_C’est vrai que tu es un expert pour te faire victimiser.

Nevrabriel ne pensait pas un jour devoir se battre devant Lucy mais là c’était trop. Trop de trop. Jessy savait très bien les choses à ne pas dire, il le cherchait, avec hargne. Et il avait trouvé l’écossais. D’ailleurs la même haine était présente dans le regard des deux garçons, comme chien et chat, ils étaient prêts à s’entretuer, laissant des touffes de poils partout sur le champ de guerre. Jessy eut un mouvement, Nevrabriel se prépara au sien.

_Fermez-là maintenant !

Lucy s’interposa.
Les deux garçons se figèrent dans leur mouvement avant de laisser leurs bras retomber le long de leur corps, penaud. Nevrabriel eut l’impression qu’on lui avait donné une douche froide.

_Jessy! On n’agresse pas les gens comme ça, ce n’est pas ainsi qu’on règle les problèmes !

Si Nevrabriel aurait du être « satisfait » de voir le nain se faire remettre à sa place par la maitresse de maison, l’écossais savait qu’elle allait se retourner sur lui. Il la connaissait depuis tant de temps qu’il pouvait anticiper certaine réaction, mais il découvrait quelque chose de nouveau chez Lucy ; la colère. Elle semblait hors d’elle, c’était très nouveau pour le jeune homme. Ils s’étaient déjà disputés, plusieurs fois, peu après  la révolution, à cause de lui d’ailleurs, mais elle n’avait jamais été si en colère, c’était déroutant. Est-ce que c’était les voir se battre qui la mettait dans un tel état ?

Ce qu’il avait prédit arriva, Lucy se tourna vers l’écossais qui avait retrouvé un visage normal, il ne s’intéressait plus du tout à Jessy mais l’état de son amie.

_Tu ne peux pas entrer ici et me juger ainsi ! Tu me traites d’inconsciente de le faire sans protection ! Tu n’avais pas le même discours au bunker, tu n’avais PAS ce discours dans MON lit! Pour ta gouverne Jessy n’est pas un imbécile, il se retire comme tu l’as faits !

Il aurait préféré ne pas savoir comment les amants faisaient, c’était bien aussi …
Nevrabriel allait répondre que c’était différent, lui ne s’était pas taper tout l’univers entier pour lui filer des MST. Bon … C’était avant … mais de toute façon l’écossais ne comptait pas connaitre d’autre corps que celui de sa femme, alors, le fait qu’il pouvait potentiellement être porteur du VIH ne regardait que lui et n’avait aucune importance.
Nevrabriel ouvrit la bouche mais Lucy le coupa net dans son élan, toujours emplis d’une colère qu’il ne lui connaissait pas :

_Maintenant je vais être claire car j’en ai par-dessus la tête que l’on me traite comme une enfant qui se fait manipuler par l’univers. J’ai décidé de faire l’amour avec Jessy, car je l’aime! Il ne m’a JAMAIS forcé.

L’écossais referma la bouche et son regard s’assombris un peu. Lucy hurlait mais sa voix semblait un peu moins forte alors que lui entendait des murmures froids venir hanter ses oreilles.

_JE suis une ADULTE, je décide ce qui se passe dans MA VIE, DANS MON LIT ET QUI ME TOUCHE!

Elle hurlait et hurlait encore.
Mais pourtant, c’était ce qu’ils voulaient tous les deux, qu’elle soit libre de choisir, c’était pour ça qu’il lui avait donné le code du portail, c’était pour ça qu’il avait accepté de jouer le jeu de la fausse mort, c’était pour ça qu’il avait libéré Jessy, et le regrettait amèrement tout les jours, pour qu’elle puisse faire ses propres choix … est-ce qu’elle s’en rendait compte quand elle disait tout cela ? Il espérait que c’était bien la colère qui parlait et qu’elle voyait tout de même que, même s’il voulait la protéger autant qu’il voulait protéger sa femme, il respectait ses choix, ils n’étaient pas d’accord, mais il les respectait.

La jeune femme se tourna vers Jessy mais Nevrabriel n’était pas vraiment ce qu’elle disait, perdus dans les sombres murmures qui venaient grignoter son esprit. Il regarda un peu sur le coté pour deviner une forme non loin qui lui faisait la conversation depuis que Lucy s’était mise à lui hurler dessus.

_Maintenant vous deux... si vous voulez vous arracher la tête vous le faites dehors. Je ne veux pas de ça chez moi. Mais je vous préviens...si vous sortez pour vous battre comme deux idiots je ne veux plus JAMAIS vous revoir ici.

