( Suite à un petit soucis technique, le rp du bunker a été supprimé, ici un résumé sommaire des événements qui se sont déroulés jusque là, pour ceux qui aurait enregistré leurs rps sur un traitement de texte ou autre, n’hésitez pas à reposter sous ce message si vous le désirez )
Lilith est auprès d'Agnès et s’assure que cette dernière se porte bien après avoir cherché Sheila et Eden sans les trouver. Pendant ce temps Eizenija s’occupe de Kheidra, jusqu’à ce qu’Ange intervienne pour “reprendre” son rôle de médecin.
Ange qui venait d’ailleurs de soigner sommairement Ophelia, cette dernière ayant ensuite rejoint Amalia et Elizabeth pour faire connaissance.
Cette dernière est interpellée par Aeden et ils partent discuter près de Wendy qui dort tranquillement. Aeden qui juste avant était en pls comme d’hab’.
Victor est interpellé par Nevrabriel pour venir soigner Lucy, après que Donatien Elpida le lui ai demandé. Il l’opère avec l’aide de Katerina et Béryl, puis va voir Jessy et lui dit qu’il ne compte pas le soigner.
Katerina en profite pour discuter avec Nevrabriel de leur rencontre passée, au chevet de Lucy. Mais lorsque Victor repasse dans le coin, l’air un peu ailleurs, elle décide d’aller lui parler.
Donatien voit qu’il ne sert pas à grand chose pour l’opération de Lucy et part à la recherche de Béatrice qui se saoule dans la réserve. Il essaye de l’aider à se reprendre.
EDIT > Grâce au téléphone de Elizabeth (jpp) on a pu retrouver la page 2 (qui était la dernière page) de cet event. Merci Elizabeth d'avoir 42 onglets d'ouverts sur ton téléphone (oui je me parle à moi-même aled).
Du coup, tout est consultable ici : https://docs.google.com/document/d/1qQCsJ49b6ke_dfSEhIiyM0gy3q4JcdVSM9KTsyiZKSA/edit?usp=sharing
Vous ne pouvez rien modifier, juste lire.
Enjoy !
- BUNKER PREMIERE PARTIE:
- BUNKER PREMIERE PARTIE JESSY
Jessy avait sincèrement cru que Donatien allait le laisser crever dans son sang. Mais finalement, après une discussion entre lui et une voix qu’il ne reconnaissait pas, des bras avait daignés l’aider à rentrer à l’intérieur. Le rouquin n’en avait pas grand-chose à foutre de ne pas avoir reconnu la bonne âme qui avait la stupidité de le faire rentrer dans le bunker, tant qu’il était en vie, c’était le principal.
Il semblait qu’il ai eu droit au premier soin. Le genre de soin un peu rapide sous forme de compresses sur la zone qui pissait le sang. Un peu d’eau aussi. Mais son bon saint Maritain faisait les choses à moitié puisqu’il semblait être partit flâner plus loin, le laissant sous bonne surveillance.
Il s’était presque assoupit, épuisé et à moitié vidé de son sang. Sale nuit. Mais il se refusait au sommeil. Il avait bien trop peur de s’endormir de manière définitive. Il avait toujours froid. Gardait les yeux fermés pour économiser sa précieuse énergie. De l’extérieur, on aurait presque pu le croire mort tant il était pale et ces traits étaient tirés. Mais il n’était pas du genre à se laisser aller comme ça. Il tiendrait le coup. Aussi longtemps qu’il le faudrait.
Lorsque la masse imposante de Graham s’arrêta devant lui, il se força à rouvrir les yeux. Il n’aurait su dire, mais il avait directement compris qu’il s’agissait de lui. Il affronta son regard glacé sans fléchir. Graham savait pour W82. Il avait dû comprendre aussi pour les patientes de Donatien. Il pouvait peut-être même soupçonner l’incendie. Mais sans preuve sur ce dernier point, il n’avait aucunes chances de lui tirer des aveux. Le rouquin se contenta de s’adresser à l’immense médecin, posant sur lui son regard impertinent que même les portes de la mort n’auraient su faire fléchir :
- Désolé pour vos points de suture, j’étais pas sensé les foutre en l’air, mais fuir un incendie quand on est attaché, c’est pas évident.
S’excuser, il ne l’avait fait que pour la forme. Il n’avait pas d’intérêt à mettre Graham en colère. Il avait besoin d’un médecin. Il était peut-être arrogeant et effronté, mais il savait que sa vie dépendait du bon vouloir des médecins de l’institut dans les prochaines heures. Il devait parvenir à en amadouer un suffisamment pour être soigné. Pour survivre.
Graham s’en foutait royalement, c’était écrit sur sa face. Rien de moins étonnant de la part du médecin. Même si précédemment, il avait tout de même pris le temps de recoudre Jessy, rien n’indiquait qu’il était prêt à réitérer son traitement. Et Jessy savait qu’il en avait cruellement besoin. Il avait beau regarder le docteur avec insolence, la douleur de sa blessure n’en devenait pas moins insupportable.
-Ne jouons pas à ce jeu-là, tu perdrais, très cher... Je sais ce que tu as fait.
S’il parlait toujours de la mort de W82, c’était franchement puéril. Comme si ça lui importait le moins du monde. Il s’accroupit pourtant, examinant la blessure du jeune homme. S’il parlait de l’incendie et qu’il l’accusait sans preuves… Et bien le rouquin s’en fichait, il avait reçu des ordres de la part de Donatien, il ne se sentait pas vraiment concerné par les répercussions que cela avait sur les autres. De toute manière, en ce moment, perdre très cher impliquait pour lui de mourir, et plus tellement de gérer les délits qu’il avait commis. Il ferma les yeux juste le temps de reprendre l’énergie suffisante pour l’ouvrir.
