Cela faisait quelque mois que l’adolescent était arrivé à l’Institut. Au début il ne disait rien. Il ne voulait pas être ici, il voulait rester avec sa grand-mère et sa sœur. Il voulait continuer à voir sa psy, c’était la seule avec qui il pouvait parler. C’était une punition d’être ici. Mais au moins personne n’était au courant de ce qu’il avait fait. Il devait accepter la punition, il n’avait pas le droit de se plaindre.
Puis, doucement, l’adolescent accepta que ce n’était pas une punition, c’était pour guérir, pour qu’il ne puisse plus jamais faire de mal à personne. Il acceptait de guérir. Tous les mois il attendait la visite de sa grand-mère, s’attendant à voir sa sœur l’accompagner. Mais elle ne voulait pas le voir. Toutes les semaines, il attendait le coup de fil de sa grand-mère, s’attendant également à parler à Merywen, mais elle ne voulait pas l’écouter.
Il se sentait seul dans cet endroit, il se sentait triste dans sa chambre si blanche. Pourtant, son médecin, le docteur Elpida, prenait bien soin de lui. Il était un peu effrayant, Adèlys, son autre patiente, semblait terrorisée par le médecin, mais il n’était pas méchant, il était simplement … spécial.
La voix de Nevrabriel était en train de muer, il avait un timbre peu agréable qui partait tantôt dans des extrêmes aigus, tantôt dans les graves de camionneur, alors il avait réduit son débit de paroles. Il se rendait compte de sa puberté lorsqu’il marchait à côté d’adolescents de son âge. Autrefois il faisait partie des plus petits, mais sa croissance était en train de connaitre un pic assez flagrant. Tant et si bien que parfois cela lui faisait mal aux articulations, alors, on lui préconisa du sport, même s’il préférait bouquiner. Mais bien trop docile, il accepta et il venait jouer avec des patients dans la cour par moment après les cours. Il n’était pas mauvais et il faisait partie des plus grand de son âge, alors les autres aimaient bien jouer avec lui.
Les garçons voulaient profiter du peu de chaleur qui restait avant l’hiver pour jouer au basket. Nevrabriel n’était pas vraiment d’humeur ce jour-là, en plus il avait fait une crise ce matin, il voulait tout faire sauf du sport. Mais il devait en faire, alors il prenait sur lui, se laissant entrainer par sa testostérone d’adolescent pour entrer dans le jeu et suivre le rythme.
Mais, après un panier raté, un des joueurs shoota dans le ballon violemment avec son pied, l’envoyant en dehors du terrain. Le ballon rebondit avant d’entrer dans une chambre. Le groupe d’adolescent se mirent à paniquer, peur de se faire disputer. Ils commencèrent se pointer du doigt, s’accusant mutuellement, ne sachant pas vraiment quoi faire. Nevrabriel, très calme, surement parce que le fait d’être le patient d’Elpida faisait en sorte qu’il n’a jamais été puni depuis son arrivé, marcha jusqu’à la fenêtre ouverte et attendit quelque secondes avant de voir une petite tête blonde dépassée. L’adolescent adressa un grand sourire timide à la fille de la fenêtre. Il força un peu sur sa voix pour qu’elle ne parte pas dans un aigu désagréable :
_Excuse nous. On peut avoir le ballon, s’il te plait ? ... On a rien cassé dans ta chambre, j’espère.
- Nev à l'époque:
entourageGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 10/02/2013Age : 26
Ophelia déteste cet endroit. Ce n'est pas l'hôpital ou l'enfermement en lui-même qui la font pleurer tous les jours, mais la séparation avec ses parents. D'ordinaire, quand elle est hospitalisée, elle voit un membre de sa famille au moins une fois par jour. Ici elle n'a que très peu d'appel, de conversation et de rencontres. Elle comprend, c'est pour sa santé, c'est important, mais la solitude la tuera avant l'arrêt cardiaque, elle en est certaine. Elle a cru se faire un ami, il y a quelques semaines, en aidant sans s'en rendre compte un enfant à prendre la fuite. Depuis on la regarde bizarrement dans les couloirs ...
En sous-vêtements devant son miroir en pied, elle s'inspecte. Elle déteste son corps. Elle déteste ce qui pousse dans son soutien-gorge et qui prend de la place alors qu'elle veut encore être une petite fille. Elle déteste ses cheveux qui poussent, ternes, filasses, cassants. Ses couettes ne suffisent plus à donner du volume. Elle déteste sa peau d'une teinte uniforme, presque grise. Et plus que tout, elle déteste les deux cœurs qui, au lieu de battre correctement un rythme, se battent entre eux.
Alors elle ouvre la trousse de maquillage que lui a offert sa soeur lorsqu'elles se sont vues le mois passé, surveillées par les médecins. Elle prend un rouge à lèvres et dessine une croix à gauche de son thorax, là où se situe le cœur en trop. Elle le cible pour le jour où y plantera un couteau. Au lieu de s'ouvrir les veines, lorsqu'elle était encore chez elle, elle aurait dû s'ouvrir la cage thoracique. Pourquoi avait-elle commis cet acte d'ailleurs ? Elle déteste ces cicatrices, énièmes traces de sa faiblesse.
Serrant le rouge à lèvres contre son coeur, elle baisse la tête et fond en larmes. On lui a changé son traitement récemment, dans l'espoir que cela ne génère plus de tumeurs. Mais ces médicaments la fatigue, la ternisse, l'affaiblisse. Même physiquement elle paraît encore plus malade qu'elle ne l'est déjà.
Elle se mord la lèvre pour qu'on ne l'entende pas pleurer. Mais qui viendrait, si on t'entendait ? Tu n'avais que ta famille, et ici tu es seule à jamais.
Et soudain, un grand fracas et une douleur sur le pied. Ophelia gémit et se tient le pied rougi par la rencontre avec ce qui ressemble à un ballon de basket. Elle se tourne vers la fenêtre de sa chambre, la vitre est brisée en milles morceaux. Est-ce volontaire ? Quelqu'un a-t-il cherché à atteindre à sa vie ? Après tout, on lui donne un drôle de surnom ces derniers temps. La goinfre, où quelque chose qui s'en rapproche.
