c'est quoi finalement ? Le teint hâlé, les jambes musclées, le ventre sculpté d'abdos tout en conservant une silhouette fine ?
Tout en courant sur le tapis de course, la blonde se demande si elle remplit la liste de ces conditions afin d'avoir le corps parfait de l'été (selon le magazine que lui avait amené sa sœur). Pour le bronzage, c'est déjà pas mal. Maintenant qu'elle sort de son cocon poisseux, elle peut enfin régénérer sa triste peau. En ce début d'été, elle porte donc un voile légèrement hâlé qui ne rendent ses cheveux que plus doré. Pour la minceur, c'est tout gagné également. Quoique, elle se remplume de plus en plus la petite. Lorsqu'elle fait ses foulées sur le tapis, ses cuisses ne sont qu'à quelques centimètres de se toucher.
Par contre les muscles et les abdos c'est une autre histoire. Heureusement qu'elle a repris le sport avec Zyra parce que sinon elle aurait du flan dans les mollets.
Sa queue-de-cheval haute se balance au rythme de sa course. Elle est seule dans la salle. Elle a réussit à obtenir d'Ange une ordonnance pour qu'elle vienne ré-éduquer son endurance et autres conneries. De ce fait, elle peut sécher les séances de jardinage sous la canicule.
Là, en plein après-midi, avec le soleil qui vient taper sur ses épaules, elle se demande quand même si elle ne serait pas mieux à arracher les plantes. Son short, pas même moulant, ne laisse pas assez passer d'air et son débardeur, à force de suer, lui colle à la poitrine.
Quand elle s’essouffle à en avoir mal, elle se décide à quitter le tapis de course. Elle attrape sa gourde qui est déjà vide. Un soupir et elle quitte la salle pour aller la remplir. Là elle pousse la porte des toilettes adjacents à la salle et ouvre un robinet. Elle bien ses toilettes là car il y a rarement des gens qui s'aventure jusqu'ici pour pisser. Souvent on y est paisible, à l'abri des ragots ou des pleurs.
Elle sort après avoir bue une gorgée mais à peine pousse-t-elle la porte qu'elle entend un boum qui résonne derrière elle, comme si elle avait heurtée quelque chose. Interloquée, elle fait le tour de la porte et trouve W133, qu'elle venait de salement plaqué. Oups, les coïncidences font bien les choses parfois.
« Ha ce n'est que toi. »
Elle aurait bien mieux préféré tomber sur Alexander. Cela fait si longtemps qu'ils ne sont pas croisés tout les deux. Il lui manque.
Elle soupire. Elle vient de cogner ce pauvre gars et elle trouve encore le moyen d'être désagréable. Oui mais bon, il n'a qu'à pas être si proche de son Alexander. Elle est sûre que s'ils se parlent moins tous les deux c'est parce qu'il est beaucoup plus avec W133.
A contre-coeur, elle se montre sympa :
« Enfin je veux dire ... Tout va bien ? »
Cette pensée en tête, il se dépêcha de passer par sa chambre boire de l’eau et prendre des vêtements propres et monta aux douches où il prit une douche tiède tirant vers le froid qui lui fit un bien fou. Avec cette chaleur, un peu de fraicheur n’aurait fait de mal à personne. Il se shampooina en vitesse avant d’enfiler son uniforme blanc. Se sentir propre comme ça lui procurait une sensation de bien-être qui l’apaisa. Il aurait pu piquer un somme s’il n’avait pas eu mieux à faire. Un petit tour aux toilettes et il pourrait filer voir mini-W05. Il aurait certainement le temps de lui raconter comment il s’était cassé la figure avant d’aller manger, puis de retourner bosser dehors.
Il se dirigea déterminé vers les toilettes, mais n’eut pas le temps de l’atteindre que la porte s’ouvrait devant lui, et dans son élan, il en heurta la paroi. Ouch ! Il se frotta le nez, qui était douloureusement endorli, avant de croiser le regard de celle qui était coupable de cette tentative de meurtre. Oh super ! Aeden se renfrogna.
« Ha ce n'est que toi. »
- fhehg
Il baragouina un tout à fait incompréhensible « ouai c’est ça », très peu engageant. Il ne comptait pas vraiment faire d’effort. De toute manière, quand il en faisait, cela ne semblait pas fonctionner avec la jeune femme. Ils étaient apparemment tous les deux condamnés à se fréquenter à cause d’Alexander, sans qu’il y ait la moindre capacité de communication entre eux.
« Enfin je veux dire ... Tout va bien ? »
Il répondit aussitôt, l’air toujours aussi peu amène :
-Ça allait bien, oui.
Insistant sur le « allait », la phrase était sans équivoque. Depuis qu’elle connaissait Alexander, la relation d’Aeden avec le garçon s’était fortement dégradée. Non, en réalité elle était déjà dégradée avant mais à cause d’Ophélia, il ne parvenait pas à recoller les morceaux. Les deux garçons se voyaient peu, et allaient jusqu’à se disputer. Avec un peu de chance, c’était elle qui allait raconter des histoires à Alexander pour le monter contre son presque ex-ami.
Mais tout de même, elle faisait un effort là non ? Et il lui avait répondu plutôt sèchement, un peu par automatisme. Peut-être que c’était ça le problème au fond. Il ne faisait aucuns efforts. D’autant plus qu’il savait que quelque part, il avait tous les deux les mêmes objectifs, qui passait par la révolution. Il était certain qu’elle était aussi active que lui dans ces histoires sombres dont on parlait sans trop donner de détails. Il avait la certitude qu’en alliant leurs forces, ils pouvaient aller loin. Mais déjà fallait-il qu’ils soient capable de se parler. Il chercha donc quelque chose à dire pour tenter une approche différente. La dévisageant de la tête au pied, il ne mit pas longtemps à l’ouvrir :
- Tu fais du sport ?
Mh. Les interventions du garçon étaient toujours aussi fulgurantes et lumineuses. Ce n’est pas comme si ça ne se voyait pas qu’elle faisait du sport avant de lui éclater la figure avec une porte. Au moins il essayait de s’intéresser. Il se demandait quel genre de sport elle faisait, en dehors de l’ouverture de porte sauvage. Elle aurait pu faire cheerleader à l’américaine que cela ne l’aurait pas étonné. C’était certes dans le cliché, mais il aurait préféré que ce soit le cas, elle se serait peut-être alors intéressé à un gros balaise quater back de l’équipe plutôt qu’au Génie.
Un sourire, ça lui arracherait la mâchoire ?
La Cannibale sert sa gourde dans sa main avec une telle force qu'on imagine qu'elle aimerait bien empoigner quelqu'un plutôt que ce quelque chose.