- Tu sembles en savoir des choses Graham… Mais au sujet de W82 ou de l’incendie, à ta place, j’en toucherais un mot à Donatien Elpida…
Son demi-frère l’avait définitivement lâché. Il comptait bien lui rendre la monnaie de sa pièce. Les employeurs qui avaient été incapable de s’occuper de leur part du contrat n’en gardait pas de bons souvenirs. Il était hors de question qu’il soit accusé de l’un des crimes qu’il avait commis mais pour lequel il n’y avait aucuns témoins. Avec la tempête qui se déchainait dehors, il avait une chance de voir les preuves qui aurait pu jouer en sa défaveur disparaitre ou se trouver amoindrie. Et s’il devait tomber, il comptait entrainer ce fils pourri gâté qui lui servait soi-disant de famille avec lui. Il était prêt à tout lui mettre sur le dos. Il savait que même amoindri par sa blessure, il était capable d’y parvenir. Surtout connaissant les antécédents de son cher demi-frère et ayant laissé trainer son regard sur un dossier soi-disant confidentiel d’un psy à son sujet.
-Tu ne mérites pas que je gâche mon talent médical une nouvelle fois sur toi. J'espère que tu gagneras les faveurs d'un autre médecin, car de toute évidence, tu as perdu les miennes et celles du Docteur Elpida.
Il se contenta d’un léger rire saccadé alors que Graham s’éloignait. Hors de question de montrer la déception que cette réponse provoquait chez lui. Il avait beau détester l’attitude hautaine de ce médecin à deux balles, il avait besoin de soins, et ce de toute urgence. Il avait peur de s’évanouir. Il était certain que cette bande de débile de l’institut n’avait pas la moindre idée de son groupe sanguin et il était hors de question qu’il finisse par crever empoisonné par un sang qui n’aurait pas pu correspondre. Ou juste qu’il crève à force de perdre du sang. C’était trop con comme mort.
Il n’avait pas eu le temps de se voir attribué un médecin définitif dans cet institut de dégénéré. La situation s’annonçait mal. Pour l’instant, aucuns médecins ne semblaient disposés à s’approcher de lui avec ces putains de vigiles qui fronçaient les sourcils dès que quelqu’un passait par là. Il laissa sa tête retomber en arrière, le teint crayeux, fermant les yeux. Le temps s’écoulait inexorablement et il avait de plus en plus de mal à respirer. De plus en plus de mal à lutter contre ce sentiment étrange qui lui donnait l’impression qu’il dérivait. Il avait peur d’être happé par les ténèbres. Il continuait de lutter. Il avait encore trop à faire pour renoncer.
- BUNKER PREMIERE PARTIE:
BUNKER PREMIERE PARTIE KATERINA
Katerina avait remarqué le sang sur les manches du marquis. Ce détail la faisait tiquer depuis plusieurs minutes sans qu’elle n’ose aborder le sujet. Elle avait appris la blessure d’Agnès mais elle supposait Hyppolite à son chevet, et puis, elle se voyait mal allez voir comment se portait la secrétaire. C’était encore une fois Barrabil qui était fourré avec elle apparemment, vu qu’ils étaient arrivés à deux… Elle ne savait pas pourquoi, mais même si la présence d’un médecin avait permis les premiers secours plus rapidement, elle n’aimait pas savoir que ces deux-là continuaient de passer toujours plus de temps ensemble. La présence de tout ce monde dans le bunker déboussolait un peu la jeune russe. Elle n’avait jamais connu le brouhaha des salles de cours ou de la cafétaria. Tout ce bruit autour d’elle… Comment pouvait on produire autant de sons différents qui s’entremêlaient de la sorte ?
-Docteur ! Docteur Graham ! Vite c'est une urgence ! Lucy ... euh .... W100, on lui a crevé un oeil ! On a besoin de vous, maintenant !
Le garçon dont la voix portait par-dessus celle des autres. Katerina l’observa. C’était le garçon au violon. Celui de la partition. Elle en était certaine. Le magicien. Elle se demandait s’il avait trouvé sa raison de vivre. En tout cas, là, il semblait bien vivant. Lorsque le Marquis se leva pour aller au chevet de la patiente malade, Katerina ne sut quoi faire. Elle avait gravité à proximité de l’homme depuis qu’il avait pénétré le bunker. Il imposait une certaine distance aux patients dont elle jouissait, lui permettant de se tenir à l’écart des autres.
Lorsqu’il l’interpella pour qu’elle lui amène son matériel, la jeune russe s’exécuta immédiatement. Se rapprochant de la patiente blessée, elle dut détourner les yeux face au spectacle. Tout ce sang sur son visage… Cela ravivait des souvenirs que la russe aurait souhaité oublier.
-La vascularisation et l'innervation sont touchées. Je ne peux pas sauver son oeil, mais le trijumeau peut encore être préservé. Il va falloir l'opérer sur le champ.
Une opération ici ? Lorsque le Marquis se tourna vers elle, Katerina se sentit comme prise dans les phares d’une voiture. Il ne pensait tout de même pas qu’elle était suffisamment compétente pour l’aider ? Pourquoi ne regardait-il pas le docteur Elpida plutôt. Il était médecin. Il avait pratiqué. Il avait un DIPLOME. D’un autre côté… il savait ce qu’il faisait. C’était le meilleur, encore plus dans le domaine ophtalmologique. Et, alors que quelques mois plus tôt, elle n’aurait rien compris à ce qu’il avait dit, ici, elle saisissait exactement les enjeux pour l’œil de la patiente. Pourtant, elle ne se sentait pas à la hauteur. Pire, elle n’était même pas sûr que ces mains tremblantes seraient de la moindre utilité. Elle se contenta donc de l’écouter attentivement :
-Ce sera douloureux, sauf si vous me procurez un anesthésiant ou du moins un sédatif. Autrement...Il va falloir la tenir. Quoique la douleur aura probablement raison de sa conscience, au risque d'une crise cardiaque cependant.
