J'avoue que je ne sais pas quoi penser. Depuis combien de temps je n'ai pas pu la voir ? Combien de choses j'ai raté ? A quel point étaient-elles importantes ? Si on se revoit... serions-nous toujours des amies ? Pendant un moment, un long moment, j'observe le ciel. Assise avec la lune, je me demande même si elle m'a oublié. Je pense que ça me suffirait si elle se souvient au moins de mon prénom... J'avoue, durant un temps, je venais au lac tous les jours, avant l'aube. Je grimpais dans cet arbre. J'attendais. D'une certaine façon j'espérais qu'elle revienne près d'ici pour pouvoir lui parler un peu. Retrouver le sourire de façade qu'elle semblait préférer aux fissures de mon passé et faire comme si tout allait bien. Juste l'appeler "Katou" sans avoir l'impression que ça m'est interdit. Et puis j'ai finis par arrêté. J'ai abandonné l'arbre du lever du jour. J'ai abandonné la frontière de l'institut Graham et je me suis réfugiée dans la grotte. Je crois qu'elle n'a jamais tenté de me revoir. Peut-être qu’elle ne veut véritablement plus de ma présence ?

Puis Aeden est partie au bunker. Je sais que je ne peux pas le retenir. Je suis contente qu'il aille près de celle qu'il aime. Je suis contente qu’il fasse ce dont il a envie, qu’il vive pour lui et qu’il puisse s’épanouir. Mais en s'en allant, il a emporté avec lui la douce sensation de chaleur qui me réchauffait le soir et me protégeait de l'obscurité. J’essaye de garder le cap. De me raccrocher à des missions que je m’impose pour aider le plus d’électrons libres possible. J’essaye de m’assurer que personne ne manque de rien. J’essaye de remonter le moral à Alexander aussi, un peu. On ne se connaît pas beaucoup mais je sais qu’il était ami avec Aeden. Peut-être que son départ l’a affecté aussi ? Je ne sais pas.
J'ai l'impression d'avoir perdu un pilier...
J'expire lentement. J'ai la sensation de phaser sur des constellations depuis un temps infini... Pourquoi je me sens aussi morose ? J'avoue que je ne m'attendais pas à voir mon frère de cœur venir ce soir. J'ai cru ne jamais avoir ressenti autant de joie d'un coup depuis quelques temps. Et il m'a expliqué les raisons de sa venue. Je crois que c'est depuis qu'il a prononcé son nom que mon cœur s'est crispé. Elle s'est mariée ?

...

Aeden est parti récupérer une table et j'ai préféré le laisser aller sans moi. De toute façon, je ne pense pas être invitée. Je suis déjà heureuse d'avoir passé un moment avec lui, d'avoir pu le prendre dans mes bras. C'est juste... Je ne sais pas. Parfois le silence et la nuit encouragent les pensées mélancoliques. Je soupire. J'hésite. Est-ce que j'ai le droit de me rendre au lieu de rendez-vous ? Je reste un temps interdite face à mon indécision avant de me lever lentement. Si je reste loin, peut-être que ça ne dérangera pas... Techniquement c'est sur le territoire neutre. Tout le monde peut y aller. Je regarde rapidement autour de moi avant de me diriger vers le lac. Oh ? On dirait qu'Aeden et son amie sont déjà arrivés. Ils tentent d'allumer un feu mais je n'ose pas m'approcher. Je préfère trouver refuge dans l'arbre. Ce fameux arbre qui me portait si souvent pour regarder le jour se lever. Puis je reste immobile. Silencieuse. Je n'ai étrangement pas envie qu'on me remarque. Je veux juste m'assurer qu'il n'arrive rien de mal au groupe. C'est tout. C'est suffisant. De toute façon, si je n’étais pas au courant c’est que Katerina ne voulait pas m’en parler. Je ne suis pas sûre de pouvoir prétendre à participer aux festivités.