Elle s'abaisse aussitôt, se couvrant la tête avec ses mains, espérant disparaître avant qu'on ne lui lance autre chose.
«Excuse nous. »
Elle relève la tête vers la voix. Elle avance à quatre pattes jusqu'à sa fenêtre en évitant au mieux les débris. Elle pose ses deux mains sur le rebord et monte lentement son visage, ne laissant dépasser que ses grands yeux bleus, encore rougis par la tristesse. Elle doit baisser le regard pour découvrir son agresseur.
« On peut avoir le ballon, s’il te plait ? ... On a rien cassé dans ta chambre, j’espère. »
C'est un garçon !
Elle se cache à nouveau, aussitôt ! Un garçon, qui a l'air d'avoir son âge !
Elle n'a jamais parlé à un garçon de son âge! Qu'est-on censé leur dire, en tant que femme en devenir ? Elle tend la main vers son lit où est vautré son uniforme de patiente. Elle l'enfile discrètement à l'abri, rouge de nervosité.
Comme elle a été longue, elle tient à vérifier si l'adolescent est toujours là. Même schéma que tout à l'heure, elle repose ses mains sur le rebord et monte doucement sa tête pour qu'on ne voit que ses yeux et ses épaisses boucles blondes. Il est toujours là ! Elle a la gorge nouée, sèche. Elle ne sait pas quoi dire ! Elle n'est pas une interlocutrice, elle ne sait pas parler aux gens ! Encore moins à ses pairs !
Elle se lève d'un coup en prenant son courage à deux mains, raide, avant de rougir à nouveau. D'ici, on dirait Juliette sur son balcon, ou Raiponce en haut de sa tour. Les princes charmants existent-ils ailleurs que dans les livres ?
Il n'est pas trop son type, mais il a un visage sympathique. Elle aime bien ses yeux. Lui aussi il a une dualité physique qui le rend différent des autres. Elle aurait préféré avoir des yeux vairons plutôt que des coeurs vairons.
« Bonjour je ... »
Il lui a demandé quoi déjà ? Comment on communique entre adolescents ?
« Désolée d'avoir mis ma chambre ici. »
Elle ne sait vraiment pas quoi dire, elle ne s'entend même plus parler !
La fille fit plusieurs allers-retours entre sa fenêtre et l’intérieur de sa chambre. Est-ce qu’elle cherchait le ballon ? Ou alors un surveillant pour se plaindre ? Après tout, ils venaient tout de même de casser sa vitre. On leur avait déjà dit de ne pas prendre toute la cours, de jouer seulement vers le panier de basket, justement pour éviter ce genre d’accident, mais c’était des gamins, et des garçons en plus, ils n’écoutaient pas tant qu’ils ne se faisaient pas mal. Oui, ces mêmes adolescents qui jouaient à se battre parce que c’était soit disant amusant de se taper, jusqu’à ce qu’il y en a un qui finisse par se blesser… Une énigme pour Nevrabriel qui ne trouvait aucunement jouissif de porter de la douleur à autrui.
L’adolescent se pinça légèrement les lèvres, se rendant compte que finalement, lui aussi se ferait peut-être punir avec les autres et ce n’était vraiment pas amusant. En plus il voyait bien les autres l’accuser en se disant qu’il n’aurait pas une grande sanction. Hm. Les enfants pouvaient se montrer méchants.
La fille finit par se révéler. Elle semblait avoir son âge. Timide, l’adolescent se sentit penaud lorsqu’elle se tint toute droite à sa fenêtre. Ils rougirent en cœur.
_Bonjour je ...
Nevrabriel froissa nerveusement les pans de son uniforme avec sa main gauche alors qu’il essayait de ne pas baisser les yeux. Il était déterminé il y a deux minutes mais il se rendait compte que c’était stupide de venir tout seul. Il ne voulait pas que l’inconnue se fâche. Il n’aimait pas se faire hurler dessus, surtout lorsqu’il n’avait rien fait…
_Désolée d'avoir mis ma chambre ici.
… ??
Nevrabriel s’attendait à beaucoup de chose mais pas à ça. Il bégaya des « euuuuh » aigus, ne sachant pas vraiment quoi répondre à ça.
Il s’attendait plus à se faire insulter de tous les noms d’oiseaux et que la fille aille chercher un adulte pour l’achever. Mais elle semblait aussi embarrassée que lui.
_Euh …Ce … C’est … pas … grave … … … … je crois.
L’adolescent se sentit assez bête. Il n’aurait pas dû répondre ça, mais il ne savait pas quoi dire d’autre. Il tourna la tête vers le groupe de garçons qui semblaient attendre avec impatience et peur, comme prêt à se disperser et s’enfuir si un adulte venait à débarquer par surprise. Nevrabriel savait qu’il n’était pas très courageux, mais à ce moment précis il se sentait bien moins trouillard que cette bande de prépubères.
_Je … euuuuh …
L’écossais ne savait pas s’il devait lui demander de ne pas les dénoncer aux surveillants ou si lui demander si elle n’a pas eu peur ou mal, ou autre chose. Il aurait aimé que sa sœur soit là, elle savait très bien parler aux autres et semblait toujours savoir quoi dire dans ce genre de mésaventure … elle aurait d’ailleurs traité tous les garçons de mauviettes écervelés avant de monter au premier étage et frapper à la porte de la fille à la fenêtre … Nevrabriel se disait qu’il devrait faire ça … mais bon … il n’était pas très courageux… Et il ne voulait pas prendre toute la responsabilité d’une affaire où il n’était pas coupable.
_On peu-euuh avoir … l-le ballon ? demanda-t-il, sa voix partant doucement vers les aigus
Objectif principal, une chose à la fois, le ballon. Le reste … il ne savait pas trop.