Nevrabriel reporta son regard sur la jeune femme qui s’écroula au sol. Il fit un pas en avant pour la rattraper et lui apporter un peu de réconfort, mais Jessy fut bien plus rapide et la petite voix à ses cotés lui rappela que c’était lui qui partageait sa vie. Nevrabriel aurait beau venir la voir régulièrement, la soutenir dans son quotidien, lui offrir une aide médical, il ne faisait plus partie de sa vie dès lors où il avait choisit de se marier avec Katerina.
La petite voix lui demanda alors « Imaginons toi et Jessy êtes en train de vous noyer, tu sais bien qu’elle le sauvera lui. Et toi, si Lucy et Katerina était en train de se noyer, qui sauverais-tu ? »

Jessy regarda l’écossais avec un air des plus satisfait sur le visage. Victorieux sans doute. Il pouvait se sentir victorieux en effet. Il était loin du temps où Lucy était la lorialet de Nevrabriel. Maintenant elle était simplement Lucy, et cette Lucy n’avait pas besoin de lui.

Si elles se noyaient toute les deux … je serais incapable de choisir, alors, certainement que je me noierais en tentant de les sauver toutes les deux.

Beaucoup de chose traversaient l’esprit du jeune homme, en quelques secondes, il remettait toute sa vie en question, passant par le fait que toutes les femmes de sa vie finissaient par l’abandonner, au fait qu’il aimait Lucy inconditionnellement autant qu’il portait un amour inconditionnelle à Katerina, puis il pensait aux mots de son épouse, aux mots de Lucy, il repensait aux regards de sa mère à son égard, au fait qu’Agnès n’a jamais essayé de le revoir, sa sœur qui l’a rejeté pendant des années, Anna qui était morte, Astrid qui était partie, et une nouvelle fois ; il n’avait plus sa place aux cotés de Lucy.

Les pleurs de Lucy lui disaient de partir.
Le regard de Jessy lui disait de partir.
Les voix dans sa tête lui disaient de partir.

Nevrabriel, silencieux, le visage fermé, alla ramasser le paquet de chocolats qu’il avait apporté et vint le poser devant la maitresse de maison, comme une offrande, ou un gage d’adieu, il ne savait pas trop, il n’était pas assez bien mentalement pour réfléchir à ce genre de chose. Il reviendrait surement pour lui apporter de quoi se soigner, mais reviendrait-il autrement pour juste la voir ? Il n’était plus sûr de lui. En ce moment il n’était plus sur de rien, ni de son mariage, ni  de ses soi-disant amitiés.

_Oui, je pars …

A qui répondait-il ? Même lui ne savait pas vraiment.

Il se redressa et marcha vers la sortie en remettant sa capuche, sans un regard pour le couple.
Il était loin le temps où ils avaient besoin de l’un et de l’autre…

_Pars pas!

L’écossais se stoppa dans sa marche, se tournant légèrement vers son amie en pleure. La voir ainsi lui était douloureux. Elle pleurait sans retenue. Il avait l’impression que ses émotions étaient multipliées par mille ce soir, entre sa colère et sa tristesse. Il la regardait du coin de l’œil, n’osant pas vraiment bouger.

_Nev, restes!

Le corps de Lucy retourna au sol. Il avait un pincement au cœur en la voyant ainsi, revoyant sa femme, elle aussi, n’arrivant pas à tenir debout à force de pleurer de désespoir. Même s’il voulait venir la prendre dans ses bras, un élément l’en empêchait ; Jessy. Bien que le morveux ne lui prêtait pas attention, tant qu’il serai là, le rôle de Nevrabriel n’était pas de la porter ou de la prendre dans ses bras.
Il essayait de comprendre ce que Lucy voulait, pourquoi elle souffrait autant, pourquoi est-ce qu’elle voulait qu’il reste alors qu’elle avait Jessy.

_Partez pas... S’il vous plaît... partez pas... Besoin... vous deux... partez p-pas....

Besoin d’eux deux ?
Le regard du plus grand remonta lentement vers son Némésis. Il ne pouvait pas comprendre ce que ressentait Lucy, voir son meilleur ami et son amour se déchirer ainsi … ça ne devait pas être facile, mais elle a toujours su qu’ils se détestaient, qu’ils ne pourraient jamais demeurer calme dans la même pièce. Et pourtant … pourtant … Nevrabriel se retourna complètement vers Lucy, montrant qu’il ferait un effort. Il ferait un effort pour elle. S’il avait pu faire sortir Jessy de sa cage, pour elle, alors, pour elle, il pourrait bien demeurer quelques temps dans la même pièce que Jessy, l’ignorer, mais rester, si cela pouvait cesser ses larmes de tourments.

