Honnêtement, je commence à en avoir marre actuellement. Entre Amalia qui me défie alors que je la défends, le docteur Graham qui discute mes ordres et qui les contourne à sa guise, Donatien qui n'en fait qu'à sa tête et les patients qui montent sur l'estrade sans se préoccuper du danger. C'est un peu trop pour mon impulsivité et la colère qui grouille dans mon ventre. C'est un monstre que je tente de tenir en cage depuis que j'ai vu Donatien, Amalia et le bourreau surplombant une foule curieuse.

- Je t'ai sauvé de ton statut d'assassin, de la prison. Je t'ai sauvé de ton poste minable de médecin. Je t'ai donné plus qu'à n'importe qui. Et tu m'as déçu. Merci de m'avoir ouvert les yeux : ça ne sert à rien de donner, on n'acquiert rien en retour.

Je soutiens également son regard. Je n'en reviens pas. Il parle de donner, mais est-il au courant que s'il ne m'avait pas "sauvé" de mon statut d'assassin, lui aussi serait en prison et l'Institut fermé? Sait-il qu'il est celui qui m'a donné l'arme du crime, qu'il est celui qui a organisé la Grande Sanction? Sait-il qu'il est autant coupable que moi? Aussi, sait-il que j'ai étudié pour être chirurgien et non Directeur, et que c'est moi qui l'ait déchargé de cette fonction pour qu'il se concentre sur lui? Sait-il qu'en organisant ça dans mon dos, ça signifie qu'il ne me fait pas confiance?
Il m'a donné? A moi? Il n'a fait que se cacher derrière moi et sauver son cul dès que je lui propose mon aide. En échange, je voulais juste qu'il se confie, qu'il me partage ses peurs, ses doutes, ses malheurs. Comme un ami le ferait.

Je déglutis, non sans difficulté. Je suis à deux doigts d'exploser. Le prochain qui me défie aura la mauvaise surprise de se prendre un claque monumentale dans la gueule.

Je me relève, et ne lui adresse plus un mot. Si juste avant je tremblais de peur, là je tremble juste de colère. Et je ne tente même plus de le dissimuler. Je regarde Amalia en premier lieu. Mon regard est sévère, et je ne compte plus rien laisser passer. Ils ne m'obéissent pas, ce sera désormais leur problème. Ange le gentil, c'est terminé.

J'entends ce qu'Agnès me dit, mais je commence à en avoir complètement marre de cette bande d'imbéciles qui n'écoutent rien.

- Je peux savoir pourquoi Y66 suit le docteur Graham? Elle est sensée avoir retrouvé sa chambre à l'heure qu'il est. Vous, là-bas, allez la raccompagner.

Je prévois d'avance la réaction du docteur Graham, alors je me tourne vers lui rapidement pendant que des gardes s'avancent vers Amalia. Le visage fermé à toutes émotions et le regard froid, je lui ordonne :

- Docteur Graham, je vous ai demandé de rejoindre mon bureau il me semble et de vous éloigner de cette patiente. C'était un ordre à effet immédiat et je ne le répéterai pas une fois de plus.

Je jette un regard à d'autres gardes afin qu'il comprenne que s'il ne le fait pas par volonté, ce sera la force qui s'en chargera. Je ne me battrai pas avec lui. J'ai d'autres choses plus urgentes à régler qu'un homme amoureux d'une patiente.
Je m'adresse à la foule, comme Agnès m'a demandé de le faire :

- Je suis désolé de ce désordre causé par mon collègue. Aucun mal ne sera fait à personne, patients comme employés. Dispersez-vous et allez vous détendre. Ceux qui ont avoué leur faute, donnez vos matricules à mademoiselle Dessanges avant de partir.

Enfin, je regarde Donatien, Lucy à côté de lui. Un peu de tristesse brise la sévérité installée dans mon regard. Je ne sais même pas comment le gérer. Cet homme est juste ingérable.

- W100, quittez l'estrade et donnez également votre matricule à mademoiselle Dessanges avant de vaquez à vos occupations. Quant à vous, docteur Elpida, je vous ai également demandé de vous rendre à mon bureau. Je ne le répéterai pas une fois de plus.

Je me tourne et descends de l'estrade. Les gardes ont intérêt à faire leur travail, car je ne veux pas rester ici une seconde de plus ou je le jure que quelqu'un va subir ma colère.