L’écho des vagues butant sur les falaises étaient saisissant. Telle une orge au sommet d’une église, fracassant avec audace les rochers qui ne ploient jamais. La neige avait gagné l’île. Le froid allait être ardu pour beaucoup, Guerre est apparu, Mort s’est abattu, Conquête ne fait que naître alors que Famine patiente.
Le regard d’or et de saphir du jeune homme se tourna légèrement sur la tombe à côté de lui, il ne savait pas d’où venait sa « passion » presque morbide de venir se recueillir plus que de raison auprès d’âmes disparues. Personne ne répondait lorsqu’il parlait, mais aussi étrange que mystérieux, il se sentait écouté.
Son foyer était dans les bras de Katerina, il ne le trouvait pas entre les murs d’un dictateur ou le sable des électrons libres. Jessy ayant rejoint Lucy, il ne sentait pas non plus que sa place était là-bas même si sa chère amie aurait toujours une assise pour lui en sa demeure. Son esprit vacillant, il avait l’impression par moment de revenir au point de départ, sans maison, sans personne qui l’attendait quelque part dans ce monde, mais il se reprenait lorsque le visage de sa bien-aimée illuminait ses noires pensées. Sa tête se tourna de nouveau vers l’horizon faite entièrement de bleu. Il n’y avait pas terre en vue et pourtant, quelque part, au loin, son objectif et celui de beaucoup d’autre existait bel et bien. Il ne savait pas quand, il ne savait pas comment, mais il trouverait un moyen de s’y rendre, trouver fortune et soin pour sauver ceux qui en ont besoin.
Nevrabriel fit quelques pas vers la fin de ce lot de terre, naissance de falaises, dangereux endroit. Il regarda vers le bas, curieux et inconscient. La neige pourrait le faire glisser et il mourrait dans l’ignorance. L’écume des vagues faisaient briller la pierre avant de disparaitre doucement. Bien que téméraire, le jeune homme ne regardait pas la mer pour la beauté de la chose mais parce qu’il cherchait les câbles d’alimentations de l’électricité de l’île. S’il trouvait la naissance du câble, il pourrait trouver la source du problème et rétablir le courant. La mer était trop froide pour faire une expédition à la nage, l’observation était le seul choix possible.

Le jeune homme retourna vers les tombes, chassa la neige de la pierre, comme il avait pris l’habitude depuis Noël. Il prit le temps de former des petites sculptures de neige pour chacune, souvent, il se contentait d’empiler des boules de neiges les unes sur les autres. Si la neige n’avait pas recouvert l’île, ils auraient pu amasser des pierres pour faire un cairn mais il devait se contenter de ce qu’il avait. Inconsciemment, il s’appliquait davantage devant la tombe d’Adèlys et de Loreleï, y passant plus de temps, regardant parfois leurs noms gravés. Elles ont du se sentir bien seule avant leur décès, entre une petite exécutée sans que personne ne tente de l’aider, et l’autre enfermée et personne pour venir la secourir. La vie était-ce ainsi ? Seul pour toujours, ne compter que sur soi pour se sauver, ou périr ?

Nevrabriel ferma les yeux dans un soupir et resta ainsi, la tête baissée, le dos courbé, les mains jointes sur ses cuisses. On aurait dit qu’il priait. Absurde ? Il ne croyait plus en Dieu depuis la mort de la petite Loreleï, le commencement d’années de douleurs. Alors pourquoi prier ? Pourquoi croire de nouveau en une force qui était censé les protéger et les sauver et non apporter la destruction et le malheur ? Sa défunte grand-mère, croyante, lui répétait souvent que Dieu protégeait les âmes et non le malheureux, si la Terre grondait, il la laissait gronder, si les Hommes tuaient, il laissait tuer, tel un père, il laissait ses enfants apprendre de leurs erreurs. Mais quel père décidait de laisser ses enfants périr ainsi ? Si l’écossais était un père, il ferait tout pour protéger ses enfants et éviter toutes larmes sur leurs joues même les plus indomptables, apprendre certes mais pas au prix d’une douleur éternelle …
« Protéger les âmes » … Au moins avaient-ils une âme ? Existait-il un Paradis ? Vain espoir ou douce espérance ? Peu importe … Qu’avait-il à perdre lorsque tous les moyens ont été épuisé ? Si prier pouvait redorer le peu d’espoir qui restait au fond de lui, offrir en son cœur un peu de répits face à ce qu’il vivait, pourquoi pas ... ?


