Amnésie : Suite à une opération liée à des crises d’épilepsie dangereuses lorsqu’elle était petite, Alice est atteinte d’amnésie bi-temporale. Cette amnésie lui empêche de se souvenir des choses qui lui arrivent depuis son opération, ainsi que de nombreux éléments qui y sont antérieurs. Médicalement, l’amnésie antérograde se définit en cinq points. Tout d’abord, il doit y avoir un délai entre l’obtention d’une information et son oubli, et il doit y avoir notion de compétition. Ainsi, si vous dites à Alice ce qu’il s’est passé dans la matinée, elle l’oubliera au bout de quelques minutes. Ça ira d’autant plus vite si Alice est concentrée sur autre chose pendant ce temps, comme par exemple si elle lit ou écoute quelqu’un d’autre lui parler en même temps. Le deuxième point, c’est l’intensité de l’amnésie, qui doit être flagrante. Troisièmement, l’oubli se fait au fur et à mesure. Les informations s’effacent de sa mémoire petit à petit. Quatrièmement, Alice est désorientée. En permanence. Elle est incapable de donner la date du jour ou l’endroit où elle se trouve. Enfin, elle touche toutes les parties de sa mémoire. Y compris la mémoire émotionnelle ou temporelle.

Alice n’a qu’un outil pour s’aider. Un crayon et un tas de petites fiches qu’elle se fait. À propos des gens, des lieux, des évènements. Elle note autant qu’elle le peut. Autant qu’elle s’en souvienne de le faire, en fait. Malheureusement, il lui arrive très souvent… D’oublier qu’elle doit noter, pour ne pas oublier. Duh.

Voici une liste des choses qu’Alice n’oublie pas :

- Elle s’appelle Alice Hilly.
- Elle est née le 18 Mars 2004.
- Le chocolat noir est son aliment préféré.
- Elle a toujours eu mal à la tête.
- La chanson U-Turn d’AaRON. C’est la seule qu’elle connaisse, et par coeur, s’il vous plaît.

Rapport psychologique du docteur ▉▉▉▉▉▉▉▉.
HILLY Alice, 4 Octobre 2012.

La patiente a rejoint à nouveau l’institut il y a maintenant deux semaines. Nous avons pu commencer à cerner sa personnalité.

Tout d’abord, de nombreux tests ont été effectués pour estimer son niveau d’intelligence. Il a été confirmé que le Q.I. d’Alice était dans la moyenne haute des enfants de son âge. Lorsque l’on pallie à ses soucis mémoriels (via des notes disponibles ou via répétition auditive constante des données, par exemple), Alice Hilly est tout à fait capable de résoudre des problèmes classiques et avancés. Elle s’est montrée particulièrement à l’aise avec les chiffres et les calculs en général.

Sa pathologie semble malgré tout affecter sa personnalité. Incapable de se situer dans le temps ou dans l’espace, mademoiselle Hilly n’arrive pas à se souvenir qu’elle est patiente dans notre institut. Lors de la deuxième semaine, sa mémoire a été testée, et des rappels de sa situations lui ont été prodigués chaque matin, sans succès. Après sept jours d’expérience, elle est toujours incapable de se souvenir de sa situation.

La patiente est incapable d’apprendre de nouvelles informations et de les retenir. Elle ne connaît toujours aucun des médecins de l’institut, et n’arrive pas à retenir les autres patients non-plus. Il lui a été conseillé de prendre des notes sur sa vie de tous les jours pour pallier à ces soucis mémoriels. Cependant, cette mémoire exosomatique pose ses propres soucis. En cas de perte ou de dégradation, Alice peut perdre définitivement des souvenirs ou s’en voir « implanter » des faux. De plus, il lui faut se souvenir de prendre des notes, ce qu’elle peut oublier assez souvent.

Niveau personnalité, mademoiselle Hilly n’est pas touchée par son enfermement, et est une personne extrêmement enjouée. Curieuse également de nature, elle a tendance à souvent aller voir les autres et déteste rester seule. Elle a l’air consciente, la plupart du temps, de ses soucis mémoriels, sans forcément en mesurer la gravité. Elle se raccroche donc aux quelques souvenirs ancrés dans sa mémoire, lorsqu’elle n’a pas ses mémos sur elle.

Par soucis de facilité, elle se réfère plus aux noms qu’aux visages lorsqu’elle communique avec autrui, les ayant notés sur ses fiches. Par conséquent, elle a tendance à souvent redemander à ses interlocuteurs leur nom pour jeter un œil à ses notes. Elle a également tendance à pardonner très facilement les torts que pourraient lui faire les autres, étant donné l’impact émotionnel faible de quelques mots sur un papier par rapport à un souvenir précis ancré dans sa mémoire.

Les enseignements se montrent compliqués, l’après midi. Alice prend soin de prendre des notes aussi claires que possibles, mais malgré tout, doit relire avant et pendant chaque cours les notes précédentes pour réussir à suivre.

ADDENDA
Docteur ▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉
20 Mai 2018.