Sourire crispé, elle se demande quand même pourquoi elle n'arrive pas à supporter W133. Déjà, physiquement, elle a envie de passer son chemin. Le regard du type en milieu de dépression et la posture du mollusque qui bronze au bord de l'eau, ça n'a rien de séduisant. Pourquoi Alexander accorde-t-il autant d'importance à un mollusque ? Faut-il qu'elle se transforme en mou du bulbe pour avoir l'attention du Génie ? W133... Il a tant de privilèges... Il a sûrement déjà vu Cap, doit être le confident du Génie, il a connu Loreleï (ou certainement la personne la plus importante aux yeux d'Alexander) et a tout un passé solide avec lui. Et bon sang qu'il ait l'air un peu plus vivant ! Il ressemble à Ophelia, lors de ses hospitalisations. C'est peut-être ça, tiens, la raison de son animosité ? Elle, elle se démène pour être quelqu'un de meilleur et ne voit que peu de résultats, et lui, en étant l'ancienne Ophelia obtient tout. A quoi servent les efforts alors ? La sueur en couverture qu'elle porte actuellement est un supplice pour rien ?
Elle marmonne encore des excuses, soudainement déprimée, et s'apprête à partir mais on dirait bien que l'autre cherche à la retenir.
"Tu fais du sport ?"
Ben non, je tonds la pelouse, ça se voit pas ?
Elle lève les yeux au ciel. Les sourires de circonstances se sont évanouis et l'allure de sportive est remplacée par celle d'une adolescente blasée. Les épaules maintenant affaissées à force de soupirer, la Cannibale abandonne tout masque de perfection.
"A quoi tu joues ? Tu n'as pas besoin de me faire la conversation, surtout si c'est pour poser des questions aussi ..."
Elle ne finit pas sa phrase de crainte de devenir vulgaire. Si ça continue, elle va paraître offensive donc autant être honnête.
"Ecoute, on peut pas se voir en peinture, et Alexander n'est pas là, donc pas besoin de faire semblant. Donc si tu as quelque chose à me dire vas-y, c'est le moment d'être sincère, personne ne nous entendra ici."
Aurait-il le courage de lui dire ce qu'il pense vraiment ? Ou va-t-il fuir ? En attendant, la blonde croise les bras et lève le menton, assurée et dédaigneuse.
"A quoi tu joues ? Tu n'as pas besoin de me faire la conversation, surtout si c'est pour poser des questions aussi ..."
Oui, Aeden était nul quand il était question de faire la conversation. Il laissa ses yeux se promener alors qu’elle parlait. Un garde n’allait pas tarder à passer par ici, il avait eu confirmation que les plans que Nev’ avait réalisés étaient toujours d’actualité. Etonnant que les tours de garde n’aient pas évolué mais cela arrangeait le garçon.
"Ecoute, on peut pas se voir en peinture, et Alexander n'est pas là, donc pas besoin de faire semblant. Donc si tu as quelque chose à me dire vas-y, c'est le moment d'être sincère, personne ne nous entendra ici."
Parfait. Il était bien trop nul pour les conversations et déterminé à lui parler. Elle voulait du sincère ? Ce n’était pas lui qui allait se gêner. Il devait d’abord trouver un endroit tranquille, pas la peine de se faire sermonner après avoir eu l’autorisation des gardes de partir plus tôt, parler dans les couloirs étaient plutôt mal vu à l’institut dorénavant. Il attrapa donc fermement Ophélia par le bras et la traina à sa suite aux toilettes, lui ordonnant de la fermer, un doigt sur les lèvres. Son horloge interne marchait toujours aussi bien car il ne fallut pas plus de 10 secondes pour que les pas d’un de ces idiots de surveillant ne résonnent dans le couloir avant de s’éloigner définitivement. Une chance qu’il travaillait dehors depuis un temps maintenant. Auparavant, il n’aurait probablement eu aucunes chances de parvenir à l’exploit de trainer quelqu’un ou que ce soit. Il commença sans parler trop fort :
- Je ne t’aime pas. Et je ne comprends pas ce que le Génie peut bien te trouver.
C’était une évidence pour lui, mais il voulait être sûr que les choses soient claires entre eux. Elle voulait qu’il soit sincère, il le serait. Il continua, pesant les risques qu’il prenait :
- Mais je pense qu’au fond, on a les mêmes objectifs.
Elle savait de quoi il parlait. Et il n’était toujours pas convaincu qu’elle soit digne de confiance. Mais il était temps que cette conversation ait lieu, peu importe ce que cela pourrait couter. Elle n’aurait de toute manière rien à offrir de concret à Elpida. Juste des soupçons. Allez, il ne pouvait qu’espérer que le Génie ait été assez intelligent pour s’amouracher d’une femme qui vise les mêmes objectifs que les leurs. Et en même temps, il ne pouvait rien dire. Il s’était lui-même écarté des traces la révolution en s’approchant de W05.
- Alors peut-être qu’au lieu de s’écharper on devrait…
Faire alliance ? Il laissa sa phrase en suspens. Difficile de ranger sa fierté de côté et de proposer de s’allier à une fille qu’il n’aimait pas. Serrant la mâchoire, la gorge sèche il parvient à faire sortir les mots tout de même, mettant à mal sa fierté mais il devait penser à la cause d’Alexander avant son égo :
- Penser à allier nos forces.
C’était difficile tout de même, le garçon eut du mal à garder ces yeux fixer sur ceux de la jeune femme, mais il s’y força. Il voulait lui prouver la bonne foi de cette proposition, après, elle en ferait ce qu’elle en voudrait. Le garçon s’aperçut qu’il n’avait pas lâcher son poignet et le tenait un peu trop fort aussi le lâcha-t-il.
Va-t-il être honnête ? Si oui, sera-t-il piquant, ou retiendra-t-il ses mots ? La Cannibale ne sera pas blessée, qu'importe ce que W133 dira. Il pourra la traiter de tous les noms, elle saura tenir le sourire. Venant de quelqu'un d'aussi misérable que lui, rien ne peut toucher sa fierté.
Cependant, le morveux arrive à la surprendre puisqu'il la tire brutalement par le bras, la coince dans les toilettes type Edward Cullen qui ne sait retenir ses pulsions face à Bella, et pose son index sur sa bouche. La blonde colle son crâne le plus possible contre le mur carrelé, voulant éviter à tout prix le contact physique. La Cannibale voit rouge. Il la saisit comme si elle n'était qu'un vulgaire objet et lui donne l'ordre de se taire, sans aucune explication ? Mais quel mufle !
Elle ouvre la bouche pour gueuler un coup mais des pas dans le couloir la coupe dans son élan. Elle attend qu'ils s'évanouissent, perplexe. Elle dévisage son interlocuteur, un sourcil levé. Est-ce que c'est pour ça qu'il la poussât ici ? Parce qu'il y avait quelqu'un ? Que ce soit un garde, un patient ou même Elpida, pas besoin de se la jouer autant. Au contraire, avec le bruit qu'ils ont fait, ils auraient pu attirer la dite-personne. Vaut mieux discuter d'autre chose, se montrer poli quand l'adulte est à leur hauteur, fin.
Elle lève les yeux au ciel. Vraiment, rien ne va avec W133.
« Je ne t’aime pas. Et je ne comprends pas ce que le Génie peut bien te trouver. », chuchota-t-il.
