Jessy respira l’air mi-salé, mi-boisé de l’ile. Il ne savait pas combien de temps il serait obligé de rester ici, mais il ne comptait pas faire durer les choses. Ce n’était pas comme s’il était gravement malade. Il eut un demi-sourire, tandis qu’il regardait se rapprocher le pont. Au moins, il aurait droit à une petite cure iodée. Peut-être que ça lui ferait gagner quelques centimètres. Cette idée termina d’étirer ces lèvres. Il avait fait une croix sur la possibilité de dépasser le mètre 60, même s’il y avait encore une infime possibilité pour qu’il ait une terrible et soudaine poussée de croissance.
Sa mère n’avait pas pris la peine de l’accompagner pour le trajet de bateau, aussi s’était-il immédiatement fait confisquer ces effets personnels, qui devraient être vérifiés et triés avant de lui être éventuellement rendus. Il ne doutait pas de les récupérer. Il n’avait pris que le strict nécessaire. Pas la peine de s’encombrer, vu qu’il n’avait nullement l’intention de s’éterniser.

Le bateau avait du retard. Il n’aimait pas que les choses trainent en longueur aussi fut-il ravi lorsqu’il put enfin mettre pied à terre. Il s’étira, pour se préparer à marcher après un long moment d’immobilisme. Il aurait espéré pouvoir traversé au moins une fois le bâtiment avec ces fringues, mais on les lui avait enlevés au profit du pittoresque uniforme des patients. Evidemment, sans parents, il n’espérait pas d’accueil digne de ce nom au port et effectivement, personne ne l’attendaient là. Pas étonnant. Qui se déplacerait pour un morveux malade de plus ? Lui n’en aurait pas pris la peine en tout cas.
Le personnel à bord du bateau était en charge de l’accompagner jusqu’au bâtiment principal .Une bruine légère encouragea le garçon a enfilé sa veste en toile–pratiquement tout ce qu’il lui restait de ces vêtements d’origine et de recouvrir sa tête d’une capuche. Il avait été contraint de couper sa longue chevelure rousse au profit d’une coiffure plus conventionnel à laquelle il devait encore s’habituer. Il était guidé, marchant paisiblement, laissant à ces yeux le temps de s’habituer à son nouvel environnement. Il n’était définitivement pas très campagne, aussi eu-t-il vite fait le tour des choses intéressantes de l’endroit : c’est-à-dire deux fois rien. Et c’était bien connu que deux fois rien, ça faisait toujours rien.

On lui indiqua qu’il devait se rendre dans l’aile W et qu’une chambre l’y attendait. Que quelqu’un viendrait le chercher plus tard dans la journée pour une visite médicale d’entrée, et qu’on lui présenterait ensuite son médecin, puis on le largua dans le hall d’entrée du bâtiment principal. Il ôta sa capuche, pensif. Très bien…au moins il n’aurait pas cours aujourd’hui, retourner sur les bancs de l’école ne lui manquait absolument pas. Il se mit en marche jusqu’à sa chambre. Vide, avec juste son sac posé sur une chaise. Il n’allait pas passer plusieurs heures à attendre comme un idiot qu’on vienne le chercher, aussi prit il sur lui de sortir faire un tour.

Lui qui n’avait pas l’habitude des odeurs d’hôpital mettrait probablement du temps à s’habituer à l’air aseptisé qui régnait dans les couloirs. Il n’aimait pas plus l’ambiance calme, presque terne de l’endroit. Il marchait tranquillement, lorsque le numéro d’une porte l’arrêta. W100 hein ? Voilà un chiffre qui avait l’intérêt d’attirer l’œil. Bah, de toute manière, il n’avait pas grand-chose à faire avant sa visite médicale alors… il toqua, et sans vraiment attendre de réponse, entrouvrit la porte, qui n’était pas fermée.

Revenue une heure plus tôt dans ma chambre je me cherchais une occupation jusqu’à l’heure des classes.  En ordre et bien propre ma chambre ne laissait rien paraître de ma nuit agité. Je m’étais appliquée à refaire le lit pour ne pas être tentée d’y retourner après le repas. La semaine m’avait semblé vide, le calme de l’hiver qui arrive semblait avoir gagné l’ile.

Peu enthousiaste à l’idée de regarder le mur pour l’heure suivante. Je me décide à essayer quelque pose de yoga qu’une patiente m’avait montré quelques jours plus tôt.