Un infirmier aux yeux d’une drôle de teinte, plus violet que bleu, se rapprocha d’eux avec du matériel médical. Son assurance jumelé la confiance que lui portait le Marquis lui redonnait un peu de force. Elle allait enfin découvrir si elle était capable de passer de la théorie des livres à la pratique, et celui-là était presque un parachute de secours. Elle ne voulait pas décevoir le Marquis de Graham. Elle assisterait le médecin au mieux. Se forçant au calme, elle regarda la blessure de la patiente plus attentivement pour mieux saisir la situation et ce que le Marquis avait déjà constaté.
__________________________________________________________
Katerina assista le Docteur Graham, d’abord avec beaucoup de nervosité et d’appréhension. Mais au fur et à mesure de l’opération, ces sentiments furent remplacés par une certaine curiosité et l’envie de bien faire. Alors que le visage ensanglanté de Lucy avait manqué de faire remontrer de douloureux souvenirs, s’en rapprocher à ce point semblait comme endiguer ces derniers. Les différences entre le visage de la jeune fille et celui défiguré d’Andrei lui permettait une certaine dissociation. Ces gestes approximatifs devenaient un peu plus précis alors que le Marquis la conseillait. Ce fut éreintant. Mais très enrichissant.
Et alors que le docteur Graham s’éloignait, Katerina regarda le visage assoupit de la jeune patiente. Une pointe de satisfaction effleura son cœur. Elle ressentait beaucoup de gratitude envers le Marquis. Quand elle pensait qu’il y a moins d’un an encore, elle perdait son temps à attendre que sa maladie ne finisse par avoir raison d’elle… Il lui avait ouvert les yeux, lui avait permis de se rendre utile pour quelque chose qui valait vraiment la peine. Elle se sentait chanceuse d’avoir un jour croisé sa route. Et encore plus de pouvoir profiter de ces conseils, de son savoir et de sa sagesse.
_Excuse-moi tu ...
Elle avait presque oublié sa présence, entièrement absorbée par les ordres du docteur et l’intensité de l’opération improvisée. Ces yeux se tournèrent vers lui. Le violoniste. Que voulait-il ?
_Est-ce qu'on se connait ... Enfin ... est-ce qu'on s'était déjà parlé auparavant ?
Elle hésita quelques secondes. Hocha la tête peu loquace. Elle pensa que mentionner leurs passions communes pour la musique suffisait peut-être :
- Je joue du violon moi aussi.
Pas question de mentionner leurs rencontres au beau milieu de la nuit dans la chambre du garçon. Elle doutait que le Marquis n’approuve, même s’il semblait trop loin pour entendre. Décidemment, avant de croiser la route de ce dernier, elle avait vraiment perdu la mesure de ce qu’elle faisait. A part Sheila, toutes les relations qu’elle avait pu entretenir avec d’autres être humains avaient toujours été un peu anormales. Elle n’avait pas encore aperçu la présence de cette dernière d’ailleurs. Elle espérait avoir dénoncé la révolution à temps pour que son amie n’ai pas le temps d’être blessée. Dans son regard circulaire autour d’eux, elle aperçut le violon du garçon, posé à quelques pas, en sécurité. Ne put s’empêcher de le mentionner, un peu amer de ne pas avoir pu en faire de même :
- Tu es parvenu à le sauver de l’incendie… C’est bien.
____________________________________________________________
Elle haussa les épaules. Son violon avait peut-être une valeur toute particulière. Il était un héritage dont elle avait toujours pris grand soin mais… L’opération au côté du docteur Graham rendait sa perte un peu moins douloureuse. Elle le savait depuis longtemps, mais il comblait un vide en elle. Il l’aidait à être une meilleur personne. Elle ne pourrait jamais le remercier assez de ce qu’il lui avait apporté. Personne n’avait jamais vraiment mis d’espoir en elle. Même pas Andrei. Personne n’avait jamais vraiment exiger d’elle qu’elle se tourne vers l’avenir. L’avenir. Cela avait été, pendant des années, un concept flou pour la jeune russe.
Cela aurait probablement dû la vexée que le garçon ne se souvienne pas d’elle. Mais elle s’en fichait. Non, c’était même mieux comme ça. Il avait rencontré la Katerina perdue. Elle voulait oublier cette Katerina-là. Elle n’était plus la même. Elle savait ce qu’elle voulait désormais, elle savait ce qui était important. Et qui était important dans sa vie. La rupture avec Hyppolite ou Agnès était en quelque sorte douloureuse, mais il suffisait qu’elle se projette, qu’elle se rende compte de tout le bien que cela lui apporterait pour savoir qu’elle avait fait le bon choix.
- Tant mieux.
Il regardait la patiente que le docteur Graham venait d’opérer d’un œil attentif. Il semblait lui aussi avoir relativisé. L’incendie ou l’accident de cette patiente devait en être les causes. Toutes ces choses avaient leurs raisons d’être. La Révolution était certes une stupide erreur des patients, mais elle avait permis à Katerina de se rendre définitivement compte de ce qui était important.
_Je peux te le prêter si tu veux en jouer. Je dois veiller sur Lucy alors fais toi plaisir.
Il s’assit à côté de la patiente- Lucy- toujours plus absorbée par sa condition. Elle regarda le violon sans vrai hésitation. Le dédaigna. Elle n’était pas là pour se donner en spectacle. Et si son violon avait brûlé, c’était peut-être parce que désormais, elle avait mieux à faire. Elle regarda ses mains comme si elle les découvrait pour la première fois. Ces mains qui pouvaient sauver des vies. Ces mains qui pouvaient soigner. C’était plus que ce qu’elle n’aurait pu demander. Le violon, elle en rejouerait plus tard.
Nevrabriel tenait la main de Lucy tout contre lui. Il la veillait comme l’aurait fait un grand frère. Ou un père. Elle s’approcha, s’apprêtant à lui parler mais il murmura alors :
_Je ne ferai plus d’erreurs à présent …
Finalement, il n’était plus mort le garçon de la chambre. Le garçon magicien. Elle eut un léger sourire. Et elle, elle avait trouvé ces ailes.
- Moi aussi j’ai mis du temps à comprendre ce qui était vraiment important.
Elle s’assit à côté de lui, ces yeux toujours attentifs à la respiration de la patiente :
– Si ça ne te dérange pas, je vais rester un peu. Pour surveiller son état.