Mademoiselle Hilly semble extrêmement perturbée depuis plusieurs jours. Elle s’est mise à parler à voix basse, et sursautait au moindre bruit provenant des couloirs, lors de son entretien. Elle semble terrifiée, mais n’a pas l’air de savoir pourquoi. Nous l’avons promenée dans certaines parties de l’institut, et il s’est avéré que la patiente devenait extrêmement nerveuse lorsque l’on se trouvait dans la court extérieure. En la poussant un peu, Alice s’est mise à ventiler et a fait une attaque de panique. Il est probable que cela ait un lien avec le dérapage qui a eu lieu plus tôt.

Docteur ▉▉▉▉▉▉▉▉
4 Octobre 2018

Mademoiselle Hilly semble être toujours nerveuse vis à vis de la cour extérieure, mais semble s’être calmée lorsque le lieu est absent de son esprit. Le docteur ▉▉▉▉▉▉▉▉ a tâché de travailler un peu plus sur la mémoire de la jeune femme pour voir à quel point celle-ci avait été détruite lors de l’opération. La patiente a été soumise à diverses œuvres culturelles et son intérêt a été étudié. Malgré des difficultés de mémoire évidentes, la patiente semblait apprécier la lecture, notamment de romans pour jeunes adultes. Elle a été observée en train de prendre de nombreuses notes graphiques sur une œuvre pour se la remémorer. Pour les prochains jours, de nouvelles expériences sont prévues vis à vis d’autres types d’œvres pour observer son comportement et sa façon de les consommer.

Docteur ▉▉▉▉▉▉▉▉
6 Octobre 2018

Alice s’est montrée très réactive aux musiques qu’elle a écouté en notre présence. Nous avons étudié sa capacité à retenir des mélodies et à les retranscrire, en voyant la qualité de ladite retranscription en fonction du temps passé depuis la dernière écoute. Les résultats se sont avérés surprenants.
Si, lors des deux premières minutes, les retranscriptions étaient plutôt fidèles, plus le temps passe, plus elles devenaient chaotiques. Elles finissaient par se stabiliser après 10 minutes d’attente depuis l’écoute précédente. Nous nous sommes rendus compte que peu importe la mélodie de base, la retranscription donnait toujours la même chanson. Après quelques recherches, nous avons trouvé la chanson qui « apparaissait » : Il s’agissait de U-Turn (Lili), du groupe étranger AaRON.

Docteur ▉▉▉▉▉▉▉▉
7 Octobre 2018

Les tests ont repris aujourd’hui avec la patiente Hilly. Nous avons noté une certaine anxiété de sa part au début du test. Lorsque nous avons passé la chanson trouvée la veille, cependant, l’anxiété a disparu. Alice s’est mise à chanter par dessus la version instrumentale du titre. Nous n’avons cependant pas pu vérifier si elle était capable de la retranscrire : Après quelques écoutes, Alice finissait par se détendre de plus en plus, jusqu’à s’assoupir dans sa chaise.
Nous l’avons interrogée après son éveil. Elle ne semble pas savoir qui chante la chanson, ou pourquoi elle l’apprécie autant. Mais nous pensons que cette chanson peut être une clé pour comprendre comment marche sa mémoire.

Docteur ▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉
12 Octobre 2018

Les tests se sont arrêtés après les conclusions du 7 Octobre. Cependant, le comportement de la patiente a changé depuis. Lorsqu’elle rencontre un autre patient, ou un membre du personnel en état de détresse émotionnelle, elle a pour réflexe de lui chanter la chanson décrite dans les deux entrées précédentes. Après vérifications, nous avons pu confirmer qu’elle ne se rappelait malgré tout pas des personnes à qui elle chantait cette chanson avant de venir les voir. Le centre empathique ne semble pas être touché.
D’ailleurs, Alice se montre beaucoup plus sociable avec tout le monde depuis le 7 Octobre, même lorsque la personne n’est pas en état de détresse. Elle semble également moins fatiguée. On ne s’explique pas le lien entre ces faits et les évènements du 7.

Alice est une jeune femme de 15 ans. Elle mesure un peu d’un mètre cinquante, et pèse quarante-cinq kilogrammes. Elle est donc assez svelte, sans pour autant être maigre ou sportive. Elle a une silhouette assez plate, discrète. Au vu de sa santé, elle ne fait pas particulièrement de sport, et il lui arrive d’oublier de manger (voire d’oublier qu’elle a faim). Elle n’a pas eu de soucis de malnutrition grâce à certains médecins qui la poussaient à aller se nourrir. Cependant, le sport lui est fortement déconseillé pour des raisons médicales. Ça n’a jamais vraiment été son truc de toutes façons…

De visage, elle a toujours une bouille souriante et des yeux bleu clair qui pétillent de curiosité, surplombant un petit nez fin. Ses cheveux châtains sombres, presque noirs, descendent jusqu’à la base de son cou dans une coupe simple à entretenir. Quelques mèches retombent souvent sur son visage, qu’elle dégage sur le côté d’un petit souffle sec, ou d’un mouvement de la main. La plupart du temps, c’est derrière les oreilles qu’elle cale ces mèches rebelles. Quelqu’un qui la voit moins habillée qu’elle le serait actuellement pourrait remarquer de nombreuses cicatrices et traces de coups sur son corps. Rien de lié à de la maltraitance : Ce sont les blessures qu’elle s’inflige toute seule malgré elle. Quand vous ouvrez un tiroir, puis un autre tiroir en dessous et que vous y glissez la tête pour fouiller… Vous vous blessez forcément en vous relevant, si vous aviez oublié que celui d’au-dessus était toujours ouvert. Oui, c’est ce genre d’âneries qui fait qu’Alice se blesse constamment.