Au moins, c'est clair. La Cannibale croise les bras sous sa poitrine, à l'écoute. Elle non plus elle ne comprend pas ce que Génie trouve à son ami. S'il voulait un confident, un meilleur ami, il aurait pu creuser ailleurs. Ou alors c'est l'égo qui parle. Peut-être que le Génie a besoin d'un empoté pour se sentir d'autant plus supérieur. Quoique, ça ne lui ressemble pas. C'est peut-être l'oeuvre du Cap ? Après tout, Cap pour Caprice ou pour Capturé. W133 es-tu le caprice ou le captif ?
« Mais je pense qu’au fond, on a les mêmes objectifs. Alors peut-être qu’au lieu de s’écharper on devrait… »
L'air dédaigneux qu'elle avait s'efface doucement. Plus elle y réfléchit, plus elle trouve cela cohérent. Si W133 traînait avec Loreleï Hexe, c'est-à-dire l'icône de la Révolution; et avec le Génie, ils doivent avoir au moins ce point commun. Et de toute façon, elle ne voit pas quel type d'objectif il peut bien vouloir sous-entendre, à part celui-ci.
« Penser à allier nos forces. »
Se planter un couteau dans le ventre lui aurait sûrement moins douloureux que d'écorcher ces mots, vue sa tête. La Cannibale, les lèvres pincées, roule des yeux en réfléchissant. La répulsion qu'elle éprouve envers W133 est-elle plus forte que ses objectifs ? Non. A croire que tous les alliés ne sont pas des amis.
Elle pousse un soupir, se décolle du mur froid et penche la tête par delà la porte. Personne en vue. Là, par contre, il vaut mieux sécuriser la conversation qui est bien plus secrète que Ophelia, je dois t'avouer un truc, je dois te le dire depuis toujours ... Voilà je ... Je ... Je ne t'aime pas ! .
Personne à droite, personne à gauche. Elle ferme la porte et coince le verrou avec un balai. Si quelqu'un désire rentrer et découvre qu'il ne peut pas ouvrir la porte, la Cannibale irait se cacher dans les toilettes et W133 trouverait une excuse.
Elle pose ses fesses rebondies et transpirantes contre le rebord des lavabos, le menton levé mais cette fois-ci le regard dirigé vers le patient.
« Je suppose que tu dois bien servir à quelque chose pour rester avec le Génie. Alors j'accepte. »
De ce qu'elle sait, il n'est pas le patient d'un médecin haut placé, n'a pas une intelligence hors normes ou une force à la Hulk. A quoi peut-il bien servir ? Adèlys était insupportable, mais elle avait du courage, savait réfléchir et ruser, et était tout de même la patiente chouchou d'Elpida. Donc même si elles ne s'appréciaient pas, la Cannibale lui reconnaissait des atouts. Quand elle détaille W133 de la tête aux pieds, elle se demande bien où il cache ses qualités.
« On va pas juste se dire qu'on est d'accord pour s'allier. J'espère que tu as des infos à me donner, en retour tu auras les miennes. »
Ou ce qu'elle aura envie de donner. Elle fait confiance à W133 pour ne pas la trahir, mais elle ne connaît pas son caractère. Si il ne sait pas tenir un secret et qu'il divulgue tout, elle est foutue. Déjà, sa relation avec Ange c'est secret défense. Peut-être qu'elle parlera de Kan, de Nevrabriel et de Zyra.
« Je suppose que tu dois bien servir à quelque chose pour rester avec le Génie. Alors j'accepte. »
Elle s’approche des lavabos, le garçon fait un rapide tour des toilettes pour s’assurer que personne ne se trouve là, ce qu’il aurait dû faire bien plus tôt évidemment. Il manquait encore des bons réflexes. Difficile de passer du garçon qui souhaite être comme tout le monde et éviter un max les ennuis, au mec qui essaye de faire bouger les choses. Il sait qu’il a trois tonnes de lacunes. Ophélia, elle a le profil de base de la révolutionnaire, est-ce que c’est un truc génétique qu’elle aurait hérité et pas lui ? Peu importe, il ferait avec.
« On va pas juste se dire qu'on est d'accord pour s'allier. J'espère que tu as des infos à me donner, en retour tu auras les miennes. »
Il grinça des dents. Oui, la logique voulait que pour prouver sa bonne foi, les deux parties concernées s’échangent des informations. Après avoir terminé son inspection tardive, il se rapprocha afin de ne pas avoir à parler trop fort. Tout le monde connaissait l’expression : « les murs ont des oreilles. ». Il lui répondit, aussi sincèrement qu’il ne le put, veillant à faire comprendre que ce n’était pas une question de confiance :
- Partager des informations peut-être une erreur. Ce serait dommage que l’un de nous finisse par tout balancer. Je ne remets pas en cause ta loyauté envers Alexander, mais je ne sais pas ce que tu serais prête à dire pour sauver ta peau. Et je ne sais pas jusqu’où irait l’institut pour obtenir des informations. Tant qu’on ne sera pas prêt et suffisamment nombreux, pour le bien de tous, il vaut mieux que l’on évite de donner des noms en tout cas…
Il se tut, cherchant ce qu’il pouvait divulguer. Même si de toute manière, si on forçait quelqu’un à parler, il y avait de forte chance que ça lui retombe dessus depuis qu’il avait fait du recrutement sa deuxième occupation après le jardinage. C’était lui qui devait se demander ce qu’il avouerait ou non. Il avait déjà joué au plus malin avec l’Institut, il doutait de pouvoir les tromper une seconde fois. Rien que l’idée qu’il finirait par se faire prendre lui donnait des sueurs. Il finit par s’appuyer sur le lavabo à côté de celui sur lequel Ophélia était adossée, les mains sur le rebord froid en porcelaine :
- Je peux juste te dire que les tracts viennent de moi. Je sais que c’est pas le top, j’ai fait ce que j’ai pu.
Il balaya l’air de sa main, pour faire comprendre que cela ne valait pas la peine de lui faire des reproches. Ces tracts étaient à la fois une grosse erreur et une bonne idée. Grosse erreur parce qu’une fois qu’Elpida en aurait vent, et cela arriverait, il serait certainement furieux. Et qu’il serait certain de l’existence de patients révoltés. Mais d’un autre côté, il se doutait déjà de ce qui se tramait, et il était impossible de savoir qui croire ou non à l’institut. Ces tracts permettaient de souligner l’existence d’une organisation qui aux yeux des patients pouvaient avoir ces chances face à l’institut, et de les aider à réfléchir par eux-mêmes. Il y avait plus de patients que de docteur à l’institut. Il fallait juste les aider à se réveiller. Alors oui, il avait longtemps hésité à lancer cette opération, ais au moins, il agissait. Finit de se croiser les bras et de glander. Il continua, enchainant sur l’essentiel :
- J’ai fait de mon mieux pour grossir nos rangs sans éveiller les soupçons, en choisissant nos alliés avec soin et en allant leur parler. Parce que les tracts s’est bien beau mais c’est plus de la propagande que de l’échange d’info. Je préfère m’en occuper moi pour éviter qu’Alexander n’ai à trop s’exposer.