La brise chantante caressait doucement les cheveux de l’écossais telle une mère attentionnée. L’humidité du temps affichait une fine pellicule d’eau qui venait coller ses cheveux sur son front, illustrant le temps que le jeune homme avait passé dehors. Ses pas silencieux s’arrêtèrent au bout du ponton, derrière le bâtiment du port. De son pied, il dégagea la neige qui s’y trouvait, la laissant fondre dans la mer, avant de s’asseoir, frissonnant légèrement lorsque son pantalon entra en contact avec le bois gelé, il tira un peu sur son manteau pour couvrir un maximum son pantalon et ne pas ressentir la neige à travers ses vêtements.
Lorsqu’il fut finalement installé, il observa l’horizon. Toujours le même. Où qu’il regarde, l’horizon était seulement une union de bleu entre le ciel et la mer. Ses pensées solitaires emprisonnaient son esprit, laissant son corps s’endormir dans cette position statufiée. Ses pupilles ne bougeaient pas, son visage était impassible, même un savant ne saurait dire s’il était heureux ou malheureux, ce qu’il pensait, ce qui animait son cœur et son esprit en cet instant.
Le jeune homme commençait à avoir froid à force de rester immobile. Il logea ses mains dans ses poches pour les réchauffer alors que le froid gagnait doucement son nez et ses joues, révélant ses tâches de rousseurs seulement visibles lorsque son visage prenait des couleurs. Ses oreilles étaient couvertes par ses longs cheveux roux qu’il avait laissé détacher spécialement pour lui tenir chaud. Son souffle formait une buée qui s’élevait doucement dans les airs, disparaissant lentement au gré de son chemin.


Des pas finirent par se faire entendre derrière lui. Il tourna doucement la tête, ne sachant pas qui de Jessy ou de Lucy l’aurait vu en premier. Il doutait que Jessy viendrait le voir de lui-même, Nevrabriel n’en avait pas envie de son coté, mais il doutait également que le demi-frère de Donatien signalerait à Lucy sa présence s’y venait à l’apercevoir à travers la fenêtre.
Heureusement pour lui, ce fut la jeune femme qui venait à lui. Il se tourna de nouveau vers l’horizon, rassuré de savoir que la personne qu’il venait voir semblait se porter à merveille. Il attendit qu’elle s’arrête pour lui adresser, sans pour autant la regarder :

_Bonne année, mademoiselle.

Le jeune homme voulait ajouter : « Espérons qu’elle soit meilleure que celle passée. » Mais elle ne pouvait être que meilleure pour Lucy, elle avait su quitter l’emprise de Donatien, trouver sa liberté, son indépendance, elle avait la personne qu’elle aimait auprès d’elle et son propre chez soi. Cette année s’annonçait merveilleuse pour elle, -même si l’île était un endroit emplie d’incertitude …
Et lorsqu’ils auront retrouvé contact avec le continent, que se passera-t-il ? Elle ne pourrait jamais retourner auprès de Donatien, qui deviendra son médecin ? Et Jessy allait peut-être se retrouver devant les autorités si Béatrice décidait de parler et de lui faire payer, dans ce cas-là, la seule alternative pour eux était de quitter l’île une fois le continent retrouvé … Etait-ce cela ? S’il retrouvait le continent, il sauverait Katerina et perdrait Lucy ? Tous les patients finissaient par partir, il n’aurait pas dû s’attendre à ce que Lucy soit une exception… A présent, il ne lui restait que l’espoir, espoir que Béatrice ne veuille pas se venger, espoir que Donatien pardonne, espoir qu’après la tempête vienne les jours heureux.

_Bonne année, Nev.

L’arrivante posa sa tête contre l’épaule de l’écossais, ce dernier eut un léger sourire avant de poser sa joue sur le sommet de la tête de celle-ci. Le promeneur se laissait aller au chant des vagues telle une berceuse enfantine. Ce calme si particulier avait le don de l’apaiser et la chaleureuse présence de son amie était comme un doux feu de camps qui le réchauffait dans cet hiver.

_Comment vas-tu?