Je tourne la tête vers le lac, accueillant le reflet argenté de la lune. L'eau a l'air calme même si la petite brise est un peu fraîche. Ils ont bien choisit leur cadre pour cette petite fête. C'est joli ici, la nuit, lorsque le ciel n'est pas trop nuageux. Le lieu a l'air serein. Et le feu chaleureux.
Des bruits de pas attirent mon regard pour découvrir deux arrivants. Je les regarde un instant avant d'avoir un fin sourire sur le visage. Ah. Alors c'est lui qui partagera ta vie, Katerina ? Nev. Je le reconnais. Ses cheveux rougeoyants ont poussés. Il a l'air plus carré aussi. S'il venait à se perdre au fond d'une eau agitée, je ne pense pas que je pourrais le tirer sur le rivage une nouvelle fois. Mais ça n'a pas d'importance. Il a l'air bien plus vivant qu'à notre rencontre. Ses étreintes sont chaleureuses, emplies de joie et de bienveillance pour ses amis. Je n'avais pas eu trop de nouvelles de lui. Je crois qu'il m'a oublié après que nous soyons retournés à l'institut. Ou en tout cas, toutes les fois où nous nous sommes croisés il ne semblait pas me reconnaître. Enfin, ce n'est pas grave. Il avait l'air d'être un gentil garçon. Doux et attentionné. Et s'il est capable de rendre Katerina heureuse, alors c'est tout ce qui compte. C’est bien comme ça.

Soirée de mariage

la dream team

Elle hésite. Dans sa tenue confortable de la journée, elle regarde sa dernière trouvaille (une jolie robe cintrée, d'un bleu nuit profond qui s'accorde avec ses yeux) et son pyjama pour aller dormir.
Elle ne peut pas aller à l'après-mariage de Nevrabriel. Elle lui a craché au visage qu'il faisait honte à l'amour. Lors de leur discussion, il a brisé une partie d'elle en lui faisant comprendre qu'il n'y avait pas de prince charmant, il n'y a que des égoïstes qui savent mieux que leur princesse comment les rendre heureuses.
Après le Génie, elle se disait qu'elle n'avait pas besoin de prince, qu'elle était bien seule. Mais cette solitude était inconfortable, prenante, puis destructrice. Alors elle avait fini par se dire qu'elle n'avait pas de prince parce qu'elle n'était pas une princesse. Aujourd'hui elle comprend que les bellots ne sont que dans les rêves.
Mais en même temps, n'est-elle pas un peu attachée à Nevrabriel ? Ils doivent bien être amis, d'une certaine façon, non ?
Elle prend sa robe par les bretelles et la place devant elle, se calant devant son miroir en pied. Elle s'imagine dedans, rêvasse, la fait tourner doucement...
Et puis merde.
Elle s'habille élégamment, dresse sa crinière dans un chignon faussement rebelle, se hisse sur ses bottes à talons et s'enroule dans son châle blanc. Elle se recouvre la tête pour cacher son visage et mieux s'enfuir de son propre Village. La nuit est sa complice, encore une fois. Le froid et la neige s'apparentent plus à des ennemis qu'elle brave.
Une fois au lac, elle entend des éclats de voix. Elle se cache derrière un arbre au loin, observant les festivités.
Elle reconnaît une jeune femme qui les avait bien aidé pendant la Révolution mais qui n'avait pas été là dans le bunker. Ophelia a toujours pensé qu'elle était morte... Elle est rassurée de voir son visage.
Il y a aussi Lucy Vincent, qu'elle a croisé récemment. Hors de la tanière du loup, elle a l'air moins craintive, plus épanouie.
Aeden, évidemment, génère sur le visage de la jeune femme un large sourire. Il lui manque, ce nigaud. Elle espère qu'il est heureux là où il est.
Et il y a les mariés, bien sûr. Elle, elle n'a jamais rencontré Madame Eskrine. Elle la découvre petite brunette à l'air fragile. Elle semble jolie dans sa robe blanche. Son mari paraît l'inviter à danser. Est-elle heureuse ? Est-ce raisonnable d'organiser cette soirée ? Ils ne peuvent pas être heureux sur cette île, pourquoi font-ils tous semblant ?
Ta place n'est pas ici, retourne sur ton trône. Tu vas gâcher la fête, personne ne veux de toi ici.
Elle se décolle de son tronc d'arbre pour faire demi-tour. Il est vrai. Nevrabriel l'a invité, mais au fond il a dû le faire par politesse. Comme la chanson qu'il lui a écrite, c'était sûrement une simple formalité. Aeden et elle ne sont pas adressés la parole depuis des mois, elle ne fera que prendre de la place. Personne ne veut d'elle ici, elle la première.
Mais elle a tellement envie de faire la fête, d'être une adolescente. En dehors de gouverner, elle ne sait rien faire. Elle ne sait pas danser, elle ne sait pas dessiner, elle ne sait rien faire de ses mains. Elle n'a jamais participé à la moindre fête adolescente.
Un peu timide, elle avance vers le petit groupe. Elle a l'impression de rougir son sous châle, que ce dernier va prendre feu. Son coeur mécanique bat un rythme puissant qui accélère sa respiration, un peu trop. Elle a l'impression d'avoir quinze ans, qu'elle va à sa première boum, d'éprouver pour la première fois ce stress de la première soirée qui est normal. C'est ça, elle touche du bout des doigts un sentiment qui ressemble à la normalité.
En se rapprochant, elle entend Nevrabriel demander qui sait danser et qui sait patiner. Malheureusement, elle est trop proche pour faire demi-tour. Elle ne sait faire ni l'un ni l'autre !
Comme les mariés s'apprêtent à danser ensemble, elle ne peut pas vraiment interrompre le moment en saluant l'assemblée. Elle se contente de s'approcher discrètement d'Aeden.

