Il semblait s’être désintéressé totalement du choix du plat principal, il me regardait de son regard particulier et je me disais finalement que le choix du plat n’était peut-être pas si important.

_Je ne sais pas ce que « rosée-arrabiata » signifie.

Je ne sais pas non plus...

Ses yeux glissèrent sur moi s’attardant ici et là et je cherchais à deviner le fond de sa pensée. Je frissonnais sous le contact que je n’avais pas anticipé, c’était délicat. Il me semblait terriblement charmeur à ce moment. Il ne fuyait plus mon regard comme dans l’après-midi.
Était-il un habitué de ce genre de souper? Je ne voulais pas penser à s’il avait déjà invité Emily dans un tel repas, lui avait-il donné des raisons d’espérer? Non, non j’aimais mieux me dire que non.

_On le découvre ensemble ?

Comme hypnotisée, je hochais la tête pour accepter.

Le serveur vint malheureusement s’insérer dans notre moment pour demander si nous avions choisis. Je me détournais de Nev pour m’adresser à l’employé. Je lui indiquais ploiement notre choix et il ne s’attarda pas à la table.

L’arrivé du serveur nous avait séparé, je pris cette fois l’initiative de lui prendre la main. Nous avions vraiment tout fait dans le désordre... je le connaissais intimement mais sans le connaître.

Hormis l’univers, tu as d’autres passions?

_Hormis l’univers, tu as d’autres passions ?

Nevrabriel eut un sourire énigmatique avant de doucement caresser de son pouce la main de Lucy dans la sienne.

_Mon père m'a appris à jouer des instruments à cordes dès que j'ai su tenir un stylo correctement.

Le père Erskine aurait pu s'en tenir au violon mais étant professeur d'instruments à cordes, il lui était vital d'offrir son savoir à son fils. Heureusement, l'écossais avait une oreille absolue et l'apprentissage de la musique était quelque chose de naturel qu'il adorait sans pour autant vouloir en vivre. Merywen s'était prise d'affection pour le violon mais sans grande conviction pour le reste et Alistair ... avait toute les raisons de détester cela et a décidé d'apprendre la flute traversière et renier tout instrument à corde juste pour frustrer son géniteur. Et pour couronner le tout, il n'était même pas doué en flûte et prenait presque un malin plaisir à "s'entrainer" seulement lorsque son père était là

_J'aime beaucoup chanter aussi, tu verrais les duos avec Madi, on pourrait presque s'inscrire à "The Voice".

Le jeune homme eut un léger rire pour sa propre blague.

_Et sinon j'adore lire, les jeux vidéos et les grosses soirée comme la dernière fois c'est pas tellement mon truc ... hm ... Je n'aime pas rester enfermé.

Par habitude certainement. Il n'y avait pas un bon réseau dans son petit village des Highlands, les seuls distractions étaient les randonnés dans les vastes étendues de plaines et de montagnes, les quelques bars et les festivals annuels assez nombreux pour le peu d'habitants. Les jeunes partaient souvent dans la Grande Ville la plus proche pour y trouver cinéma, boite de nuit, magasins et grands immeubles qui cachaient le ciel, mais ce n'était pas un loisir que sa fratrie et lui préférait. Merywen adorait courir, imprégnait ses poumons d'air pur et Alistair était un adolescent plutôt ... agoraphobe, il était très mal à l'aise lorsqu'il y avait trop de monde autour de lui.

_Et toi ? A part le dessin, le ski et la planche à pagaie ?

Il me sourit je m’attendais à une bêtise pourtant ce fut une passion plutôt classe qu’il me dévoila.

Mon père m'a appris à jouer des instruments à cordes dès que j'ai su tenir un stylo correctement.

Un musicien donc, j’ai toujours admiré ceux qui réussissaient à produire des notes harmonieuse.

Pour ma part, j’étais une vrai poubelle, si j’avais un talent pour l’art visuel, la musique et la danse étaient des disciplines complètement inaccessibles pour moi. Je pouvais écouter des heures une chanson sans me rendre compte que la chanteuse faussait atrocement.