La convenance voudrait répondre « Bien, et toi ? », mais cela serait simplement être obséquieux et non sincère. Sans réponses évidentes, il posa ses lèvres là où sa joue s’était reposée. Cet endroit était chauds et malgré les conditions désastreuses de leur mode de vie, les cheveux de Lucy étaient doux et sentaient agréablement la mer.
Il osa finalement murmurer, comme s’il avait peur que le moindre être vivant puisse l’entendre :

_Je ne sais pas trop … Je ne suis pas malheureux, juste un peu perdu …

Le regard du jeune homme revint doucement vers l’horizon. Il avait l’impression d’être incapable d’être heureux, même lorsque tout allait bien. Il ne pouvait pas se plaindre, dans une cabane solitaire ou dans l’Institut Graham, il avait toujours Katerina et c’était ce qu’il voulait, alors pourquoi est-ce qu’il se sentait ainsi ? Se poser beaucoup de questions ne lui apportait malheureusement aucune réponse, mais peut-être arriverait-il un moment à comprendre ce qui le faisait se sentir ainsi et y mettre un terme.

Devait-il partager ses tourments avec Lucy ? Il se doutait bien qu’elle l’écouterait toujours, mais maintenant elle avait sa propre vie à mener et il ignorait si le Destin ne les obligerait pas à prendre des chemins différents. Il ne voulait pas accabler sa chère amie de questions qui n’avaient pas lieu d’être pour le présent, des questions qui appartiennent à un futur lointain et à une possibilité, car il y avait forcement des alternatives, une d’elle où l’île, et surtout Donatien et Béatrice, pardonnerait à Jessy, ne le dénoncerait pas, une alternative où Lucy serait prise en charge par un bon médecin et une bonne personne et tous les deux pourraient rester sur l’île. Une alternative où Lucy pourrait rester avec lui …

_Homère disait dans son œuvre : « Dès que, fille du matin, parut l'aurore aux doigts de rose... » Pour désigner l’aube du lendemain.

Le jeune homme ne savait pas pourquoi il partageait ses pensées « poétiques » en cet instant alors qu’il n’y avait rien de romantique ou de poétique à ce moment. Ils étaient en fin d’après-midi, l’aurore était loin, la mer était calme, le ponton gelé, le froid engendrait le silence, les oiseaux étaient partis. Ainsi, pourquoi donc ces mots ? Peut-être pour donner l’illusion que l’inexpression de son visage était simplement le reflet de réflexions prospères ?
Il se doutait que Lucy avait compris cela, il espérait également qu’elle comprendrait qu’il ne voulait pas, ou ne pouvait pas en parler. Il était mal à l’aise d’avoir ce genre de conversations alors que l’homme qui créchait chez elle pouvait venir les interrompre à tout moment. Cette crapule était déjà allé au fin fond de l’Ecosse pour fouiller dans son passé, il n’était pas questions qu’il en sache davantage sur Nevrabriel, bien qu’étant plus ou moins avec Lucy il suffisait de la travailler pour cela puisque le jeune homme n’avait pas de secret pour sa meilleure amie. La demoiselle avait confiance en son homme mais ce n’était pas le cas de l’écossais, il espérait qu’elle le comprenne, qu’elle comprenne qu’il ne voulait pas entrer, qu’il ne voulait pas le voir, lui parler, en entendre parler et que malgré le silence cela ne changeait pas le fait que Lucy avait toute sa confiance et son affection.

Le jeune homme tourna doucement les yeux vers Lucy et eut un léger sourire en voyant son visage. Il n’était pas malheureux alors il n’avait pas besoin de se forcer pour faire transparaitre son bien-être malgré ses acres de tourments.

_Et toi ça va ? Tu n’as pas trop froid à l’intérieur, c’est assez isoler avec nos réparations rustiques ?

« Tu » … Evidemment il n’y avait pas de « vous », même si l’écossais savait qu’elle n’était plus seule dans cette bâtisse, son esprit mettait un filtre très opaque sur la personne de Jessy, le rendre inexistant était le seul moyen qu’il avait trouvé pour l’accepter, il espérait que pour Lucy cela serait suffisant, qu’elle ne lui demande pas de faire des efforts à son égard pour elle, qu’elle ne lui demande pas de choisir entre sa haine pour le frère de Donatien ou l’amour de l’écossais pour elle.
Il ne serait que plus perdu encore ... Il se sentait doucement dériver tel un bateau en pleine tempête. Il était habitué à ne rien avoir mais maintenant qu'il était heureux, il avait peur de tout perdre.