« Bonsoir. »

Elle ne sait pas quoi dire de plus.
Pour rassurer les mariés de sa présence, elle abaisse son châle pour découvrir son visage et adresse un sourire à Nevrabriel pour le rassurer. Elle n'est pas là pour le descendre ou pour le juger. Parfois il faut essayer d'aller plus loin que ses valeurs.

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Je me trouve stupide dans mon arbre. Pourquoi je me cache comme ça ? Honnêtement, je ne sais pas ce qui m’a prit de faire ça. J’aurai dû ne pas venir si je ne voulais pas qu’on me voit. Ou bien me présenter directement à eux, comme une personne normale. J’ai l’impression de ne pas savoir ce que je veux… C’est presque agaçant. Ce genre de situation m’arrivaient rarement avant. En ce moment, j’ai la sensation de faire souvent face à ce genre d’indécision.
Je repose une main sur une branche en laissant mon regard vagabonder. Il détaille un peu l’interaction entre les garçons qui installent la nourriture, s’arrête sur la discussion des filles, puis il tombe sur le lac gelé. C’est drôle mais la lumière argenté du reflet de lune ma rappelle ma rencontre avec les deux mariés. Avec Nev, la lune frappait les vagues agitées de sa lumière. Maintenant, son reflet à l’heure beaucoup plus calme. Plus serein. Étrangement, ça me fait penser au rouquin. Il avait l’air perdu à notre rencontre et maintenant il semble plus épanoui. Il a l’air heureux.

Katerina… Ça ne change pas trop. Les rayons de lune s’infiltraient à travers sa fenêtre après le bal d’Halloween dans une teinte froide. Et elle est toujours aussi froide ce soir.
Mon regard reste fixé un long moment sur la surface lisse de l’eau. Je crois que ma tête se vide un petit peu. Et puis je tourne la les yeux pour observer Aeden avec bienveillance. Il semble joyeux ce soir. Je suis contente de le voir rire. J’aimerai bien être avec lui…

C’est ridicule. Je ne devrai pas me bloquer comme ça en haut d’un arbre. Ça ne me ressemble pas. Je souffle. J’appréhende la réaction de Katerina si elle me voit. Mais en même temps… J’aimerai pouvoir lui parler. Si elle le veut bien. Mais bon… Elle n’aurait peut-être pas envie que je m’approche.