De toute manière, lui il était déjà plus ou moins dans la mouise depuis son intervention à Halloween. Les soupçons finirait forcément par lui retomber dessus alors autant laisser Alexander un maximum dans l’ombre et s’exposer un peu plus lui. Il devait s’assurer qu’Alexander parvienne à ces fins, et c’était tout ce qui comptait. Lui était le roi, Aeden serait son fou. Et Ophélia pouvait bien être la reine, elle avait l’agressivité nécessaire apparemment.
- J’ai peut-être trouvé un intermédiaire qui s’en chargera d’autant mieux, s’il assume ce rôle.
Il parlait là de Sheila. Sa maladie était presque un don tombé du ciel. Sa capacité à lire les humeurs pouvaient s’avérer très utile lorsqu’il s’agissait de savoir reconnaitre un menteur et de cerner les gens. S’il la canalisait correctement et qu’il lui indiquait qui approcher, il augmentait ces chances de recruter et diminuait les dangers que cela entrainait. Forcément cela exposerait Sheila, et il voulait que cette dernière comprenne bien les risques avant de s’engager là-dedans.
- Ah et j’ai mémorisé l’emplacement des caméras de surveillance et des tours de gardes réguliers. Je peux te les apprendre aussi si tu ne les connais pas encore.
Il ne dirait pas que Nev’ était l’auteur du plan qu’il avait mémorisé. Ne parlerait d’ailleurs pas du plan. Tout ce qui était écrit était potentiellement dangereux. Il sentait soudain son destin carrément entre les mains d'Ophélia. Il n'avait cité personnes, mais lui avait dit tout ce que lui faisait. Alexander avait intérêt à ne pas se gourer, sinon il était cuit.
- A ton tour.
Il lui parlerait ensuite de la collaboration à laquelle il espérait qu’elle participe. Il avait besoin d’aide pour en apprendre plus sur le départ de Lys. Il savait l’inquiétude d’Alexander, et sa première mission avait été mitigée. Il avait besoin d’aide, et il savait qu’elle était exactement ce qu’il lui fallait.
- Pour les tracts:
- Juste pour remettre le contexte des tracts en place, petite référence à mon rp avec Sheila :’) :
Aeden adressa un petit signe de la main à l’un d’entre eux, Marco. Un de ces camarades de couloir, qui faisait-il à peu encore de la contrebande de BD qu’il dessinait à la main. Depuis qu’il s’était fait prendre et avait pris un blâme pour ça, il était suffisamment remonté pour qu’Aeden lui parle de choses sérieuses. Depuis il dessinait des tracts que le surdoué s’arrangeait pour écouler dans les chambres de tous l’institut.
Si les rumeurs étaient rapides, il fallait prendre garde que l’emplacement du Journal reste bien gardé par les détenteurs du secret, il n’était donc pas révélé dans les tracts. Si le directeur mettait la main déçu, il serait furieux. Le surdoué n’était pas inconscient, il choisissait avec soin ceux à qui il donnait de vrais détails.
s'éloigne brusquement de la Cannibale qui hausse les sourcils, suspicieuse. Qu'est-ce qu'il prépare encore ? A fouiller chaque toilette, Ophelia le voit comme un animal, une genre de fouine, qui fourre son museau dans chaque trou dans le mur. Ça la tue de l'admettre, mais le rongeur a pris une bonne initiative. C'est une bonne chose de fermer la conversation au couloir extérieur, mais si quelqu'un entend de potentielles révélations alors qu'il s'adonne à une activité humaine sur sa cuvette alors les vérifications d'Ophelia tomberaient à l'eau. Elle a encore beaucoup à apprendre.
« Partager des informations peut-être une erreur. Ce serait dommage que l’un de nous finisse par tout balancer. »
Elle n'est pas vulgaire mais un je t'emmerde faillit lui échapper. Elle garde alors sa position barrage avec ses bras croisés et son dos creusé, attendant ce qu'il a de mieux à proposer.
« Je ne remets pas en cause ta loyauté envers Alexander, mais je ne sais pas ce que tu serais prête à dire pour sauver ta peau. Et je ne sais pas jusqu’où irait l’institut pour obtenir des informations. Tant qu’on ne sera pas prêt et suffisamment nombreux, pour le bien de tous, il vaut mieux que l’on évite de donner des noms en tout cas… »
Certes. Elle approuve d'un signe de tête. Elle ne comptait pas trahir ceux qui ont croisé son chemin. Elle n'imagine pas W133 préparer un plan machiavélique pour lui arracher des informations par la manipulation et ensuite tout révéler à Elpida. Il a l'air plutôt du garçon qui dit un truc sous la menace, ou lâche un secret par maladresse. Ces personnes-là sont les pires parce qu'on ne peut pas leur en vouloir.
Le brun vient s'adosser à côté d'elle. Elle se surprit à ne pas se décaler. Finalement, elle a commencé à l'écouter attentivement. Elle a rarement été si concentrée.
« Je peux juste te dire que les tracts viennent de moi. Je sais que c’est pas le top, j’ai fait ce que j’ai pu. »
Elle ouvre la bouche, formant un o parfait. Ce papier qu'elle avait trouvé sous la porte de sa chambre. Une avalanche de questions lui titille le palais mais elle les garde pour la suite. Ce n'est pas le moment d'interrompre W133.
« Ah et j’ai mémorisé l’emplacement des caméras de surveillance et des tours de gardes réguliers. Je peux te les apprendre aussi si tu ne les connais pas encore. »
Elle affiche un large sourire fier. Pour quoi faire ? Après tout, Nevrabriel les lui a donné en mains propres. Il lui a fait si confiance qu'il l'a laissé s'inviter dans sa chambre pour les lui transmettre. D'ailleurs, elle espère encore qu'un jour Nevrabriel les rejoigne pour de vrai.
« A ton tour. »
Déjà fini ? Il n'a pas dit grand chose ce petit malin. Soit il n'a rien de plus à révéler, soit il cache encore certaines choses. Elle le comprendrait, elle-même trie les informations qu'elle peut donner, et celle qu'elle doit laisser enfouie.
Déjà, sa relation avec Ange (bien qu'elle compte l'utiliser à des fins révolutionnaire malgré lui) doit restée enterrer dans son cœur, et dans celui de son amant. Jamais elle ne doit être exhumer aux yeux de tous. Si elle se sait, alors il est certain que les hauts placés feront tout pour l'effacer, Ange perdrait sûrement son poste et Ophelia, en plus de perdre un précieux ami, perdrait également une source d'informations. Et sa réputation à elle-même prendrait un coup, on pourrait l'accuser de traîtrise. Ce n'est pas une étiquette qu'il faut ajouter à la collection actuelle de l'image de la Cannibale.
Tandis qu'elle réfléchit encore à ce qu'elle peut dire, elle s'écarte du lavabo afin de se placer face à Aeden. Les bras toujours croisés, elle affronte cependant son regard. Si elle doit discuter à visage découvert avec quelqu'un, alors il est important de se regarder dans les yeux. Les siens, bleus comme un poison toxique, brillent d'une drôle de lueur : elle veut avoir le dessus sur cette conversation et elle ne se laissera pas faire.
