Il inspira tout l'air qu'il put avant de le rejeter. Il ne devait pas s'énerver. Il ne devait perdre le contrôle. Elle n'avait rien dit de désagréable. Elle le cherchait, elle était insolente. Elle le provoquait. Mais c'était sa seule arme. Elle ne pouvait rien faire d'autre. Elle était inoffensive. Aussi faible et inoffensive qu'il l'aurait voulu.
« Faites attention avec ça, on ne sait jamais, vous pourriez blesser quelqu'un. »
- Ce n'est pas le but, mais je te déconseille de trop me chercher, Z01.
Il lui tourna le dos et se passa la langue sur ses lèvres. Il posa son regard sur l'assemblée, les yeux rivés sur eux deux. Il pouvait lire l'inquiétude voire la peur sur leur visage. Le revolver.
Il sentait le métal sur ses doigts, le poids de l'arme dans sa main, et ça ne lui plaisait pas. Il coinça le canon entre sa ceinture et son pantalon, à sa droite. Il inspira une seconde fois et vit dans la foule sa secrétaire. Il lui offrit un sourire qui se voulait rassurant avant de se tourner vers Z01, le visage fermé.
Le but de cette mascarade était de montrer que l'Institut punissait ceux qui fraudaient, qui ne respectaient pas le règlement imposé.
La foule était calme et silencieuse. Il n'avait donc nullement l'utilité de l'arme.
- Tu pourras faire autant de fois que tu voudras la maligne. La seule personne en tort ici, c'est toi.
Il s'approcha lentement de Z01, un pas appuyé après l'autre. Il déboutonna un bouton de sa veste, se laissant davantage respirer. Il avait besoin de cet air, comme il avait besoin de cette pluie.
- Par ailleurs, je suppose que tu n'as pas pu t'enfuir seule. Qui t'as aidé? souriait-il.
Lore avait vu Alexander. Lui se sentit inutile. Il pouvait toujours rester debout dans la foule, il ne valait pas grand-chose. Il pensait qu’il pouvait apporter son soutien à Lore, alors qu’il n’était même pas capable de soutenir ceux qu’il côtoyait. Et ça n’allait pas. Elle avait beau garder son insolence naturelle, sa force, il lui manquait quelque chose. Elle semblait si dure. Ils allaient la briser. S’ils ne l’avaient pas déjà fait. Il avait l’impression que sa tête allait exploser sous la pression.
- Définissez un mouvement suspect docteur, je n'ai pas reçu la liste et je ne voudrais pas vous froisser. Faites attention avec ça, on ne sait jamais, vous pourriez blesser quelqu'un.
- Ce n'est pas le but, mais je te déconseille de trop me chercher, Z01.
L’échange était tendu. Aeden était incapable d’assimiler ce qu’ils disaient. Les mots se mélangeaient et se cognaient dans sa tête. Il avait l’impression qu’il allait suffoquer. Il avait le sentiment que la masse de corps autour de lui allait l’ensevelir. Y avait-il plus terrible comme sentiment que celui de cette honte sourde ? De cette sensation qu’il ne méritait pas ce qu’il avait reçu. Que ce soit le sourire de Lore, ou la confiance d’Alexander.
- Vous savez ce qu'elle a fait pour mériter une Grande Sanction ?
- Elle est punie ? Comme toi, Dante ?
Aeden avait envie de crier qu’elle était là par sa faute. Il resta silencieux, incapable ne serait-ce que de bouger ces lèvres. Il se fichait qu’Amalia joue avec lui. Il se fichait de savoir qui les avait rejoint.
- Tu pourras faire autant de fois que tu voudras la maligne. La seule personne en tort ici, c'est toi. Par ailleurs, je suppose que tu n'as pas pu t'enfuir seule. Qui t'as aidé?
Ange n’avait pas été mis au courant de la complicité des deux garçons dans cette sombre histoire. Seule la garde, la famille Elpida, et les deux médecins des jeunes gens avait été mis dans le secret. C’était donc tout naturellement qu’il essayait d’extirper des informations à Lore.
S’il avait eu du courage, Aeden serait monté. Il aurait rejoint Lore, aurait défié Ange du regard. Se serrait annoncer comme coupable de l’évasion de la jeune fille. Mais il n’en avait pas.
S’il avait eu du courage, Aeden aurait rejoint Alexander. Se serait excusé.
S’il avait eu du courage, il aurait cherché plus longtemps dans la tempête. Aurait retrouvé Lore. Serait parvenu au bout du voyage.
S’il avait eu du courage, il aurait admis que leur plan était trop risqué. Remplis de facteurs incontrôlables.
S’il avait eu du courage, il n’aurait pas essayé de se faire des amis à l’institut alors que son unique but était d’en sortir le plus vite.
S’il avait eu du courage, ces parents n’auraient même pas su qu’il était en dépression. Il n’aurait jamais intégré l’institut.
Et surtout, s’il avait eu du courage, il ne regretterait pas tout ce qu’il avait fait. Tout ce qu’il était.
Mais il n’avait pas de courage.
Il avait accentué le Z01, Loreleï en était sûre. C'était assez subtil alors elle ne pouvait pas le confirmer mais tout lui faisait croire qu'il avait appuyé son étiquette. La façon dont sa mâchoire s'était ouverte, ses lèvres qui avaient bougées plus lentement, les muscles de son visage plus tendus et sa voix plus grave.
Troufion, va.
Le médecin finit par lui tourner le dos, ce qui fit frissonner Loreleï. Elle préférait voir son visage, même si c'était pour n'y constater qu'un air glaçant. Au moins, elle pouvait deviner ce qu'il pensait. Alors que là ...
Surtout qu'elle le vit ranger son flingue. Petit à petit, l'adolescente retrouva courage. Toujours dans une position de défense, bien campée sur les jambes et attentive à ce qui l'entourait, la peur qui l'avait clouée sur place la quittait petit à petit.
L'autre dit quelque chose que Loreleï n'écouta que d'une oreille, trop préoccupée par son comportement. Pourquoi se montrait-il soudain si peu menaçant ? Qu'est-ce qui l'avait fait ranger son arme ?
Il revint vers elle, déboutonnant un bouton avec nonchalance et presque prétention. Il avait l'air très détendu pour une situation aussi oppressante.
« Par ailleurs, je suppose que tu n'as pas pu t'enfuir seule. Qui t'as aidé? »
Elle ouvrit aussitôt la bouche pour répondre « personne » mais se ravisa. Il ne la croirait pas. Il lui demanderait des noms. Puis il s'énerverait et lui tirerait dans la deuxième main. Ou quelque chose de similaire. Dans tous les cas la conversation tournerait en rond et finirait mal. Parce que Loreleï réalisa quelque chose : si elle aussi se laissait dominer par ses émotions, ça pourrait mal tourner. Or, elle s'énervait bien trop facilement ... Il ne fallait pas ...
Elle tourna le visage dans la foule, les yeux plissés. Elle nettoya une nouvelle fois ses verres de lunettes. Elle vit enfin son frère, puis, plus loin, Aeden. Elle ne voulut pas les trahir en s'attardant trop longtemps sur eux alors elle profita du silence pour parcourir la foule des yeux. Elle eut même le culot de regarder du côté des membres du personnel : après tout quelques patients y traînaient.
Puis elle recula d'un pas, ses yeux revenant vers son interlocuteur principal avec défi. Un sourire insolent se dessina progressivement sur son visage rond. Elle haussa la voix, clairement, elle voulait qu'on l'entende :
« Vous voulez savoir qui m'a aidé ? Vraiment, c'est ce qui vous intéresse le plus monsieur ? »
Se tournant un peu plus vers les membres du personnel, mais non sans vraiment tourner le dos aux patients, elle poursuivit son discours.
« On arrête une patiente parce qu'on a retrouvé affaiblie dans une tempête, la clavicule déboîtée ...»
Elle appuya son propos en dévoilant son épaule bandée.
« ... fatiguée, amaigrie, et vulnérable au possible. Je vous trouve bien lâche. »
Les poings serrés, elle avait laissé le dernier mot peser. Elle l'avait articulé avec force. C'était risqué parce qu'elle n'accusait pas juste Badabil, mais elle remettait en cause l'Institut. Pire : elle l'insultait. Mais elle était déjà là, sous la pluie, sur une estrade alors qu'on cherchait à l'humilier. Elle ne se laisserait pas faire.
Cette situation était ridicule. La brusque maturité sur le visage de soeur, un vrai p'tit Caïd qui jouait la carte de l'insolence face à un type armé, le tout sur une estrade face à des adolescents pour la plupart horrifiés et qui ne réagissaient pas. On se serait cru devant un de ces mauvais films qu'il tournait en dérision avec sa soeur en s'empiffrant de pop-corn quand papa-soja n'était pas là. Si on regardait bien il y avait même le figurant qui faisait n'importe quoi en arrière plan en la personne de Dante, vous savez, celui dont on dirait qu'il n'a rien compris du scénario et qui est pourtant prêt à tout pour se faire remarquer. C'était vraiment n'importe quoi.
- Par ailleurs je suppose que tu n'as pas pu t'enfuir seule. Qui t'a aidée ?
Ah bah dis-donc ! Même le grand méchant se mettait à faire dans le cliché avec ses menaces à deux balles ! "Dis moi qui sont tes complices ou j'te crève !". Brillamment joué ! Très drôle !
Son hilarité passée, ses doigts se serrèrent autour du tuyau de métal à s'en faire blanchir les jointures. C'était le moment ou jamais s'il voulait la rejoindre sur l'estrade. Il pouvait se dénoncer maintenant et...
"Non Cap. On ne peut plus rien faire pour elle. On a déjà joué toutes nos cartes."
"J'm'en fous Génie."
De toute façon, il était son frère. Même si l'Institut avait tu sa complicité, même si seuls le directeur, le docteur Elpida, sa propre médecin et le garde qui l'avait trouvé était au courant, tout le monde le soupçonnait. A juste titre. Il sentait bien les regards qui pesaient sur lui. Il ne fallait pas être une lumière pour comprendre.
- Vous voulez savoir qui m'a aidé ? Vraiment, c'est ce qui vous intéresse le plus monsieur ? On arrête une patiente parce qu'on a retrouvé affaiblie dans une tempête, la clavicule déboîtée ... fatiguée, amaigrie, et vulnérable au possible. Je vous trouve bien lâche.
Elle avait du cran la soeurette. Peu importait l'opinion du Génie. Il n'allait pas la laisser faire face toute seule. De toute façon ils étaient déjà exposés et le Génie en avait parfaitement conscience. Et il avait encore un atout pour lui. La foule. Mais son alter ego avait raison sur un point. Se dénoncer ne servirait à rien. Il répéta d'abord à voix basse :
- Lâche.
Sa voix n'avait pas l'air de lui faire défaut. Il répéta plus fort.
- Lâche.
La rumeur devait se répandre. Il devait amener les autres à l'imiter. A faire bloc avec lui. On lui avait déjà dit qu'il avait un certain charisme. C'était l'occasion de voir si c'était vrai. Il se pencha sur le côté, glissa à l'oreille de la personne qui lui était la plus proche.
- Il est lâche. Se sentir obligé d'avoir un gun pour gérer une gamine de 15 ans.
Il fit la même manoeuvre pour chaque camarade étant suffisamment prêt.
- Vous avez vu ? Il avait un flingue, ce lâche !