…

Silencieusement, je commence à descendre des branches. Aeden est là. Je n’ai rien à craindre, Aeden est là. S’il y a le moindre soucis, je sais qu’il sera là pour me soutenir. Il me l’a toujours prouvé après tout.
Alors je finis par toucher terre. Posant ma main contre le tronc et n’osant pas encore m’approcher, je me contente d’attendre un contact visuel avec quelqu’un. Une nouvelle personne a rejoint le groupe, découvrant son visage. Oh ? Ophélia est là ? Je suis contente de voir qu’elle va bien. Depuis la révolution je n’ai pas eu beaucoup de nouvelles même si on ne se connaissait pas vraiment.
Puis je plie mon autre bras, amenant ma main à côté de mon visage pour saluer un peu timidement. Cet exact même geste que j’avais fais pour dire au revoir à Katerina. Au même endroit.
C’est quand même dingue d’être autant intimidé ! Calme-toi Sheila, tu as vécu pire qu’une soirée organisée en cachette.

- Heum… Bonsoir.

Est-ce que je devrais dire autre chose ? Si quelqu’un m’a vu dans mon arbre un peu plus tôt, j’espère qu’on ne me prend pas pour une sorte de voyeuse ou je n’sais pas quoi…

- Aeden m’a parlé de la soirée et je venais m’assurais que tout se passait bien.

J’adresse enfin un sourire au groupe, trouvant mon courage en la présence de mon ami. J’aime pas trop taper l’incruste. Encore moins quand c’est dans des conditions aussi compliquées avec l’une des personnes du groupe. Alors je vais faire en sorte de me comporter le plus normalement possible. Et si je sens que ma présence n’est pas désirée, je n’aurai qu’à partir.

- Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m’appelle Sheila.

Soirée de mariage

la dream team

Instinctivement, elle est allée vers Aeden, mais elle ne sait quoi lui dire. Elle sait par Elizabeth qu’il a rejoint le bunker, qu’il est galant envers elle et que la cohabitation se déroule bien. Que dire à un vieil ami qui réussit tout ? Dire qu’à cette période de l’année, il y a un an, ils étaient là, tous les deux, dans un état d’esprit radicalement différent. Il y a un an, elle acceptait de lui ouvrir son cœur et il avait apprécié l’Ophelia imparfaite qu’elle craignait de montrer. Il y a un an, il lui dévoilait les noirceurs qui s’étaient installées dans sa tête.
Drôle d’idée, un an plus tard, d’être près de lui à un mariage.
En premier lieu, elle aurait souhaité parler avec Nevrabriel. Pas pour s’excuser, parce qu’elle pense toujours ce qu’elle lui a affirmé lors de leur dernière rencontre, mais pour s’expliquer. Elle ne veut pas qu’il pense qu’elle soit là par opportunisme ou autre raison toxique.

« Salut Ophélia ! C’est génial que tu sois venue, tu es rayonnante. Je te préviens tout de suite que Nev lance les hostilités, si tu danses avec moi, tu vas forcément perdre un doigt de pied dans la bagarre. »

Danser ? Elle rougit aussitôt et écarquille les yeux. Elle, elle est la nana qui s’assoit au fond de la salle de balle, un verre d’alcool dont elle ignore le nom dans les mains, enviant les couples qui valsent et les camarades qui s’exposent. Elle n’est pas sur la piste de danse, loin de là. Elle ne sait même pas taper un rythme !

« Aeden m’a parlé de la soirée et je venais m’assurais que tout se passait bien. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m’appelle Sheila. »

Une lueur d’espoir. Sheila fait une parfaite distraction. C’est le moment pour faire connaissance avec elle et éviter de se ridiculiser sur la piste. Mais elle n’a pas le temps de la saluer qu’Aeden, fidèle à lui-même, prend les devants.

« Allez… Voyons voir… Comment danse-t-on à Londres Miss Rosedbury ? »

« On ne danse pas à Londres, on boit le thé », rit-elle en espérant éviter la honte du siècle.

Malheureusement pour elle, ni une, ni deux, elle est transportée sur la piste. La scène est pourtant propice à une danse, entre les étoiles et l’ambiance bienveillante. Mais c’est plus fort qu’elle, elle est paralysée dans les bras d’Aeden.
Elle cherche Nevrabriel du regard, voulant prétexter d’avoir à lui parler quand, magiquement, celui apparaît.