« Je suis un peu déçue. Tu sembles avoir côtoyé Loreleï Hexe. Et rien de ce que tu viens de me dire ne pourrait ressembler à quelque chose qu'elle aurait fait. Elle ne savait pas que parler fort et taper sur les autres. Tu dois savoir des choses la concernant, non ? N'avait-elle rien découvert ? »
Elle balaie l'air de la main, comme effaçant ses propos.
« Mais soit. Pour les caméras, je ne sais pas à quel point ta mémoire est fiable mais j'ai déjà les plans. Ils sont bien cachés. Un de mes ... acolytes a également gardé un atlas maritime. Si on veut partir, ce sera pratique aussi.»
Elle note dans un coin de sa tête qu'elle doit revenir vers Kan pour récupérer cet Atlas. Elle met ce gamin en danger en le laissant en possession de cet objet. Si la bibliothécaire remarque l'absence du bouquin, cet enfant est foutu.
« J'ai également récupérer d'une livraison quelque chose qui appartient à l'Institut. Ce sont des fioles avec un drôle de symbole que je n'ai pas encore compris. Je peux te le dessiner si tu veux. Ces fioles prouvent que l'Institut cache quelque chose ... »
Elle parle à la première personne, mais sans Zyra, elle aurait été incapable d'avoir ce colis.
Un rictus fier habille son visage malgré elle. Elle apprécie ses propres efforts. Des plans de caméras et maritimes pour être parés pour le moment du départ, la découverte d'un secret qui pourrait se révéler idéal afin de faire chanter un haut placé, et une liaison avec un collègue proche du directeur provisoire. Elle est loin, la minuscule Ophelia qui ne savait rien faire de ses mains. Elle a fait du chemin. Dommage que ce ne soit pas le genre d'histoire qu'on puisse raconter à ses parents. Elle aurait aimé qu'ils lui tapotent la tête et lui dise qu'ils sont fière d'elle. Personne n'a jamais été fier d'elle.
Elle prend un profond soupir. Son visage a perdu de ses couleurs mais rapidement ses joues se colorent de nouveau. En effet, elle tape dans ses mains, comme pour revigorer la conversation.
« J'ai commencé à trouver quelques alliés par-ci par-là. Bref. Donc des tracts ? C'est risqué ... Si un patient pro-institut ou enfant, avec innocence, le montre à son médecin ... »
Son ton n'est pas accusateur mais plutôt suspicieux. Elle craint des retombées.
Pro-institut ? Ce terme la fait ricaner. Est-ce que cet établissement se scinde en deux désormais ? Des pros et des contres ? Ses coeurs palpitent dans sa poitrine. On est à l'aube d'un Renouveau, elle le sent au fond d'elle.
« Je suis un peu déçue. Tu sembles avoir côtoyé Loreleï Hexe. Et rien de ce que tu viens de me dire ne pourrait ressembler à quelque chose qu'elle aurait fait. Elle ne savait pas que parler fort et taper sur les autres. Tu dois savoir des choses la concernant, non ? N'avait-elle rien découvert ? »
Aeden s’était raidit. L’entendre parler de Lorelei l’insupportait. Elle n’en avait pas le droit. Il resta calme cependant, la laissant continuer. S’il lui coupait la parole maintenant, ils risquaient de se disputer, et ce n’était pas le but. Il devait prendre sur lui.
« Mais soit. Pour les caméras, je ne sais pas à quel point ta mémoire est fiable mais j'ai déjà les plans. Ils sont bien cachés. Un de mes ... acolytes a également gardé un atlas maritime. Si on veut partir, ce sera pratique aussi.»
Garder des plans, même bien cachés était peu recommander. Pour l’atlas maritime par contre, c’était bien joué. Parce que bon, retenir les cartes d’un atlas c’était impossible. En posséder un était bien. Si les choses tournaient mal sur l’ile, il serait toujours tant de tenter de s’enfuir en bateau. Bien qu’il n’y connaisse personnellement pas grand-chose en navigation.
« J'ai également récupérer d'une livraison quelque chose qui appartient à l'Institut. Ce sont des fioles avec un drôle de symbole que je n'ai pas encore compris. Je peux te le dessiner si tu veux. Ces fioles prouvent que l'Institut cache quelque chose ... »
Bon, là, clairement elle l’impressionnait plus qu’il ne voulait bien l’admettre. Alors, même si une fierté toujours défiante s’était installée sur son visage, il lui accorda un rictus d’approbation.
« J'ai commencé à trouver quelques alliés par-ci par-là. Bref. Donc des tracts ? C'est risqué ... Si un patient pro-institut ou enfant, avec innocence, le montre à son médecin ... »
Il approuva d’un hochement de tête, c’était effectivement ce qu’il redoutait, tout en sachant que cela allait finir par se produire :
- je sais … ça va forcément finir par éveiller l’attention de l’institut. Mais je trouvais ça trop important de prévenir les patients -dont on ne sait pas suffisamment pour les recruter -de l’existence de ce mouvement.
Il continua, appuyant ces mains sur le rebord du lavabo, s’étirant :
- Les plans des caméras… tu devrais les apprendre par cœur, puis t’en débarrasser. S’ils les trouvent, ils sauront qu’on connait leur terrain de jeux et ils n’auront plus qu’à améliorer ou modifier leurs installations. Pour les fioles, c’est très bien joué. Risqué mais admirable. Je veux bien voir ce symbole, effectivement. Et si je ne sais pas ce que c’est, je te conseille de le montrer au Génie même si je me doute que c’est dans tes plans.
Lui concédé un compliment fut moins dur qu’il ne le crut. Et en même temps, elle le méritait amplement, il ne pouvait dédaigner son courage. Il s’arrêta de parler un instant, le temps de réunir ces pensées ensembles. Bon elle semblait avoir trouvé des alliés aussi, mais cela l’exposait forcément.
- Ah et sauf personne de ton entourage proche en qui tu peux avoir une totale confiance, pas besoin de jouer au recrutement. Tu sembles bien moins exposer que moi ou Alexander, ça doit rester comme ça. Moins les gens sauront que tu fais partie du mouvement mieux ce sera. J’ai déjà fait la remarque à Alexander, moi et une des recrues, on sera les « liaisons » entre vous et les autres membres du mouvement.
C’était une position désagréable qu’il pouvait bien occuper étant donné que l’institut le savait déjà suspect. Il savait que Sheila serait d’une loyauté sans faille, et qu’elle craquerait moins vite que lui s’ils devaient être interrogés. Il savait aussi qu’elle avait acceptée de prendre ce risque et qu’il devait accepter qu’elle le prenne lui aussi. Il ne pouvait clairement pas tout faire tout seul, et il était loin d’être aussi doué qu’elle en communication.
Il espérait ne pas avoir froissée Ophélia avec l’une de ces propositions précédentes. Il voulait vraiment rendre les choses constructives. Et il était temps que le mouvement qu’ils montaient s’organise mieux. Il était vraiment impressionné de ce qu’elle avait accompli et savait sa valeur.