Assise à même le sol étirant désespérément pour atteindre mon pied en gardant une respiration du ventre, je n’ai pas le temps d’aller répondre quand l’on frappe à ma porte. L’étranger n’attend d’ailleurs aucune réponse puisqu’il ouvre ma porte.

Je me remets sur pied aussi vide que je le peux sans me casser la figure pour regarder l’arrivant.

Cheveux roux et de petite taille, je penche la tête, songeuse… Non je n’ai jamais vue ce garçon.
Un nouveau, il est perdu?

Je lui souris, mon souffle redevenu normal.

Bonjour euuuh… je ne vais quand même pas l’appeler « garçon » je reste donc avec une simple salutation.Tu es nouveau? Tu es perdu?

Sa bouille adorable remet de la couleur dans ma journée je poursuis donc en lui tendant une de mes mains fantomatiques.

Je suis Lucy… et toi?

Sans doute je lui semble étrange avec mon teint javellisé, mes rideaux fermés et une seule lampe. Mais peut-être ai-je trouvé une nouvelle personne intéressante, je ne m’en inquiète donc pas plus que cela.

Il y a une fille au milieu de la pièce, par terre. Elle se relève rapidement à son arrivée et ces gestes maladroits font sourire le garçon. La chambre est d’ailleurs plongée dans un drôle de semi-obscurité, qui fait ressortir les traits presque translucide de la jeune femme. Un sourire charmé se pose sur les lèvres du rouquin, voilà donc W100, il est bien tombé.

- Bonjour euuuh… Tu es nouveau? Tu es perdu?

Jessy secoue la tête positivement. Il n’est pas perdu mais c’est tout comme. Il arbore son matricule de patients depuis moins d’une demi-heure, alors très clairement par contre, il ne ment pas lorsqu’il dit être nouveau. Il avance d’un pas, profitant de son bonjour comme d’une invitation, presque timidement.

- Je suis Lucy… et toi?

Il termine d’envahir l’espace personnel de la jeune femme, et il attrape sa main, la secouant énergiquement, plein d’entrain. C’était l’occasion de se faire ces premiers contacts au sein de l’institut, il n’allait certainement pas cracher dessus. Lucy ne savait pas la chance qu’elle avait.

- Jey’, enchanté de faire ta connaissance. Toi, tu es à l’institut depuis longtemps ? C’est comment ici ? Tu es là pour quoi ? Ça te plait ici ?

Le bombardement de questions fusa alors qu’il relâchait la main de W100. Il était comme un chien fou qui découvre un nouvel endroit. Il voulait tout savoir, réunir un tas d’informations sur ce lieu qui allait être son chez lui quelques temps.

Il jeta un nouveau regard circulaire à la chambre de la jeune femme, presque déçu qu’elle soit si bien rangée. Un endroit aussi intime qu’une chambre montre forcément des choses qui ne sont pas dites à voix haute. Il aurait voulu pouvoir en découvrir plus sur son hôte involontaire.

Il se contenta de la dévorer de son regard doré, attendant qu’elle ne s’exprime.

Plutôt à l’aise quoique d’un pas timide, le jeune homme termine son entrée dans ma chambre. Sans prévenir il attrape ma main la secouant énergiquement. S’il est à l’institut pour une maladie, il me semble au contraire en pleine forme!

Jey’, enchanté de faire ta connaissance. Toi, tu es à l’institut depuis longtemps ? C’est comment ici ? Tu es là pour quoi ? Ça te plait ici ?

Sans perdre une seconde, il se présente et accompagne son prénom d’une nuée de questions.  Je papillonne des yeux un instant déstabilisé par cette énergie nouvelle que l’on voit rarement ici.

Il se nomme donc Jey, c’est original comme prénom…

Tu en as des questions dis donc! Tu peux t’installer si tu veux.

Joignant le geste à la parole je lui indique la chaise de bureau puis je m’installe moi-même en indien sur mon lit.

Une fois que je suis bien installée, je lui souris.

Sans hésitation je lui parle, peut-être que je suis plus à l’aise car il s’agit de mon « territoire » ou simplement son enthousiasme est contagieux.

Je suis ici depuis, huuum je crois que Ca va faire deux ans en février, je dirais donc plus ou moins longtemps. J’aime bien ça, tu n’as pas à t’en faire, si tu fais ce que te dis ton médecin tout va bien aller… Tu sais c’est même assez bien, on peut suivre nos cours en même temps que nos traitements et il y a plusieurs personnes sympathiques, même dans le personnel!

