Se déroule le 3 Juin :

Il faisait nuit mais Aeden ne parvenait pas à dormir. Pas d’apparitions troubles ou de voix agaçantes pour le hanter cela dit. Juste lui et ces pensées tourbillonnantes qui s’interrogeaient sur tout et rien à la fois. Il était sorti du bunker et avait marcher un peu dans la forêt pour fumer. Il essayait toujours de fumer loin du grillage pour être vraiment sûr que Elpida ne finirait pas par le prendre sur le fait. Ou Elizabeth. Au fond, il ne savait pas duquel des deux il aurait dû avoir le plus peur. Il prenait toujours soin de ne fumer que le soir, pour laisser le temps à la rougeur de ces yeux de s’atténuer avec le sommeil. Et puis, le fait de devoir se bouger et s’éloigner du bunker pour se griller un joint espaçait sa consommation.

Pas de lune pour l’aider à se diriger dans les bois cela dit ce soir. Le ciel devait encore être nuageux après une journée de pluie qui avait embrumé l’île. L’air était d’ailleurs encore chargé d’humidité. La gorge sèche, il laissa s’échapper une très légère quinte de toux. Il aurait dû penser à boire un verre d’eau avant de sortir… Il l’avait probablement pensé d’ailleurs à un moment puis il avait oublié quand Wendy avait exigé qu’il lui raconte une histoire pour la border.

Il s’accorda encore une centaine de mètres avant de finalement sortir de la poche ventrale de son pull un joint et son briquet. Il y chipota avec indécision les glissant nerveusement entre ces doigts. Il continua de s’avancer discrètement entre les arbres diviser entre l’envie d’enfumer son esprit et l’idée qu’il finirait par tomber à court de joints s’il ne parvenait pas à modérer sa consommation. Et en même temps… au diable les bonnes résolutions. Il avait peut-être renoué une forme de dialogue avec le médecin du bunker, il n’en restait pas moins le type responsable de la mort de Lys. Et le Bunker continuait de peser sur ses humeurs qui avait toujours eu pour vocation de le tirer vers le bas.

Il glissa le joint entre ces lèvres et se décida finalement à activer son briquet. Il galéra un peu, probablement à cause de l’humidité ambiante mais au bout de deux trois essais, parvient finalement à ces fins. Il tira sur sa sèche, rejetant un petit nuage de fumer dans le ciel sombre. Ferma les yeux et poussa un soupir. La nervosité grandissante qu’il ressentait avant de fumer s’estompa petit à petit et il profita de sa clope et de la brume qu’elle provoquait sur son esprit. Fini de s’inquiéter pour ces amis, éparpillés parmi toutes les factions, de s’inquiéter des médecins et dirigeant des dites faction en qui il ne parvenait toujours pas à avoir confiance. Fini de se demander s’ils quitteraient un jour cette île et quel serait l’avenir de Wendy ou celui de n’importe qui d’autres d’ailleurs. Fini de se demander à quel point ces parents l’avaient oublié, probablement soulagé de cette disparition opportune. Fini d’essayer de savoir ce que pouvait devenir le Génie et s’il lui adresserait la parole s’ils finissaient finalement par se recroiser. Fini de se demander si Sheila ne s’était pas mise, tout comme Ophélia avant elle, à porter un trop lourd fardeau sur ces épaules. Il se sentait plutôt bercer dans une douce euphorie bien loin de l’écrasante sensation de se noyer dans des sables mouvants qu’il avait connus lorsqu’il prenait ces anxyolitiques. Ici, il s’enfonçait plutôt dans de voluptueux nuages.

Il fuma jusqu’à ce que le joint soit si petit qu’il lui brulait les doigts et en écrasa les restes avec soin. L’incendie de l’été précédent avait été un avertissement suffisant pour que le jeune homme prenne soin de s’assurer de ne pas laisser quoi que ce soit qui puisse s’embraser après son passage. Il faisait parfois encore des cauchemars emplis de fumée noir qui lui brûlait les poumons et lui laissait des yeux larmoyants. Enfin… Là en l’occurrence, il se sentait plutôt bien, plutôt très bien même. Fini les soucis, il avait l’impression que le monde coulait enfin autour de lui sans s’accrocher à ces épaules. Une envie cependant s’agrippa à son esprit.

Avant de fumer, il avait pensé à Sheila. A Alexander. Aux électrons libres finalement. Mu par un irrépressible besoin de leur rendre une petite visite, et vu qu’il n’était déjà pas loin de la frontière, ce serait un détour formidable. Cette idée qu’il trouvait lumineuse le poussa donc à s’aventurer sur le territoire qu’il avait appris à connaitre au fil des mois passés là-bas.

Il avait déjà pénétré loin dans les terres des électrons lorsqu’il croisa un patrouilleur qui le héla en l’apercevant. Aeden le salua amicalement, et lui annonça qu’il venait voir Sheila, pas le moins du monde stressé à l’idée de la déranger au beau milieu de la nuit. Le gars n’eut aucun mal à reconnaitre le jeune homme qui avait tout de même vécu longtemps parmi eux et en qui il avait plutôt confiance aussi ne rechigna-il pas tant à laisser circuler le surdoué, conscient que cela ne valait pas tellement la peine qu’il l’accompagne. Aeden débarqua finalement dans la grotte, éclairée par la seule lueur du feu qu’il avait si souvent surveiller en compagnie de Sheila, et la chercha des yeux. Il ne manqua pas d'apercevoir sa chevelure facilement reconnaissable et s'approcha discrètement dans son dos avant de passer ces mains sur les yeux de la jeune fille en entonnant joyeusement -peut-être un peu fort pour ceux qui essayaient de dormir :

- Coucou qui c'eeeest ?