Il jeta un oeil rapidement à Aeden qui se contentait de serrer les poings. Peut-être que la rumeur parviendrait jusqu'à lui. Peut-être qu'alors il agirait aussi. Peut-être. Mais s'il tenait vraiment à sa soeur il le ferait. Et même si ce n'était pas grand chose, un murmure commença à s'élever dans la foule. Il fixa Barrabil, droit dans les yeux et articula nouveau :
- Lâche.
Il y avait de la colère dans ses yeux, mais aussi du défi. Après tout, quelques mois plus tôt, pour le Nouvel An, il lui avait promis la section Z. Il attendait toujours...
La violette était seule dans sa chambre à réfléchir, laissant le temps défiler, elle cherchait une sorte de plan pour soulever tout le monde. Elle n'avait rien fait de sa vie et contait bien se rattraper ce jour-là. Ce jour serait une occasion parfaite pour se révolter en y pensant, en tout cas d'après elle. Tout le monde est rassemblé et tous sont sûrement d'accord sur un point, quelque chose d'horrible va arriver si on ne fait rien. En y réfléchissant un peu, ça allait sûrement faire un bide en réalité, son plan ne va pas marcher et personne ne va la suivre. Un sacrifice qui ne servirait à rien.
Nadia se leva et sortit de sa chambre habillée comme demandait l'institut. Une fine brume obstruait son champ de vision, elle prit la marche vers la place où se déroulait cette scène. Tout le long du "voyage" elle faisait attention à se cacher dans la foule et à rester discrète, elle allait en avoir besoin.
Arrivée sur la place, elle passait discrètement au premier rang pour voir ce qui s'y passait, comment ça se présentait. En voyant la scène, S151 faille exploser de rage. Un docteur qu'elle n'avait jamais vu mais qu'elle détestait déjà se tenait devant une patiente. Loreleï.La violette se retenait d'essayer de passer au-dessus de la barrière et de mettre à terre le docteur pour deux raisons. La première était que des gardes étaient postés pour arrêter tout suspects et la deuxième était accrochée à la ceinture du docteur.
Elle avait entendu dire que le docteur se nommait Ange, drôle de nom pour une personne qui se permet des actes comme celui-ci. Alors qu'elle commençait à regarder la foule, elle entendit la petite discutait entre Lorelei et Ange, cet idiot de médecin osait l'appeler par son matricule. Nadia se calmait doucement, inspirer et expirer étaient les seuls mots qui tournaient dans sa tête. Elle se calma puis repris là où elle s'était arrêté, continuant d'observer le courage de la patiente en face d'un médecin la menaçant par une arme à feu. Cette arme qui finirait surement par blesser S151 si elle exécutait son plan.
Bien que dans sa tête elle imaginait tuer tous les gardes sauver Lorelei et partir avec tout le monde elle savait que ça n'était pas possible. Elle connaissait ses capacités au combat et pouvait surement battre difficilement un garde mais pas deux, ça lui sera utile pour l'idiotie qu'elle préparait. La violette regarda la scène un petit bout de temps avant de se détacher difficilement des yeux de la courageuse patiente non sans avoir essayé de captiver son attention brièvement avant de partir.
Maintenant, la partie la plus facile du plan débute, essayer d'être discrète, elle allait devoir passer comme une mouche entre tout le mondes pour se cacher à l’abri des regards. Nadia ne pensait pas que cette partie pouvait être difficile, elle pratiquait ça tous les jours à l'institut, seulement, là, la foule était compacte, et esquiver tout le monde était une galère pas possible. Alors qu'elle commençait à sortir de la foule, allant vers l'endroit le plus reculé, elle aperçus la personne contre qui elle avait été faible, Amalia. La violette ne savait pas si cette dernière lui avait adressé un regard ou si sa tête avait juste dévié vers elle mais Nadia eut un petit moment de faiblesse avant de retrouver son courage de plus belle.
« Vous voulez savoir qui m'a aidé ? Vraiment, c'est ce qui vous intéresse le plus monsieur ? »
Il expira, largement soûlé. Oui, c'était ce qu'il voulait. Oui, c'était ce qui l'intéressait le plus, Z01. Alors arrête de parler pour ne rien dire. Tu joues avec les nerfs d'un médecin impulsif.
« On arrête une patiente parce qu'on a retrouvé affaiblie dans une tempête, la clavicule déboîtée ... fatiguée, amaigrie, et vulnérable au possible. Je vous trouve bien lâche.»
Ange ne cacha nullement sa surprise. Une surprise qui n'était vraiment, mais vraiment pas bonne. Il se passa la langue sur ses lèvres et entre ses dents, ce qui aurait pu donner l'impression qu'il allait broyer sa langue sous la puissance de sa mâchoire.
Il s'avança d'un pas, plus menaçant qu'il ne l'avait été. Clairement, elle avait dit quelque chose qui l'avait mis en colère. Et ce n'était même pas le "lâche".
Il haussa alors le ton de sa voix, passant au dessus de celle de Z01.
- On t'a arrêté parce que tu as aidé au meurtre d'un garde !
Il s'approcha d'elle encore d'un pas. Sa main droite le démangeait. Elle avait osé commettre un meurtre, et elle se pavanait devant tout le monde comme si c'était elle l'innocente. Elle avait tué quelqu'un. Elle avait tué un symbole de loi et d'ordre !
Il haussa davantage la voix, comme une colère à semi-contrôlée.
- Tu es un danger pour cet Institut et les autres patients. Affaiblie, amaigrie et vulnérable ne sont que des mots que tu as choisi pour attendrir l'audience, mais je vois que tu tiens encore debout et malgré tout, tu trouves la force de défier une nouvelle fois l'autorité.
Il se retourna, dos à Z01. Il se passa une main tendue et crispée sur son visage, tentant de se calmer. Il avait en horreur le meurtre, et encore plus cette gamine putain d'irresponsable qui osait encore prôner son innocence factice. "Regardez-moi, j'ai 14 ans et je suis maigre comme je l'ai toujours été, alors je suis forcément innocente hihi ♪".
Il inspira aussi fort qu'il le put. Il devait se calmer. Être professionnel.
Toujours dos à elle, il dit :
- Donc est-ce vraiment moi qui suis lâche? Tu te bases sur des caractéristiques physiques pour dire que c'est toi l'innocente alors que tu as tué un garde?
Il expira et, les yeux sur la foule qu'il ne semblait pas regarder, il souffla un :
- Pathétique, à peine audible.
_Tu pourras faire autant de fois que tu voudras la maligne. La seule personne en tort ici, c'est toi.
Les paroles attirèrent l’attention du roux vers Barrabil (oui aucun respect, pas de « docteur ») et la petite fille. L’adulte s’approcha doucement de la punis. Les doigts de Nevrabriel se crispèrent sur ses genoux et il eut un mouvement en avant, comme s’il allait se lever. Mais la réplique du brun l’arrêta immédiatement.
_Par ailleurs, je suppose que tu n'as pas pu t'enfuir seule. Qui t'as aidé?
Enfuir ? Aidé ? Nevrabriel pensait qu’elle était punis pour une faute plus grave que seulement s’enfuir. Beaucoup aimerait rentrer chez eux, ce n’était pas anodin que quelques uns essaient de fuguer.
_Vous voulez savoir qui m'a aidé ? Vraiment, c'est ce qui vous intéresse le plus monsieur ? On arrête une patiente parce qu'on a retrouvé affaiblie dans une tempête, la clavicule déboîtée ... fatiguée, amaigrie, et vulnérable au possible. Je vous trouve bien lâche.
…
… Quoi ?
… QUOI ?!
C’était une blague ! Comment pouvait-elle aussi mal en point et qu’on s’apprête à la battre encore ? Quel genre de personne était Donatien et Barrabil pour faire ça ? Barrabil était peut-être le bourreau, mais il était certain que Donatien était l’auteur de cette mise en scène !
Pour l’instant, le brun n’avait pas porté la main sur l’enfant, mise à par lui faire peur. Est-ce que tout ça n’était pas une punition mais plutôt un interrogatoire ? Un règlement de compte entre un médecin et son patient ? Le roux ne comprenait plus rien.
Des murmures venant des patients attirèrent son attention loin de ses questionnements intérieurs. Des murmurent qui s’élevèrent peu à peu disant simplement « lâche ».
Même si ce mot devait attendre Barrabil. Le roux se sentait … un peu concerné. Il était là où se portaient les accusations. « Le mauvais coté du manche » comme on dit. Mais il se sentait concerné parce qu’il y avait une part de vérité. Il était lâche. Bien lâche. Il n’avait même pas le courage de quitter la partie du personnel pour se rendre dans sa chambre. Il n’avait pas l’audace de demander à Donatien de cesser cette mascarade. Il n’avait pas non plus le courage de dire à Barrabil d’aller se faire foutre.
Même si c’était Barrabil qui était visé, Nevrabriel sentait le poids de la culpabilité l’envahir doucement.
_On t'a arrêté parce que tu as aidé au meurtre d'un garde !
Une fois de plus, l’écossais eut des yeux ronds.
Il en avait vaguement entendu parler, mais pensait que c’était seulement des bruits de couloirs pour amener du piment à leur exil. Mais ce n’était pas possible. Comment une petite fille aurait pu aider à un meurtre ? Même si les enfants sont pleins de ressources, si ça avait été le cas, c’était certainement accidentel !
_Tu es un danger pour cet Institut et les autres patients. Affaiblie, amaigrie et vulnérable ne sont que des mots que tu as choisi pour attendrir l'audience, mais je vois que tu tiens encore debout et malgré tout, tu trouves la force de défier une nouvelle fois l'autorité …Donc est-ce vraiment moi qui suis lâche? Tu te bases sur des caractéristiques physiques pour dire que c'est toi l'innocente alors que tu as tué un garde?
Une nouvelle fois, l’écossais était perdu. Il avait besoin de réponse. Il avait besoin de réconfort également. Voir cette gamine aussi amoché lui faisait bien trop de peine sans qu’il ne sache réellement pourquoi. Bien qu’il ait une idée.
Etrangement, l’écossais sentit un regard posé sur lui. Il se tourna doucement avant de voir une tête rousse entre deux personnes.
Mon Dieu Nev reprend toi, ce n’est pas le moment de faire une crise !
Le jeune homme ferma les yeux et respira doucement avant de les rouvrir vers l’emplacement où se trouvait son illusion. Partie. Au moins, il était à présent certain de son trouble.
Nevrabriel jeta un regard rapide vers son médecin, dont les sentiments étaient indéchiffrables. Il aurait aimé le raisonner. Mais si personne n’a pus le faire avant, ce n’était pas le rouquin qui en aurait le pouvoir.
Doucement, l’écossais se leva, le plus discrètement que lui offrait sa taille et alla se mettre à coté de mademoiselle Dessanges, laissant Lucy faire la connaissance d’Adèlys.
Une fois à coté de la secrétaire, le roux se pencha pour que seule elle puisse entendre ce qu’il avait à dire.
_Mademoiselle Dessanges, je ne comprends rien … qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Vous êtes certains que ce soit cette adolescente qui a tué une personne ? Et tant bien même … on ne bat pas les enfants, c’est le pire des apprentissages.
Cherchant toujours un certain réconfort, Nevrabriel prit discrètement la main de sa bienfaitrice. Il a toujours pu compter sur elle. L’Institut à toujours pu compter sur elle. Pourquoi pas maintenant ?
