Aussi, aujourd'hui avait-il décidé d'aller à la rencontre de ces potentiels lecteurs. D'essayer de réunir leurs envies et de se faire une idée sur eux, sans se dévoiler lui-même évidemment. Il avait longuement hésité, sachant que l'Institut l'avait à l'oeil depuis son séjour chez les Z, mais après avoir bien pesé le pour et le contre, il avait conclu que malgré tout, on ne chercherait pas à l'empêcher de se socialiser - autrement on l'aurait mis à l'isolement - et que la surveillance avait beau être très performante, elle ne pouvait tout de même pas écouter les conversations de tous les patients. Il suffisait donc qu'on entende pas ce qu'il avait à dire.
Pour cela, il avait choisi de commencer sa prospection à la cantine. C'était l'endroit idéal pour croiser du monde, il aurait été trop louche de "partir à la chasse" et même si l'endroit était relativement calme par rapport aux autres réfectoires qu'il avait connu, le bruit des couverts et des quelques conversations devrait masquer sa voix s'il prenait un peu garde à ne pas attirer l'attention. De toute façon, ce n'était pas dans sa nature. Et puis, les vigiles se méfieraient moins de lui à un endroit où il était légitime qu'il soit.
Midi venu, il fit exprès de déroger à ses habitudes et d'arriver à l'heure de pointe. Les tables seraient probablement toutes prises, lui donnant une bonne excuse pour s'asseoir à côté de quelqu'un et entamer la conversation. Une fois son plateau rempli, il déboucha dans la grande salle et la balaya du regard, à la recherche de quelqu'un d'inspirant à approcher.
Oh ! Un coup de chance !
→ Je te connais toi !
Comme Alexander a l'air perdu, le garçon - W87 - lui fait des signes de la main pour qu'il le rejoigne. Ça peut être sympa de faire connaissance, non ?
- Salut.
Bon. C'était un peu bref et un peu sec mais il n'avait pas mieux en stock. Et puis, il ne pouvait pas non plus commencer directement en mode "eh ! tu connais le Journal Clandestin ?". Trop louche, trop direct, pas assez subtil... Il allait devoir faire un peu la conversation. Génial. Il détestait ça.
- On s'est déjà croisés non ?
En réalité il ne resituait pas du tout son visage mais ce garçon ne lui avait probablement pas fait signe par hasard, ils avaient par conséquent dû se croiser à un moment ou un autre. Et puis, un peu de flatterie discrète ne devrait pas être malvenue pour le mettre dans de bonnes dispositions pour discuter de ce qui l'intéressait vraiment.
Encore de la chance !
→ I know who you are
Il remonta ses lunettes rondes sur l'arrête de son nez, jouant une fausse carte mystérieuse. Il trouvait ça drôle que son interlocuteur lui demande s'ils se connaissaient parce que, bah, franchement, c'était impossible que le frère de la célébrissime Z01 soit au courant de l'existe du banal W87.
- Moi, en tout cas, je sais qui tu es. Comme un peu tout le monde. Tu ne passes pas inaperçu.
Le type qui engloutissait un donut au sucre, se léchant les doigts, avait l'air d'avoir pas plus de treize ans, et ses grands yeux reflétait une personnalité taquine.
- T'avais l'air perdu, c'est pour ça que je t'ai invité. Et puis c'est toujours sympa de manger avec une star.
Il lui fit un clin d'oeil avant de finir son donut d'une bouchée. A cet âge-là, on arrivait à tout manger en à peine quelques secondes.
- Moi, en tout cas, je sais qui tu es. Comme un peu tout le monde. Tu ne passes pas inaperçu.
Il haussa un sourcil, passablement surpris. Il ne passait pas inaperçu ? Pourquoi ? Il n'avait pourtant jamais fait de coup d'éclat à sa connaissance. A moins que Cap... Ou alors c'était pour son séjour chez les Z ? Non, c'était trop récent, la rumeur ne pouvait se répandre à cette vitesse, si ? A moins que son lien de parenté avec "la fameuse Z01" ne soit ébruité ? Dans tous les cas, ça ne l'arrangeait pas des masses, lui qui préférait la discrétion et agir dans l'ombre.
- T'avais l'air perdu, c'est pour ça que je t'ai invité. Et puis c'est toujours sympa de manger avec une star.
Il ponctua sa phrase d'un clin d'oeil en avalant son donut tout rond. Le Génie se facepalma mentalement. Bon sang, il n'avait pas rêvé. De toutes les personnes qu'il aurait pu aborder dans cette cantine, il avait fallu qu'il tombe sur une espèce de mix entre Lore et Cap. Il s'efforça de se convaincre que cela l'agaçait mais en réalité, ce constat lui serra le coeur. Sans même s'en rendre compte, son ton s'adoucit lorsqu'il lui répondit.