On ne savait jamais après ce genre d’opération. Et dans l’ambiance peu encadrer du bunker, il valait mieux deux pairs d’yeux attentif plutôt qu’une. Elle serait là pour veiller à ce que le travail du docteur Graham ne soit pas gâché.
_____________________________________________________
Le silence qui s’installa était confortable. Katerina l’appréciait à sa juste valeur. Par rapport au bruit que beaucoup s’acharnait à entretenir dans le bunker. S’épandre en vaines paroles ne comblait pas les problèmes qu’avaient causés les révolutionnaires. Ces imbéciles, en mettant le feu au bâtiment des patients, avaient mit en danger la vie d’autres êtres vivants et cela -s’il n’était pas totalement dénués d’intelligence- en tout état de conscience. La jeune russe regrettait de ne pas être aller voir le Marquis Graham plus tôt, persuadée qu’avec son autorité, tout cela aurait pu être évité.
Il n’était plus temps pour les regrets cependant. Il ne servait à rien de ressasser le passé. Elle se contenta de graver dans sa mémoire le visage presque apaisé de la patiente que le docteur Graham venait de sauver. Elle ressemblait à une princesse, avec sa peau presque aussi pâle que ces longs cheveux. Sa beauté fragile avait quelque chose d’innocent. Même son prénom était doux. Lucy.
_Lucy aime beaucoup être entouré, ça lui fera plaisir.
Le magicien croisa son regard. Elle n’avait pas oublié ces deux yeux. L’ambre et le bleu. Comme si les étoiles et le ciel avait essayer de se donner rendez vous dans un regard, sans vraiment parvenir à se rejoindre. Elle n’avait pas oublié l’intensité de ces regards, qui semblait presque sonder l’intérieur d’une âme. Il avait l’air fatigué. Elle aussi certainement. L’adrénaline d’avoir assisté le docteur Graham pour la première fois retombait doucement. Il était tard. La jeune russe était habituée à se coucher tôt. Mais impossible de dormir dans un endroit pareil. Elle ne se sentait pas du tout en sécurité ici. Certes, le Marquis de Graham n’était pas loin mais… la solitude et le confort de sa chambre lui manquait.
Elle décida malgré ces deux yeux envoutants, ou peut-être à cause d’eux, de ramener son regard à Lucy. Elle était là pour veiller sur la patiente, pas pour se perdre dans le regard d’un homme qu’elle ne connaissait pas vraiment. Qu’il soit ou non magicien.
_Comment tu t’appelles ? J’essayais de m’en souvenir cette fois. Lucy voudra savoir qui a veillé sur elle.
Elle eut un sourire énigmatique. Le docteur Graham n’était plus à proximité alors… elle pouvait peut-être parler plus franchement au jeune homme qui se tenait à côté d’elle au sujet de leur première rencontre, tout en restant assez évasive pour éviter d’entacher sa réputation comme le lui avait demandé le Marquis de Graham. Elle replaça l’une des mèches des cheveux de Lucy derrière son oreille avec délicatesse, posant quelques secondes ces doigts frais tout en douceur sur le front chaud de la jeune demoiselle avant de ramener son bras à son corps. Katerina n’était plus trempée comme tout à l’heure, mais elle sentait qu’elle avait froid.
- Il était une fois un magicien qui avait perdu quelque chose de très précieux. Un jour, il croisa le chemin d’une fée. Il lui manquait aussi un truc essentiel. Ils étaient tous les deux perdus. Incapable de parler, ils s’écoutaient à travers le violon. Finalement, alors que leurs deux chemins se séparaient, le magicien fit don d’une partition de musique à la fée. C’était une musique… spéciale…
Elle ne trouvait pas le bon mot pour décrire la mélodie que le jeune homme avait joué. Spéciale, cela ne correspondait pas comme cela aurait dû. Mais elle devrait s’en contenter. Elle continuait de fixer Lucy, c’était presque comme si c’était à elle que la jeune russe racontait son histoire. Comme si elle lui racontait une histoire pour l’aider à passer une nuit plus douce :
- Elle a certainement brûlée là dehors dans l’incendie mais… si tu veux, je te la jouerai. Quand on sera sorti d’ici.
Elle se tut quelques instants. Elle ne se souvenait pas de tous les détails de cette soirée d’été mais il y a une chose dont elle était certaine :
- Tu n’as pas pu oublier mon nom, je ne te l’ai jamais dit tout comme tu ne m’as jamais dit le tien. Je m’appelle Katerina.
Elle se décida finalement à tourner les yeux vers le jeune homme pour lui demander :
- Et toi ?
________________________________________________________
Le visage de l’homme s’éclaira. Elle n’aurait su dire s’il s’en souvenait ou non, de cette rencontre qui avait toujours sonné comme un songe étrange. Mais était-ce vraiment important après tout ? Ce sourire bienveillant suffisait.
_C’est un nom à ravir, pour une fée.
Ce fut au tour de la jeune russe de lui adresser un timide sourire, qui se frayait un chemin sur ses lèvres habituellement peu expressives. Elle n’avait pas vraiment la présomption de se prendre pour une fée, d’ailleurs elle n’était pas vraiment certaine de croire que ce genre de créatures fantastiques puissent exister, mais c’était tout le principe des contes pour enfant non ? Sa nourrice lui en racontait souvent dans le dos d’Andrei. Lui trouvait toutes ces histoires trop stupides. Il n’avait pas tort à dire vrai, mais les histoires, pour une gamine enfermée entre quatre murs, c’était parfois réconfortant voir apaisant.
_Je m’appelle Nevrabriel … Nevrabriel Erskine … Mais tout le monde m’appelle Nev.