- J’aurais besoin d’aide aussi. Alexander s’inquiète du départ précipité d’Adèlys, alors j’ai commencé à enquêter mais je ne serais pas contre un coup de main de ta part… Je t’avoue que cette histoire pourrait se révéler plus intéressante qu’elle n’y parait.
Cela leur permettrait en outre d’apprendre à se comprendre, pour installer une vraie cohésion. Ils devaient savoir comment l’autre marchait pour pouvoir se coordonner. Evident. Il continua plus sèchement, maintenant qu’il en avait presque terminé avec ce qu’elle avait dit :
- Et je ne suis pas Lorelei. Personne ici n’est Lorelei.
Il pouvait laisser son ego de côté pour parler à Ophélia, mais il ne pouvait pas la laisser parler de Lorelei comme si elle la connaissait. Par contre… cela lui donnait une idée. Cette femme avait réussi à accomplir toutes ses actions sans attirer l’attention de l’institut sur elle. Elle était probablement la seconde personne à qui Alexander faisait le plus confiance. Et elle faisait partie des patients en qui l’institut aussi avait encore confiance. Alors, il devait faire des efforts, même si cela impliquait de se mettre lui en danger, et de donner à Ophélia toutes les cartes qui pouvait le couler. Il scruta ces deux yeux bleus. Merde. Alexander avait intérêt à ne pas s’être trompé. Il se redressa, libérant le lavabo de son poids, glissant ses mains dans ses poches :
- Si jamais je finis par me faire chopper, ce qui est assez probable vu que c’est moi qui ai dit que Lore était l’auteur du journal à Halloween, balance moi. On dirait que tu as su mieux que moi te faire bien voir de l’institut. Mieux qu’Alexander. Ils ont confiance en toi. Alors si, de toute manière, je tombe, autant que ça profite à quelqu’un. Si tu en as l’occasion sans que cela ne risque de te rendre suspecte à ton tour, dénonce-moi pour l’évasion de Lore. Dénonce-moi pour les tracts. Dénonce-moi pour le Journal Clandestin. Ça sera cohérent. Charge moi un maximum.
Plus il parlait, et plus ça lui paressait évident. Ophélia avait le profil parfait de l’agent double. Il se demanda s’il ne pensait pas ça parce qu’il ne l’appréciait pas. Probable. Mais peu importe, il verrait bien ce qu’elle en penserait :
- D’ailleurs, ça devrait être à toi d’aller montrer un tract à un médecin. De toute manière ça va arriver, comme tu l’as dit. Ça devrait venir de toi. Tu pourrais presque leurs glisser que s’ils le veulent, tu peux tenter d’infiltrer le mouvement pour eux. Et si pour gagner leur confiance tu dois balancer des infos, je serai la tête de truc parfaite.
Plus il y pensait, plus cette idée lui semblait une pas trop mauvaise idée. Cela les exposerait, mais cela exposerait aussi l’institut. Et Ophélia pourrait leurs faire croire ce qu’elle voulait si elle gagnait leur confiance. Cela les rendrait autrement plus vulnérable.
Ophelia attrape du regard son reflet. Etant donné qu'Aeden est dos au lavabo et qu'elle lui fait face, c'est en dérivant son champs de vision qu'elle s'aperçoit dans le miroir collé au mur. Elle a l'air prétentieuse avec ses bras croisés, son menton levé, et sa coiffure comme une lourde couronne dorée. Elle ne se reconnaît plus dans ce débardeur que sa transpiration a rendu près du corps.
De ce fait, ses épaules s'affaissent légèrement et son dos se détend. Elle essaie d'être moins sur ses gardes, de ne pas penser à être meilleure que W133 et plutôt se concentrer sur ses objectifs. Ce n'est pas en se battant qu'on obtient un environnement de paix.
Elle l'écoute donc attentivement, le fixant de nouveau. Sous un autre angle, il a l'air tout de même moins pataud qu'il ne le présente. On peut lui reconnaître le même charme que celui d'un enfant. Et il n'est pas si idiot que cela, sinon elle ne serait pas en train de lui donner un peu de sa confiance. Elle lui prête attention lorsqu'il tente d'expliquer brièvement sa prise de risque avec les tracts. Elle ne sait pas quoi en penser. En effet, les patients doivent être au courant, mais le jeu en vaut-il la chandelle ?
Il lui conseille aussi d'apprendre les plans de caméras par coeur, ce qui lui fait froncer les sourcils. Premièrement, elle n'a pas une mémoire de petit surdoué, et sait qu'elle cafouillera. Il vaut mieux les garder bien cachés, avec ce qu'il lui reste de secret. Et concernant les fioles, en effet, bien que croiser à nouveau la tronche de W133 ne lui plaisait pas, elle sait qu'elle n'y arrivera pas toute seule. Et, si le Génie est avec eux. Elle rebondit rapidement là-dessus, qu'il faudrait effectivement voir ensemble ce symbole.
" Ah et sauf personne de ton entourage proche en qui tu peux avoir une totale confiance, pas besoin de jouer au recrutement. Tu sembles bien moins exposer que moi ou Alexander, ça doit rester comme ça. Moins les gens sauront que tu fais partie du mouvement mieux ce sera. J’ai déjà fait la remarque à Alexander, moi et une des recrues, on sera les « liaisons » entre vous et les autres membres du mouvement. "
La Cannibale est alors partagée entre deux réactions, ce qui se traduit sur son visage par une bouche figée dans une moue boudeuse mais un regard pensif. Tout ce travail de recrutement, pour rien ? Mais en même temps, il n'a pas tort. Qui pensait que La Cannibale puisse avoir un quelconque cœur et donc se mêler à un pareil mouvement ? Parce que oui, même encore ces temps-ci, les rumeurs courent toujours. Maintenant qu'elle côtoie d'autres personnes, elle entend dans les couloirs que ces dites personnes sont des proies ou des prochaines victimes. Jusqu'ici, cela ne la blessait pas. Après tout, elle sait très bien que ce sont des embryons d'amitié, qu'elle fait partie d'un quelque chose, qu'on ne peut pas la laisser de côté. Mais pourtant tout est évident ... Avec le Génie, elle a l'impression qu'un fossé s'était creusé entre eux. Adèlys est partie. W133 n'est clairement pas un ami. Nevrabriel veut juste lui donner un coup de main. Ulysse a juste besoin de quelqu'un pour lui faire la conversation quand il est seul dans les couloirs.
En fait, en un an et demi, elle n'a pas su se faire un seul ami.
Elle regarde ailleurs, fuyarde. Son visage a choisi vers quoi il pencherait : il serait vexé.
"Bien, je suppose que La Cannibale est une solitaire. Autant en profiter pour ne pas éveiller de soupçons. Mais dans ce cas-là, il va falloir que tu m'expliques ce à quoi je sers, car je te préviens, tu ne vas pas m'écarter après que je t'ai balancé mes infos. T'as intérêt à avoir besoin d'aide de ma part."
Est-elle en train de le laisser en position de force ? Le laisserait-elle choisir son rôle dans un mouvement aussi important pour lequel elle se battait plus ou moins seule depuis plusieurs mois ? Elle ramollit.