_J'aime beaucoup chanter aussi, tu verrais les duos avec Madi, on pourrait presque s'inscrire à "The Voice".

Je souris en riant un peu, je l’imaginais lui immense au milieu de la scène de « la voix ».

Un jour tu vas devoir me chanter quelque chose, sinon je vais m’imaginer que tu es un vil menteur.

Je lui fis un clin d’œil, évidement que je savais qu’il ne mentait pas.
Je continuais à l’écouter enregistrant les nouvelles informations dans ma caboche.

_Et sinon j'adore lire, les jeux vidéos et les grosses soirée comme la dernière fois c'est pas tellement mon truc ... hm ... Je n'aime pas rester enfermé.

J’avais remarqué, heureusement pour moi sinon je n’aurais jamais failli te décapiter avec mes souliers! La soirée aurait été bien moins amusante.

_Et toi ? A part le dessin, le ski et la planche à pagaie ?

Ah ! La conversation était revenue sur moi, que pouvais-je bien ajouter? J’aimais la création avant tout, bricoler, créer, découvrir un résultat. Je n’étais peut-être pas bien profonde malheureusement, ni très amusante. Je pouvais rester des heures sans parler devant une toile. Je me rendais compte que je n’étais pas très intéressante et je ne savais pas comment l’exprimer.

Je ne sais pas trop, j’aime la beauté. Aaah c’est horrible dit comme cela non? Pas la beauté superficielle, je ne sais pas comment l’expliquer. J’aime les choses particulières, qui font ressentir quelque chose.

Oh la la, je le sentais que j’allais sans doute perdre son attention, warning warning, je perdais tous le monde quand je partais dans mes délires, mais bon trop tard.

La beauté n’est pas vraiment le terme idéal... j’aime la puissance de certaines choses simples et j’aime les observer et essayer de les comprendre. Une photographie d’une vieille maison par exemple, la moisissure qui tache les murs, normalement on considère cela comme nuisible, laid, mais sur l’image juste sur l’image elle peut devenir belle. Car elle raconte quelque chose, on peut s’imaginer d’où elle vient. Ah je suis désolée tu dois t’ennuyer à mourir... je ne suis pas très bonne pour expliquer.

J’avais conscience d’être sans doute d’un ennui apocalyptique, mais je continuais en espérant qu’il me saisisse.

Par exemple tes études, Emily dit ne pas aimer l’art que cela était mieux avant, mais c’est car elle a un esprit très logique, elle voit l’art comme une chose fixe, la peinture par exemple. Elle ne doit pas remarquer que même dans votre domaine l’art prend une grande place et aide à se rapprocher de ce que les artistes font. Vous étudiez le ciel, vous étudiez les étoiles, en les étudiants vous étudiez en fait quelque chose qui est déjà mort, le résidu d’une existence terriblement lointaine qu’au premier regard on ne voit pas.  C’est comme quand je peins d’une certaine manière. J’étudie et je tente d’exprimer l’infime instant qui m’a marqué, un regard dans la rue, une ombre sur un mur qui a été aperçue par hasard et qui aussi vite a disparue. Dans les deux cas ont se base sur quelques chose qui n’existe plus ou qui existe, mais différemment de son état initial. On archive des moments et des émotions, des ressentis et c’est ce que je trouve beau. Voilà pourquoi je disais que j’aime la beauté et que se n’est pas réellement le bon terme.

Voilà... il allait fuir, prendre ses jambes à son cou sans demander son reste. J’étais terriblement assommante sans pouvoir m’en empêcher.

Je suis désolée... tu dois regretter de m’avoir invité maintenant non? Ah je suis tellement fatigante parfois.

Nevrabriel ne s’attendait pas à ce que Lucy parte dans des explications aussi longues et aussi enthousiaste. Il souriait en silence, hochant la tête par moment, reconnaissant bien là les paroles d’une artiste.