Nevrabriel. C’était le deuxième patient à qui elle s’adressait vraiment, après Sheila. Sa vie n’avait jamais été bien remplie d’un point de vue social. Il y avait bien eu Hyppolite, Agnès, Astrid pour un très court laps de temps mais sinon, les seuls êtres auquels elle parlait n’était autre que les médecins. Elle se demandait dans quelle catégorie le classer. D’après le Marquis, un allié devait posséder les mêmes intérêts que les siens. Vu la façon dont le docteur Elpida avait confié sa patiente au rouquin, elle supposait que tout comme elle avait à cœur les intérêts du Marquis de Graham, lui tendait vers ceux du docteur Elpida. Le fait que le docteur Graham et Elpida soit constamment en conflit signifiait-il que les deux jeunes gens étaient plus proches d’être rivaux qu’autre chose ? Elle le détaillait des yeux, à la recherche d’une réponse lorsqu’il ajouta :
_J’aime beaucoup ton histoire.
C’était une réponse suffisante. Ils avaient des intérêts communs. Ils avaient la musique. Puis, ils avaient trouvé tous les deux ce pour quoi ils étaient faits, ce qui était vraiment important à leurs yeux. Ils avaient les mêmes aspirations. Sa présence était apaisante. Et son sourire la faisait sourire. Ce genre de chose ne pouvait exister entre deux antagonistes.
_J’aimerais bien que tu me joue la fameuse mélodie quand tout sera plus calme. Je suis sûr qu’elle m’aidera à me rappeler.
Elle allait lui répondre par la positive, sentant le rouge qui commençait doucement à lui monter aux joues, lorsque la voix du Marquis de Graham se fit entendre dans son dos, comme le grondement du ciel de tempête qui régnait dehors. Pourtant, aux oreilles de la jeune russe, sa voix était surtout une basse rassurante qui lui indiquait qu’elle était en sécurité, sous sa protection. Il restait son point de repère, surtout dans l’ambiance chaotique du bunker. Même si sa conversation avec Nevrabriel l’avait rendu plus supportable.
Comme un réflexe, son visage retrouva une parfaite sobriété et elle se redressa légèrement. Son corps se laissait aller au froid et à la fatigue, et elle savait que le Marquis de Graham n’approuverait pas.
-Où est ton médecin ? Peu importe. Tu lui diras que sa patiente nécessite une prothèse si elle ne veut pas voir ses paupières collapser. Et qu'il va lui falloir des anti-inflammatoires de toute urgence ainsi que des séances de rééducation en ma compagnie.
Katerina tourna la tête en arrière, vers son mentor. Le froncement de sourcil de ce dernier à son égard lui laissa une drôle de sensation. Elle ne voulait pas le décevoir.
- Tiens-toi droite.
La manière dont il fit sa remarque perturba un peu la jeune russe qui se redressa pourtant davantage qu’elle ne l’avait fait à son arrivée. Le ton habituellement plus sec du docteur ainsi que son regard moins vif et intense semblaient presque se perdre dans les murs de cet endroit clos. Il s’éloigna d’un pas vif, aussi vite qu’il était arrivé, la laissant pensive, les yeux tournés vers l’endroit d’où il venait de disparaitre.
__________________________________________________________
Le Marquis de Graham ne lui avait pas raconté les laideurs auxquels il avait été confronté lorsqu’il était médecin militaire. Mais il en avait sous-entendu l’existence. Et la jeune russe n’avait pu s’empêcher de superposer le souvenir du crane défoncer d’Andrei à celui de Lucy au début de l’opération alors qu’ils n’avaient rien en commun. Se pouvait-il que cette opération l’ai ramené à son service militaire ? Ou à tout autre chose. La perte de son œil ? Il ne lui en avait jamais parlé. D’un autre côté, il n’en était pas à sa première opération comme la jeune fille. Elle était peut-être stupide de penser que quelque chose n’allait pas, ou tout du moins que cela était lié à l’opération de la patiente. Elle savait que le Marquis ne s’épanchait que rarement sur sa vie privée et qu’il n’appréciait pas lorsque la jeune femme lui posait des questions déplacées mais elle ressentait le besoin irrémédiable d’aller lui parler.
_Tu as un père autoritaire.
Elle allait dire à Nevrabriel que Victor Graham n’était pas son père mais bien son médecin avant de comprendre que ce dernier l’avait très bien compris. Elle eut un petit sourire amusé mais la remarque du rouquin sonnait plus juste qu’il n’y paressait. Elle hésita une seconde, à moitié sûr de pouvoir confier ce genre de pensée à son interlocuteur avant de se décider :
- J’aurais voulu qu’il soit mon père.
Il était tout ce qu’elle avait aimé chez Andrei. Sans la partie terrifiante de ce dernier. Victor Graham pouvait se mettre en colère, mais il n’avait jamais crié sur elle. Il ne buvait pas trop. Il n’avait jamais essayé de la toucher. Il l’aidait à être une meilleure personne. L’éduquait. La soignait. Jamais elle n’aurait cru qu’une telle personne puisse exister. Elle était perdue dans ces pensées, le visage toujours tourné vers l’endroit où s’était tenu le Marquis quand Nevrabriel intervient :
_Tu peux le suivre si tu préfères.
Son regard se tourna vers celui du jeune homme. Ces deux yeux tournés vers elle avait presque quelque chose d’intimidant, comme si elle se perdait dans des sables mouvants. Elle était étonnée qu’il ai compris si facilement ce qui la tracassait. Elle hésita. Elle était bien ici, tout était calme. Puis le docteur Graham n’avait peut-être pas envie qu’elle le dérange. D’un autre côté, elle avait presque l’impression que son envie de rester ici relevait plus de la paresse qu’autre chose. Elle ne pouvait se complaire dans un environnement agréable au détriment de son mentor. Elle quitta Nevrabriel du regard pour le tourner vers Lucy. Elle semblait paisible.
_Je ne bouge pas d’ici, il n’arrivera rien à Lucy. Tu peux le rejoindre s’il a besoin de toi.
Besoin d’elle… Elle n’aurait jamais la prétention de penser qu’il pouvait avoir besoin d’elle. Elle pouvait lui servir peut-être. Mais le Marquis n’avait besoin de personne. Elle se releva cependant, la main sur sa chaise, presque hésitante. Lança un dernier regard -reconnaissant- au rouquin, avant de lui répondre :
- Merci Nevrabriel.. Je ne pense pas que j’en aurai pour longtemps… Je reviens avec du thé si ça j’en trouves ?