_S’il … te plait ?
entourageGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 10/02/2013Age : 26
Elle s'entend parler et entortille aussitôt une boucle blonde autour de son index avant de la coincer derrière son oreille. Puis de la décoincer. Puis de la recoincer. Et ainsi jusqu'à ce la mèche n'en puisse plus et se rebelle en des milliers de fourches en colère. La boucle n'est alors plus que des épis en bataille.
Elle doit avoir vraiment dit n'importe quoi parce que le garçon ne fait que bégayer des « euh ». Ca lui apprendra à essayer de communiquer ! Ne sait-elle donc pas qu'elle est bien incompétente socialement ? Elle met tout le monde mal à l'aise. Elle devrait se taire et s'en aller, ça lui éviterait de reproduire l'incident de la dernière fois, et de se coltiner un surnom qu'elle n'a toujours pas compris !
Elle voit le garçon tourner la tête vers un autre groupe de garçons. Les yeux d'Ophelia s'écarquillent tant de stupéfaction qu'ils en deviennent luisant, prêts à être éjectés de leur orbite. Il y a d'autres garçons ! C'est toute une bande ! C'est foutu, ils vont se moquer d'elle. Ils vont pointer du doigts ses nénés qui se sont mis à pousser sans qu'elle ne le leur demande !
« Euh …Ce … C’est … pas … grave … … … … je crois. »
Ophelia ne comprend pas trop ce que le garçon lui dit, il a une drôle de voix. Elle doit se pencher un peu plus sur la rambarde sa fenêtre pour l'entendre, ce qu'elle fait par réflexe quand son Roméo improvisé et non désiré commence à parler. Elle se rend compte qu'elle aurait préféré éviter ce reflexe si elle avait su que ça la rapprocherait un peu plus de lui.
Elle est pétrifiée, à deux doigts de pleurer parce qu'elle se rend compte qu'en quatorze ans d'existence elle est loin d'être l'héroïne de roman qu'elle aurait voulu être. Elle n'est qu'une pleurnicharde qui a peur que, le soir, lorsqu'elle s'endort, ce soit pour toujours. Sa vie est si fragile qu'elle en a impacté sa personnalité.
Elle ne s'aime pas du tout.
« Je … euuuuh …»
Elle le déstabilise tant que ça ? Mais quelle cruche !
« On peu-euuh avoir … l-le ballon ? »
Elle se penche un peu plus, n'ayant pas trop compris. Sa voix est bizarre. Est-ce qu'il est malade ?
Puis, lorsqu'il ajoute la formule de politesse, son cerveau réagit enfin. Le ballon !
« Oh, oui ... Pardon. »
Elle retourne aussitôt à l'intérieur de sa chambre pour aller chercher leur balle. Son pied lui rappelle le coup de tout à l'heure car, au premier pas, une inflammation la fait grimacer. Elle prend le ballon qui s'est échoué devant le miroir et se voit à nouveau. Elle tourne le miroir aussitôt. Elle ne veut plus se voir. Sa dernière chimio l'a ravagé physiquement. Elle avait eu les cheveux très longs quand elle était petite, ce fut un coup dur lorsqu'elle les a tous perdu... Aujourd'hui ils chatouillent ses épaules, mais la petite fille qui est en elle ne sera jamais plus une princesse.
Elle revient à la fenêtre en tenant le ballon dans ses deux mains.
« Tu le réceptionnes ? »
Elle attend d'être sûre qu'il soit prêt et hésite à le lâcher. Ce dialogue, c'est un des premiers qu'elle a avec quelqu'un de son âge depuis des mois. Depuis des années. Il y avait des enfants dans l'hôpital d'avant, mais ils ne restaient jamais. Soit parce qu'ils étaient guéris; soit parce qu'ils s'étaient endormis.
Dès qu'elle lui donnera son ballon, il partira jouer avec ses copains, et la conversation s'arrêtera. A quand la prochaine ? Et avec qui ?
Elle sert le ballon contre elle et fait non de la tête, balançant ses couettes de droite à gauche.
« Non, je suis désolée je ... Je ne veux pas te le rendre. »
Elle ne veut pas lui dire la raison, mais en même temps il allait la prendre pour une peste égoïste si elle ne lui donnait pas d'explications. Alors yeux baissés sur la surface de la balle, elle prend une inspiration.
«Tu vas partir jouer après, c'est ça ? C'est pas juste, moi aussi je veux jouer. »
_Oh, oui ... Pardon.
L’écossais passa une main sur sa nuque, gêné, avant de tirer de nouveau sur les pans de son uniforme, laissant voir ses clavicules ressortir à cause de sa maigreur naissante. Son médecin ne semblait pas vraiment s’alarmer de ça, surement parce que lui-même était squelettique, mais le reste du personnel lui disait qu’il devait manger davantage, accusant sa mauvaise alimentation de son retard de croissance. Etait-ce un mal d’être petit ?
La blonde aussitôt partie était aussitôt revenue. Est-ce qu’il devrait lui demander de ne rien dire aux adultes ? Elle n’avait pas l’air de vouloir le faire mais si elle était comme Nevrabriel alors elle n’avait aucune capacité à mentir, trop timide et trop froussard pour cacher la vérité, même si c’était pour couvrir les copains.
Quoique « copains » était un bien grand mot, ils étaient plus des camarades de son âge qu’autre chose. De toute manière Nevrabriel ne resterait pas longtemps ici, une histoire de quelque mois avant de retourner en Ecosse avec ses vrais amis et sa famille. En plus ce n’était pas tout le monde qui parlait anglais alors il avait beaucoup de mal à communiquer avec certaine personne et ce n’était pas simple pour lui qui n’arrivait pas vraiment communiquer de base.
_Tu le réceptionnes ?
Nevrabriel acquiesça timidement avant de tendre ses maigres bras révélés lorsque les manches trop grandes de son uniforme, à force de tirer dessus, glissèrent vers ses coudes. Mais contre toute attente, la petite se résigna et serra le ballon contre elle comme on serre un doudou ou une chose tout aussi précieuse. Elle hocha vigoureusement la tête et l’adolescent baissa doucement les bras sans comprendre.
_ Non, je suis désolée je ... Je ne veux pas te le rendre… Tu vas partir jouer après, c'est ça ? C'est pas juste, moi aussi je veux jouer.