« Ne le casse pas trop, Ophelia, on l’aime bien quand même. »

Elle se tend et dévisage le violoniste, déjà parti, suspicieuse. Est-ce qu’il vient de lui lancer une pique ? Il apprécie si peu sa présence ici ? Ou est-ce qu’il la taquine ? C’est pénible avec lui elle ne sait jamais sur quel pied … et bien danser.
Elle tourne le regard vers Aeden, ses bras sont le long de son corps alors pour en faire quelque chose, elle pose une main sur l’épaule d’Aeden. Elle hésite encore sur l’autre. Comment font-ils dans les films ?
Heureusement que son partenaire est Aeden, elle n’aurait jamais osé se confier sur son incapacité à faire quoi que soit sinon. A force d’être enfermée, puis de vouloir se battre pour sa liberté, elle en a oublié l’essentiel : elle-même. A part lire, elle ne sait rien faire de plus.
Gênée, elle rapproche son visage de celui d’Aeden pour lui chuchoter.

« Je te conseille de trouver une autre partenaire, je ne sais pas danser. Je vais vraiment te casser. »

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La première chose que j’ai essayé de regarder a été si Katerina me remarquait. Je sais que c’est un peu bête d’être autant intimidée par la situation mais… j’ai quand même l’impression de ne pas être à ma place ici. Je vois qu’elle m’observe un instant alors que je suis toujours près de mon arbre puis elle détourne les yeux. Le seul réflexe que j’arrive à avoir face à ça est de regarder Aeden qui m’adresse un sourire puis m’encourage à m’approcher d’un geste de main.

Je pose mes doigts sur ma nuque avant de venir vers lui. Je ne peux pas m’empêcher de jeter quelques regard vers Katerina qui fait tout pour l’éviter. Ok… Je ne sais pas trop quoi penser. Sa couleur a un goût bizarre…
J’ai envie de faire comme si de rien n’était pour alléger l’atmosphère ou mes propres émotions. J’allais ouvrir la bouche pour parler à Ophélia, prendre de ses nouvelles et m’assurer qu’elle va bien depuis la révolution. Mais Aeden l’embarque immédiatement sur la piste de danse sans que je n’ai le temps de dire quoi que ce soit.
Je reste droite, les bras le long du corps en l’observant s’éloigner. On dirait un peu un traquenard, frérot… Mais bon, je suppose qu’une discussion est inévitable. J’aurai dû m’y attendre en venant ici.

Je tourne légèrement la tête vers la jeune fille sans trop savoir quoi dire. Sa façon de ranger nerveusement ses mains dans ses poches me fait détourner les yeux. Elle ne veut vraiment pas que je sois là, hein ?

- Je… J’espère que tu vas bien.

J’entrecroise mes doigts derrière mon dos, les épaules légèrement tendues par ses paroles et les yeux migrant vers le sol. Je n’arrive vraiment pas à savoir où me situer par rapport à Katerina. En même temps elle espère que je vais bien, en même temps elle n’a jamais chercher à prendre de mes nouvelles depuis des mois. J’aurai pu mourir dans la neige de l’hiver, elle ne l’aurait jamais su. Et j’en suis à un stade où je me demande si ça aurait changé quelque chose à son quotidien d’être au courant ou pas… Je ne sais pas… Peut-être qu’elle fait juste la politesse.

Je vois Nev s’approcher pour glisser quelques mots à sa femme et je préfère les laisser tranquille. Puis le jeune marié me lance un regard et je lui réponds par un léger sourire. Il affirme que tout va bien se passer avant de s’en aller danser et je tourne la tête vers Katerina.
Elle me regarde à peine…

J’inspire un coup puis reporte mon regard sur le feu qui crépite, restant immobile.

- Nev est quelqu’un d’attentionné, je te souhaite d’être heureuse avec lui.