_S’il vous plait … est-ce que vous pouvez faire quelque chose ?
entourageGroupe : Institut GrahamDate d'arrivée à l'Institut : 10/02/2013Age : 26
Elle se désintéressa bien vite de la situation, son regard se perdant sur le ciel. La pluie et les nuages masquaient le ciel mais à l’horizon, on pouvait distinguer les couleurs orangées-rosées du coucher de soleil. Cela tranchait avec le gris des nuages. De là où ils étaient, les patients devaient rater ce magnifique spectacle. Qui semblait avoir plus d’intérêt que celui qui se déroulait devant eux.
- Tu ne rejoins pas le public ?
Elle tourna son visage sur sa gauche, même si elle n’avait aucun doute sur l’identité de son interlocuteur. Elle eut un sourire. Elle était contente de le voir. Elle glissa précipitamment une mèche de cheveux rebelles derrière son oreille tandis qu’Hyppolite continuait :
- Quoique, je te comprends un peu. Ce n'est rien de bien intéressant. Ce n'est que Barrabil qui se met en valeur.
Elle reposa un instant son regard sur la scène qui se déroulait en contrebas. Il s’agissait donc bien de Barrabil. Elle retourna à Hyppolite. Il semblait un peu essoufflé, comme s’il avait couru. Ces mèches de cheveux humides sur son front lui donnaient des airs de chiens mouillés. Les yeux de la jeune russe brillèrent un peu, communiquant son amusement de manière discrète et, elle l'espérait, qui ne fâche pas son ami.
- Je ne peux pas me mêler aux autres patients.
Elle posa le bout des doigts sur le rebord de la fenêtre, et continua :
-Mais je pense que même si ça avait été le cas, je n’aurais pas trouvé intéressant de me rendre là en bas. Vous savez ce qui se passe exactement ? Je n’ai entendu que des bruits de couloir.
Elle saisissait tout à fait le concept de punition qui s’en dégageait, même si elle ne l’était pas avec le concept du côté public. Elle n’arrivait pas à saisir ce que cela apportait. C’était même plutôt contraignant de son point de vue. Elle n’était pas une experte cependant, et ne connaissait ni les tenants, ni les aboutissants de cette histoire. Elle se garda donc bien de faire des commentaires.
A vrai dire, elle n’était même pas tellement intéressée de savoir ce qui se passait. Cela ne la regardait pas vraiment. Elle tourna pourtant le visage vers Hyppolite, en profitant pour se perdre dans le bleu si particulier de son regard. Il avait les traits un rien tirés, et sa peau pâle le semblait un peu plus que d’habitude. M. Elpida ne lui menait décidemment pas la vie facile. Mais son visage restait aussi harmonieux que chaque fois qu’elle le croisait.
"Rester ou partir, se battre ou s'enfuir, seul ton coeur te montrera le chemin à suivre."
La chaleur se propageant à la fois sur son bras et son dos essayaient de la pousser quelque part. Elle aurait aimée bouger. Elle se demandait elle-même pourquoi elle ne bougeait pas.
C'était pourtant évident. Ce n'était pas de son genre. Astrid est obéissante, Astrid est discrète. Astrid n'a jamais aucun courage pour se dresser face aux autres. Oui, c'est évident qu'elle savait se protéger elle-même. La vie lui a appris avec force comment faire. Comment penser à elle, toujours elle, comment se mettre en cage dans son propre égoïsme. Elle, il ne faut pas l'approcher. Elle, il ne faut pas la briser. Et ce même si ça fait souffrir ceux qu'elle aime.
Astrid méritait de vivre cette situation, car elle reflétait tout ce qu'elle était. Et ça ne servait à rien que de le nier.
Son amie aux longs cheveux blancs continuait à lui flatter le dos. Elle n'arrivait pas à recevoir le réconfort de ces caresses, en réalité. Elle aurait presque songé à lui faire signe d'arrêter, que ce n'était pas la peine, tout en souriant pour se donner un air fort. Mais ses muscles étaient vidés de toute énergie; sa nausée persistait à envahir sa poitrine, et la température lourde engagée par la pluie et l'auditoire, se chargeant petit à petit de nouvelles silhouettes, n'aidait en rien. Alors elle partait du principe que rester droite et assister à la scène, son parapluie en main, était la seule chose qu'elle pouvait faire. La seule chose qu'elle arriverait à faire, tout en priant pour qu'Ange ne saisisse pas l'arme une seconde fois. Que ses doigts ne l'approchent plus d'un centimètre.
Des bruits de pas progressent vers elle et son amie. Cela ne serait pas étonnant que ça soit Agnès, ou quelconque garde, demandant à Lucy d'aller rejoindre les autres patients de Donatien. Le palpitant de la secrétaire s'accélérait lentement; elle n'avait pas envie d'être seule, comme elle n'avait pas envie de laisser Lucy témoigner une scène aussi macabre d'aussi près. Son mauvais présentiment persistait, prêt à retourner son estomac, à remonter jusqu'à sa trachée et tout envahir en elle. Elle avait cette impression, que quelque chose de mauvais allait se produire. Qu'une personne aussi innocente et frêle que Lucy ne supporterait pas de voir.
Sans qu'elle ne s'en rende compte, ses doigts se serrent autour des siens sans que ses yeux violets ne se décrochent de l'estrade. Mais c'est une voix toute autre qui vint sonner à ses tympans.
Onyx n'avait pas besoin de tourner la tête afin de reconnaître la voix et les termes que seul Nevrabriel pouvaient lui porter. Cela serra son coeur de le constater aussi proche d'elle. Aussi proche de tout ça, autant que Lucy l'était. Mais c'était pourtant eux qui l'a tiraient, eux qui la consolaient, eux qui l'entouraient, alors qu'elle...elle...
A quoi bon se haïr sans cesse; n'est-ce pas une excuse supplémentaire pour ne pas agir ? Elle avait au moins réussie un mouvement; celui de s'assoir là où ses deux partenaires l'avaient guidés. Un mouvement modeste, mais aussi maigre soit-il, il lui permettait de se féliciter au moins un peu aujourd'hui.
Ses yeux étaient irrémédiablement attirés par ce qui se passait derrière les barrières. Était-ce une sorte de curiosité morbide, ou tout simplement une crainte intense qu'elle ne pouvait retenir ?
"Ce n'est pas le but". "Ce n'est pas le but". Les paroles du docteur retentissaient en elle, essayant de recombler les fissures qui s'accumulaient dans son esprit. "Ce n'est pas le but", il l'a dit lui-même. Il ne va pas la tuer, avec cette arme à feu. C'est juste pour lui faire peur. Et Astrid a confiance en lui. Oui, elle abuse d'émotions, comme d'habitude. Le mauvais temps lui plombe le moral, encombre sa vision, rendant le tout plus terrible que ça ne devrait l'être. Oui, c'est juste le mauvais temps.
Alors qu'elle s'assoit, ses yeux finissent par croiser les pupilles noires du médecin. Il lui envoie un sourire, l'espace d'une seconde. Le même sourire qu'il a toujours eu; celui de quelqu'un dans le contrôle, quelqu'un de confiant, quelqu'un d'attentif. Cet Ange était le même que celui qu'elle avait toujours connue jusqu'à présent; à l'exception que celui-ci était doté d'un revolver, coincé sous la ceinture.
Non...Elle avait beau retourner la situation dans tous les sens, elle lui paraissait toujours aussi décalée par rapport à la réalité. A sa propre réalité plutôt, celle qu'elle s'était forgée dans son esprit. Pourtant elle n'avait pas besoin de se pincer pour constater qu'elle ne rêvait pas.
Une nouvelle chaleur vint remplacer celle de la main de Lucy; son regard quitte enfin l'échafaud, afin de constater qu'elle n'était plus à proximité. A la place, c'était une main un peu plus grande et plus épaisse qui était venue la réconforter; la sensation de ces doigts bien précis sur sa peau, elle la connaissait bien. La réminiscence d'une mélodie au violon, d'un lac étincelant, et d'une légère brise soulevant ses cheveux lui vint en mémoire. Elle aurait aimée retourner dans le passé, voyager sous la mélodie de l'instrument de Nevrabriel, plutôt que se retrouver assise ici. Mais elle ne pouvait plus fuir ainsi. L'expression mélodieuse et emplit de joie que son ami rouquin véhiculait généralement était désaccordée ce soir. Tout était distordu, avait perdu son âme; même son sourire. Et cela eut le don de venir frapper son coeur de plein fouet, comme pour la rappeler à l'ordre.
Elle n'avait pas le droit d'être faible. Pas devant Nevrabriel. Pas devant Lucy. Pas devant Ange. Pas dans cet Institut. Elle se l'était promise avant d'intégrer cet établissement. Tout ceci n'est qu'une mise en scène. C'est l'institut de la force, l'Institut de l'Espoir. Ce n'est pas le but que d'y briser les gens, de leur faire perdre leur sourire. Ce n'est pas le but, et elle avait confiance en cela.
Ses doigts se serrèrent autour de la main de l'écossais, comme ils l'avaient fait précédemment autour de celle de Lucy. Au fond d'elle, elle savait qu'elle n'était sûre de rien. Mais elle trouva tout de même le moyen de se faire violence autant que lui, et de lui transmettre un peu de force à travers son regard. Ses yeux violets véhiculaient beaucoup de sentiments entremêlés. On pourrait l'interpréter comme un "Ca va bien se passer", ou un "Je comprend ce que tu ressens, même derrière ton masque".
Mais disons-le, sa signification la plus juste restait; "Je suis là".
Le rouquin s'éloigna à son tour, rejoignant Lucy sans qu'Astrid ne leur prête d'avantage d'attention. Ange s'était approché de la jeune fille, déboutonnant avec élégance ses vêtements tout en avançant, fidèle à lui-même. La manière qu'il avait eu, de prendre ainsi l'initiative de s'aérer, aurait pu être interprété comme un élément inquiétant. Mais le contexte général forçait à épargner ce genre de détails.
La secrétaire manipulait les doigts de sa mains - ceux qui n'étaient plus sous ceux de Nevrabriel - avec nervosité. Elle observait, silencieusement, les yeux grands ouverts pendant qu'elle se mordait la lèvre.
Un silence s'impose doucement pendant que la punie semble hésiter sur sa réponse. Ce manque de bruit était presque rassurant, comme s'il avait mit le temps en pause, retardant le pire. Mais il fallait bien que le train des mauvaises nouvelles puisse continuer sa course, alors "Z01" se décida à répondre, avec insolence;
La jeune femmes aux cheveux ocres, mouillés par la pluie, tourne son visage vers les membres du personnel auxquels Astrid faisait partie. Son regard, voilé par les gouttelettes s'étant accumulés sur ses verres de lunettes, ne perdaient pas moins de leur détermination. Et cela ne manqua pas de figer Onyx sur place, bien que son expression ne laissait rien paraître.
Les yeux violets de l'anglaise se plissent légèrement, tendis que ses sourcils se froncent. Son regard voyage doucement du visage de la patiente jusqu'à son épaule, ornée d'un bandage peu entretenu. Derrière ses cheveux argentés, son expression devenait de plus en plus dubitative; elle essayait d'écouter avec attention la scène, afin de reconstruire le puzzle de cette "Grande Sanction" dont elle n'avait pas encore sue deviner l'exact enjeu. Ses songes souhaitaient se concentrer entre analyse et réflexion, bien que les quelques murmures émanant de la foule la distrayait de son but de manière agaçante.
Le meurtre d'un garde ?...
Mais c'est quoi ce délire ?