Nevrabriel pencha doucement la tête sur le coté, ses mèches rougeâtres venaient lui chatouiller le nez. Il ne comprit pas tout de suite ce que voulait la fille de la fenêtre alors il se contenta de la regarder, penaud, avant de regarder le groupe de garçon qui attendait encore de savoir s’ils devaient fuir ou s’ils pouvaient encore jouer, un peu plus loin cette fois.
Puis le regard vairon de l’écossais se reporta de nouveau sur la blonde qui semblait bien malheureuse dans sa tour. Elle lui rappela un peu son petit frère … et ça le rendit triste.
_Je comprends ...
Les garçons de son âge étaient bêtes. Ils n’allaient pas accepter de jouer avec une fille. Ou du moins, s’ils acceptaient, ils feraient en sorte de ne pas lui donner le ballon, Nevrabriel n’était pas stupide, il voyait bien l’étrange rivalité garçons-filles que ce soit dans la cour ou dans la classe. Les adultes disaient que c’était « puéril », mais il ne comprenait pas très bien ce mot, comprenant simplement de son âge. Encore une fois, il se sentait déphasé par rapport à sa génération.
Mais la blonde ne venait-elle pas de lui offrir un occasion d’arrêter de jouer avec la concentration de testostérones non loin de là ? Nevrabriel eut un sourire timide avant de s’éclaircir la voix pour la rendre fluide et demander :
_Et si tu leur redonne le ballon et que je reste avec toi ? Attends.
Avant d’avoir la réponse de sa camarade, Nevrabriel regarda à ses pieds avant de prendre une pierre qui ressemblant d’avantage à un galet, surement un reste d’une d’décoration pour les parterres de fleurs. Il sortir un stylo noir presque vide qu’il avait dans sa poche pour noter des choses très importantes afin de ne pas les oublier, vu que maintenant il n’avait pas sa sœur en guise de cerveau. L’adolescent força sur la pointe du stylo pour dessiner un visage plus ou moins gracieusement souriant à au galet. Il le montra à la fillette de la fenêtre, fier de lui :
_Eloignes toi de la fenêtre ... et éloignes tes affaires aussi.
L’écossais attendit quelques instants avant de faire un lancé en cuillère pour que la pierre atterrisse « doucement » sur ou près du rebord de la fenêtre de sa nouvelle camarade. Aucun bruit alarmant ne lui signala qu’il avait cassé quelque chose. Mais il était – presque - sur de lui, il avait souvent joué avec son petit frère à ce genre de jeu, l’un au balcon et l’autre en bas, à s’envoyer le ballon, mais une balle en mousse pour être sur de ne rien casser.
Lorsque la petite revint à la fenêtre il lui offrît un grand sourire qui semblait le rajeunir à cause de ses fins traits malgré la puberté. Il s’assit par terre pour montrer qu’il resterait là, à parler, ou jouer, avec sa nouvelle camarade.
_Tu lances le ballons dans la cour et moi je reste ici, on fait ça ?
Nevrabriel toussota de nouveau avant de reprendre :
_Et notre nouvelle mascotte le caillou à besoin d’un nom.
entourageGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 10/02/2013Age : 26
Après avoir consulté sa bande de chromosomes XY, l'adolescent marmonne quelque chose d'inaudible. Ophelia est contrainte à s'aplatir le ventre sur le rebord de sa fenêtre pour entendre la fin de sa phrase, comprenant un ...prend.. Est-ce qu'il veut prendre le ballon malgré tout ? C'est logique, c'est le sien, elle devrait lui rendre.
Elle regarde l'objet sphérique avec beaucoup de peine, comme si elle tient entre les mains le plus beau des trésors. Elle peut s'estimer chanceuse d'avoir au moins eu une conversation avec quelqu'un de son âge. Une conversation décente, du moins.
« Et si tu leur redonne le ballon et que je reste avec toi ? »
Elle lève les yeux vers lui instantanément, illuminée par l'espoir (mais aussi un peu d'embarras, elle ne veut pas le forcer à lui tenir compagnie).
« Attends.»
Elle rit.
« Je ne peux pas aller loin.»
Avec sa condition physique, d'une fragilité extrême, elle a comme interdiction de sortir s'épuiser hors de sa chambre. Ses repas sont livrés ici pour qu'elle n'ait pas à se déplacer jusqu'à la cantine et on vient la chercher en fauteuil roulant pour ses différents rendez-vous. Celui qu'elle apprécie le plus, c'est avec la kinésithérapeute, parce que c'est le moment où elle est autorisée à bouger le plus.
Elle pensait que le garçon allait partir pour lui dire d'attendre mais elle est surprise de le voir ramasser un caillou. Tenant le ballon tout contre son ventre, elle se penche à nouveau à la fenêtre pour essayer de voir ce qu'il gribouille sur la pierre. Elle a vite sa réponse lorsqu'il lui désigne son œuvre d'art. Il a dessiné un bonhomme très souriant, tellement qu'il arrache un timide rictus à Ophelia.
« Eloignes toi de la fenêtre ... et éloignes tes affaires aussi. »
Il est rigolo avec sa voix qui part dans tous les sens. Mais elle ne se marre pas longtemps, obéissante. Elle recule et bouge toute ses affaires précieux. Elle prend quelques peluches qu'elle borde bien sur son lit avant de se coller dans un coin de la pièce. Elle rétracte ses orteils et se fait toute petite, le coeur battant. Que va-t-il se passer ? Pourquoi lui a-t-il demander de tout éloigner ? Elle attend, à moitié excitée, à moitié paniquée. Et lorsqu'elle se rend compte que rien ne se passe, elle avance vers sa fenêtre en faisant attention. Elle zieute les alentours, surtout son sol, pour essayer de comprendre ce qui s'est passé. C'est alors qu'elle voit le caillou, au milieu du rebord de sa fenêtre, le visage souriant l'accueillant chaleureusement.