- Merci, c'est gentil.
Il resta silencieux un moment, masquant le fait qu'il avait besoin de se reprendre en se servant et en buvant un grand verre d'eau.
- Mais comment ça une star ?
Vu que sa couverture était foutue, autant l'amener à parler lui-même de Révolution, parce que clairement, s'il avait un moyen d'être vu comme une star, ce n'était pas pour ses talents de chanteur. Il devait rester concentré sur son objectif et ce serait plus facile d'amener le sujet du Journal de cette manière.
Toujours de la chance !
→ Allô la vedette !
W87 haussa alors les épaules.
- Bah t'es une vedette, quoi. Déjà t'es le frère de Loreleï Hexe, et ensuite ... Bah entre ce qu'on voit de toi, et puis aussi comment tu t'es montré l'année dernière le jour où ...
Il laissa flotter un silence. Évoquer cette scène tragique, c'était pas la meilleure idée.
- Bref, t'es pas non plus the rockstar comme la Cannibale ou Walkyrie, mais t'es quand même connu.
- Bah t'es une vedette, quoi. Déjà t'es le frère de Loreleï Hexe, et ensuite ... Bah entre ce qu'on voit de toi, et puis aussi comment tu t'es montré l'année dernière le jour où ...
Il haussa les épaules comme s'il ne voyait pas de quel jour il faisait mention. Pourtant, curieusement, ce genre de remarque lui faisait de plus en plus mal. Lui qui pensait que son coeur continuerait de s'endurcir. Lui qui pensait être capable de réprimer complètement ses émotions... Plus le temps passait, moins c'était le cas et il ignorait pourquoi. C'était comme si son coeur dégelait. Ca ne l'arrangeait pas.
- Bref, t'es pas non plus the rockstar comme la Cannibale ou Walkyrie, mais t'es quand même connu.
Le nom de la Cannibale ramena un semblant de sourire sur ses lèvres sans même qu'il ne s'en aperçoive. Peut-être bien que c'était à cause d'elle en fait. Quand à Walkyrie, ce nom ne lui était pas étranger.
- Walkyrie... Ce n'est pas dans sa chambre qu'on aurait trouvé une page du Journal Clandestin ? Demanda-t-il avec un ton détaché tout en commençant à manger.
Dans sa tête, il remerciait le hasard qui lui offrait une entrée sur un plateau d'argent.
- Tu en penses quoi de cette histoire de Journal toi ?
Le plus chanceux du monde !
→ Rentrons dans le vif du sujet.
W87 n'hésita pas, en tout cas, à répondre avec honnêteté à Alexander. Naïf ? Trop confiant ? Aucune idée, mais ce type était très tranquille.
- Le journal clandestin ? Je trouve que c'est un super truc. Mais pas assez exploité tu vois. Y'a moyen d'en faire une vraie arme mais l'auteur se contente de confirmer des rumeurs, ou nous apprendre ce qu'on sait déjà. En plus, ces derniers temps, je trouve que l'auteur se ramollit un peu. Une grosse déprime.
W87 ramassa le sucre de son donut avec le bout de son index avant de le lécher. Puis il sourit, rêveur et déterminé.
- Sérieusement, ça fait des années qu'il est là ce journal, et l'institut ne l'a pas encore pincé. Jamais ils l'ont eu entre leurs mains. Moi, à la place de l'auteur, je profiterais qu'ils ne sachent rien là-haut, ou quasi rien, pour mettre en oeuvre quelque chose. Mais bref, c'est que mon avis. Et toi, t'en penses quoi ?
C'était bien ce qu'il pensait. Il hocha la tête pour l'inciter à continuer.
- Y'a moyen d'en faire une vraie arme mais l'auteur se contente de confirmer des rumeurs, ou nous apprendre ce qu'on sait déjà. En plus, ces derniers temps, je trouve que l'auteur se ramollit un peu. Une grosse déprime.
Hum. Ainsi il avait raison là-dessus aussi. Adèlys faiblissait et cela se ressentait dans le Journal. Finalement, même si elle ne s'en allait pas, c'était peut-être une bonne chose qu'il change de mains. Il se trouvait en l'occurrence que c'était lui mais au fond, ils avaient surtout besoin d'un auteur qui leur apporte de l'espoir. Et de la motivation.