_Tu as de quoi passer l’hiver ?

_On a bien travaillé, cet abris est parfait pour moi. Je pense que tout ira bien, enfin à l’échelle de notre condition. Le travail que j’ai à effectuer ici me fait du bien.

L’écossais acquiesça doucement. Le froid hivernal lui chatouillait le nez mais il n’avait pas le désir d’y mettre fin, laissant ses mains dans ses poches et son visage rivé vers le lointain. Il se surprit à penser à sa sœur. Il se demandait comment elle allait, si elle le cherchait. Comment était Noël seule avec leurs parents ? Etaient-ils de meilleurs parents à présent qu’ils n’avaient plus qu’elle ? Avait-elle réussis son concours d’infirmière ? Aurait-elle validé Katerina comme belle-sœur ?
Elle lui manquait. Son sourire dans la neige lui manquait. Elle aimait tant la neige autrefois, était-ce encore le cas ?

Le jeune homme baissa les yeux, honteux dans ses songes, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas eu une pensée pour sa sœur bien qu’elle fut la personne qu’il aimait le plus il y a peu de temps encore.

_Un jour à la fois, oui je prend un jour à la fois et cela m’aide. Je pense que je suis heureuse.

Le jeune homme acquiesça. Prendre un jour à la fois, profiter du présent, c’était la meilleure chose à faire. C’était ce que voulait faire Nevrabriel en demandant la main de la jeune russe, prendre un jour à la fois, le vivre comme si demain n’existait pas, vivre pour une fois, être heureux pour une fois, être là, pour une fois.

_Si tu es heureuse, c'est tout ce qui compte.

Le jeune homme laissa le silence les bercer par le chant des vagues et les paroles du vent. Une mélodie apaisante auprès d’un être tout aussi apaisant … c’était tout ce qu’il pouvait demander pour ce moment. Un bruit finit par attirer son attention, il tourna doucement son visage pour que la tête de son amie reste lovée à son épaule. A son bonheur, ce n’était rien que la barque qui cognait contre le ponton à cause des vagues.

Devait-il s’inquiéter de voir débarquer l’autre habitant de cette bâtisse à tout instant ? Ou pouvait-il simplement profiter de ce moment avec sa lorialet sans se soucier du monde autour d’eux et de qui pouvait venir les interrompre ?

L’écossais se retourna vers la mer,  sortit une main de ses poches et la tendit vers son amie avant de l’ouvrir sur un pendentif en forme de croissant de lune, en bois.

_Tiens, un Joyeux Noel en retard …

Il avait offert un papillon à sa bien-aimée par toute la signification que cela représentait, il en était de même pour la jeune femme aux cheveux blancs. Une lorialet était une enfant de la lune, ils se sont rencontrés en pleine nuit et avaient tous les deux décidés de prendre leur vie en main inspirés sous le clair de lune.
La lune représentait beaucoup de choses pour le jeune homme, mais également beaucoup de monde … Astrid, Katerina, Lucy ... En y pensant, ce n’était que des femmes qui avaient eu de l’importance dans son cœur. Mais était-ce réellement singulier en connaissance que sa plus grande passion restait la lune et les étoiles ?

_Je me suis amélioré depuis nos premières sculptures, dit-il en souriant, fier de sa propre performance

Une blague. Oui, pour détendre, pour oublier également. Oublier qu’il ne pouvait pas faire de meilleur cadeau, oublié que ce fut un Noël plus qu’étrange, oublier qu’elle n’a pas pu festoyer avec les autres parce qu’elle était censés être morte, oublier qu’elle ne porterait peut-être pas ce « bijou » pour ne pas offenser son partenaire de vie. Le jeune homme y avait songé en taillant le bois, mais que pouvait-il faire pour Lucy sans moyens, sans ressources ? Il aurait aimé offrir quelque chose de mieux, de plus beau, plus raffiné, plus … simplement mieux. Puisqu’elles méritaient mieux. Mieux que des babioles en bois, mieux que ce qu’il pouvait offrir, certainement mieux que lui …

Lucy se mit à rire. Ce rire cristallin et sincère fit esquisser les lèvres du jeune homme d’un fin sourire. Il en oubliait doucement sa mélancolie mais se rendait bien compte que sa lorialet lui manquait, la voir tous les jours lui manquait, la surprendre en train de fuguer ou tailler le bois avec elle lui manquait.