« Tu lances le ballons dans la cour et moi je reste ici, on fait ça ? »
Elle reprend le ballon qu'elle avait posé à ses pieds, le tenant fermement tandis que son camarade de jeu lui propose de baptiser ce caillou. Elle laisse tomber sa balle à ses pieds, faisant signe au garçon de l'attendre à son tour. Elle prend son plus beau stylo à encre rose, revient à la fenêtre et écrit à son tour sur le caillou. Concentrée, elle tire la langue et fronce le nez. D'une écriture légère et arrondie, elle donne un nom au caillou : ballon. Parce que c'est grâce à ce ballon qu'elle a pu discuter. Elle tend le bras vers le bas pour que le garçon puisse voir le nom du caillou, le repose sur le rebord de sa fenêtre et baisse le regard vers le vrai ballon, l'air triste.
« Et si tes copains veulent jouer avec toi ...? Vous aviez peut-être une partie à finir ?»
Elle prend la balle, reste à la fenêtre, et attend. Elle réfléchit. De toute façon, elle ne pourra pas le retenir. Et si elle devient trop longue, les autres garçons vont s'énerver et eux aussi ils lui donneront un surnom horrible. Dans un soupir, elle jette le ballon le plus loin possible pour qu'il revienne à ses propriétaires. Evidemment, l'objet ne rebondit que à deux ou trois mètres de distance d'Ophelia, et les adolescents doivent envoyer un émissaire le récupérer. Elle se triture nerveusement les doigts, paniquée à l'idée que le garçon puisse s'enfuir, ne tenant pas parole.
« Au fait, tu ... »
Elle essaie visiblement de le retenir pour être sûre qu'il ne parte pas. Mais elle ne sait pas quoi lui demander, ni quoi lui dire.
« Tu aimes les chansons ? »
L’inconnue retourna à la fenêtre pour reprendre le caillou et se concentrer en écrivant dessus. Quoiqu’elle fasse, ça sera toujours mieux que les ronds asymétriques qui sert d’yeux à ce pauvre caillou.
Elle écrasa son corps contre le rebord de la fenêtre pour montrer leur œuvre commune. Nevrabriel se releva pour lire les écritures roses qui ressortaient parfaitement sur le caillou. Il plissa légèrement son œil doré qui était plus sensible à la lumière que le bleu afin que le pétillant du rose soit plus lisible.
« Ballon »
L’adolescent eut un sourire amusé. Il l’aurait peut-être appelé Basile. Basile le Caillou. Basile, Ballon… Amusant.
_Et si tes copains veulent jouer avec toi ...? Vous aviez peut-être une partie à finir ?
Nevrabriel haussa les épaules, ne sachant pas vraiment quoi répondre à cette question. Mais l’inconnue semblait attendre quelque chose alors l’adolescent se massa la nuque avant de dire :
_Quand tu pourras sortir de ta chambre on jouera ensemble, je suis sûr que tu es très doué au basket.
Ça n’avait pas vraiment de sens à la question de la blonde mais il ne savait pas quoi dire d’autres. La fille de la fenêtre resta hésitante. L’écossais devrait lui demander son nom, mais cela ne lui traversa l’esprit que le temps qu’elle se décide à lancer le ballon. Révélant une faible force dans ses bras puisque le ballon était presque à portée de main de l’écossais. Cela lui décrocha un sourire timide et amusé.
_Au fait, tu ... Tu aimes les chansons ?
_J’adore chanter oui.
C’était aussi certainement le seul moment où sa voix ne partait pas dans tous les sens. Surement parce qu’il chantait avec son ventre et non sa gorge ? Les mystères du corps humain.
L’adolescent se surpris de ne plus trop bégayer, se sentant de plus en plus à l’aise avec l’inconnue. Surement grâce au fait qu’elle semblait aussi timide que lui, peut-être ? ou qu’elle lui rappelait tristement son défunt petit frère ?
Nevrabriel regarda le groupe de garçons qui n’avait toujours pas bougé. Courageux mais pas téméraires. Le roux aurait pensé que l’un deux perdrait patience et serait venu, accompagné des autres comme des petits moutons qui ne pouvaient survivre indépendamment. Mais il fallait croire qu’ils savaient se montrer patient.
L’écossais se leva pour prendre le ballon dans ses mains et se tourna vers la blonde à sa fenêtre.
_Je vais leur donner et je reviens, tu me diras ce que tu veux comme chanson, on chantera ensemble. Ou je changerais pour toi. Je te laisse choisir.
Nevrabriel prit le ballon et commença à aller vers ses camarades, se retournant plusieurs fois pour voir si elle restait à sa fenêtre. Cette vision lui faisait vraiment de la peine mais il essayait de ne pas y penser où l’écho de son passé allait le faire fondre en larmes. Étrangement son attitude pleureuse ne dérangeait pas son médecin. Parfois l’adolescent fondait de chagrin pendant les séances de soin pour diverses raisons, mais le docteur Elpida ne faisait rien pour le consoler, il semblait juste… étrangement...ravis, sans vraiment d’explications. Peut-être aimait-il que son jeune patient puisse évacuer sa tristesse ? Peut-être qu’il souriait pour tenter de le rassurer ? Même si son sourire était énigmatique, le roux appréciait donner le sourire à au moins une personne ici-bas, vu qu’il décevait tous les autres autour de lui.
Arrivé vers la bande, ces derniers semblaient un peu apeurés. Le roux leur tendit le ballon, leur adressant un :
_Continuez sans moi.
_Attends t’es sûr ? C’est la Cannibale cette fille.
_L-La quoi ?
_Ouais, il parait qu’elle a mangé son jumeau à la naissance c’est pour ça qu’elle est là.
_Non non non, moi j’ai entendu qu’elle avait mangé une dizaine de patients !
_Obligé, c’est pour ça qu’elle peut pas sortir de sa chambre, elle est dangereuse pour nous !