Les yeux d'Onyx se firent ronds, encore une fois, pendant qu'elle agitait la tête de gauche à droite comme pour essayer de se réfugier dans un regard aussi confus que le sien. Une gamine de cet âge ? Buter quelqu'un ? C'est quoi cet Institut ? C'est quoi cet endroit ? C'est un cauchemar, c'est ça ? Ou le tournage d'un film à frisson ? C'est pas réel !
La pluie continuait à tomber, se faisant très doucement de plus en plus forte. De tous les discours, celui de l'averse s'écrasant de par de petits bruits répétés, autant sur son parapluie que le bois de l'estrade, restait le plus apaisant et agréable à écouter. Le ciel, embrumé par de nombreux nuages, devait sûrement refléter la pensée de chaque spectateurs de cette scène; en tout cas, c'était un beau miroir à l'âme d'Onyx, à cet instant. Certains devaient certainement y réfugier leur regard, mais le sien demeurait fixe.
A quel nombre de révélations allait-elle encore se confronter ce soir ? A quel point cette désillusion allait la détruire à l'avenir, quelle ampleur avait-elle encore l'attention de prendre ?
Les doigts de l'anglaise se serrent d'avantage.
Il n'y avait rien à détruire.
Ce n'est pas le but.
UNE PUNITION BIEN MERITEE
On s'ennuyait ferme. Donatien, le visage enfoncé dans la paume de sa main, le coude sur l'accoudoir, observait le spectacle sans vraiment le voir. D'accord, il avait eu un petit sursaut quand son collègue avait directement joué de son arme, mais ce dernier l'avait finalement rangée. Les deux se chamaillaient désormais, et Ange réagissait à la provocation, se donnant en spectacle.
Donatien avait ses patients près de lui mais ne pouvait pas tout de suite se divertir avec eux. Ils discutaient entre eux et il ne voulait pas les couper. En fait, il se trouva subitement happé par le trio qu'ils formaient. C'était la première fois qu'il voyait son jardin de fleurs réuni, et qu'il était beau. L'innocence de son Lys, sa beauté forgée par ce contraste de couleurs : sa chevelure d'encre, d'un noir si profond à en rendre jalouses les abysses, rendu d'autant plus sombre par la pâleur de sa peau. Et ce rose qui vint pigmenter tout en douceur ses lèvres ingénues, ses joues d'enfant et le bout de son nez. Il ne devait jamais la perdre. Il devait continuer de s'occuper d'elle, d'en prendre soin, comme il le faisait depuis toujours.
Non loin, penchée près d'elle, une crinière lactescente autour d'un visage creusé. Ici, ce n'était pas des touches rosées qui illuminaient le visage d'Edelweiss mais le violet de ses cernes, de la couleur des bleus. Des cils pâles pour contourner un regard doux et bienveillant. Et un charisme innocent à vous couper le souffle.
Enfin, Pavot, non loin de là, et ses mèches de sang. Des mèches qui s'écoulent dans sa nuque comme une traînée d'hémoglobines. Beaucoup trop grand pour être parfait, mais cette naïveté et cette gentillesse qu'il dégageait suffisait à étouffer sa taille imposante. Son visage qui voulait dire :" désolé " était ce que préférait le médecin.
Vraiment, le spectacle était plus intéressant ici. Ses petits protégés.
Il repensa à la patiente qu'il avait perdu par le passé et eut un pincement au cœur. Il se demanda d'où venait cette douleur dans la poitrine, puis se dit que c'était tout simplement normal.
Il reporta son attention sur l'estrade quand des murmures s'élevèrent. Il crut percevoir le mot "lâche". Indifférent, il prit un paquet de fruits secs qu'il se mit à grignoter. Tant qu'il n'y avait pas de grandes révoltes, tout irait bien.
Un jour comme les autres, je suppose |
Katourina -oui Hyppolite innovait jusqu'à ce qu'il sache le véritable prénom de la brune - avait les yeux qui pétillaient. Le photographe supposa que ce n'était pas la scène qui se déroulait en bas qui ajoutait des étincelles dans le bleu de ses yeux. Mais qu'est-ce que ça pouvait être ? Peut-être que c'était juste un effet de lumière.
Hyppolite se surprit à avoir l'espoir d'être celui qui amenait une pareille lueur dans son regard et nia ce sentiment.
- Je ne peux pas me mêler aux autres patients.
Elle piqua la curiosité de l'adulte. Qu'avait-elle fait pour ne pas avoir le droit se mêler ? Etait-elle punie ? Avait-elle commis une quelconque effraction ? Katourina ? La jolie Katourina ? Il était curieux mais n'osa pas trop demander. Il n'avait pas envie de trop s'immiscer dans la vie de la brune. Il supposa qu'elle lui en parlerait quand elle le voudrait. Si elle en avait envie, bien sûr.
- Mais je pense que même si ça avait été le cas, je n’aurais pas trouvé intéressant de me rendre là en bas. Vous savez ce qui se passe exactement ? Je n’ai entendu que des bruits de couloir.
Hyppolite haussa les épaules. Il savait des choses mais tout comme Katourina, c'était des choses entendues par-ci, par-là. Rien de concret.
- Mon patron ne parle pas beaucoup, donc il ne m'a pas appris beaucoup de choses. Et ma collègue Agnès babille beaucoup mais c'est essentiellement de la rage.
C'est alors que la brune se tourna vers Hyppolite et soudainement, il se sentit perforé par cette expression. Il ne comprit pas pourquoi un tourbillon lui saisit le ventre. Perdu dans ce regard, perdu dans ses pensées, perdu tout court, il lui répondit :
- Et en vérité, je m'en fiche.
Et là, pris d'une pulsion qu'il ne vit pas venir, il attrapa tout doucement l'index de Katourina avec son index à lui. Puis, délicatement, ses doigts coururent le long de sa paume avant de lui attraper la main. Que c'était paisible.
Adèlys sentait les doigts de Lucy effleurer sa petite main. La chaleur se propagea à travers sa peau, et elles se transmirent l'une l'autre leur propre ressenti.
Elle leva les yeux vers cette camarade qu'elle ne connaissait qu'à peine, et à travers ce contact, elle comprit qu'elles pouvaient s'entendre. Dans un tel contexte, face à une telle pièce de théâtre, il ne pouvait pas y avoir d'animosité entre les patients. Juste de l'entente et du soutien.
Elle sentait bien que Lucy faisait parti des patients qui voulaient la liberté et qui étaient bons. Elle le voyait sur son visage.
J’espère aussi…
Adèlys inspira en même temps que sa camarade. Elles étaient presque en symbiose alors qu'en face, deux êtres qui s'opposaient se faisaient face.
Elle serra la main de Lucy avant d'y poser son autre main. Ce n'était pas la première fois qu'elle assistait à un lynchage public. Il y en avait parfois ici et là dans l'Institut. Cependant, c'était la première fois qu'elle voyait une Grande Sanction attribuée à quelqu'un, alors c'était sûr que Loreleï avait été prise la main dans le sac, en train de transgresser les règles.
Adèlys... Avait peur. Elle ne pouvait s'empêcher de serrer davantage la main de Lucy lorsqu'elle entendit la suite. "Ce n'est pas le but", elle espérait bien ! Cependant, une balle est partie si vite... Elle voulut que son médecin ait pensé à laisser le chargeur vide, pour qu'il n'y ait aucun accident.
L'insolence de Loreleï la désespérait cependant. Était-elle si naïve et idiote qu'elle ne le montrait habituellement ? Elle était, comme elle le disait, amaigrie, faible, vulnérable. Désœuvrée, face à tous. Et surtout, menacée par un revolver qui pouvait cracher une balle à chaque instant !
Le cœur d'Adèlys se serra. Loreleï était une personne bornée, inconsciente, naïve et toujours dans la surréaction... Mais elle mentirait en disant qu'elle ne lui manquerait pas. Loreleï était surtout sincère, droite, avec le sens de la justice. Elle voulait faire comme Adèlys, mais elle privilégiait la pratique à la théorie...
- Tu sais... C'est la première fois en dix ans de vie ici que je vois une Grande Sanction...
Adèlys posa sa tête sur le bras de Lucy, les lèvres serrées, la gorge nouée. Voir une telle humiliation la dépassait. L'Institut pouvait-il faire pire ? Était-ce un meurtre public ? Ou juste un avertissement bougrement efficace ?
Elle expira tout ce qu'elle put, tentant vaguement de se détendre. Plus la situation avançait, plus son ventre la torturait. Il bougeait dans tous les sens et lui donnait envie de vomir.
Cet Institut lui donnait la nausée.
Si Loreleï meurt, alors Adèlys ne répondra plus de rien. Elle en voudra à son médecin, combien même il avait réalisé un de ses rêves quelques secondes.
Si Loreleï meurt, ce sera une partie d'Adèlys qui partira avec elle.
Si Loreleï meurt...
Si...
Elle avait compté sur lui pour puiser la force d'assister à ça. Mais maintenant il était parti. A tous les coups, il avait décidé que c'était le moment idéal pour faire une sieste... lâcheur. Qui allait être son pilier maintenant ? De qui pourrait-elle chercher le regard pour se donner du courage ? Elle serra les poings.
- Mademoiselle Dessanges, je ne comprends rien … qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Vous êtes certains que ce soit cette adolescente qui a tué une personne ? Et tant bien même … on ne bat pas les enfants, c’est le pire des apprentissages.
La voix de Nevrabriel la ramena à la réalité. A sa connaissance, il y avait bien eu un mort mais elle était prête à se couper une jambe si elle n'était pas accidentelle. Et puis, la petite n'avait simplement pas eu de chance. Au mauvais endroit, au mauvais moment. Pour la seconde patiente Zéro c'était autre chose. Mais au fond, il était toujours difficile de démêler le vrai du faux dans ce genre d'histoire à l'Institut. Et elle était bien d'accord avec la dernière phrase de l'Ecossais. Mais elle ne pouvait rien affirmer. Pourtant... Elle secoua discrètement la tête. De façon négative. Non elle ne pouvait pas avoir tué. Et non humilier un enfant en public n'était pas une façon de les éduquer. Non.
Elle sentit une main se glisser dans la sienne. L'adolescent était aussi perdu qu'elle, sinon plus. Elle la lui serra, autant pour lui donner du courage que pour se rassurer elle. Elle avait désespérément besoin d'un contact humain et de réconfort elle aussi.
- S’il vous plait … est-ce que vous pouvez faire quelque chose ?
Tout son corps se crispa et elle fut prise de tremblements incontrôlables. Elle s'efforça à respirer calmement, en vain. Comment lui dire ? Comment avouer son impuissance, qu'elle n'arrivait déjà pas elle-même à voir en face ? Les larmes lui montèrent aux yeux.
- Non...
Sa voix tremblait. Elle se tut. Inspira un grand coup.
- J'ai déjà fait... absolument... absolument...
Les mots sortaient péniblement. Chaque son émis lui faisait mal. Mais il devait comprendre qu'elle n'agissait pas par manque d'envie.
- J'ai déjà fait tout ce que j'ai pu.
Sa voix se brisa. Elle se força tout de même à continuer, même si la plupart des mots qu'elle prononçait disparaissait dans ce douloureux processus.
- Donatien... intraitable... Refuse de m'écouter... je...