" J’aurais besoin d’aide aussi. Alexander s’inquiète du départ précipité d’Adèlys, alors j’ai commencé à enquêter mais je ne serais pas contre un coup de main de ta part… Je t’avoue que cette histoire pourrait se révéler plus intéressante qu’elle n’y parait. "
Elle revient soudainement vers lui, un sourcil levé. Elle aussi avait trouvé son départ bizarre. Une sensation étrange flotte à l'institut depuis qu'elle a plié bagages. Ce n'est pas le fait qu'elle soit partie en soit qui dérange, mais plutôt la facilité avec laquelle Elpida a concédé. Elle lui reconnaît, ce n'est pas bête d'y avoir pensé. Cependant, on s'écarte du sujet ?
Elle s'apprête à lui en demander plus au sujet de son enquête, mais W133 s'avère être une pipelette.
" Et je ne suis pas Lorelei. Personne ici n’est Lorelei. "
Ça, ça sort de nulle part. Quoique, elle a vaguement évoqué Loreleï, mais elle n'avait pas imaginé que ça aurait pu rendre W133 bougon. Si ces deux-là veulent coopérer, ils auront besoin de prendre des pincettes. Pour vexer l'autre, ils sont à un point partout. Egalité.
Eviter de parler de Loreleï, d'une façon ou d'une autre, c'est noté. Du moins, après cette conversation car la Cannibale a bien envie de savoir ce que W133 a découvert dans son enquête. Alors qu'il plonge son regard dans le sien, elle fait comme un pas vers lui pour revenir sur le sujet qui l'intéresse. Seulement, il prend encore les devants.
"Si jamais je finis par me faire chopper, ce qui est assez probable vu que c’est moi qui ai dit que Lore était l’auteur du journal à Halloween, balance moi. On dirait que tu as su mieux que moi te faire bien voir de l’institut. Mieux qu’Alexander. Ils ont confiance en toi. Alors si, de toute manière, je tombe, autant que ça profite à quelqu’un. Si tu en as l’occasion sans que cela ne risque de te rendre suspecte à ton tour, dénonce-moi pour l’évasion de Lore. Dénonce-moi pour les tracts. Dénonce-moi pour le Journal Clandestin. Ça sera cohérent. Charge moi un maximum. "
Dénoncer le pauvre patient que personne n'a remarqué parce qu'il est clairement dans l'ombre d'Alexander au lieu de la Cannibale solitaire dont personne ne veut ? Lequel des deux serait mieux en martyr ?
Ophelia n'hésite pas longtemps. Si elle a décidé de prendre le risque de cesser les médicaments, c'est pour justement profiter de la vie. Ce qu'elle s'apprête à dire et sûrement l'acte le plus égoïste qu'elle n'ait jamais fait, et elle le regrettera peut-être plus tard. Alors elle hoche gravement la tête avant d'articuler :
" Très bien, je te dénoncerai. Seulement, je le ferai seulement si la situation s'y prête et qu'il n'y a pas d'autres solutions."
Elle espère juste ne jamais avoir à utiliser ce mensonge. Loreleï Hexe est un Martyr. Un seul suffit, pas besoin de deux sacrifices. D'ailleurs, qui sait, Adèlys en est peut-être un ? Justement, en parlant d'elle ...
"Et pour ton enqu-..."
" D’ailleurs, ça devrait être à toi d’aller montrer un tract à un médecin. De toute manière ça va arriver, comme tu l’as dit. Ça devrait venir de toi. Tu pourrais presque leurs glisser que s’ils le veulent, tu peux tenter d’infiltrer le mouvement pour eux. Et si pour gagner leur confiance tu dois balancer des infos, je serai la tête de truc parfaite. "
Si elle s'était approchée jusqu'ici, il en est fini. Elle recule d'un pas, voire deux, sous le coup de la surprise. Est-ce qu'il est en train de lui suggérer d'être agent double ? Dans un sens, elle a déjà une double-vie si on étudie de près sa relation avec Ange. Mais elle prend déjà assez de risques, et être agent double ... Est-ce que ça lui correspondrait vraiment ? Au moins on lui donne un rôle, mais elle se sent assez sale en trahissant Ange ...
"Je ne sais pas ... Peut-être pas maintenant, seulement si ça se présente, ou quelqu'un d'autre ..."
Il doit l'avoir vraiment prise au dépourvu pour qu'elle se dandine ainsi, hésitante. Elle passe une main sur son front, puis dans ses cheveux, son index se coince dans un noeud alors elle tire un peu. Puis, elle vient se poser à côté de W133. Elle a les yeux qui regardent droit devant, comme perdue dans ses pensées.
"Avant qu'on s'engage plus, il faut que tu saches quelque chose. Je ne suis pas du côté des patients. Je t'ai parlé de [/i]pro-institut[/i] et de contre, et non en terme de patients et de médecins. Il y a des membres du personnels qui sont sûrement manipulés, ou qui voudraient suivre le mouvement sans le pouvoir. Tout comme il y a des patients qui défendent cet endroit. Regarde par exemple cette fille qui a accouché dans la cantine, c'est son cas. Alors si tu veux que je me lance là-dedans, c'est d'accord. Mais il faut avoir en tête ce que je viens de te dire."
Elle penche la tête en arrière, dégageant ainsi sa poitrine. Cela lui donne l'impression de mieux respirer. Elle observe le plafond blanc, compte quelques dalles, refait le point dans sa tête avant de revenir vers son camarade. Le ton lui semble plus sérieux qu'au début de la conversation. Elle est assez satisfaite de constater qu'ils sont assez matures tous les deux, et assez motivés, pour mettre leurs différents de côté.
"Concernant tout ce qui est fiole, plans, rôles, mouvements, bla bla bla, et si on attendait d'être avec Alexander pour en parler ? Il est dans le coup, lui aussi. Parle-moi plutôt de ton enquête au sujet d'Adèlys."
Une enquête ... C'était amusant comme terme. Finalement, Ophelia est sûrement comme un agent secret. Entre ses escapades pour voler l'Institut au port ou chez le concierge, puis maintenant ça ... Elle se voit comme un Sherlock des temps mordernes.
"Je ne sais pas ... Peut-être pas maintenant, seulement si ça se présente, ou quelqu'un d'autre ..."
Le garçon n’est peut-être pas un as des interactions sociales, mais il est capable de ressentir ce que ces congénères peuvent vivre. Et là, la gêne d’Ophélia est si forte, qu’il la sent remonter jusqu’à son propre visage et sent le rouge lui monter aux joues. Il se sermonne intérieurement. Une nouvelle fois, il manque de délicatesse. Lui proposer de jouer les agents doubles, c’est pas très sympa d’un premier abord. Ça veut un peu dire : « toi t’as un look parfait pour jouer avec les méchants sans te faire griller ». La jeune femme se rapproche, et elle parle, le regard perdu dans un coin de la pièce :
« Avant qu'on s'engage plus, il faut que tu saches quelque chose. Je ne suis pas du côté des patients. Je t'ai parlé de [/i]pro-institut[/i] et de contre, et non en terme de patients et de médecins. Il y a des membres du personnels qui sont sûrement manipulés, ou qui voudraient suivre le mouvement sans le pouvoir. Tout comme il y a des patients qui défendent cet endroit. Regarde par exemple cette fille qui a accouché dans la cantine, c'est son cas. Alors si tu veux que je me lance là-dedans, c'est d'accord. Mais il faut avoir en tête ce que je viens de te dire."