Les adolescents commencèrent à commérer entre eux, inventant des choses singulières. Nevrabriel n’aimait pas ce genre de rumeur. La fille de la fenêtre semblait très fragile au point qu’elle ne « pouvait pas aller plus loin » que sa fenêtre, comment aurait-elle pu agresser qui que ce soit ? Nevrabriel fronça les sourcils mais ne disait rien. D’habitude c’était Merywen qui recadrait les ragoteurs, elle détestait les harceleurs, ceux qui nourrissait de la haine et de la méchanceté gratuite. Si Nevrabriel avait été aussi courageux que sa sœur, peut-être aurait-il dit quelque chose, mais à la place, le silence. Et il se sentit un peu honteux de se taire. Pire encore, il se sentit un peu honteux d’avoir pensé pendant une infime seconde ne pas retourner voir la fille de la fenêtre.
_O-On devrait arrêter pour aujourd’hui …alors… parce que … qu’elle … euh …
Nevrabriel n’était pas très fier de lui. Il ne trouvait rien à dire pour défendre la blonde et il était incapable de mentir mais il voulait disperser la foule pour qu’ils arrêtent de dires ces atrocités.
_T’as raison, elle va clairement nous dénoncer. On va jouer dans la forêt plutôt !
Nevrabriel soupira lourdement, d’une part, soulagé de ne pas avoir eu à chercher quelconque excuse mais d’une autre part, il n’avait clairement pas arrangé la situation de la fille de la fenêtre. Devait-il en parler à son médecin ? Peut-être qu’il pourrait faire quelque chose sur ces rumeurs étranges et méchantes sur sa camarade ?
Le propriétaire du ballon le prit des mains de l’écossais et le groupe s’éparpilla doucement. Certains allant dans la forêt, d’autres vers le bâtiment et d’autre vers la plage. Ne sachant pas trop quoi faire, plus habitué à suivre le mouvement, l’écossais attendit un peu avant retourner vers la blonde, un peu mal à l’aise de son manque de courage.
_T-tu …
Il toussota.
_Tu as choisi une chanson ?
Une chanson du bas d’un balcon … cette scène aurait pu sortir tout droit d’un conte pour enfant…
entourageGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 10/02/2013Age : 26
« Quand tu pourras sortir de ta chambre on jouera ensemble, je suis sûr que tu es très doué au basket. »
Le visage de l'adolescente se ferme. Quand tu pourras sortir de ta chambre. Elle n'en sort jamais, ou seulement pour des consultations. On la dit trop faible, en mauvaises condition physique. Les médecins souhaitent qu'elle fasse un peu d'activité mais ce n'est pas ses trente minutes de marche dans la salle du kiné qu'elle pourra un jour disputer un match de basket.
Le garçon lui dit qu'il aime chanter, ce qui arrache un sourire à Ophelia. Si ils se mettent à pousser la chansonette, elle va vraiment finir par se croire dans un Disney.
« Je vais leur donner et je reviens, tu me diras ce que tu veux comme chanson, on chantera ensemble. Ou je changerais pour toi. Je te laisse choisir. »
Elle pose ses avant-bras sur la rambarde de sa fenêtre, niche sa tête dans le creux formé. Elle regarde au loin ce garçon aux cheveux très colorés discuter avec ses copains. Elle imagine comme ça doit être bien de pouvoir parler avec une bande d'amis. Elle se demande ce qu'ils se disent. Ils ont l'air d'avoir une conversation animée. Elle ne peut s'empêcher d'essayer de faire le dialogue en même temps qu'eux. « Quoi, tu ne veux plus jouer au basket ?» « Et non les gars, je suis chanteur maintenant ! » « Mais Troy, tu n'es pas chanteur, tu es basketteur ! ».
Elle pouffe. Maintenant, la voilà dans High School Musical. Peut-être qu'elle doit choisir une chanson du répertoire du film ? Elle ne les connaît pas vraiment, ne l'ayant vu qu'une fois avec sa soeur.
Le garçon revient à sa fenêtre alors que ses copains s'enfoncent dans la forêt. Elle se relève de sa position de rêveuse, intriguée. Pourquoi sont-ils partis comme ça? Qu'est-ce que ce garçon a bien pu leur dire pour qu'ils s'en aillent comme ça ?
« T-tu … »
Il a l'air différent de tout à l'heure. Peut-être à cause de son mal de gorge. C'est normal, sa voix est très déformée, ça doit lui faire mal.
« Tu as choisi une chanson ? »
Pour être franche, elle hésite. Elle se dit qu'elle devrait lui parler d'une chanson très connue, mais qu'est-ce qu'une chanson connue ? Il parle anglais lui aussi mais peut-être qu'il ne vient pas d'angleterre comme elle ? Il a un drôle d'accent en plus ... Ils n'ont certainement pas le même répertoire de chanson.
Les deux mains sur la rambarde de la fenêtre, un peu timide, elle baisse les yeux vers lui.
« Je ne sais pas si tu las connais mais ... ma soeur me la chantait tout le temps. Elle m'a toujours appelée Lily, et comme mon monde ça a toujours été l'hôpital... Mais coupe-moi si je chante faux et si je t'ennuie. »
Elle commence alors à entamer le premier couplet, le regard vers l'horizon. Vers la forêt. Vers l'ailleurs.
A l'entendre, on se rend compte qu'Ophelia n'a jamais chanté. Sa voix est cassée, pas très juste. Elle ne sait pas toujours quelle note prendre. En revanche, l'émotion qu'elle met dedans est honnête, juste.
Please put all the drugs out of your hand
You'll see that you can breath without not back up
So much stuff you got to understand »
Elle s'arrête, se trouvant un peu ridicule. Elle revoit encore sa soeur, à l'hôpital, lui chanter ce couplet en lui caressant le haut du crâne. Elle était sous appareil respiratoire à cette époque, alors ça la touchait d'entendre dans les paroles qu'elle pouvait respirer sans aide.
Elle regarde le garçon à nouveau, ne sachant pas trop quoi dire. Peut-être que lui aussi, il a sa chanson à lui.