Mon ton n’est pas froid, il est même sincère. Peut-être simplement un peu éteint. Je sais que je n’ai pas répondu à sa première question mais je ne veux pas parler de moi. La dernière fois que je l’ai réellement fait, elle a préféré disparaître pendant des mois. Alors je dévie la conversation sur son mariage. Je lui souhaite vraiment de trouver le bonheur et elle le sait, je n’ai fais que lui montrer tout le bien que je lui espérais à chaque fois qu’on se voyait. Ça n’a pas vraiment changé depuis, mais j’ai simplement compris que je ne peux plus me sentir libre de parler de moi à Katerina. Je sais qu’elle désapprouve mon appartenance aux électrons libres et je n’ai que ça comme sujet de conversation possible puisque c’est mon quotidien.

Bref.

Je tourne la tête vers elle pour lui adresser un petit sourire.

- Écoute… Je vois bien que ma présence te rend inconfortable…

Je hausse doucement les épaules avec un petit sourire timide, ajoutant une précision sur un ton entre complicité et embarras:

- Ta couleur.

J’ai envie d’avoir cette sensation de complicité qu’on avait avant, j’essaye de la faire revenir maladroitement mais en même temps j’ai juste l’impression qu’elle est perdue depuis longtemps.
Enfin, au moins elle comprendra ce que je veux dire. Elle connaît ma pathologie après tout.

Je pose maintenant mes yeux sur le petit groupe qui danse sous la lune, esquissant presque inconsciemment un sourire. Aeden a l’air heureux ce soir. Je suis vraiment contente de le voir comme ça. Et si je n’ai droit qu’à cette satisfaction de la soirée, ça me suffit amplement.

- Je ne suis pas venue pour te mettre mal à l’aise le soir de ton mariage. J’ai conscience que c’est un jour important et je ne me permettrai pas de le gâcher. Alors si tu veux que je m’en aille, tu n’as qu’un mot à dire.

Puis je tourne la tête vers elle pour la regarder avec mes yeux vairons. Je ne suis pas sûre de l’expression qu’ils reflètent. Je suppose qu’ils sont moins pétillants que d’habitude.
Mais je finis par décroiser mes doigts pour lui présenter l’une de mes mains.

- Mais si tu veux que je reste, on peut peut-être les rejoindre ?

Je tourne furtivement mes yeux vers le petit groupe pour lui faire comprendre que je l’invite à danser.

Soirée de mariage

la dream team

C'est étrange de valser avec Aeden (si c'est une valse). Un instant, à être comme ça sous les étoiles, avec le son du violon et un partenaire en qui elle a confiance, Ophelia se sent transportée dans un conte de fée. Mais la magie se brise rapidement entre les moments où ils s'écrasent le pied, ou lorsqu'Ophelia croise le regard d'Aeden. Qu'est-ce qu'ils font tous les deux ? Pourquoi font-ils semblant tous les deux que tout va bien et que cette danse leur convient ?
Elle sait prendre la parole devant une foule, elle affronter l'autorité, mais elle n'est pas fichue de savoir où mettre sa main lors d'un genre de slow.

" Moi non plus je ne sais pas danser… Alors ne dansons pas tous les deux ensembles…"

Elle s'accroche au vert mousse de ses yeux, trouvant un point d'équilibre et une nouvelle assurance dans ce vert familier. Ce vert un peu troublé. Elle ignore si les démons d'Aeden hantent encore sa tête, mais elle a la sensation qu'ils ont laissé trop de traces.

"Et promis, après ça tu pourras m’apprendre à boire le thé."

Il lui sourit, et comme lorsqu'un sourire qu'on adresse est sincère, Ophelia sourit en mimétisme.
Son cavalier s'en sort bien, à force d'essayer. Il arrive à la faire tourner, faisant voler les bouts de sa robe. Il la réceptionne, elle le remercie d'un petit rire nerveux.

' Je ne sais pas toi, mais je pourrais ne pas danser toute la nuit…"

Un éclat malicieux traverse le bleu des yeux d'Ophelia.
Elle est venue ici pour enfin être une adolescente, pour avoir un aperçu de ce qu'est la normalité. Elle est venue par égoïsme, finalement. Pourtant, rien de tout ceci n'a quelque chose d'adolescent. Alors qu'elle a encore la main d'Aeden dans le creux de ses reins, une pulsion la réveille. Elle recule sans le quitter des yeux, son expression devenant de plus en plus joueuse. Elle lui tient la main du bout des doigts, tendant le bras.