Aeden hocha la tête. Effectivement, parler en terme de patients et de médecins n’est peut-être pas très réfléchit. D’autant que le garçon est de l’avis d’Ophélia jusqu’à un certain point. Le certain point portant le prénom d’Elizabeth. Parce que pour lui, ce n’était pas défendre l’endroit le problème, mais bien défendre certains de ces membres. Il se racla la gorge, prêt à s’expliquer à son tour quand elle intervient une dernière fois :
"Concernant tout ce qui est fiole, plans, rôles, mouvements, bla bla bla, et si on attendait d'être avec Alexander pour en parler ? Il est dans le coup, lui aussi. Parle-moi plutôt de ton enquête au sujet d'Adèlys."
Il hocha la tête. Bien sûr, discuter tous les trois seraient forcément bénéfiques. Alexander était de toute manière le pilier de la révolution aux yeux d’Aeden, et probablement à ceux d’Ophélia aussi. Rien de plus logique que de l’attendre pour discuter.
-Ok. Et je me suis peut-être mal exprimé aussi. Je ne suis pas pro-patient ou anti-médecins. Je sais que certains d’entre eux sont conscients de ce qui se passe sous leur nez et veulent le changer. Tout comme certains ne sont juste pas conscients de la situation à l’institut. Je sais que rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. Par contre, dans mon cas, je ne suis pas contre l’institut au sens strict du terme. Je pense que cet endroit pourrait devenir plus sain et mon but n’est pas juste de tout renverser ou de tout détruire. Mais quoi qu’il en soit, considère que je me rangerai toujours à l’avis d’Alexander, qu’il soit en accord ou non avec mes convictions.
Il se sentait comme un brave toutou. C’était certainement ce qu’il était. Il ne pouvait pas le nier. Mais il se fichait bien du rôle dégradant que cela lui donnait. Il se fichait pas mal d’être un outil plus qu’une vraie clé de la révolte qu’Alexander menait. Il avait besoin d’être cela, ne fut-ce que pour payer ces erreurs passés. Ou tout simplement, il avait besoin de cela parce qu’il continuait d’avoir besoin de suivre le mouvement sans en être l’instigateur. Il espérait juste que W05 n’en pâtirait pas trop de la situation quelle quel soit.
- Concernant ma petite enquête, je préférerais t’en parler un peu plus tard si cela ne te dérange pas. Je t’avoue que je n’ai pas grand-chose pour le moment, donc je n’aurai pas un très gros briefing à te faire. Mais le temps passe et si je ne vais pas manger maintenant, je vais retourner creuser le ventre vide. Vu que j’ai zéro endurance, ça serait mieux que je file. Peut-être qu’on pourrait se faire une réunion tous les trois avec Alexander et en parler aussi ? Comme ça on passe tout en revue en même temps.
Ophelia le regard avec attention. Elle n'est plus l'adolescente méfiante qui aurait envie de cracher sur chaque mot prononcé par W133. Certes, lorsqu'elle franchira le seuil de ces toilettes, peut-être que tout reviendra à la normale. Mais pour l'instant elle est le compère de celui qui la débecte, et il faut faire avec.
Elle se penche vers les lavabos, encore transpirante. Elle laisse de l'eau couler dans le puits formé par ses deux paumes de main avant de se rafraîchir la face. Elle prête toujours une oreille attentive aux propos de son nouvel allié.
"Je ne suis pas pro-patient ou anti-médecins. Je sais que certains d’entre eux sont conscients de ce qui se passe sous leur nez et veulent le changer. Tout comme certains ne sont juste pas conscients de la situation à l’institut. Je sais que rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. Par contre, dans mon cas, je ne suis pas contre l’institut au sens strict du terme. Je pense que cet endroit pourrait devenir plus sain et mon but n’est pas juste de tout renverser ou de tout détruire. Mais quoi qu’il en soit, considère que je me rangerai toujours à l’avis d’Alexander, qu’il soit en accord ou non avec mes convictions."
Le Grand Malade de cette histoire est l'Institut Espoir, en fait. Et de ce que comprend Ophelia, W133 aurait pour objectif de le soigner. Son but est plus noble que celui de la blonde qui s'imaginait juste fuir avec ceux qui en avaient besoin, avec les bons. Elle prône un discours utopique pour sauver tout le monde, et au final elle aurait voulu laisser derrière elle les Méchants.
Elle pousse un soupir. Peut-être parce que c'est la solution la plus facile. Cela lui amène à une réflexion plus profonde, elle ne veut même pas réagir sur la dévotion suprême que voue W133 au Génie. Il a vraiment une basse estime de lui, ce brun-là. D'abord il veut être le bouc émissaire, et maintenant il suivrait Alexander partout, la queue frétillante. Bon chien.
" Concernant ma petite enquête, je préférerais t’en parler un peu plus tard si cela ne te dérange pas. Je t’avoue que je n’ai pas grand-chose pour le moment, donc je n’aurai pas un très gros briefing à te faire. Mais le temps passe et si je ne vais pas manger maintenant, je vais retourner creuser le ventre vide. Vu que j’ai zéro endurance, ça serait mieux que je file. Peut-être qu’on pourrait se faire une réunion tous les trois avec Alexander et en parler aussi ? Comme ça on passe tout en revue en même temps."
Et elle, elle doit finir sa séance de sport. Elle imagine bien, en plus, quelqu'un de l'autre côté de la porte, quelqu'un qui aurait entendu des filets de voix et n'aurait pas osé entrer. Ils auraient l'air bien bête, la Cannibale et W133 si on les surprenait, sortant tous les deux des toilettes avec un air de conspirateurs. Elle n'a pas le temps pour de nouvelles rumeurs.
Elle refait donc sa queue-de-cheval et darde son menton, fière.
"Va là-bas, lui indique-t-elle un toilette, et sors dans cinq minutes."
Elle avance vers la sortie, mais se retourne une dernière fois quand même :
"Je viendrai vous contacter, toi et le Génie. Tiens-toi prêt, et sois discret. D'ici là ..."
Elle baisse les yeux, et prend une profonde inspiration. Visiblement, ses prochains mots vont lui coûter.
" ... prends soin de toi."
Et elle referme derrière elle. C'est à la fois terrifiant et exaltant de voir tout se mettre en place. Le Mouvement commence à avoir des noms, des idées, une mentalité. Ses rangs se grossissent. Ce n'est plus qu'une question de temps.
La Cannibale pose sa main sur sa poitrine. Les battements de cœurs sont puissants, comme si les deux organes voulaient sortir de sa cage thoracique. Ne me lâchez pas, laissez-moi le temps d'assistez à cette Révolution. Pour elle aussi, en fait, c'est une question de temps.