- au cas où:
- Si tu veux la chanson ^^
Nevrabriel osa relever les yeux vers la fenêtre. Ce n’était qu’une rumeur stupide faite par des adolescents, il ne devait pas y prêter attention, c’était ce que sa grand-mère lui dirait, oui, il en était sûr. Il lui en parlerait quand elle l’appellera, elle lui donnera de bons conseils pour surmonter tout ça. Mais il avait peur que la femme qui l’a élevé lui dise de défendre la petite fille, qu’être passif face à un harcèlement était inacceptable. Mais l’écossais n’aurait jamais le courage de passer dans le « camp des victimes » pour en devenir une, il voulait juste passer sa guérison tranquillement, sans faire de vague, et rentrer chez lui le plus simplement du monde. Cette idée lui fit tirer sur les pans de son uniforme. Pas étonnant que ses t-shirt s’agrandissait à force de tirer dessus, mais comme il ne faisait que grandir, ce n’était pas si grave.
La fille de la fenêtre se pencha un peu, l’écossais lui sourit timidement.
Il n’était pas assez fort pour la défendre, mais peut-être pouvait-il l’être pour jouer avec elle, au moins cette fois-ci.
_Je ne sais pas si tu las connais mais ... ma soeur me la chantait tout le temps. Elle m'a toujours appelée Lily, et comme mon monde ça a toujours été l'hôpital... Mais coupe-moi si je chante faux et si je t'ennuie.
L’adolescent ne comprit pas vraiment si « Lily » était son prénom ou un surnom, en tout cas c’était mignon, ça lui allait bien. Elle sera donc « Lily, la fille de la fenêtre ». N’ayant pas une bonne mémoire, il espérait s’en souvenir pour qu’elle ne reste pas éternellement « la fille de la fenêtre ».
Ladite Lily se mit alors à chanter et le jeune homme s’assit sur le sol, tel un spectateur attentif. Elle ne chantait pas très juste mais il y avait quelque chose dans sa voix qu’il appréciait beaucoup. L’émotion surement. Et cette sensation balayait le fait que la voix de la jeune fille était légèrement brisée et manquait de justesse. Mais l’écossais appréciait. Ça lui rappelait sa petite sœur, une danseuse hors paire mais une mauvaise chanteuse. Elle ne pouvait pas être parfaite …
Elles ne pouvaient pas l’être. Personne n’était parfait. Et il se rendait compte qu'il aimait bien les petites imperfections comme celle-ci, ça lui rappelait qu'il avait le droit, lui aussi, de ne pas être parfait.
Nevrabriel connaissait la chanson mais ne se souvenait pas vraiment des paroles, cette mélodie était passé quelques fois à la radio quand il était dans la salle d’attente de sa psychologue. Il la trouvait jolie, la mélodie, apaisante, un peu triste, une chanson qui invite à se ressaisir, reprendre des couleurs. C’était certainement pour cela que son ancienne psy aimait la lui faire écouter lorsqu’il faisait son heure de thérapie dans le silence, mais Nevrabriel ne l’a pas entendu assez souvent pour se souvenir des paroles. Il se souvenait seulement des notes au piano, c’était principalement ce qu’il écoutait dans le silence, la musique sous les paroles. Les choses auxquels personnes ne faisaient attention.
Le jeune homme, toujours sagement assit, applaudit lorsque sa camarade termina. C'était mieux que le basket, et ça reposait ses articulations qui lui offrait une gêne désagréable.
_Je la connais mais je ne me souviens pas trop des paroles. On peut quand même la chanter ensemble. Je vais essayer de te suivre.
L’écossais se racla la gorges avant de poser une main sur son ventre et faire deux trois vocalises. Il se rendait compte que ça faisait longtemps qu’il n’avait pas chanté, mais sans musique, c’était moins plaisant de chanter. Depuis qu’il était ici il ne chantait que la berceuse de sa grand-mère, comme si c’était la seule mélodie qu’il connaissait. En vérité, c’était celle qui l’apaisait dans toutes les situations. Peut-être devrait-il la chanter à Lily, même si elle ne comprendrait pas un traitre mot à la chanson ? Il pourrait la traduire par la suite, peut-être ?
Lily venait de réveiller le musicien qui sommeillait en lui, alors, avec un sourire radieux, il proposa finalement :
_Et ça te dis que je te chante une chanson qui vient de chez moi après ?
entourageGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 10/02/2013Age : 26
Elle avait eu peur d'être ridicule en essayant de chanter alors qu'elle a la gorge bousillée par les médicaments. Sa constitution est bien trop fragile pour n'importe quel effort. Pour bien chanter, il faut mettre ses tripes et ne pas marmonner. Mais Ophelia est bien trop faible (et timide) pour gravir les octaves.
« Je la connais mais je ne me souviens pas trop des paroles. On peut quand même la chanter ensemble. Je vais essayer de te suivre. »
Ca la fait quand même sourire quand il fredonne l'air avec elle. Elle l'imite, mettant une main sur son ventre, et chante en regardant loin devant elle. Elle se laisse emporter par son chant, mêle des paroles à la mélodie en essayant de se caler sur ses notes à lui. C'est lorsqu'elle se met à tousser que la musique s'arrête. Main devant la bouche, elle a l'impression que ses poumons prennent feu et que l'incendie se propage dans sa trachée. L'oxygène devient un poison, la brûlant de l'intérieur. Et il y a ce goût, familier et métallique, sur ses dents. Elle s'essuie la bouche sans regarder l'intérieur de sa main, sachant qu'elle y trouvera une tâche rouge bien connue. Elle sait que son corps la prie d'aller s'allonger, lui lançant une alarme. Peut-être que normalement elle l'aurait écouté, elle aurait mis un terme à la conversation et serait aller piquer un somme. Mais elle n'en peut plus de s'empêcher de vivre.
Le garçon la regarde avec un sourire large qui convainc Ophelia de rester à la fenêtre.
« Et ça te dis que je te chante une chanson qui vient de chez moi après ? »
« De chez toi ? Tu veux dire de ta maison ? »
Elle prend une chaise pour s'asseoir à la fenêtre, faisant ainsi une concession avec son corps. Elle pose ses bras sur le rebord et met sa tête dessus pour la reposer. Elle regarde le garçon avec tendresse, le remerciant de lui offrir cette conversation qu'elle chérira à jamais. Elle se doute bien que sa présence est certainement illusoire, que la fatigue mélangée à ses médicaments le font exister. Mais même si tout ceci n'est qu'un rêve, c'est le plus concret qu'elle n'ait jamais fait.