"Ne dansons pas comme de vrais adolescents."

Elle se tourne vers Nevrabriel.

"Hé Maëstro, mets-nous quelque chose de plus contemporain ! "

Pour avoir écouté du violon sur youtube lorsqu'elle était seule dans sa chambre, elle a bien un répertoire de reprises en tête.
Aussitôt, elle tape dans ses mains et prend un nouveau rythme, quelque chose de plus festif. Elle regarde Aeden, puis tout autour d'elle. Ce serait dommage de former des duos plutôt que de danser tous ensemble ! Elle rit aux éclats, tourne sur elle-même et tente un pas de danse plus affirmé en espérant qu'on la suive.

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Je ne sais pas vraiment si c’est la bonne décision à prendre. Je ne sais pas vraiment si cette invitation à danser ne va pas faire plus de mal qu’autre chose. Mais je n’ai rien d’autre à lui proposer… Et elle est libre de refuser. Je m’en irai et la laisserai vivre sa vie comme elle l’entend.

Katerina m’observe un peu. Elle m’avoue n’être pas à l’aise avec cette soirée et que le Marquis serait en colère s’il apprenait ce qu’il se passe ici et une petite étincelle s’allume en moi. Je ne sais pas pourquoi mais… J’ai l’impression que, même après tout ce temps sans se voir, elle me fait toujours assez confiance pour me parler de ses doutes ou de ce qu’elle a sur le cœur. Peut-être que je me fais des idées. Elle doit sûrement en dire plus à son mari, je ne pense pas être aussi spéciale que ça maintenant. Mais cette phrase, cette simple phrase me donne l’impression que tout n’est pas totalement brisé.

Je ne dis rien, gardant la main tendue vers elle et attendant qu’elle décide de ma présence ou non. Je l’observe un peu, aussi. Elle est belle ce soir. Elle devait l’être tout autant au mariage. C’est dingue comme ses traits me rappellent le visage de mon premier vrai amour. Enfin non, elle est plus fine.

- Mais il y a une danse qu’on a jamais terminé alors…

Sa main vient se glisser dans la mienne timidement et un petit sourire se dessine sur mes lèvres. Avec délicatesse, je referme mes doigts sur les siens et la tire avec moi. Une danse qu’on a pas finit, hein ? C’est vrai. Elle portait une magnifique robe bleu et un loup qui reflétait presque les lumières de la pièce. Elle a manqué de tomber et je l’ai rattrapé. Ce soir là, elle semblait seulement être une princesse en détresse et moi le gentleman qui s’était donné pour mission de la sortir de ce chaos émotionnel. C’est drôle qu’on en soit arrivé là. On a commencé notre danse en inconnu d’une autre époque et on la finit ici. Amie ou plus réellement. Peut-être qu’en la terminant on redeviendra les anonymes qui se voient à travers un masque.

Je l’attire contre moi et lève la tête vers elle. Je sais qu’elle a souvent eu ce regard fuyant et je comprends que ce soir elle soit mal à l’aise mais j’ai besoin qu’elle ne le détourne pas. Seulement pour cette danse. Alors je passe un doigt sous son menton pour diriger ses yeux vers les miens. Puis je lui souris gentiment. Si notre relation doit continuer après cette danse j’en serai vraiment très heureuse. Mais si elle doit s’arrêter, alors je l’accepterai. Je ne sais pas si Katerina pourra lire dans mon expression, j’espère, mais je ne me sens pas le cœur à le dire à voix haute pour le moment.
Ma main vient se poser sous son omoplate et je commence un pas doucement. Puis j’en fais un autre. Et je continue de guider la danse sans la perdre des yeux. Sans que mon sourire ne disparaisse. Sans rien dire non plus. Qu’est-ce que je peux réellement dire ? Je n’arrive même pas à savoir si ce moment et une occasion pour faire les adieux qu’on ne s’était pas avoué la dernière fois ou si c’est une réconciliation. Peut-être que je devrai demander ? Mais je n’arrive pas à desserrer les lèvres pour l’instant.