Elle se tut. Leva les yeux au ciel à la recherche d'un soutien divin. Rencontra avant d'y arriver deux visages à la fenêtre d'un des bâtiments. Hyppolite et Katerina. Si les circonstances avaient été différentes, elle aurait été étonnée de voir qu'ils se connaissaient. Mais là, tout ce qui la frappa, c'est qu'ils se tenaient la main. Une colère sans nom prit soudain le relais de ses larmes. Alors c'était ça. C'était donc ça la disparition d'Hippolyte. Il pensait sérieusement que c'était le moment de flirter ?! Elle les fixa un moment, le regard haineux. Cet Institut la dégoutait. Le monde la dégoutait. L'être humain était vraiment répugnant. Elle vit soudain toute la scène de l'extérieur. Les deux personnes qu'elle appréciait le plus ici, à deux doigts de se bécoter, profitant de l'absence de surveillance dans les couloirs. Son patron, heureux comme un roi entouré de ses animaux domestiques au divertissement. L'homme le plus détestable qu'elle connaissait molestant une gamine s'évertuant à se défendre par l'insolence. Et au milieu de tout ça, tous ceux qui voyaient que ce n'était pas normal, et qui ne réagissaient pas. Elle en faisait partie.
Alors elle regarda Nevrabriel, soudain décidée, et se leva, sans lâcher sa main. Elle l'entraina à sa suite et alla chercher la petite Lucy qu'elle prit également par la main. Elle attrapa le fauteuil roulant d'Adelys et alla se planter devant Donatien.
- Monsieur Elpida ? Ce n'est plus possible. Je ne cautionnerais pas ces actes une seconde de plus. Et ce n'est pas la place de trois adolescents d'assister à ça.
Puis elle les entraîna vers les escaliers pour quitter l'estrade, non sans avoir invité mademoiselle Lavoir à les suivre. Si elle s'en allait, peut-être que d'autres allaient suivre. Et les bourreaux se retrouveraient bien cons sans leur public.
C'était de la provocation elle le savait. C'était risqué. Mais désormais la seule chose qui lui importait, c'était de mettre ses enfants en sécurité. Et de s'éloigner de cette maudite fenêtre et de ce qu'elle laissait voir.
La grande sanctionfeat.
La main de la jeune fille aux cheveux corbeau se posa sur la mienne. Son regard, elle saisissait clairement mieux que moi ce qui se passait ici. Était-ce courant? Non, bien sûr que non… Mais, après tout, comment pouvais-je bien le savoir? J’étais nouvelle ici, je ne savais rien, je n’avais toujours rien su. L’inconfort avait clairement gagné la bataille dans mon esprit, si la situation avait été différente, j’aurais remercié cette patiente d’accepter mon toucher.
À la pression appliquée sur ma main, je me doutais que la scène se déroulant à l’avant ne lui plaisait pas. Comment faisait-elle pour y porter attention? J’avais l’impression que je n'en étais pas capable.
Pourtant, je me forçais à lever un moment le regard, je ne voyais pas très bien, mais je vis avec soulagement que l’arme n’était plus au creux de la main du Docteur Barrabil.
La douce voix, m’ayant quelques minutes avant salué, revint chatouiller mon ouïe.
Tu sais... C'est la première fois en dix ans de vie ici que je vois une Grande Sanction...
Voulant la regarder suite à son intervention, je n’entamais pas mon mouvement. Ses mèches sombres, jurant avec ma blancheur, se déposèrent sur mon bras. L’adolescente avait laissé sa tête reposer sur mon bras. Sa chaleur me rassura, je pus réfléchir à sa phrase plus posément.
Dix ans… j'avais bien observé cette fille, elle semblait plus jeune que moi, elle devait être arrivé étant encore petite. Ce fait me rassurait en un sens, elle et moi partagions un point en commun, notre vie avait été confiné à des centres de soins. Mais cette information sur cette sanction, pour ne pas avoir été produit pendant tant d’années, il devait y avoir eu une circonstance exceptionnelle…
C’est donc vraiment si terrible…
Je n'avais pas voulu rajouter à son fardeau, mais c’était les seules paroles à avoir accepté de sortir. Si jeune, comme cette petite fille sur la scène, si jeune…
Je m’étais finalement résignée à regarder en direction des acteurs, quand une main pris celle qui me restait. Docile par habitude, accoutumée à être baladé. Je me détachais non sans regret de l’inconnue à mes côtés. Ma vision captant finalement Nev, lui aussi tenant la main de cette femme qui était apparue devant moi.
Je ne me demandais pas une seconde si je me devais de la suivre ou qui pouvait-elle bien être. Nev la suivait alors moi aussi.
Je lui fus intérieurement reconnaissante quand elle attrapa aussi le fauteuil de ma voisine. Ce visage doux encadré d’un rideau noir, je ne voulais pas partir en la laissant seule. À mon étonnement nous nous arrêtons face à notre médecin.
Il avait l’air de s’ennuyer ferme, pourquoi cette dame nous conduisait telle au-devant de Monsieur Elpida? C’était irrespectueux de cacher la vue pendant un « spectacle ». Et cet homme immaculé m’avait bien dit qu’il ne tolérait pas le manque de respect.
Non, peut-être était-ce à sa demande justement que l’adulte nous avait rassemblés. Cette hypothèse s’envola rapidement .
Monsieur Elpida ? Ce n'est plus possible. Je ne cautionnerais pas ces actes une seconde de plus. Et ce n'est pas la place de trois adolescents d'assister à ça.
Je me laissais entrain sagement, le sens de ses mots ne percutant dans mon esprit qu’une fois les escaliers proches. Je tournais vivement la tête en direction de mon médecin, l’aire égarée, mes mèches humides s’accrochant à mon visage.
(c) Never-Utopia
Groupe : La FamilleDate d'arrivée à l'Institut : 20/02/2018Age : 25
Il avança une nouvelle fois d'un pas. Loreleï prit sur elle pour ne pas en faire un en arrière. Elle restait droite. La pluie coulait sur son visage, ses vêtements lui collaient à la peau, épousant ses côtes saillantes. Ouais, elle avait déjà l'air assez vulnérable comme ça pour laisser ce petit con de médecin lui faire peur.
« On t'a arrêté parce que tu as aidé au meurtre d'un garde ! »
Loreleï eut deux réactions : la première fut la surprise. La mâchoire qui s'ouvre si grand qu'on aurait pu la croire déboîtée et les yeux écarquillés, prêts à jaillir de leur orbite.
Puis ce fut la colère. Ses traits doux se crispèrent, elle serra les dents et fronça les sourcils, une ride apparaissant alors sur son front. Non seulement, sanguine, elle réagissait facilement à la colère d'autrui, mais en plus il osait l'accuser de quelque chose qu'elle n'avait pas commis !!
Elle n'allait pas le laisser faire croire qu'elle était complice de meurtre ! C'était ce dont on l'accusait depuis le début et il était hors de question que des patients croient ce putain de médecin !
Il fit un nouveau pas en avant, elle ne bougea pas. Elle l'écouta, ses muscles se durcissant au fur et à mesure de son discours. Elle devait assimiler ce qu'il disait, l'écoutait jusqu'au bout. Si elle lui coupait la parole, alors ce ne serait pas le combat de qui aurait le meilleur argument mais de qui gueulait le plus fort. En plus, elle n'avait pas grand chose de pertinent à rétorquer. Il jouait de ses mots, lui renvoyait la balle. Bien joué, sale type.
Elle se surprit à réfléchir, à ne pas agir comme son instinct le voulait. Cette cause devait vraiment lui tenir à cœur.
« Donc est-ce vraiment moi qui suis lâche? Tu te bases sur des caractéristiques physiques pour dire que c'est toi l'innocente alors que tu as tué un garde? »
Elle l'entendit souffler quelque chose mais ne perçut pas clairement le mot. Et parce qu'il semblait avoir terminé son petit monologue de diva, elle leva le bras. Les doigts écartés, elle montrait le dos de sa main au public. Celui avec la cicatrice de la balle.
Son visage ne montrait plus que de la détermination. Evidemment, sa colère luisait encore au fond de ses yeux mais elle avait déserté le plus gros de son visage.
Elle prit une profonde inspiration pour parler fort, très fort, encore plus fort que les murmures qu'elle crut entendre dans la foule.
« On est passé de "tu as aidé au meurtre" à "tu as tué un garde" ? Revoyez vos faits de l'histoire doc', vous nous perdez tous. »
Elle eut un sourire insolent. Elle n'en dirait pas plus. Elle n'avait pas envie de pointer Maya du doigt, car même elle n'avait pas voulu tuer ce mec. Elle pâlit en repensant à ce corps vide lui tombant sur le dos, au goût du sang, ce goût métallique infâme qu'elle n'avait pas voulu goûter, puis se ressaisit.
Elle descendit de l'estrade et s'approcha de la foule. Si elle ne la touchait pas ou ne montrait pas une intention de sortir de sa cage, les gardes n'avaient pas à réagir. Elle les sentit sur le qui-vive quand même.
Là, elle passa devant les patients, leur montrant le plus clairement possible sa cicatrice. Sa voix était toujours très forte pour passer au dessus de l'averse.
« Mais parlons lâcheté vue que c'est ce qui nous intéresse. Selon vous, est-ce lâche de tirer dans la main d'une patiente seulement parce qu'elle n'a pas su prononcer correctement votre nom de famille ? Tout ça dans l'bureau du docteur Elpida en plus. Y paraît que vous avez sali son sol et qu'il était pas très jojo après ça. »
Elle devenait carrément insolente. Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Qu'on l’humilie, d'accord. Mais qu'on ne l'accuse pas de quelque chose qu'elle n'avait pas commis ! Surtout quand, en face d'elle, il y avait pire.
Elle répondit alors toujours sur le même ton qu'avant comme quoi on l'accusait à tort et que la raison pour laquelle on l'accusait avait varié. La patiente enfermée continua en se rapprochant de la grille, montrant sa cicatrice aux claires, accusant à son tour Ange d'avoir tiré dans sa main. Malgré sa posture elle continuait le combat et Nadia en était impressionnée. Comment pouvait-elle garder la tête haute après tout ce qu'il s'était passé? C'était sûrement la question que tout le monde se posait actuellement. Pourtant, tout le monde pouvait y répondre, elle y arrive par ce que c'est Loreleï, sûrement la personne la plus forte de tout l'institut. Mais, ce qui mit Nadia en rogne était le fait que la personne ayant organisé ça, docteur Elpida, avait l'aire de s’ennuyer comme s'il regardait un mauvais filme au cinéma. Nadia se demanda si au finale ce n'était pas une mauvaise idée. Elle hésitait mais quand elle vit Loreleï derrière la grille elle ne put se retenire.
Nadia commença à bouillonner gravement, elle se rassura en se disant que c'était le moment parfait pour passer à l'action puis sortit de sa cachette en criant :
-BANDE DE BÂTARD, PERSONNE VIENS L'AIDER?
Le garde l'interceptèrent et la repoussèrent et la firent tomber. Elle continua en essayant de taper mais sans pour autant réussir. Les gardes commençaient à s’énerver mais elle continua jusqu’à se qu'elle se fasse braquer par leurs canon. La violette se rendis compte de l'idiotie qu'elle venait de faire et chuchota un :
-Et meeeerde....
UNE PUNITION BIEN MERITEE
Ces fruits secs étaient délicieux. Surtout l'abricot. Lui qui d'habitude paraissait rêche en bouche et désagréable, bien trop juteux pour qu'on le savoure correctement, et ce noyau au milieu qui empêchait la bouche de croquer pleinement ; était d'une douce acidité. Donatien se délectait de ce fruit sans trop accorder d'importance aux alentours.