Seulement, contrairement à l’écossais, le nabot n’avait pas du tout la même vision des choses, il s’était vêtu pour sortir.

_Je t’aime Lucy… Mais ça ne te donne pas tous les droits sur moi.

Allant vers la sortir, bousculant l’écossais sur son passage, il terminant, avant de fermer la porte :

_ Je reviendrai quand il sera parti.

Nevrabriel regarda la porte se fermer, puis reporta son attention à sa chère amie. Il n’avait plus aucune colère, aucune rage, même le fait que ce minus l’air bousculé ne lui avait rien fait, toute ses pensées étaient tournés vers Lucy.
Le jeune homme pensait à sa propre relation avec sa femme en regardant la jeune femme. Il était surement bien trop faible envers Katerina pour la laisser par terre en train de pleurer toute les larmes de son corps. Il n’avait jamais laissé Katerina pleurer sur le sol comme Lucy était en train de le faire. Il ne savait pas si c’était la meilleure chose à faire. Mais qui était-il pour juger ce qui était le mieux pour Katerina ou pour Lucy ?

Le jeune homme s’approcha doucement de son amie. Elle aurait surement préféré que ce soit Jessy, si elle avait eut la force, elle aurait certainement retenu son amour à la place de son ami. Mais maintenant il n’y avait que lui, alors il ferait ce qu’il pouvait. Nevrabriel s’accroupit devant la jeune femme et caressa doucement son dos.

_Je suis désolé, je ne voulais pas te faire de la peine.

Il avait l’impression de revivre la même scène qu’avec Katerina … à quel point était-il horrible pour faire pleurer les femmes de sa vie ?

_Lucy, regarde-moi s’il te plait.

Pour l’inviter à cela, il prit doucement le visage de Lucy en coupe et le releva. Il lui adressa un sourire désolé parce qu’il ne pouvait pas faire autrement et sécha délicatement les larmes de son amie avec son pouce.

_Je suis vraiment désolé … je ne voulais pas te blesser, tu comptes énormément pour moi et je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter pour toi … Même si je suis contre, je ne te demanderai jamais de choisir entre lui ou moi, je respecte tes choix. Tu as le droit de l’aimer même si ce n’est pas mon cas.

Que pouvait-il dire ? Que pouvait-il faire ? Les larmes l’ont toujours perturbées.
Il s’assit au sol pour prendre la demoiselle dans ses bras, embrassant affectueusement son front, espérant pouvoir un peu apaiser ses troubles. Mais il ne fallait pas se faire d’illusions, ce n’était pas lui qu’elle voulait.

_Est-ce que tu veux que j’aille le chercher ?

Evidemment, s’il faisait ça, Lucy se doutait que lui devrait partir. Elle ne pouvait pas les avoir tout les deux même si Nevrabriel était près à faire le plus d’efforts possible si cela pouvait la rendre heureuse.

Lucy redressa la tête et l’écossais la regarda avec tendresse. Elle ne semblait pas aller mieux, mais elle commençait doucement à cesser de pleurer. Puis une chose étrange. Lucy glissa ses doigts dans les cheveux du roux et rapprocha doucement son visage du sien. Nevrabriel ne comprit pas vraiment.
En fait si, il comprenait, mais refusait de comprendre. Il se disait que ce n’était pas possible ce qui allait arriver, que c’était juste le fruit de son imagination, que Lucy allait simplement lui embrasser le menton ou se frotter doucement à lui comme ils ont pu le faire par le passer. Mais l’avancement de ses lèvres vers les siennes ne laissaient aucuns doutes.
Il sentit le souffle de Lucy sur sa bouche, son nez caresser le sien.
Il devait la repousser. Il savait qu’il devait mais ne fit rien, se remémorant en bouche encore et encore les paroles de Katerina alors que Lucy allait l’embrasser.

Elle allait l’embrassait et il ne bougeait pas.

Elle allait l’embrassé alors qu’il était marié.

Elle allait l'embrassé alors qu'il aimait Katerina.

Finalement, la demoiselle se reprit. Elle s’écarta rapidement, et cette action permis à l’écossais d’expirer, lui qui avait retenu sa respiration tantôt.

