Le contexte
Vous avez pu lire sur le panneau d’affichage qu’une fête de Noël a été exceptionnellement organisée le 25 décembre, lorsque le soleil sera haut dans le ciel. Le message est anonyme, mais les différentes factions semblent s’être plus ou moins prises au jeu.
Le Village a répondu favorablement à cette journée de trêve.
Les électrons libres ont laissé différents mots d’approbation.
Le bunker n’a rien dit, mais son silence peut être interprété par une bonne nouvelle.
L’institut, sans grande surprise, ne sera visiblement pas présent ...
Le réfectoire avait été décoré de guirlandes colorées, de boules de Noël brillantes et d’un petit sapin coupé dans la forêt et ramené par des miliciens pour l’occasion. Quelques jeunes malades l’avaient décorés plus tôt dans la journée, source de rires et de sourires. Les décorations de l’année précédentes avaient en effet été dénichées dans quelques cartons stockés prêt de la conciergerie.
Les tables sont collées les unes aux autres pour former quelques rangées verticales. Un apéritif bien moins varié que d’habitude mais qui a été pensé pour à la fois changer du quotidien et respecter les réserves de l’institut a été confectionné. Il y a une odeur réconfortante de nourriture et plus particulièrement de châtaignes grillées dans l’air. Pour les plus jeunes du jus de pomme est distribué, pour les adultes quelques bouteilles de mousseux qui avaient été conservées pour une occasion.
Pour une atmosphère plus agréable et réconfortante, un coin musique a été prévu sur le côté de la salle, et Katerina a encouragé tous jeunes pourvus d’un instrument de musique de venir y jouer quelques chansons de leurs répertoires quand bon leur semblaient. En attendant, et pour les aider à faire le premier pas, elle joue quelques airs de Noël au violon.
Assise à table dans une position qui devrait être l'étiquette de la nonchalance - main sur la joue, comme si mon visage pesait plus d'une tonne, dos voûté vers la surface en bois, tant et si bien qu'il pourrait bien devenir une table lui aussi et le regard fixé sur une assiette où les aliments n'ont pas changé de place depuis un petit quart d'heure -, je finis par baîller.
Sans Marga, les réunions - parce que ce Noël ressemble tout de même à une réunion de l'Institut - sont bien moins drôles. Je suis seule à vanner les autres dans ma tête.
Il y a Joséphine, l'ancienne bibliothécaire, dont la tenue s'empire au fil des jours. Je ne sais pas si elle assume la nappe qu'elle porte en guise de jupe. Je plisse les paupières pour élucider ce mystère. Ha non, ce n'est pas une nappe, c'est vraiment sa jupe. La pauvre, ça doit être dur d'avoir aussi peu de goût. Je lui donnerai bien des cours mais je sais qu'elle déteste mes manteaux en fausse fourrure et mes shorts serrés. Aujourd'hui ne fait pas exception à la règle : chemiser blanc, un poil transparent, un jupe haute d'un bleu si clair qu'il me fait penser à la couleur d'un lac pendant un été, et un gros manteau. Je passe un doigt sur mes lèvres pour vérifier si mon rouge à lèvre métallique a bien tenu. C'est le cas.
Il y a Katerina quelque chose, la petite protégée de Victor. Je ne comprends pas pourquoi il tient autant à la positionner si haut dans la direction. A la regarder toucher son violon avec l'expression d'une vierge qui se fait défflorer, je me demande bien ce qu'il lui trouve.
D'ailleurs, où est-il notre grand maître ? Je le cherche des yeux mais je ne vois sa barbe de bûcheron nulle part. Sûrement est-il en train de se mater dans un miroir.
Peut-être qu'Amalia Reano pourrait me tenir compagnie. Je lui ai peu parlé, parce que je n'avais pas envie de le faire, mais je reconnais qu'elle a l'air quand même franchement sympa. Elle me fait penser à Marga.
Mais je ne la vois pas non plus.
Si j'avais su qu'il y aurait eu si peu de conversation, je me serai échappée.
Pour aller où ?
Je tourne le regard vers la fenêtre, observant les flocons de neige qui tombe. Est-ce que par un miracle je pourrais invoquer Géryl ? Au moins, s'il était là, on se marrerait bien.
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