_Je suis désolée... tu dois regretter de m’avoir invité maintenant non? Ah je suis tellement fatigante parfois.

Nevrabriel eut un sourire silencieux en regardant la demoiselle. Il aimait écouter les personnes parler de leurs passions, lorsque les gens parlaient de quelque chose qui leur prenait aux tripes, il y avait toujours cette petite lueur dans leur yeux, comme un enfant émerveillé devant un beau sapin de Noël. En grandissant, ils perdent cette émerveillement de la vie, mais ne perde jamais quelque chose qui les tiennes à cœur, rendant cette insouciance oubliée le temps d’un instant.

_Au contraire.

Le jeune homme retira son menton de sa main pour joindre ses doigts entre deux. Il ne voulait pas se montrer sérieux mais il savait qu’il avait du mal à exprimer les choses profondes, il était maladroit et cela lui demandait un peu de réflexions  avant d’exprimer ce qu’il avait au fond de lui.

_Ce que tu me dis illustre le fait que tu sois une personne ouverte d’esprit, imaginative, observatrice, créative, sensible et intelligente. Et c’est agréable de parler intelligemment.

Une de ses mains alla jouer avec le pied de son  verre, baissant les yeux vers ce dernier, hypnotisé par sa transparence et l’attirance de la lumière à son égard.

_Dans les métiers scientifiques on ne parle qu’en chiffre et en formules, on oublie souvent que les plus grands scientifiques étaient avant tout des philosophes car, comme tu le dis, c’est en se posant des questions sur l’univers qu’on cherche à le comprendre. Un simplet ne se pose pas autant de questions, il se contente de vagabonder dans le monde, se laisser porter par le vent sans voir la beauté qui l’entoure, sans chercher à savoir pourquoi la terre est ronde, pourquoi la pomme tombe de l’arbre, pourquoi une fleur peut pousser ici mais pas là, comprendre les couleurs qui embellissent ce que l’on voit.

Même si certain pourrait mal le prendre, cela restait un compliment. En effet, le jeune homme aimait les humains, mais surtout l’intelligence humaine, il a toujours eu du mal à parler avec des personnes très simples d’esprit qui ne cherchaient pas à saisir quoique ce soit du monde, ceux qui ne cherchent jamais à comprendre parce que « c’est comme ça », ceux qui se laissent manipuler parce qu’ils ne cherchent ni l’empathie ni la connaissance. On pourrait le trouver dur, Lucy pourrait le trouver arrogant ou égocentrique, lui-même se trouvait difficile par moment.

_J’espère que tu ne me trouve pas hautain ou quelque chose comme ça.

Oh miracle, il ne semblait pas être mort d’ennuis! Il me répondait même par sa propre vision. Son esprit scientifique ressortait par son approche, mais le musicien en lui ne laissait tout de même pas sa place. Il était ouvert d’esprit et je me demandais comment il pouvait avoir comme amie une fille comme Emily. Après tout, elle semblait dédaigner ce qui sortait de son champ d’intérêt. Non décidément elle ne faisait pas l’affaire pour Nev. Bon... je le connaissais à peine, pourtant je ne souhaitais pas remettre cette pensée en question, honte sur moi...

_J’espère que tu ne me trouve pas hautain ou quelque chose comme ça.

Non je ne te juge pas ainsi, je pense qu’il doit tout de même en ressortir une certaine paix du fait de ne pas se questionner et d’accepter la vie comme elle se présente. Mais chercher plus n’est certainement pas hautain!

Je cessais de parler pour remercier le serveur qui venait nous porter nos plats.

J’allais repartir sur le même sujet, mais j’eu un moment d’hésitation. Un autre sujet me semblait important.

Je posais mes mains à plat sur les côtes de mon plat.

Je vais être franche avec toi... je ne comprend pas trop. Les choses vont... très vites. Se n’est pas ainsi normalement, je... je me sens bien avec toi et je suis à mon aise alors que je ne te connais presque pas. J’ai peur de dire des choses ou de faire des choses idiotes en oubliant que je suis une inconnue pour toi et j’aimerais que tu me le dises si... enfin si je fais des choses qui te déplaise.