Elle se sentait bien dans cette petite bulle paisible, mais Victor Graham était plus important pour elle que le reste. Elle s’éloigna, poursuivant la route que le Marquis avait pris. Se relever lui permit de se rendre compte à quel point cette soirée l’avait épuisée. L’opération lui avait laissé en cadeau un petit mal de tête qu’elle masquait vaillamment. Elle voulait tellement prouver à son mentor qu’il avait raison d’avoir cru en elle qu’il était hors de question qu’elle montre le moindre signe de faiblesse. Il n’était pas difficile de repérer le Marquis et sa grande stature dans le bunker. Elle s’adressa à lui alors qu’elle parvenait enfin à sa hauteur :
- Excusez-moi docteur Graham…
Si elle lui demandait frontalement si tout allait bien, elle savait que le Marquis l’enverrait promener. D’un autre côté, il était inutile de prendre des chemins détournés avec lui. Cela l’énerverait encore davantage. Elle n’était pas non plus obligée de lui soutirer des informations. Ce qu’elle voulait, c’était juste l’aider à sa manière. C’était juste extrêmement difficile d’aider un homme tel que Victor Graham.
- Désirez vous un peu de thé ? Je pensais essayer d'en trouver...
Elle essayait de profiter de son excuse pour voir si le Marquis se portait bien.
(bon pour la dernière phrase et la fin du paragraphe, j'avais pas enregistré bien évidemment mais j'ai essayé de renoter approximativement xD )
Dans sa vie de patiente, ce surnom était sur toutes les bouches. "La Cannibale". Si elle se souvenait bien, c'était une sorte de Dame Blanche avec un nom et une histoire hybride qui changeait toujours de version selon les personnes qui la racontaient. Un peu comme un être immuable, presque irréel et pourtant, elle était bien en face de W05, à fixer sa fille d'un air doux et attendri.
Elle avait à peine montré son téléphone que le docteur Barrabil débarqua comme un diable, affolé de voir le dite-Cannibale blessée. Et soudain, elle n'existait plus. Elle ne savait pas quel genre de relation ils entretenaient, mais ils tenaient fort l'un à l'autre c'était indubitable.
Elizabeth détourna le regard vers sa fille, un peu gênée d'être au milieu d'une énergie aussi forte. Sa fille roupillait comme un petit chiot, apaisée et sans aucune connaissance de la catastrophe qui ravageait son lieu de naissance. Leur lieu de naissance à toutes les deux. Mais elle savait qu'elles le rebâtiraient ensemble, main dans la main. Elle en était persuadée.
Elle était tellement plongée dans sa contemplation envers sa fille que la voix d'Amalia la fit sursauter, se retournant vivement vers sa plus précieuse amie.
-Tout va bien pour toi ?
Prise d'un élan d'affection et de tendresse, elle prit la main de son amie et regarda une dernière fois Wendy. Elle finit par se lever, sachant que sa fille endormie ne risquait pas de se réveiller si tôt. En plus, elle était entourée de médecins, elle était certaine qu'elle irait bien.
Elle se leva et entraîna Amalia dans un endroit un peu plus calme mais toujours avec la possibilité de vérifier si sa fille ne fait pas de bêtises. Elle jeta un coup d'oeil vers elle avant de se concentrer sur son amie.
Elle serra sa main fortement et lui fit signe de regarder dans une direction qui menait jusqu'à Aeden en train de s'occuper de deux autres enfants. Wendy n'existait plus. Ou alors plus pour lui.
Elle sentit de nouvelles larmes de rage et de tristesse envahir ses yeux qu'elle préféra fermer pour les empêcher d'en sortir une nouvelle fois. Une fois qui serait de trop. Elle n'avait pas à pleurer pour un traître, un manipulateur. Mais elle se sentait trop touchée, malgré tout. Elle était incapable de ne pas en souffrir, elle avait un véritable poids sur le coeur.
Elle desserra sa main et rouvrit les yeux. Amalia avait du comprendre toute la colère qu'elle éprouvait envers le garçon et elle s'empressa de lui expliquer :
- En gros : j'ai demandé à Aeden de venir avec moi chercher Wendy pendant l'incendie, il a refusé et est allé sauvé les patients à la place. Et de ce que j'ai compris, il a participé à la révolution. Je ne sais plus quoi penser.
Pour la première fois de sa vie, elle se sentait faible. Suffisamment pour demander de l'aide. Suffisamment pour que des picotements se faisaient sentir dans ses yeux. Suffisamment pour qu'elle ait presque du mal à respirer.
Elle ne savait pas pourquoi ça faisait si mal, mais elle était persuadée que c'était lui la cause.
Dans sa position désapprobatrice, elle toisa le traître d’un regard à la fois haineux et jugeur. En cet instant très précis, elle le détestait. Et elle n’aimait pas ces sentiments qui se contredisaient. Parce qu’elle sentait qu’autre chose n’était pas d’accord avec la haine qu’elle éprouvait envers lui. Elle se sentait déchirée de l’intérieur, et elle n’aimait pas du tout ces sensations contradictoires. Elle avait juste envie de se blottir dans un coin, enroulée dans une couverture, dormir et pleurer toute la journée, alors qu’elle était une battante qui ne laissait pas ses sentiments prendre le dessus. Et lui, il lui faisait ressentir tout ce qu’elle détestait.
Elle se sentait mal à l’aise et haineuse. Par sa faute à lui.
- Elle dort de mieux en mieux.
Elle inspira bruyamment, puis expira de la même façon. Elle était exaspérée, elle voulait qu’il abrège, qu’il en vienne aux faits. Pourquoi l’avait-il trahie ? Pourquoi s’était-il montré si avenant envers elle pendant toutes ces années pour finalement lui planter des couteaux dans son dos ? Pourquoi elle se sentait manipulée et faible ?