Il en était à savourer tranquillement son abricot sec quand, soudainement, sa petite bulle apaisante fut bousculée. Une tornade nommée Agnès Dessanges lui vola ses trois patients, l'air de rien. Puis elle se planta face à Donatien avec une expression qu'il lui avait rarement vu - en même temps avec la pluie sur les lunettes, on ne voyait pas grand chose de son regard. A vrai dire, avec ses traits crispés, Donatien avait l'impression qu'elle était en colère, mais il n'en était pas certain. Et si c'était le cas, qu'est-ce qui pouvait bien l'énerver ainsi ? Etait-ce parce qu'il l'avait séparée d'Ange ? Décidément, cet amour était nocif.
- Monsieur Elpida ? Ce n'est plus possible. Je ne cautionnerais pas ces actes une seconde de plus. Et ce n'est pas la place de trois adolescents d'assister à ça.
Mais de quoi parlait-elle ? Parfois, Donatien avait l'impression que sa secrétaire lui parlait une autre langue. Et qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Comme si ces trois patients allaient partir alors qu'ils étaient parfaitement heureux ! Ils étaient heureux, n'est-ce pas ?
Alors que sa secrétaire emportait ses trois chéris avec elle, Donatien se leva subitement. Droit, l'air dur, il se remplit les poumons. D'une voix pleine et autoritaire, comme il l'avait rarement, il appela sa secrétaire :
- Dessanges.
L'ombre d'un arbre dissimulait une partie du visage de Donatien. De plus, il était le seul à ne pas être trempé par la pluie, un surveillant lui tenant un parapluie. Debout, en hauteur, il pouvait voir de haut chaque personne. Et surtout, il avait le visage de ses trois patients. Trois patients heureux.
Maintenant qu'il avait interpellé sa secrétaire, maintenant qu'il avait l'attention sur lui, il pouvait sonder chacun de ses chouchous. Dans le silence, tandis que la petite Z01 faisait son tour de piste, il pénétra le regard de son Lys. Tu étais heureuse, Lys, non, aux côtés de ton médecin ? Tu ne voulais pas partir ? Après tout, tu étais auprès de cet homme depuis dix ans. Il était certainement celui qui te connaissais le plus. Et surtout, il avait réalisé ton rêve. Pourquoi partir ?
Enfin, il divagua vers Pavot. Pavot, petit pavot, tu étais tout aussi content, n'est-ce pas? Tu voulais rester ? Donatien t'aidais tellement, encore récemment il t'avais fait surmonter une violente hallucination. Il s'occupait si bien de toi depuis déjà un bon moment, pourquoi le laisser ?
Et enfin, il plongea dans les abysses oculaires d'Edelweiss. Toi aussi, petit bourgeon, tu étais heureuse ? Toi aussi, tu voulais rester ? Après tout, Donatien ne te faisais pas de mal. Il t'avais accueillie les bras ouverts, t'avais offert une place de choix, et t'écoutais avec soin lors des séances. Tu ne partirais pas, non ?
- Laissons-les décider de leur place, non ?, dit-il d'une voix glacée à Dessanges.
Puis il soupira. Il ne pouvait pas laisser sa secrétaire l'affronter ainsi en public. Il ne pouvait pas ne pas réagir. Il était son supérieur hiérarchique, il devait le mettre en évidence. Seulement, il ne voulait pas ; non, il ne pouvait pas virer Agnès. Qui lui apporterait son thé le matin, s'occuperait des papiers encombrants et réparerait son ordinateur en cas de panne sinon ?
Il se pinça l'arrête du nez, désabusé. Il n'avait pas quitté sa place, et il allait être plus bavard que d'ordinaire. De plus, il s'efforça à paraître confiance et audacieux, s'exprimant avec force.
- Voyons Dessanges, ne m'obligez pas à sévir. Laissez-les revenir et excusez-vous, sinon vous me verrez obligé de vous attribuer un périmètre de sécurité auprès de ces trois patients.
Il haussa les épaules, l'air de dire qu'il était désolé alors qu'il ne l'était pas. Agnès était beaucoup trop attachée aux patients de l'institut. S'il pouvait la refroidir un peu, à la bonne heure.
Le médecin voulut grignoter pour aller mieux, mais son paquet de fruits secs était tombé. Tss, ça tournait mal tout ça.
La grande sanctionfeat.
Comme si son assise l’avait brûlé, il se leva soudainement. Le corps encore plus droit que d’habitude, l’aire tranchant il s'adressa à la jeune secrétaire.
Dessanges
Je ne pus me retenir de me raidir au ton de sa voix. Lui qui semblait si détaché en cette situation, avait vivement changé d'attitude. Da prestance semblait presque irréel, au sec parmi toutes ses personnes détrempées.
Laissons-les décider de leur place, non ?
J’étais presque heureuse de ne pas être cette mademoiselle Dessange, mais j’étais surtout désolée pour elle. Lui parlait-elle toujours ainsi? Le Docteur Elpida n’était pas particulièrement mielleux avec moi, mais jamais il n’était aussi glacial. Il était même plutôt attentif.
Voyons Dessanges, ne m'obligez pas à sévir. Laissez-les revenir et excusez-vous, sinon vous me verrez obligé de vous attribuer un périmètre de sécurité auprès de ces trois patients.
Se pinçant le nez il ajouta avec fermeté toujours à l’intention de la dame. Je regardais le visage froid de ce médecin qui était le mien, l'acte de cette femme l’avait clairement dérangé. Un périmètre de sécurité, j’avais l’impression désagréable d’être considéré comme un meuble. Je chassais cette idée de mon esprit, non, c’était ridicule. Je quittais finalement l’homme du regard pour le posé sur ma nouvelle connaissance. Ses cheveux noirs encadrant son visage tracassé. Elle n’avait pas semblé à l’aise face à ce spectacle funeste, comme tous sans doute. Enfin sauf le Docteur Elpida. Je ne serais pas fâchée de quitter cette estrade, mais l’avertissement de mon médecin me faisait douté. Allait-il vraiment m'en vouloir si je quittais cette représentation? Cette dame en serait-elle punie?
D’un côté, sans trop le comprendre, je souhaitais que cette jeune fille en chaise roulante quitte cet endroit, de l’autre, je craignais de décevoir cet homme immaculé.
La vision d'une jeune femme assise me fit choisir, mademoiselle Astrid toujours figée sur sa chaise. Je ne la laisserais pas seule ici. Certes je n’irais pas à ses côtés, mais au moins je ne me sauvais pas.
Je me penchais à hauteur de la jeune femme aux mèches ébène. Posant un moment ma main sur la sienne.
Je suis désolée, je-je vais y retourner…
Je ne connaissais pas la raison exacte pour laquelle je demandais pardon, j’en avais tout simplement ressenti le besoin.
Tout va bien aller, sois courageuse…
Je posais un furtif baisé sur sa chevelure. Cet évènement me rendait bizarre, je n’avais pas envie que cette jeune fille se sente mal, elle comprenait bien mieux que moi l’importance de cette sanction. J’ignorais l’étrangeté de mon comportement puis je rebroussais chemin en direction des chaises. Jetant un regard à mon médecin, puis à l’accumulation de fruits secs sur le sol. Je me penchais rassemblant les morceaux éparpillés en un petit tas. Décidément, toutes les raisons étaient bonnes pour me distraire de cette situation. Me relevant, je pris finalement la place où Nev était anciennement installé.
(c) Never-Utopia
Groupe : La FamilleDate d'arrivée à l'Institut : 20/02/2018Age : 25
De la rage ? Elle se demanda ce qui énervait Agnès. La nature calme et volontaire de la secrétaire lui revient en mémoire. Elle connaissait peut-être la patiente qui allait être punie. Mais de là à ressentir de la rage ? Sans vraiment en connaitre le sens, Katerina se souvenait vaguement d’avoir déjà pu observer ce processus de très près.
- Et en vérité, je m'en fiche.
Lorsque sa main toucha celle de la jeune femme, elle sentit quelque chose dans son estomac. Cela la chatouillait. Elle regarda avec curiosité leurs deux mains qui se superposaient. Hyppolite avait de grandes mains, et les doigts plutôt fins pour un garçon. Il aurait pu faire du piano sans trop de difficulté. Il avait la peau douce, ce qui semblait étonnant vu le travail difficile qu’il faisait. Elle resta là, un sourire sur les lèvres, profitant de la douceur du moment. Elle ressentait une irrésistible envie de se blottir dans les bras d’Hyppolite. Une envie étrangère à ce qu’elle n’avait jamais connue. Elle baissa les yeux vers la scène, rougissante.
Elle avait croisé son regard une demi-seconde. Elle se serait tournée juste avant ou après, et elle n’aurait jamais lu ce qu’elle avait cru lire dans celui de la secrétaire. De loin, elle aurait eu du mal à distinguer cette expression, si elle lui avait été inconnue. Mais ce n’était pas le cas. Elle se serait écartée brusquement d’Hyppolite si elle n’avait pas eu un sang-froid à toute épreuve. Au lieu de cela, elle referma ces doigts sur la main de l’homme. Et vient se cogner contre lui, agrippant son t-shirt de sa main libre.
Elle le fixa paniquée. Ces yeux semblèrent soudains d’une froideur sans nom alors que son visage ondulait. Elle pâlit d’avantage. Elle voulut lui demander si c’était lui. Elle crut murmurer un « Andrei ». Mais aucun son ne s’était échappé de sa bouche. Le temps d’un battement de cil et Hyppolite se tenait de nouveau devant elle. Elle n’eut même pas le temps de s’accrocher à l’illusion. Elle resta sans voix. Incapable de comprendre ce qu’elle avait bien pu faire cette fois ci. Elle resta là, se demandant ce qui venait de se produire. Fini par se rappeler qu’elle était accrochée à Hyppolite.
- Je suis désolée.
Ce n’était pas possible. Elle rougit et releva la tête pour le plonger dans les yeux d’Hyppolite, qui avait retrouvé leurs chaleurs rassurantes. Elle s’écarta timidement, lançant un second regard à la fenêtre. Agnès ne regardait plus dans leurs directions. Mais son regard lui avait rappelé un moment qu’elle aurait préféré oublier. Un jour où son monde avait cessé de tourner.
Lore parlait, déclenchant des réactions parmi les patients. Il vit Alexander murmurer, les murmures se propager. Agnès plus loin, semblait entrainer derrière elle Nev et deux autres jeunes. Elle semblait en colère. Quelques autres jeunes commençaient à la suivre. Tous ces mouvements, toutes ses voix. Difficile de se concentrer dessus. Cela commençait à fatiguer Aeden. Il avait du mal à se concentrer. Il se passa la main sur le front, en profita pour repousser ces mèches rebelles.
Tout le monde s’acharnait, alors que suivre le mouvement aurait été moins douloureux. Aurait fait moins de vagues. Si tous continuaient à s’énerver, l’institut agirait. De sa main de fer. Lore souffrirait plus. Il ne voulait pas que les choses tournent mal. Le garçon devait agir. Même si cela signifiait s’aplatir face au désir de l’institut. Il fallait calmer le jeu.
A commencer par la demoiselle qui fonçait tête baissée dans les gardes. Il regarda Amalia, Dante et la petite créature qui s’accrochait à lui. Les laissa planter là, n’ayant pas suivi la suite de la conversation. Espéra que Dante ne ferait pas de bêtises, et qu’il ne lui en voudrait pas de s’en aller si soudainement. Il se fraya un passage entre les patients et s’avança jusqu’à l’avant. Elle était là. Par terre. Avec ces cheveux colorés qui trainaient dans la poussière.