- Sérieusement, ça fait des années qu'il est là ce journal, et l'institut ne l'a pas encore pincé. Jamais ils l'ont eu entre leurs mains. Moi, à la place de l'auteur, je profiterais qu'ils ne sachent rien là-haut, ou quasi rien, pour mettre en oeuvre quelque chose. Mais bref, c'est que mon avis. Et toi, t'en penses quoi ?
- Je suis assez d'accord avec toi. Le souci c'est de savoir quoi mettre en place.
Ainsi il ne se mouillait pas trop. Mais même si la ressemblance de son interlocuteur avec les deux personnes qu'il aimait le plus au monde lui serrait le coeur, cela lui donnait l'avantage de cerner facilement la personnalité et les motifs de celui-ci. Comme il avait l'air d'aimer parler plus que d'écouter, il comptait bien en profiter pour le faire parler sans se dévoiler.
- Qu'est-ce que tu ferais toi si tu étais l'auteur ?
Surprise : de la chance !
→ Si j'étais l'auteur ...
- Je pense qu'il faudrait du plus croustillant, tu vois ? Genre pas que des banalités qu'on saurait un jour où l'autre. Des informations essentielles qu'on pourrait utiliser plus tard contre l'Institut. Faudrait limite que l'auteur engage un espion pour lui, dit-il en plaisantant à moitié.
Il repoussa son plateau : il avait fini de manger. De plus la conversation était plus intéressante que le repas.
- Sinon, reprit-il sérieusement, faudrait p'tet aussi des vrais trucs de journal. On l'appelle entre nous "le journal clandestin" alors que c'est plutôt " des informations clandestines". Si c'est vraiment un journal, faut des rubriques, comme dans des magazines. En plus ça ferait vraiment communauté de lecteurs, tu vois ? Ca nous pousserait à discuter encore plus. Tu vois ?
- Je pense qu'il faudrait du plus croustillant, tu vois ?
Le Génie haussa imperceptiblement les sourcils. Du croustillant ? Et puis quoi encore ? Il comptait redorer et affiner le Journal Clandestin, pas en faire une espèce de Closer ! Néanmoins il retint sa remarque pour lui vu qu'il reprenait déjà.
- Genre pas que des banalités qu'on saurait un jour où l'autre. Des informations essentielles qu'on pourrait utiliser plus tard contre l'Institut. Faudrait limite que l'auteur engage un espion pour lui, dit-il en plaisantant à moitié. - Sinon, reprit-il sérieusement, faudrait p'tet aussi des vrais trucs de journal. On l'appelle entre nous "le journal clandestin" alors que c'est plutôt " des informations clandestines". Si c'est vraiment un journal, faut des rubriques, comme dans des magazines. En plus ça ferait vraiment communauté de lecteurs, tu vois ? Ca nous pousserait à discuter encore plus. Tu vois ?
L'adolescent reposa doucement sa fourchette sur le bord de son assiette, soigneusement alignée avec son couteau. L'autre parlait beaucoup pour ne rien dire mais il avait raison sur un point. Il leur fallait un journal. Un vrai journal. Après pour cette histoire d'espion, c'était bien un délire à la Cap et Lore. Mais c'était trop acabradabrant et surtout, trop dangereux.
Il se leva, repoussant la chaise derrière lui. Il s'apprêtait à partir sans même dire au revoir, ayant obtenu ce qu'il voulait, mais se ravisa au dernier moment en pensant qu'il avait trouvé là un magnifique spécimen de son public cible, de ceux qui lisaient vraiment le Journal Clandestin et qui le prenaient vraiment au sérieux, au point où ils seraient capables de tenter quelque chose pour lui si l'occasion se présentait. Il en savait quelque chose.
Alors, avec un serrement au coeur, il se retourna pour dévisager le gamin qui un jour, deviendrait peut-être de la chair à canon, malgré lui, malgré tous, pour la cause. Il pria pour que ce ne soit jamais le cas.
- C'était sympa de discuter avec toi mais j'ai un cours dans 10 minutes.
Il prit son plateau et lança par dessus son épaule un "à la prochaine" qu'il espérait ne pas avoir à regretter. Maintenant, il lui fallait réfléchir à l'évolution du Journal. Une fois, Ophelia lui avait demandé d'exaucer ses trois voeux. Il s'était promis qu'elle serait la seule pour laquelle il jouerait à ce jeu. Mais peut-être qu'il en avait un quatrième à ajouter à sa liste et celui-là était vraiment en son pouvoir.
Résumé des lancés de dès :
6 chanceux
PREUVE POSITIVE
→ une vraie discussion
- +5 % pour la Révolution
- W87 sera toujours présent pour Alexander
- Quelques patients commencent à s'investir un peu plus dans une potentielle Révolution
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