_Je... je suis désolée.

Le jeune homme porta ses doigts à ses lèvres. Encore confus par ce qu’il venait de se passer. Lucy se confondait en excuses mais il n’était qu’à moitié présent à cet instant, il se demandait ce qu’il ressentait … est-ce que … est-ce qu’il était déçu ? Pourquoi n’avait-il pas bougé ? Pourquoi es-ce qu’il n’avait pas repoussé Lucy ? Est-ce qu’il aurait aimé qu’elle l’embrasse ? Vraiment ?

_J’aime Jessy Nev...

« Je ne sais pas si je t’aime. »

_Je l’aime vraiment et ça te blesse, car tu le hais. Oui je le savais que tu le haïssais, le dégoût dans tes yeux un peu plus tôt... j’ai eu si mal.

« Je ne sais pas si je t’aime. »

_Tu es ma famille, mon univers n’est pas complet sans toi... mais je te déçois je le sais. Je n’osais jamais du vous demander de rester dans la même pièce pour moi. Mais je ne voulais pas que tu partes. Tu es trop important et maintenant c’est lui qui est partit...

« Je ne sais pas si je t’aime. »

C’était tout ce à quoi l’écossais pensait alors que Lucy lui parlait : « Je ne sais pas si je t’aime. » Nevrabriel n’entendait rien d’autre que ces mots. Il ne voulait pas que Lucy l’embrasse non, il voulait juste … être aimé. Simplement. Mais Lucy ne pourrait pas recoller les morceaux de son cœur, le cœur que Katerina avait cassé à coups de marteau.
Nevrabriel se sentit égoïste de penser à ses problèmes de couple alors que Lucy était au plus mal, mais il ne pouvait pas cesser de songer à ce qu’aurait pensé Katerina si Lucy avait été jusqu’au bout. Est-ce que ça lui aurait fait quelque chose ? Est-ce qu’elle aurait été triste, en colère ? Est-ce qu’elle lui aurait montré qu’elle tenait à lui ?

_Il n’est pas comme toi, il ne comprend pas certaines choses. Il ne comprend pas que je puisse t’aimer différemment. Je dois aller le voir... dis moi... tu comprends ? Tu comprends que je ne peux pas choisir? Je dois aller le retrouver... il ne comprend pas. Toi tu comprends que ça ne veut pas dire que tu es moins important.

L’écossais finit par lever les yeux vers Lucy. Elle s’était levée. Elle était en panique. Elle passait si vite d’un état à un autre qu’il avait du mal à suivre. Il ne l’avait jamais vu ainsi, ça le déroutait, cela lui faisait penser à sa mère lorsqu’elle avait été enceinte d’Alistair, elle passait d’un état extrême à un autre, faisant tourner son père en bourrique.

L’écossais, beaucoup plus calme, trop calme même, alla tendre ses mains pour prendre celles de son amie. Il la tira doucement pour pouvoir poser sa joue dessus tout en les caressant.

_Je me noierais en essayant de vous sauver toutes les deux …

Personne ne pouvait comprendre ce qui les liait. Donatien n’avait pas compris. Katerina avait fait mine de comprendre. Il doutait que Jessy puisse comprendre, même si Lucy le lui expliquait. Ils étaient plus qu’amis, moins que des amants, plus qu’un frère et une sœur, moins que des époux… un peu des âmes-sœurs.
Jessy ne pourrait pas comprendre. Elle serait de nouveau triste.

Mais Nevrabriel l’aimait, alors il devait l’encourager.

Il se redressa pour tourner les mains de Lucy et embrassa tendrement ses paumes pour lui donner ce qui lui restait de forces.

_Oui je comprends … dit-il presque dans un murmure

Peut-être que Jessy ne comprendrait pas, mais s’il aimait Lucy, alors il accepterait. Il le devait, comme Nevrabriel devait accepter que Lucy soit amoureuse de la personne qu’il détestait le plus au monde.

_Va retrouver celui que tu aimes… c’est important… d’être aimé.

Nevrabriel eut un faible sourire d’encouragement. Peut-être qu’un jour Jessy lui demandera vraiment de choisir entre eux, mais l’écossais ne pouvait pas même s’il le voulait. S’il vivait pour le sourire de sa femme, celui de Lucy était tout aussi important. Si Lucy devait choisir, Nevrabriel choisirait pour elle. Et dans ce choix, il n'y était pas...