Il s’approcha doucement, sans geste brusque, pour montrer qu’il n’avait aucune mauvaise intention. Ce n’était pas le moment de provoquer les gardes. Il prit sa main et la tira en arrière, l’aidant à se redresser. Il eut la chance que les gardes le laissèrent faire, probablement soulager de s’en débarrasser. De toute manière, ils avaient sans aucun doute relevés son matricule. Elle allait avoir des ennuis tôt ou tard. Il la tira à sa suite, serrant sa main sur son poignet, comme on ramène un enfant qui aurait mal agit. C’était la seule chose qu’il pouvait faire pour le moment.
-Ce genre d’action ne s’improvise pas petite. Tu devrais apprendre à réfléchir avant d’agir.
Il avait parlé sèchement, comme un papa fâché. Elle devait comprendre qu’elle ne pouvait pas se mettre en danger de cette manière. Et il ne pouvait s’empêcher de ne pas apprécier l’agitation ambiante. Il se radoucit un peu, conscient qu’elle devait s’être fait peur, ajoutant juste :
-A quoi est-ce que tu pensais ?
Bon Dieu, qu'elle était conne. Et il perdait un tantinet sa patience. Elle était présente pour se faire punir, non pas pour clamer ses débilités. "Oh non, j'ai juste aidé au meurtre, donc je n'ai tué personne, hihi!".
Il avait tant envie de la claquer et de coudre sa bouche. Et de lui couper la langue. Au moins, il serait certain qu'elle ne montrerait plus sa connerie au monde.
Mais surtout, elle l'avait appelé "doc' ". Quel. Manque. De. Respect.
Sa main droite le démangeait encore plus. Il ne devait pas saisir l'arme. Il ne devait pas.
Surtout lorsqu'il la vit descendre de l'estrade. Là, c'en était de trop.
D'un pas lourd et sévère, il s'approcha rapidement de cette patiente qui continuait son monologue absurde et incohérent.
Il agrippa le haut de son uniforme et, avec la force de ses deux bras, la souleva pour finalement la lancer sur l'estrade.
Il n'en avait plus rien à foutre. Elle était irrespectueuse. Insolente. Mais surtout : elle défiait l'Institut.
Il ne voyait même pas que Donatien ne l'observait plus, lui et la patiente. Il n'entendait pas les quelques murmures qui se propageaient.
Tout ce qu'il entendait était son cœur battre dans son crâne, en harmonie avec cette pluie.
D'un geste vif, il sortit l'arme et la pointa sur Z01. Le métal du revolver ne le dérangeait plus. Les souvenirs auxquels il était lié non plus.
Il avait atteint sa limite, et clairement, son regard exprimait tout sauf de l'amour.
- Premièrement, Z01, vu que tu as 14 ans, clairement tu ne sais pas encore faire la différence entre "aider au meurtre" et "tuer". Sache que, dans ton cas, c'est exactement la même chose. C'est comme, je sais pas, regarder d'un œil curieux un viol sans appeler les secours. C'est comme si tu avais violé la personne...
Il s'énervait à lui expliquer, alors il se coupa lui-même.
- Mais clairement, ce n'est pas la question.
Le ton avait été sec. Ses doigts se crispèrent, menaçant d'appuyer sur la gâchette.
Il continua, toujours l'air en colère.
- Et puis, durant ton évasion, il me semble qu'un autre garde a subi tes coups, non? Tu t'amuses à frapper ou à tuer les forces de l'ordre?
Il la menaça davantage en s'approchant d'elle, les yeux si vides d'humanité qu'il en devenait un monstre de rage.
Il en avait assez entendu d'elle.
- Donc. Qui sont tes complices?
Et puis, sans prévenir, le docteur Ange la saisit par le col. Elle poussa un hoquet de surprise. Elle se retrouva dans les airs, à battre des pieds pour être reposée. Elle gesticulait, se débattant pour qu'il la repose. Elle pesta, gueula, ses mains autour des bras du médecin pour qu'il la relâche. Sa voix aiguë transperça l'air mais fut sûrement étouffée par l'averse.
Elle devait avoir vraiment énervé le médecin car il la lança sur l'estrade. Elle perdit ses lunettes dans la chute et se heurta le dos. Elle crut entendre un craquement mais l'ignora. Elle toucha sa clavicule déboîtée pour vérifier que tout allait bien de ce côté-là.
Elle se releva, un peu sonnée avant d'écarquiller les yeux de surprise. Elle avait trop titillé le médecin car il pointait désormais l'arme vers l'adolescente. Elle déglutit péniblement tandis qu'elle l'écoutait l'insulter, encore et toujours. Elle s'essuya le front. Elle était trempée. Ses vêtements étaient lourds et sa chevelure plus longue ne cessait pas de venir se coller à son visage, sa nuque, son col. Elle repoussa tout d'un geste de la main. On pouvait alors mieux voir ses airs déterminés. Elle ne voyait plus Aeden ou Alexander sans ses lunettes mais elle les imaginait, et ça lui suffisait.
« Et puis, durant ton évasion, il me semble qu'un autre garde a subi tes coups, non? Tu t'amuses à frapper ou à tuer les forces de l'ordre? »
Elle grimaça. Il n'avait pas tort. Mais ça avait été de la légitime défense cette fois-là.
Il s'approcha et Loreleï se tendit. Il ressemblait à une créature néfaste. Elle avait toujours eu peur du monstre sous le lit dans son enfance. Voilà qu'il était sorti de sa cachette pour se tenir face à elle.
Elle ferma les yeux et inspira profondément. Il était temps de vaincre ses peurs et de grandir. Il était temps de défendre ses idées. Il était temps de prendre des risques, des vrais.
« Donc. Qui sont tes complices? »
Il était temps de protéger ceux qu'elle aimait.
Elle s'approcha du médecin, il tenait toujours le revolver. Avec le regard mordant, elle s'en approcha. Là, elle y colla son front. Son souffle était rauque, difficile à prendre. Et un sourire mesquin lui barra le visage. Elle voulait que Barre-à-bile ait cette image-là dans la mémoire, elle voulait que lui, tenant un flingue sur la tronche d'une gamine soit une vision venant hanter ses nuits. Ca lui ferait sûrement ni chaud ni froid mais elle voulait devenir ses cauchemars, tout comme il était devenu le leur.
Puis d'une main, celle qu'il avait blessé quelque mois auparavant, elle fit descendre le canon vers son ventre.
« Plutôt crever. »
Son rictus s'agrandit, mesquin.
Elle avait un peu peur. Elle tremblait sous ses vêtements. Mais si elle voulait défendre ses idées. Si elle voulait que tout se remue il fallait qu'elle choque les esprits. Ceux des patients qui attendaient un déclic avant de bouger, et ceux du personnel qui n'osait pas encore trop se prononcer. C'était peut-être utopique et naïf, mais elle avait toujours fonctionné comme ça. Que voulez-vous, elle avait toujours été butée.
Elle montrait donc clairement un visage insolent, du genre des gosses qu'on a envie de claquer tant ils manquent de respect. Le genre de visage où il n'y a que la violence pour l'effacer. Et puis elle articula, mauvaise :
« Ba-na-boule. »
Et pour bien insister, elle lui tira la langue et lui montra son majeur. C'était p'tet trop lourd, mais ce serait p'tet efficace.
Il était temps de se laisser vivre.
Elle n'allait pas faire long feu, si elle continuait dans cette voie-là. Elle allait m'énerver au plus au point, c'était sûr. Il fallait que je garde le contrôle, mais ma main tremblait. Elle tremblait au point que l'arme tremblait avec elle. Pas parce que j'avais peur, mais parce que j'étais furax. Mon cerveau n'arrivait plus à réfléchir. C'était comme si j'avais enfermé la raison dans une cage, et que la rage en avait profité pour prendre le contrôle. Elle était en train de gagner du terrain. D'abord dans mon crâne, puis dans ma gorge, et elle descendait dans mes intestins et mon estomac. Elle retournait mes organes dans tous les sens, arrangeant l'endroit à sa convenance.
J'étais tellement en colère que j'avais un mal de crâne atroce.
Je ne me contrôlais plus. Ce n'était pas moi.
Si il y avait bien un côté de moi-même que je haïssais, c'était mon impulsivité. Bien que j'étais capable de mener en bateau les plus naïves des femmes, je n'arrivais pas à garder la barre quand il s'agissait de moi. C'était toujours quelqu'un d'autre qui dirigeait le navire Ange.
Elle descendit le canon de l'arme sur son ventre, comme si elle voulait aider la rage à tirer.
« Plutôt crever. »
Voilà qui confirmait la chose. Je pensais qu'à cet instant, elle voulait en finir, se suicider. Mais elle ne faisait que de la provocation, encore et toujours. J'y ai quasi toujours répondu, comme si c'était notre seul moyen de communication entre Z01 et moi.
A croire que c'était le destin.
Je ne comprenais même pas pourquoi elle souriait. Elle avait une arme pointée sur elle, un homme franchement énervé "prêt à tirer", mais elle se contentait de sourire comme une débile. C'était le genre de personne à se jeter dans le vide en disant :"Mais y'aura un sol en bas, je réussirai à me réceptionner!".
« Ba-na-boule. »
J'aurais pu me contrôler. Vraiment. Mais disons que la déformation de mon nom de famille, cette langue et ce doigt... Ont... Provoqué une réaction naturelle chez moi. Mon poing gauche s'est resserré, sauf que ma main droite a suivi. Tous mes muscles s'étaient contractés en même temps. Toutes les phalanges de ma main droite ont voulu rejoindre ma paume... Même mon index. Et là, un bruit que je ne connaissais que trop bien. Trop bien.
Sourd, violent, qui a provoqué un recul de mon bras. Même moi j'étais surpris de ce que j'avais fait. Je n'avais pas l'intention de tirer...
Ma vision s'était brouillée, mon ouïe était partie en vacances, ma bouche a décidé de ne plus sécréter de salive. Je me sentais sec malgré la pluie. Je me sentais... Vide. Ma main droite était toujours resserrée sur le manche du truc métallique, et elle ne voulait plus la lâcher. Combien même j'avais envie de la jeter loin, très loin de moi. Objet de meurtre vomitif.
Le but d'un médecin, vous me direz, c'est de soigner les patients. Pas de les blesser.
Alors qu'est-ce que je venais de faire? J'avais envie de vomir. J'avais la nausée.
Je ne savais même pas où précisément j'avais tiré. L'estomac? Les intestins? Le foie? Les reins peut-être? Le pancréas?
J'avais envie de retirer tous mes vêtements et de rester sous une douche chaude, puis froide, puis chaude, et ainsi de suite.
Finalement, le bruit qui m'assourdissait commencer à s'évaporer. Je commençais doucement à écouter la pluie tomber sur le sol, le silence ambiant...
Ma vue était cependant toujours brouillée. Je voyais une tâche rouge qui s'agrandissait et cette fillette par terre.
J'ai eu l'idée qu'effectivement, j'étais un médecin. Que mon rôle était de sauver des vies. Et donc que, même si cette famine me soûlait au plus haut point, elle ne méritait pas de mourir. Et certainement pas de ma main.
Alors je m'accroupis et retirai ma veste pour l'enrouler autour de la taille de Z01. La pluie venait tremper ma chemise blanche, désormais à la merci du temps. Je déglutissais, toujours avec cette envie de vomir.