Elle était faible. Et c’était de sa faute.
- Je… Tantôt, j’ai pas gérer. Et..je-je-je sais pas par où commencer…
Immobile, elle continua inlassablement de le fixer et de ne pas se laisser séduire par sa vulnérabilité ou pas ses yeux d’un vert dont elle a toujours été jalouse. Au contraire, elle tapa légèrement du pied sur le sol, commençant à perdre patience. Parce qu’à tout moment, elle pouvait pleurer. A tout moment, elle pouvait craquer et lui jeter des oreillers à la figure. A tout moment, elle pouvait sortir du bunker et se jeter dans les flammes pour éviter de souffrir comme elle souffrait. Au moins, il comprendrait ce que c’était de voir une personne en qui on avait confiance plonger dans un incendie comme si sa vie ne comptait pas.
Bon sang ce qu’elle était en colère. Et elle ne savait pas encore que le pire n’était pas arrivé :
- Etre un père c’est… Je suis pas sûr... Je suis pas à la hauteur… Elle mérite tellement plus que ce que j’ai à lui offrir. Et je-je… ça fait beaucoup de je hein…
Elle fronça les sourcils, perplexe. Où est-ce qu’il voulait en venir ? Elle n’était pas certaine du rapport entre lui qui avait préféré des inconnus à ce qu’il prétendait être sa fille. Autant dans le passé, elle lui aurait accordé le rôle de père, autant dans cet instant, il n’avait même plus le droit de s’approcher de Wendy, qui n’était désormais plus sa fille. Il y avait renoncé plus tôt dans la soirée.
- Tu sais, quand t’étais à l’asile, je faisais que de te raconter que ça allait, comment Wendy était belle et intelligente, mais je contrôlais déjà rien du tout.
Son visage se décomposa, appréhendant la suite de ce qu’il allait bien pouvoir confesser. Ses mains se mirent à agripper ses bras, toujours croisés, un peu effrayée de la suite de son monologue. Ca devait être bien pratique pour lui de discuter avec une femme muette… Elle ne pouvait pas l’interrompre.
- Quand elle faisait ses premières dents, un peu avant que tu sortes, elle pleurait tout le temps. Vraiment tout le temps. Je… je faisais de mon mieux pour passer la voir tous les jours mais… elle faisait que de pleurer et j’étais fatigué. Alors je me suis cherché des excuses. Je suis pas aller la voir pendant au moins 4 voir 5 jours. C’est énorme 5 jours. Il aurait pu lui arriver n’importe quoi en 5 jours. Et j’espaçais mes visites, comme si j’espérais revenir seulement quand elle irait mieux. Et puis après, il y a eu cette fois où elle a fait une grosse fièvre aussi. Je supportais pas de la voir malade. Je pouvais rien y faire. Là aussi je me trouvais des excuses pour la voir moins souvent. Alors que j’aurais du faire le contraire. Elle n’était pas bien. J’aurais dû être présent pour elle. Même si je savais rien y faire, j’aurais dû être là.
Lâche. C’était un lâche. C’était pour cette raison qu’il avait voulu mettre fin à ses jours. C’était pour cette raison qu’il lui avait menti sur ses visites pour voir Wendy. C’était pour cette raison qu’il prenait son courage seulement maintenant pour lui avouer, parce qu’il était coincé et n’avait plus d’autres choix que de dire la vérité. Sinon, il allait la perdre. Ou il l’avait déjà perdue.
Pendant tout ce temps, elle pensait qu’il avait un manque de confiance en lui et qu’il avait juste besoin d’une impulsion, d’un coup de pouce pour qu’il se rebooste. Mais ce n’avait jamais été un manque de confiance, toujours de la lâcheté. Se trouver des excuses. Encore et toujours. Et dire qu’elle avait eu peur de le perdre. Et dire qu’elle lui avait donné tant d’importance dans sa vie qu’elle avait laissé Wendy aux infirmières ce soir-là.
Elle se sentait utilisée.
- J’ai pas du tout penser comme il fallait tantôt. Je veux dire, j’aurais du me mettre à ta place… Il y avait la maison que tu connais depuis toujours qui brulait… le seul endroit que tu ai jamais connu, tu n’étais pas certaine que Wendy soit en sécurité, tu avais besoin de soutien et je sais pas ce qui s’est passé… J’ai mal évalué mes priorités, j’ai-j’ai cru que… je sais pas ce que j’ai cru en fait. C’était la panique, il y avait cet incendie et je… Je me suis pris pour ce que je n’étais pas… Je me sentais responsable de ces patients dans le bâtiment. Je-je j’ai pas su me mettre à ta place, j’étais persuadé que tu saurais te débrouiller toute seule, et c’est ce que tu as fait mais je-je j’aurais dû être là.
Elle roula des yeux. C’était évident qu’elle savait se débrouiller seule, là n’avait jamais été la question. Elle avait juste besoin de quelqu’un. Parce que si Wendy avait besoin de sa mère, elle aussi avait besoin de quelqu’un à ce moment précis.
Et il l’a laissée tomber. Et aucune de ses paroles ne saurait réparer le mal qu’il a fait.
- Et puis il y a… il y a la révolution tu vois, je… pensais pas que tout ça irait si loin. Je voulais juste… je voulais juste réparer… Enfin je sais pas trop… Je voulais que les choses soient justes… enfin, je sais même pas ce que ça veut dire juste mais… C’était peut-être pour me réparer moi que j’ai fait tout ça… En tout cas… je… Je sais que c’est un peu tard pour ça mais… je m’excuse. Je voudrais m’excuser mille fois. Ça a dû être une soirée atroce pour toi et… J’ai pas assuré. Et tu dois pas être bien… Et si je peux faire quelque chose…
Et il se tut. Définitivement. Elle n’arrivait même plus à énoncer la moindre émotion dans son regard. Ses yeux se mirent à briller, mais au final elle était soulagée. Parce qu’elle ne perdrait plus de temps avec lui. Tous les efforts qu’elle avait fait pour qu’il se sente mieux, inclu dans la famille, à l’aise avec elle, tous ces efforts pour qu’au final elle soit blessée comme jamais elle ne l’a été.