Si j’ai été attristée par le départ de mademoiselle Astrid, je peux au moins me réjouir que mademoiselle Agnès soit toujours là et toujours aussi gentille.

Pour la question qui reste je suis ici comme je serais autre part, je vivais en soins longue durée à l’hôpital avant, ici il y a plus de choses à faire c’est bien mieux.

Je reprends mon souffle, et lui souris, j’espère avoir réussi à le rassurer.

Et toi dis moi, toi, tu es ici pour quelle raison?

En attendant sa réponse je m’étire et sors un chocolat d’une boîte sur mon bureau. Avant de lui présenter.

Tu veux un chocolat? Enfin, hum sauf si tu es allergique, mais je n’ai pas la liste des ingrédients, hum, tu es diabétique, ah zut je enfin, si tu ne veux pas ou si tu ne peux pas ce n’est pas grave, enfin… Je me suis simplement dit que c’était réconfortant le chocolat…

- Tu en as des questions dis donc! Tu peux t’installer si tu veux.

Enchanté de la réaction de Lucy, tout à fait ouverte à être dérangée, il s’assied sur la chaise qu’elle lui indique, la jambe gauche repliée sous ses fesses, le pied droit appuyé sur le bord de la chaise après avoir rapprochée la chaise un rien du lit sur lequel elle-même s’assoit. Elle rend son sourire au garçon, ce qui n’a pour effet que d’augmenter davantage le sien. Il doit avouer qu’il n’est pas toujours facile de s’inviter dans la chambre de quelqu’un et de converser avec cette personne, hors ici c’est si simple. Elle est exactement comme il l’imaginait. Il l’écoute tandis qu’elle lui répond, après une légère hésitation :

- Je suis ici depuis, huuum je crois que Ça va faire deux ans en février, je dirais donc plus ou moins longtemps. J’aime bien ça, tu n’as pas à t’en faire, si tu fais ce que te dis ton médecin tout va bien aller… Tu sais c’est même assez bien, on peut suivre nos cours en même temps que nos traitements et il y a plusieurs personnes sympathiques, même dans le personnel!

Sa manière d’expliquer les choses, comme pour le rassurer avait quelque chose d’adorable. Il était content qu’une personne comme elle soit la première qu’il rencontre ici. Rien de mieux pour bien commencer sa petite vie à l’Institut.

- Pour la question qui reste je suis ici comme je serais autre part, je vivais en soins longue durée à l’hôpital avant, ici il y a plus de choses à faire c’est bien mieux.

Jessy était plutôt d’accord avec elle, l’institut avait l’air remplit de truc à faire. Il n’était certes pas du tout content de se retrouver « enfermer » ici, prit pour un vulgaire patient, mais il était au moins content d’une chose : il allait pouvoir s’amuser, et pas qu’un peu.

- Et toi dis moi, toi, tu es ici pour quelle raison?

Alors qu’elle s’étire comme un chat pour atteindre une boite sur son bureau, il lui répond avec un haussement d’épaules :

- J’ai des « troubles du comportement » il parait.

Il avait hésité à lui mentir, mais il n’en voyait pas l’utilité, « troubles du comportement » ça englobe un tas de trucs alors… ça passe. Il avait appris à mentir avec parcimonie, au fur et à mesure des ennuis que cela avait provoqués pour lui.

- Tu veux un chocolat? Enfin, hum sauf si tu es allergique, mais je n’ai pas la liste des ingrédients, hum, tu es diabétique, ah zut je enfin, si tu ne veux pas ou si tu ne peux pas ce n’est pas grave, enfin… Je me suis simplement dit que c’était réconfortant le chocolat…

Il la coupa, lui adressant un sourire qu’il voulait lui aussi rassurant :

- J’ai pas de problème avec le chocolat.

Il sourit et se pencha légèrement en avant pour attraper un chocolat qu’il glissa dans sa bouche et mangea avec gourmandise.

- C’est qui ton médecin ? Moi c’est pas encore décidé, il y en a qui sont plus gentils que d’autres ? La nourriture à la cantine est bonne ? Ça te dérangerait que j’aille manger avec toi tantôt. J’ai pas trop envie d’aller tout seul.