J'ai ensuite pris l'initiative de prendre le pouls de Z01. D'abord au poignet. Mais j'avais toujours ma main prenant en otage cette chose. Alors je le fis de la main gauche. Je tremblais. Je ne sentais rien. Je mis ça sur le compte de la pluie, puis retentai au niveau du cou. Rien.
Je respirai fort. Vite.
Mon estomac se retournait dans tous les sens.
J'avais même envie de pleurer. Même de hurler.
Rien ne sortait. Rien ne voulait sortir. J'avais même encore l'espoir de sentir son pouls battre.
C'est là que tous les cauchemars qui m'avaient pris mes heures de sommeil me revinrent en mémoire.
Je devais avoir l'air très calme. Parce que malgré tout ce que je pensais, je ne bougeais pas. Malgré tout ce que je ressentais, je ne bougeais pas. Je crois que j'aurais du, le liquide rouge tâchait mon pantalon et mes chaussures.
J'ai pris tout l'air que je pouvais par ma bouche une fois seulement, avant de finalement me relever.
La pluie ne me lavait pas.
La pluie ne me laverait plus.
La pluie pleurait.
Et peut-être cachait-elle les larmes qui coulaient. Était-ce les miennes ou celles des autres? J'étais bien incapable de dire.
Je n'entendais plus rien. Je n'avais envie de ne rien entendre. De ne rien voir. De ne rien sentir. Même plus de parler.
Je voulais vomir.
Même juste mes sucs gastriques.
Au final, mes doigts décidèrent de lâcher l'arme. Elle retomba dans un bruit sourd sur l'estrade que je n'avais pas entendu. Tout ce que je sentais, c'était que ma main était libre. Mais tâchée. Couverte d'un sang et tenant un cœur en arrêt, tous les deux tout aussi invisibles. Mais moi, je les sentais.
Je ne savais pas comment réagir, alors la seule chose que je fis était de reculer de quelques pas.
Je voulais vomir.
Son instinct de grand frère protecteur ne fit qu'un tour. Il se baissa, ramassant un gros caillou et le lança sur le médecin. Mais il rata sa cible. Son regard se dirigea sur le vigile qui avait attrapé son poignet. Il avait anticipé sa réaction.
- Connard.
Il ne savait pas s'il l'avait dit à voix haute ou non. Et il s'en fichait profondément. De toute façon, il transpirait la haine. Et la peur.
Son attention se redirigea vers l'estrade alors même que le vigile faisait en sorte de l'immobiliser tout à fait. Ses yeux effarés étaient rivés sur l'horreur qui lui faisait face. Sa soeur, fanfaronne, le ventre collé à la gueule d'un canon.
"Tais-toi Lore je t'en prie tais-toi !"
Le Génie, lui, était déjà convaincu qu'elle ne pourrait pas s'empêcher de l'ouvrir. Mais impuissant, il ne prononçait plus un mot depuis un moment.
Et comme si c'était inévitable, le pire arriva. La détonation. Un corps qui s'effondre. Un bruit à vriller les tympans. Un cri ? Était-ce le sien ?
Alexander ne sut jamais comment il sut se défaire de l'emprise de l'armoire à glace ni comment il réussit à arriver sur scène. Peut-être que la détresse, l'adrénaline lui avait conféré quelques capacités surhumaines, comme pour ces mères qui protègent leurs enfants. Ou peut-être tout simplement que la surprise - le choc - avait eu raison de l'entraînement des forces de l'ordre. Probablement un mix des deux. Toujours est-il qu'il sauta par dessus la barrière et bouscula Ange Barrabil sans aucun ménagement, le jetant presque au sol, ne lui prêtant aucune attention. Il aurait pu être tenté de le buter à son tour. Profiter de l'abassourdissement général pour venger ce qui allait devenir l'assassinat de Loreleï Hexe. Il le regretterait amèrement plus tard. Mais pour l'heure, une seule chose importait : sa soeur.
Il se jeta à genoux à ses côtés et chacune des deux personnalités se mirent à faire ce qu'elles faisaient de mieux. Coopérer. Le Génie donnait des ordres, Cap s'exécutait.
Comprimer la blessure. Empêcher le sang de couler. Rassurer la victime jusqu'à l'arrivée des secours. La faire parler. Le Génie connaissait le protocole par coeur.
"Parle lui Cap ! Fais la parler !"
"Je... je..."
Cap était à moitié en train de pleurer.
"Bien sûr que si tu en es capable ! Alors ferme ta gueule et obéis imbécile !"
Cap tenta tant bien que mal de ravaler ses larmes. Les mains en compression sur le ventre de sa petite soeur, sa petite soeur chérie, il essayait de retenir le précieux fluide entre ses doigts et d'articuler quelques mots.
- Tu te souviens p'tit Caïd ? C'est... C'est comme quand on jouait au docteur... Finit-il par dire entre deux sanglots.
« Je suis Loreleï Hexe. Tu n'es pas obligé de te souvenir de ma tête, mais souviens-toi de mon prénom. »
Il était incapable du moindre geste. Les yeux rivés sur elle.
« Héhé, je ne perds jamais aux jeux »
Elle avait perdu pourtant. Elle avait perdu. Il lâcha le poignet de la jeune fille qu’il tenait. Les bras ballants, il avait l’impression de tomber. Mais il ne bougeait pas. C’était une sensation terrible. Il avait le vertige.
« Moi, je voulais être cosmonaute. Ça doit être chouette de pouvoir toucher les étoiles. »
Il leva les yeux au ciel. Est-ce qu’elle avait pu la voir ? Est-ce qu’elle avait pu voir la première étoile qui s’était mise à briller, malgré qu’il ne fasse pas encore vraiment nuit. Est-ce qu’elle…. Il sentait ces jambes trembler. Pourquoi est-ce qu’il avait le sentiment que s’était lui qui s’était pris une balle ? Pourquoi est-ce qu’il ne parvenait pas à faire le moindre mouvement ? Pourquoi est-ce qu’il n’allait pas dans sa direction. Il devait l’aider... il devait…
« Pff, tu es un mauvais prof', alors je repenserais pas à nos entraînements, non ! »
Lore… est-ce que… j’ai été un bon ami ? Aeden serra les poings. Pourquoi osait-il se poser une question pareille ? Plus aucunes informations n’avaient de sens. Plus rien ne concordait. Pourquoi ? Pourquoi était-elle en train de…il crut qu’il allait vomir mais il n’en avait pas la force. Il se contenta de rester immobile. Comme une statue. Peut-être qu’il avait compris, mais qu’il était incapable d’accepter la vérité.
« Tu sais, j'étais un peu flippée quand je t'ai vu et j'étais hyper déprimée. Mais t'es trop cool. Vraiment ! »
Non. Il n’était pas cool. Il avait… il était… il… Son regard vert fixait la scène sans la voir. Alexander s’était précipité, évitant les gardes qui semblaient presque aussi sonné. Aeden assistait à la scène, comme d’habitude, sans y participer. Il entendait pourtant une voix hurler dans son esprit. Il aurait voulu détourner les yeux mais il ne put se résoudre à autant de lâcheté.
« Quand j'étais petite, je jouais beaucoup aux ninjas. C'était plus facile de s'évader à ce moment-là. Ça l'est beaucoup moins aujourd'hui »
Elle avait raison. Elle avait toujours eu raison. Ce n’était pas facile de s’évader. Il fut surpris de parvenir à reculer d’un pas. C’était lui qui lui avait insufflé cette envie d’évasion alors qu’elle regardait vers le sol. Il l’avait aidé à relever la tête.
C’était impossible. Il n’avait pas pu faire ça.
« A une prochaine fois, camarade ! »
Non. Non. Non. Il regarda autour de lui. C’était un tourbillon de couleur. De sons. D’odeur. Intolérable. Il repéra des visages qui le connaissaient. Que lui ne parvenait à reconnaitre. Il eut un hoquet douloureux. Pourquoi est-ce qu’il avait envie de s’enfuir ? Pourquoi n’était-il pas capable d’aller aider Alexander ? Il recula d’un pas encore. Son cœur battait dans ses tempes. Et se savoir en vie lui sembla soudainement intolérable.
Il ne pouvait assister à ça. Il ne pouvait être complice de ça. Il ne pouvait être coupable de ça.
Il s’en voudrait probablement toute sa vie mais il le fit quand même.
Prendre la fuite. Une fois encore.
Un jour comme les autres, je suppose |
Hyppolite ne pouvait pas expliquer ce qui lui avait pris. Il avait juste été saisi d'une pulsion. Il y avait eu quelque chose dans son ventre, dans sa poitrine, qui l'avait pressé de créer un contact avec Katou.
Il s'attendait à ce qu'elle se dérobe à lui et il cherchait déjà un milliards d'excuses pour expliquer son drôle de comportement mais la brune ne bougea pas. Mieux, elle sembla resserrer l'étreinte de leurs doigts. Timides, comme deux corps abandonnés, leurs phalanges se lièrent avec incertitude. Hyppolite sentit un incendie lui ravager la cage thoracique.
Il détourna le visage en même temps que la jeune femme, incapable de l'affronter plus longtemps. C'est alors qu'il vit ce qu'il manquait : dehors, Agnès semblait révoltée. Elle emporta les patients du docteur Elpida et les deux paraissaient se confronter. Mince alors ... Hyppolite voulut lâcher Katou et s'éloigner pour retrouver sa collègue et s'enquérir de son état mais la brune le prit au dépourvu: sans crier gare, sa main libre s'accrocha avec force à son t-shirt. Elle avait le regard voilé. Elle voyait Hyppolite mais ne le regardait pas. L'adulte eut peur. Que lui arrivait-il ? Il n'était pas au courant de la pathologie dont elle souffrait. Et si c'était une maladie mentale ?
Il posa ses deux mains sur les épaules fragiles de la jeune femme et força le regard. Comment réagir ? Que lui dire ?
Finalement, elle sembla revenir à elle, murmurant :
- Je suis désolée.
De quoi ? De quoi s'excusait-elle ? Non, non, Katou tu n'avais rien à te reprocher.
Elle semblait perdue, alors les mains d'Hyppolite glissèrent le long de la colonne vertébrale de la brune et doucement, il l'amena à lui dans une étreinte sincère, quoique un peu gauche.
Un instant, il se sentit dans une bulle avec elle. Une bulle aux parois infranchissables. Rien ne l'atteignait. Il avait l'odeur de Katou pour l'apaiser et son corps entre ses bras. La mélodie de la pluie contre la vitre semblait les éloigner de tout, créer une distance entre eux et l'extérieur. Parce qu'ils étaient de l'autre côté, ils étaient loin de la vie de l'Institut. Tout était si beau, si paisible... Tout était si facile avec elle ...
Et un son déchira la bulle, brisa la frontière entre intérieur et extérieur, imposa sa présence. Hyppolite se recula de Katou et jeta un coup d'oeil en contrebas puis écarquilla les yeux, sous le choc. Il y avait la patiente, allongée sur l'estrade, baignant dans son sang. Et Barrabil penchait au dessus d'elle. Hyppolite était trop loin pour voir ce qu'il faisait. Autour d'eux, le temps s'était mis sur pause. Les surveillants ne surent même pas réagir quand un gamin rejoignit les deux protagonistes sur scène. L'Institut retenait son souffle alors que la patiente le perdait.
Hyppolite se tourna vers Katou, blême.
- Désolé, mais je ne pense pas qu'on devrait rester ici. Je ferais mieux de rejoindre Agnès.
Il allait s'en aller puis, grave, il dévisagea la brune :
- Tu me suis ?