Alors elle inspira, cette fois-ci sans un bruit. Déception, colère, tristesse, désarroi, manipulée. Ce n’était pas les émotions qu’elle était sensé ressentir. Elle devait juste avoir peur d’avoir perdu sa maison et soulagée d’avoir retrouvé sa fille. A la place de ces sentiments simples, une bourrasque de négativité faisait rage dans son ventre.
C’était pourquoi, comme simple réaction à toutes ces choses, elle détourna enfin le regard du garçon, attrapa le panier où reposait sa fille ainsi que le sac qu’elle avait rempli d’affaires, et se leva. Il ne méritait pas qu’elle lui dise au revoir. Il ne méritait pas qu’elle accepte ses excuses. Il ne méritait rien de tout ça.
Tout ce qu’il pouvait faire dans l’espoir que les choses s’arrangent, c’était d’attendre qu’elle soit prête de le voir à nouveau. De lui laisser le temps. Mais elle savait qu’il avait brisé quelque chose en elle qu’elle ne pourra jamais réparer.
Elle rejoignit Amalia et Ophelia, les yeux brillants de larmes. Mais aucune d’elles ne voulut sortir.
Elizabeth regarda sa fille, puis le nouveau quatuor qu’elles formaient.
Les femmes n’avaient pas besoin des hommes. Et Elizabeth n’avait plus besoin d’Aeden.
- Quel lâche… Aeden, si tu la laisses partir, elle ne reviendra pas.
Il fronça les sourcils. Il aurait voulu qu’Adèlys et Lorelei s’en aillent. Ce moment lui appartenait. Il aurait voulu qu’elle cesse de le narguer. Mais il les voyait partout. Et devant lui, le dos d’Elizabeth qui s’éloignait. Sans un mot. Il n’y avait probablement pas réponse plus claire et évidente que celle-là. Aucuns bruits et pourtant un fracas sans précédent. Aeden aurait probablement pu voir s’effondrer le plafond du bunker sur la tête qu’il aurait été moins sonné.
C’était fini.
Il resta assis, digérant comme il le pouvait l’information. Le bruit des autres patients dans le bunker lui devenait insupportable. Les regards, les visages, les sons. Il essaya de respirer. Mais l’air vicié du bunker ne suffisait pas.
C’était fini.
Ce soir, il avait vu la Révolution échouer, il avait perdu Sheila et Eden, c’était plus ou moins disputé avec Ophélia et Alexander, avait vu le bâtiment où il vivait depuis trois ans brûler, avait accepté de laisser partir le meurtrier de Lorelei et celui d’Adèlys. C’était pris une gifle du médecin « Texan », c’était rendu compte de son inutilité et de la vaste blague qu’il était en brandissant une arme qui n’était même pas chargée. Mais ça n’était rien. Rien en comparaison avec ce qu’il perdait. Les deux amours de sa vie.
C’était fini.
Il aurait voulu s’éteindre. Mais il avait promis de ne pas se foutre en l’air encore. Il savait que ce n’était pas la solution. Et s’il n’y avait pas de solution, c’était de sa faute. Il se contenta de se lever. Le monde tournait autour de lui. Un imbécile. Bien sur qu’elle allait partir. Il l’avait trompé sur ce qu’il était, lui avait mentit, l’avait abandonné au pire moment. Il s’éloigna du monde, du bruit. De ces gens. Tout ces gens. Il voulait être seul. Il avait besoin d’être seul. Sauf qu’où qu’il aille, il y avait des patients, des médecins, des personnes qu’il ne voulait pas voir. Il se dirigea finalement vers la porte d’entrée du bunker. Il voulait sortir. Il avait besoin d’air. La porte resta hermétiquement fermée. Alors il se laissa glisser sur sa paroi froide et dure.
C’était fini.
Il n’avait même pas le courage de pleurer, de s’énerver. De toute manière, il avait trop de mal à respirer pour ça. Il entendait les voix d’Adèlys et de Lorelei se moquer de lui. Puis Sheila qui lui demandait pourquoi il l’avait abandonné. Le coup de feu. Le bruit d’une tête contre un mur. C’était trop. Il voulait juste dormir et il se détestait de ne pas réagir autrement. Pour une fois, s’il avait pu se battre. S’il avait pu être quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui n’abandonne pas. Quelqu’un qui n’échoue pas. Mais il était lui. Et lui, ça n’avait jamais suffi.
C’était fini.
Il resta là, replié sur lui-même contre la paroi froide de l’entrée du bunker. Il voulait juste dormir. Mais le sommeil ne venait pas. Et la rengaine devenait une boucle infinie dont il ne parvenait à s’extraire. Les voix d’Adèlys et de Lorelei qui se moquent, qui lui rappellent celui qu’il est, qui le charrie. Sheila qu’il a abandonnée, qui pleure parce qu’elle est dehors, parce qu’elle est dehors toute seule, qui lui demande pourquoi il la laisse mourir. Le coup de feu et le corps de Lorelei qui se teinte de rouge. Le bruit d’une tête contre un mur, un mur taché de sang. Le dos d’Elizabeth qui s’éloignent et qui ne reviendra pas. Les voix d’Adèlys et de Lorelei qui se moquent. Sheila qu’il a abandonné. Le coup de feu. Le bruit d’une tête contre un mur. Le dos d’Elizabeth qui s’éloigne. Les voix d’Adèlys et de Lorelei qui se moquent. Sheila qu’il l’a abandonné. Le coup de feu. Le bruit d’une tête contre un mur. Le dos d’Elizabeth qui s’éloigne. Adèlys. Lorelei. Sheila. Pan. Bam. Le dos d’Elizabeth qui s’éloigne. Adèlys. Lorelei. Sheila. Pan. Bam. Elizabeth.
C’était fini. Alors pourquoi ça ne s’arrêtait pas ?
|
|