_J’espère que tu ne me trouve pas hautain ou quelque chose comme ça.

_Non je ne te juge pas ainsi, je pense qu’il doit tout de même en ressortir une certaine paix du fait de ne pas se questionner et d’accepter la vie comme elle se présente. Mais chercher plus n’est certainement pas hautain!

Ne pas se questionner et accepter la vie … Cela était certainement de la curiosité mal placée mais Nevrabriel ne pouvait pas imaginer une vie sans questions, même les plus basiques tels que ; que faisons-nous sur Terre ? Quel est notre place dans l’existence ?

Mais Lucy avait certainement raison ; Heureux les simples d’esprit … Suivis d’une phrase biblique pour embellir la vie des paysans de l’époque.
Il était vrai que les personnes qui se laissaient porter par le vent semblait avoir bien moins de soucis dans leur quotidien, moins d’états-d’âme troublés, moins de soucis existentiels.

Le jeune homme se redressa pour laisser le serveur poser l’assiette. Le fameux « rosée-arrabiata » ressemblait beaucoup à de la bolognaise … Nevrabriel ne s’avait pas à quoi s’attendre, mais pas à de la bolognaise dans tous les cas. Il regarda son assiette pendant un bref instant avant de s’auto-convaincre que ça ira.

_Je vais être franche avec toi... je ne comprend pas trop. Les choses vont... très vites. Se n’est pas ainsi normalement, je... je me sens bien avec toi et je suis à mon aise alors que je ne te connais presque pas. J’ai peur de dire des choses ou de faire des choses idiotes en oubliant que je suis une inconnue pour toi et j’aimerais que tu me le dises si... enfin si je fais des choses qui te déplaise.

Le jeune homme garda le silence en regardant les pupilles de la demoiselle. Puis, il se courba légèrement, posa son coude sur la table avant de rejouer avec le pied de son verre de son autre main, le regard fixé sur ce dernier, la réflexion prenant emprise de son visage, le rendant très sérieux.

_Ça me plairait … de te voir faire des choses idiotes …

Sérieux mais énigmatique … Le jeune homme avait besoin de temps pour étaler le fond de sa pensée. Il ne voulait pas laisser Lucy dans un grand suspense mais il se doutait qu’elle n’allait pas se contenter de cette simple phrase sans réel sens. Il chercha les mots pour s’exprimer, essayer de lui faire comprendre que cela n’avait pas d’importance, qu’elle ne pourrait pas lui déplaire en étant elle-même et que si par inadvertance elle venait à faire ou dire quelque chose qui ne plaisait pas à l’écossais ce n’était pas grave, ce qui était grave était de faire dans le paraitre et de mentir pour lui donner une illusion, une fausse Lucy. Ça ne l’intéressait pas. Il préférait une personne authentique, remplis de défauts autant que de qualité plutôt qu’une poupée trop parfaite pour appartenir à un tel monde.

_Ce que je veux dire … Excuse moi je suis maladroit pour exprimer le fond de ma pensée, on me le dit souvent … Mais ce que j’essaie d’expliquer c’est que je n’ai pas envie que tu te retiennes de me montrer qui tu es … Si « faire des choses idiotes » fait partie de qui tu es, cela ne peut pas me déplaire puisque ce qui me plairait c’est d’apprendre à te connaitre avec le peu de temps qu’il nous reste. Mais d’accord, je te dirais si quelque chose me rend mal à l’aise un moment.

Il accompagna sa dernière phrase d’un sourire en replongeant ses yeux dans ceux de la demoiselle. Il ne savait pas si ce geste avait sa place après la remarque de la jeune femme, après ce qu’il allait lui demander par la suite, mais il prit tout de même la main de Lucy entre ses doigts, caressant doucement le dos de celle-ci avec son pouce.

_As-tu des choses à me signaler à ce propos ? T’ai-je déplu ?