donc de glisser une main dans sa poche, essayant de prendre un air plus ou moins détaché.
« Je vais être honnête avec toi, on va avoir besoin de toi. Tu m'as déjà contacté, c'est bien. Maintenant va discuter avec le Génie. »
Bien sur qu’ils avaient besoin de lui. C’était exactement ce qu’il voulait entendre, ce qu’il voulait engendrer. Il était là pour leurs saluts à tous. Le Génie donc… et il lui demanderait trois vœux. Tout ces noms codés étaient amusants. Il allait le retrouver. Cela n’était qu’une question de temps.
« Oh, et dis-lui que la Cannibale attend encore ses deux vœux. »
La porte se ferma. Jessy attendit quelques secondes que les pas s’éloignent dans le couloir avant d’écraser la bouteille d’eau à moitié vide dans un accès de frustration. Mais ensuite, il se contenta d’un haussement d’épaule détaché. Ils devaient comprendre que ces gosses soient méfiants, vu ce qui se passait ici, c’était normal. Il lui fallait redoubler de patience et d’efforts pour les apprivoiser. Le petit Prince était arrivé à ces fins, lui aussi le pouvait.
Il remonta sur sa machine, et reprit sa séance de sport où il l’avait arrêté.