_En effet! Il me plaît beaucoup!

Nevrabriel remit sa main dans sa poche lorsque la demoiselle prit son cadeau. Il était content de la voir sourire, et touché lorsqu’elle le passa à son cou. Il avait l’impression que ce n’était pas si raté finalement.
Oh … Cela semblait plus clair … Il se sentait inférieur. Ce sentiment d’être perdu n’était pas parce qu’il ne se sentait à sa place nul par mais parce qu’il avait le sentiment de l’imposteur, tout ce qu’il avait à présent, il ne le méritait certainement pas. Il ne méritait pas d’être heureux après tout ce qu’il avait fait. Alistair ? … Non, c’était plus que cela. Il avait accepté de perdre sa famille pour expier cette faute, mais une autre le rongeait inconsciemment : Si tout le monde était bloqué sur l’île, divisé, c’était sa faute.

_Comme ça tu es toujours un peu avec moi!

Le sourire du jeune homme s’élargit, attendrit par tant de bienveillance et d’affection à son égard. Il s’attendait plutôt à ce qu’elle le range dans sa poche, mais peut-être que, contrairement à lui, Jessy n’avait pas la jalousie comme défaut ?
Lucy vint reposer sa tête contre l’épaule du jeune homme et il reposa sa joue au sommet de celle-ci, expirant paisiblement. Ce silence lui faisait du bien. Juste elle et lui, assis, regardant le même horizon.
Il ne comprenait pas sa propre morosité alors qu’il avait fini par négocier pour ne pas tenir les armes de Graham, qu’il allait se marier, que ses amis allaient bien qu’il avait tout pour être heureux … Se sentir coupable n’était pas évident, même si Aeden lui avait dit le contraire, personne ne pouvait nier que s’il n’avait pas révélé l’emplacement du journal les révolutionnaires seraient partis, et s’il n’avait pas dit à Naito de donner l’alerte, la révolution n’aurait jamais eu lieux. Alors évidemment, si Katerina n’avait plus de soin, c’était sa faute, si Lucy avait perdu un œil, c’était sa faute, s’il y a eu des morts, si le bâtiment a pris feu, s’ils en sont là aujourd’hui, c’était entièrement sa faute …
Le seul moyen qu’il avait de se racheter était de retrouver contact avec le continent le plus vite possible.

_Je vais devoir te trouver un présent !

La voix de la demoiselle le sorti de ses pensées. Il tourna la tête vers elle. Il ouvrit la bouche pour lui dire que ce n’était pas nécessaire, qu’elle devait d’abord s’occuper d’elle avant de s’occuper de ce genre de chose. Et il se doutait qu’elle avait à faire, surtout en plein hiver. Mais elle fut plus rapide que lui et ajouta :

_Qu’aimerais-tu?

L’écossais referma la bouche avant de réfléchir.
Qu’aimerait-il ?
Beaucoup de choses.
Mais seul un génie pourrait les exaucer.

Après quelques secondes, Nevrabriel remua légèrement pour que Lucy se détache de lui. Il se releva et lui tendit la main pour qu’elle fasse de même. Le jeune homme garda la main de son amie dans la sienne, prêt à faire quelques pas pour ne pas laisses leurs membres s’engourdir, mais pas tout de suite. Ses yeux se posèrent sur le pendentif en bois au cou de la jeune femme. Un sourire tendre se dessina sur son visage, ajoutant des couleurs chaleureuses à ses joues qui rougissaient déjà à cause du froid.
De tous ses rêves abandonnés, il pouvait toujours en exaucer un, et Lucy pouvait y contribuer.

_Le plus beau cadeau serait …

Le jeune homme hésita un instant avant de se pencher pour murmurer à son amie :

_Que tu viennes à mon mariage … le 25.

_C’est super ça!