À part ça, la jeune femme est une personne très énergique. Lorsqu’elle n’est pas épuisée par le rythme de l’institut, elle a tendance à sauter un peu partout et à bouger dans tous les sens. La curiosité et l’optimisme d’Alice lui poussent à donner la meilleure impression possible, surtout quand tout le monde semble déprimé sans qu’elle ne comprenne pourquoi. Il peut lui arriver d’être très tactile envers ceux qui ont l’air d’avoir besoin de soutien, d’ailleurs.

Vis à vis de son uniforme de patiente, il peut être souvent vu comme… Mal porté. Froissé, de travers, à l’envers parfois… Au vu du fait qu’elle soit tête en l’air de manière pathologique, ce genre de soucis arrive souvent. De plus, il arrive tout aussi souvent que son uniforme soit abîmé par les maladresses citées plus haut.

En résumé, Alice est une personne un peu réduite par ses problèmes, mais qui reste tout de même très énergique.

Alice est née le jeudi 18 Mars 2004, en milieu d’après-midi, à Newcastle, dans une famille de classe moyenne. Elle est la première née du couple Hilly, fiancés depuis un an à sa naissance. Les premières années de la vie de la petite sont assez calmes. Alice est un bébé très curieux et en parfaite santé… Jusqu’au début de l’année 2009. Alice fait alors sa première crise épileptique. Les parents paniquent. Ils l’emmènent chez le médecin. Celui-ci les rassure : Une première crise épileptique ne veut rien dire. Quand la deuxième arrive, le lendemain, celui-ci prescrit à la jeune fille des médicaments appropriés. S’ils marchent un temps, calmant les crises, ils finissent par être de moins en moins efficaces. Au cours des mois, les crises gagnent en durée, en fréquence et en intensité. Alice se blesse plusieurs fois, lorsqu’elle tombe, ou qu’elle tient des objets dangereux en main. Ses parents s’inquiètent de plus en plus.

Jusqu’à la crise de trop. Le vendredi 24 août 2012, la troisième crise d’Alice de la journée ne passe pas. Quinze minutes après le début de la crise, les secours sont appelés. Alice est hospitalisée d’urgence. Les médicaments ne faisant pas effet, elle est placée sous anesthésie générale, avec ventilation mécanique. De nombreux médicaments, plus puissants, sont injectés, et il faudra plusieurs heures à la petite pour retrouver ses esprits en réanimation. Un IRM montre des dommages importants au niveau du cerveau. Des dommages irréversibles.

Alice est portée « candidate » à l’institut espoir, dans le but de la soigner de cette épilepsie qui a manqué de lui être fatale. Son dossier est accepté, et à huit ans et demi, le jeudi 6 Septembre 2012, Alice arrive par bateau sur l’île. Le docteur Hernández, neurochirurgienne de l’hôpital, s’intéresse à son cas. À la fin du mois, le 27 septembre, l’opération pour débarrasser Alice de son épilepsie commence. Elle subit une ablation bilatérale de plusieurs parties du cerveau, dont une large partie des hippocampes et une partie des tissus environnants des lobes temporaux. Après de longs jours de repos, Alice est remise en chambre. L’opération est, d’un certain point de vue, un succès : plus aucune crise d’épilepsie ne survient.

Cependant, une fois qu’elle se réveille, l’équipe médicale se rend très vite compte qu’elle n’a aucune idée d’où elle est, ou de la date. En discutant un peu plus, ils soupçonnent qu’elle est devenue amnésique suite à l’opération. Leurs doutes se révèlent exacts. Le 4 octobre, son dossier est changé, et alors qu’elle est encore en repos, elle fait sa « seconde arrivée » à l’Institut Espoir, cette fois en tant qu’amnésique bi-temporale.

Cela fait bientôt huit ans qu’Alice est dans les murs de l’hôpital. Elle n’a aucune idée, elle, depuis combien de temps elle y est, et n’arrive pas à retenir le rôle de cette grande bâtisse. Au début, on lui rappelait tous les jours qu’elle était dans un institut médical. Et puis, à force, on a fini par arrêter de le lui rappeler. Alice vit comme si elle était dans une sorte de colonie de vacances. Elle se fait des fiches pour se souvenir des liens avec les gens, des cours… Quand elle y pense. À part ça, elle est comme un fantôme qui erre entre les murs, inconsciente de sa propre réalité au sein de l’établissement.