« Je ne pourrais pas chanter avec toi, sauf si je la connais. Mais ça fait longtemps que je n'ai pas entendu de musique, alors je t'en prie ... Ce terrain est ta scène ! »
De sa hauteur, elle serait comme ces aristocrates dans les balcons VIP des opéras. Elle mime un monocle à son oeil, comme les gens de l'époque, et de son autre main un éventail. Elle n'a jamais assisté à un spectacle, alors ce sera une première pour elle.
L’adolescent acquiesça la tête avec une pointe de fierté. Il commençait doucement à perdre son accent écossais à force de pratiquer son anglais avec autant de britanniques, mais lorsqu’il enchainait les longues phrases, et que sa voix en train de muer ne partait pas dans tous les sens, ses origines pouvaient s’entendre.
Lily prit place sereinement à sa fenêtre sur ce qui semblait être une chaise; c’était si simple d’être entre enfants, le malaise d’une nouvelle rencontre était amoindri par l’innocence. La petite fille semblait presque vouloir dormir, cela tombait bien, la chanson de Nevrabriel était une berceuse, une mélodie d’une langue mystérieuse qui semble se perdre de génération en génération, ne se parlant plus que dans les Highlands et les Hébrides.
Nevrabriel se sentait presque comme un magicien qui s’apprêtait à invoquer un pouvoir capable d’apaiser et offrir aux cœurs meurtris la promesse de jours heureux.
Il voulait être un magicien aujourd’hui.
_Je ne pourrais pas chanter avec toi, sauf si je la connais. Mais ça fait longtemps que je n'ai pas entendu de musique, alors je t'en prie ... Ce terrain est ta scène !
L’adolescent eut un rire gêné entre les dents. S’il avait un piano ou un violon cela aurait été parfait, mais les deux enfants se contenteraient de la voix de l’écossais comme seule musique.
_Tu ne pourras pas dans ma langue maternelle, mais si tu l’aimes bien, je te la traduirais en anglais. Je te l'apprendrais même !
Nevrabriel toussota pour s’éclaircir une dernière fois la voix avant de chanter de nouveau. C’était plaisant, une activité qu’il n’avait plus réellement pratiquée depuis le décès de son petit frère, il avait presque oublié qu’il adorait ça, la musique, chanter. Il aimerait bien se remettre à composer malgré l’absence d’instruments pour se repérer, comme cuisiner en ayant perdu le sens du goût, mais ça lui manquait beaucoup trop.
L’adolescent hésita un instant avant d’ouvrir les bras, son geste se voulait théâtrale mais sa timidité se lisait dans toute sa gestuelle, sa courbette était très maladroite mais reflétait parfaitement le fait qu’il était un enfant.
Puis, finalement, Les longs cils de l’écossais battirent doucement dans l’air avant de clore totalement ses yeux. Tout comme Lily tantôt, il se laissait porter loin, très loin, au-delà de la mer, à travers les pavés de Londres, la longue route menant à Glasgow avant de filer une dernière ligne droite pour entrer dans les Highlands. Une terre froide mais plus vivante que n’importe quel lieu en ce monde, brodé d’arbres aux couleurs changeante au fil des saisons, ces couchés de soleil se reflétant sur les lacs, ces terres si vertes, ces ruisseaux dansantes sous des ponts de pierres avant de terminer leur course à la naissance des cascades, l’air pure et les pâturages à perte de vue.
Chez lui …
Sa maison …
La chanson que lui chantait sa grand-m ère pour l’apaiser. La chanson qu’ils chantaient à Mery et Alistair pour les apaiser à son tour, tel un héritage.
_Idir ann is idir as ... Idir thuaidh is idir theas …
Idir thiar is idir thoir
Idir am is idir áit
Casann sí dhom
Amhrán na farraige
Suaimhneach nó ciúin
Ag cuardú go damanta
Mo ghrá
Le jeune homme termina à peine le second couplet qu’une grosse voix surgis comme un ours fonçant sur sa proie :
_Hé X36 ! Tu fous quoi là, les médecins t’ont dit de prendre bien tout tes repas, dépêches toi !
Nevrabriel sursauta dans un hoquet de surprise avant d’ouvrir les yeux et tourner la tête vers un surveillant qui se ruait droit sur lui, l’air vraiment agacé. Il semblait avoir pour mission de chercher l’adolescent.
_Rah ces gamins alors, suis-moi ou je te tire par la peau du cou.
_Hm … Je …
Nevrabriel leva les yeux vers Lily. Il voulait lui dire au revoir mais le surveillant agrippa le maigre bras du roux et commença à l’entrainer sans attendre la moindre explication.
Confus et prit de cours, mais surtout très obéissant, Nevrabriel se laissa faire mais prit tout de même la peine de faire un signe de main pour lui dire au revoir.
Il aimerait bien la revoir, mais il n’arrivait pas à repérer sa chambre par rapport à cette fenêtre. Comment allait-il retrouver la bonne fenêtre ? Comment la retrouver d’ailleurs puisqu’il ne connaissait pas son matricule et que très peu de surveillant retenaient leurs noms en plus de leur matricule.
Il essaierait de retrouver une « Lily » aux cheveux blonds, espérant toujours qu’elle aille mieux pour venir jouer avec lui, que la petite fille de la fenêtre vienne jouer avec le garçon de la cour, mais finirait par laisser tomber, après tout, tous les patients finissaient par partir, Lily allait forcement partir, elle aussi.
Puis il oubliera son nom, son visage, la couleur de ses cheveux, retenant à peine l’écriture rose sur le caillou, son Destin tracé vers le chemin de l’oubli.
Mais peut-être que, quelque part cachée dans sa mémoire, une chanson partagée entre une fenêtre et une cour, dort paisiblement…
entourageGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 10/02/2013Age : 26