Lucy s’était jetée à son cou pour l’enlacer avec affection. Son rire était communicatif et le jeune homme referma ses bras sur le dos de la demoiselle, la pressant contre lui, affectionnant la chaleur qu’elle lui offrait. Si ce mariage, son choix, ne semblait pas réjouir tout le monde, il avait au moins le soutien de son amie. Les débuts ne furent pas simples mais finalement elle l’a ne l’a pas abandonné, elle l’a même soutenu, encouragé et finalement tous les deux pouvaient être heureux à présents.

_Je suis heureuse d’être invitée, je ne manquerais cela pour rien au monde! Tu me diras où je dois aller et j’y serais!

Le jeune homme eut un sourire discret. En temps normal, un mariage est censé être le plus beau jour de la vie d’une personne. Mais ce n’était pas un mariage ordinaire. Il n’y aurait personne de sa famille, aucun amis, personne qu’il n’aime. Entouré d’inconnu, avec un témoin qu’il n’aurait pas choisi. Mais il ne devait pas se lamenter sur son sort, Katerina deviendrait sa femme et il ne pouvait pas rêver mieux. Il aurait pu ne pas avoir de cérémonie, Katerina aurait pu refuser sa demande. Le scénario aurait pu être beaucoup plus catastrophique que ça. Mais il voulait tout de même avoir son entourage près de lui ce jour-là, le temps d’une soirée, pour terminer cette journée en beauté. Puisque Graham ne voulait pas de personne extérieur, alors il allait faire sa propre fête en dehors des murs du bâtiment, avec les gens qu’il avait à cœur.

_Dommage que les deux meilleurs musiciens soient les mariés hahaha.

_C’est vrai ahah, mais on fera avec. Tu m’accorderas une danse, hein ?

La réponse était spontanée. Des pensées légères lui flottaient à l’âme, plus pressé de passer la soirée avec ses amies que le buffet avec des personnes qu’il connaissait à peine. Beaucoup dans l’Institut n’était pas de mauvaises personnes, mais, malheureusement, toute les mauvaises étaient concentrées là-bas. L’écossais eut le déplaisir de retrouver des personnes comme Dubois, croiser la route d’Amalia … Ce n’était pas un lieu où il se sentait pleinement en paix, pas comme lorsqu’il vivait avec Lucy, mais il avait fait un choix, et il avait choisi Katerina.

_C’est un peu compliqué, Graham ne veut pas de personnes extérieures à l’institut et de toute manière te faire venir là-bas serait compromettre ta fausse mort. Je pensais faire une petite fête au lac avec seulement Kat, Aeden toi et … Ophelia … mais je ne suis pas certain.

Ophelia … Un grand mystère pour le jeune homme, leur relation étrange était à la fois allié et adversaire, à la fois soutient et désapprobation. Il ne savait pas s’il pouvait lui faire confiance, bien qu’elle ne lui a jamais montré qu’il pouvait en douter, il ne savait pas s’il pouvait être son ami, ni même le fait que l’inviter était une bonne idée. Mais il lui proposerait et elle sera seule maitre de sa décision.

_C’était une des leaders de la révolution avec Aeden. On n’est pas vraiment ami, nous ne sommes pas ennemis non plus … J’ai été horrible avec elle et j’aimerais enterrer la hache de guerre en l’invitant. Evidemment, si elle vient, elle ne devra pas révéler aux autres ton secret. A part si cela te gêne ou t’angoisse, auquel cas je ne l’inviterais pas.

Il y avait également de forte probabilité que la chef du Village ne veuille pas venir, après tous les mots échangés au cimetière ont été violent et ont dégradé de manière peut-être irréversible la relation des deux jeunes gens. De toute évidence l’écossais serait rapidement fixé.
Nevrabriel serra un peu plus son amie dans ses bras, se nourrissant de toute cette affection, cette douceur et cette chaleur que lui offraient Lucy. Même s’il ne ferait pas demi-tour, beaucoup d’incertitudes le taquinaient, lui faisant imaginer des scénarios catastrophiques où quelque chose, quelqu’un, une force supérieur, viendrait lui enlever ce bonheur bien trop récent.

_Ça sera une belle journée, n’est-ce pas ?

_A part si cela te gêne ou t’angoisse, auquel cas je ne l’inviterais pas.