Je la fais tourner sur elle-même et l’attire une nouvelle fois contre moi au fil de la musique.

- Hé Maëstro, mets-nous quelque chose de plus contemporain !

Nos pas ralentissent petit à petit et on finit par s’arrêter. Mais je ne me décolle pas encore de ma partenaire de danse. Je glisse mes bras autour d’elle dans une étreinte. Mon menton vient se poser sur son épaule alors que je ferme les yeux.

- Merci...

Je me détache doucement d’elle, laissant mes mains glisser le long de ses bras pour prendre les siennes. J’inspire et pose à nouveau mes yeux sur elle.

- Dis ? Qu’est-ce que tu veux faire maintenant ?

Je pense qu’elle aura compris que je ne parle pas vraiment de la soirée mais plutôt de notre relation. C’est à elle de décider si elle aimerait la faire continuer ou pas. Après tout, c’est elle qui a décidé de partir la dernière fois.

Soirée de mariage

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Ophelia était certaine qu'Aeden suivrait son mouvement. Elle n'y connaît rien en danse, pas même les mouvements ridicules de base. Elle a vu quelques trucs à l'institut, des twerks selon les termes des pré-adolescents mais elle n'est pas certaine de pouvoir bouger ses fesses avec autant de rythme sans avoir l'air d'une nouille. Elle reproduit alors ce qu'elle a pu expérimenter devant son miroir dans sa chambre, à l'époque.
Voyant Nevrabriel au loin, alors que c'est son mariage, l'attriste. Elle s'apprête à le prendre par la main pour lui montrer que, bien que ce soit un excellent violoniste, la musique elle est ailleurs que dans un instrument. Mais Aeden, comme ayant lu dans ses pensées, prend les devants.

« Allez Nev, lâche ce violon et vient danser. Je chante pour compenser si tu veux ! »

Aeden commence une chanson dont elle reconnaît l'air mais serait incapable de scander les paroles. A la place elle mh-mh le rythme. Elle le suit jusqu'au marié, un large sourire railleur sur les lèvres, afin qu'il les suive. Elle aurait bien voulu entraîner Catherine avec eux et son amie, mais elles semblent en grande discussion.
Elle tape des mains, pensant être en rythme mais il s'avère qu'Ophelia est une piètre musicienne. Ca lui rappelle ce rêve qu'elle avait fait peu de temps après son arrivée à l'institut, où elle avait chanté avec un garçon. Elle a si peu goûté à la musique qu'elle est incapable de s'y accommoder. Mais elle rit, et s'amuse, en ayant conscience que ce genre de soirée sera rare désormais. Elle est sincèrement ravie de retrouver Aeden. Il lui manque, ce temps où ils n'étaient que des ados en quête de révolution. Ce temps où ils se chamaillaient. Ce temps où ils étaient fourrés ensemble avec Alexander ...
Elle croise son regard au moment de ce qui semble être le refrain et lui adresse un sourire. C'est sa façon à elle de lui faire comprendre qu'il lui manque.
Un peu gênée, elle se tourne vers Nevrabriel. Il a l'air bien contrarié, ce qui est dommage pour une soirée de mariage. Tout en se trémoussant, elle appuie son index sur son front, entre ses sourcils. Puis, elle le relève doucement vers le haut, comme pour lui faire défroncer les sourcils.

« Sacrée ride du lion ici. C'est quoi cette tête déconfite ? Ce n'est pas comme ça qu'on t'as éduqué avec Aeden ! »

Elle adresse un clin d'œil amusé à son ami à la chevelure brune, l'englobant dans cette ambiance légère. Nevrabriel se prend trop au sérieux avec ce mariage. Il est trop solennel dans leurs vêtements et dans ses intentions alors que Caterine a l'air d'avoir plus de recul. On dirait qu'il a déjà quarante-ans, qu'il joue sa vie. Elle a bien compris les enjeux de cette union, mais ce n'est pas une raison pour être aussi sérieux. Elle préfère l'air décontracté d'Aeden qui lui permet d'être plus présente, plus vivante. Elle apprécie vraiment cet instant-là et sait que ce bon souvenir l'aidera dans les moments difficiles.

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