Si faire la paix avec l’ancienne chef de la révolution tenait à cœur le jeune homme, la sécurité et le bien-être de Lucy étaient plus importants que le reste et cela serait sans équivoque. Mais la canadienne était une femme pleine de bonté et sa réponse n’avait d’égale que celle des cœurs les plus pures :

_Je pense que l’inviter est une bonne idée.

Elle opina, laissant à l’écossais un sourire. Il se sentait de moins en moins perdu en parlant avec son amie. Elle savait exactement comment lui parler, le conforter dans ses décisions et ses idées. Les choses semblaient plus légères aux cotés de Lucy, ce n’était pas étonnant que les pires ordures puissent trouver la paix en sa présence. Au-delà de ces mots, il sentait qu’elle avait plus d’assurance. Le petite oiseau est partie de sa cage et se porte comme un charme.

_Oui, ce sera une bien belle journée. D’ailleurs s’tu as besoin d’aide pour préparer quelque chose? Je serais heureuse de t’aider si tu en as besoin.

Nevrabriel offrit un autre sourire, un peu timide. Même s’il était prêt, le mariage était quelque chose de nouveau et déstabilisant. Il aurait aimé que Lucy et Aeden puissent venir, être présent pour lui, l’aider à se préparer, à apprécier la cérémonie, faire impasse sur cette peste de Eizena – ou quelque chose du genre – et passer le plus beau jour de sa vie avec les personnes qui avaient le plus d’importance à ses yeux.
Mais l’aider à préparer la fête était suffisant. Ce n’était pas grave si ce n’était pas grandiose, du moment que c’était authentique. Lorsque la Mort viendra le chercher, il espérait que ses amis se souviendront de ce moment pendant très longtemps, pour lui, ils seront sa mémoire lorsque la sienne disparaitra.

_Marchons un peu, je commence à avoir froid.

Nevrabriel prit la main de son amie, lui qui était un vrai radiateur savait que la température était vraiment basse lorsqu’il commençait à avoir froid, mais il était dehors depuis bien longtemps ce qui pouvait jouer sur sa température corporelle. La main de Lucy été légèrement plus froide que la sienne mais cela était si infime qu’il ne pouvait pas la réchauffer. Il enfouie sa main tenant celle de son amie dans sa poche pour les mettre au chaud, mettant sa main libre dans son autre poche pour combattre la fraicheur de l’hiver et se réchauffer au mieux.
Invitant Lucy à marcher près du port, jamais trop loin pour ne pas faire de mauvaise rencontre, il réfléchit à cette petite fête post-mariage. Cela faisait des années qu’il n’avait pas organisé de fête … En fait, il n’en avait jamais organisé, ses amis de collèges n’étaient pas de gros fêtards et en ce temps-là il était trop invisible pour se faire inviter par les autres enfants-préadolescents. Mais là on parlait de son mariage, si la cérémonie était organisé par la bras droit de Graham, il voulait que sa petite fête familiale soit faite par ses soins, aussi rudimentaire soit-elle.

_Hm … Pourrais-tu garder des patins à glaces et les ramener ce soir-là ? Si on me voit avec trop de matériel on va penser que je pars en fugue. Je pense ramener mon violon, évidement, et de la nourriture. Une fête sans nourriture ne serait pas une fête ahah.

Le jeune homme pensa soudainement à la petite Solveig dans sa cabane solitaire. Elle aurait surement beaucoup aimé participer, mais sa naïveté était un danger pour la sécurité de Lucy mais également Katerina. Elle serait capable de lancer une boule de neige sur la future mariée et le moindre microbe était une arme fatale contre l’immunité de la jeune russe. Il se promit de lui rendre visite plus tard, voir si tout allait bien pour elle et si elle a pu se faire des amis depuis le temps. Nevrabriel devait soigneusement choisir les personnes qu’il rassemblerait ce soir-là, cette raison le poussait à douter de la confiance qu’il pouvait avoir en Ophelia, mais elle ne pouvait pas lui planter un couteau dans le dos ou elle perdrait également la confiance d’Aeden, ce que le roux ne pensait pas envisageable pour la chef du Village.

_Je demanderais à Aeden s’il peut t’aider à emmener une table pour y poser la nourriture. Et un peu de braise avec du bois sec, on pourrait allumer un feu pour se poser et discuter autour, qu’en penses-tu ?