Le fonctionnement du rp
A vous de définir les objectifs de vos personnages : sont-ils pour ? sont-ils contre ? Qu’ont-ils à gagner ou à perdre ? Étaient-ils au courant ?
Le contexte
Une seule fenêtre est allumée dans le Bâtiment cette nuit.
Si vous êtes là, c’est soit que vous êtes important pour l’institut, soit vous êtes curieux. En effet, les meilleurs médecins, les secrétaires et assimilés, ont reçu un message tôt dans la matinée : réunion importante à 23h en salle de réunion. Pas d’ordre du jour, pas de précisions. Juste cet énigmatique message sur leur boîte mail professionnel envoyé par Mademoiselle Dessanges.
Il est 23h15 et il n’y a toujours personne… Jusqu’à ce que la porte s’ouvre sur le Directeur, épaules en arrière, le visage grave. Il fait silencieusement le tour de la large table ovale puis pose à plat ses deux mains sur la surface en bois, dévisageant chacun des présents dans les yeux.
Le directeur adressa un regard glacial et entendu à Ange avant de reprendre son discours.
Il reste debout, droit, le regard fusillant son assemblée. Si vous voulez briller, c’est maintenant ou jamais.
Donatien avait pris sa place dans la salle de réunion dès 22h30. Il s'était installé en bout de table, les pieds croisés sous la surface plane, les doigts tapotant tranquillement le bois. Il savait ce qui allait être annoncé et pour la première fois depuis longtemps, il avait repris son assurance. Un large manteau blanc était déposé sur ses épaules, à la manière dont un roi disposerait sa cape.
Il avait regardé chaque nouveau arrivant, les saluant d'un signe de tête discret. Il avait évidemment grimacé lorsqu'il aperçut Graham; et sa main, bien que débarrassée de son attelle était toujours bandée, lui fit soudainement mal. La vue d'Ange l'agaça également, et il gonfla son torse en l’apercevant. Il y avait des concurrents dans cette salle mais il ne se laisserait plus abattre. Cette salle, de toute façon, était rempli de traîtres. Cette garce de Dessanges, par exemple, avait bien calculé son coup : d'abord être assez douée pour être une amie du médecin en chef tout en draguant un des meilleur chirurgien de l'institut. Une dois que le chirurgien devint directeur, elle profite de leur relation romantique pour être sa secrétaire, gagnant en grade, tout en sachant très bien que ce poste serait provisoire. Une fois le directeur revenu, elle devint automatiquement sa secrétaire. Est-ce que cette manipulatrice sans cœur avait atteint son but ou cherchait-elle à viser plus haut ?
Quoiqu'il en soit, Donatien écoutait sans vraiment l'entendre le discours de son père, guettant les réactions sur les visages des autres et croyant les comprendre. Lorsqu'il eut fini, il croisa le regard de Graham, lui offrant un sourire dédaigneux. Il était certain que ce barbu fuyard allait profiter de la situation, et par ce sourire, il essayait de lui faire comprendre qu'il pouvait commencer à se pavaner. Donatien le laissait parler avant lui, ou plutôt, se ridiculiser.
Cette réunion, c’était un mélange de différentes émotions. Savoir le docteur Graham de retour l’emplissait de joie. Elle allait le revoir. Elle pourrait lui montrer ce qu’elle avait appris, lui raconter sa préparation au concours d’entrée de médecine de l’université de Harvard. Mais surtout, elle pourrait l’écouter lui raconter des choses qu’elle ne soupçonnait même pas. Cet homme la rendait meilleur, elle en avait la conviction.
Elle était un peu inquiète pour Agnès aussi. Elle savait que la secrétaire était plus épanouie depuis qu’elle était au service du docteur Barrabil, et espérait que les choses ne se détérioreraient pas auprès du directeur. Mais elle faisait confiance à Agnès, qui avait pris en assurance ces derniers temps. Elle ne se laisserait plus faire.
Pour elle, les actions de ces gamins qui voulaient se révolter pouvait avoir des conséquences désastreuses. Pensait-il aux patients, comme elle, totalement dépendant de l’Institut ? Elle se demandait ce qui pouvait leur passer par la tête pour chercher à nuire à l’Institut. Il y avait juste eu un incident une fois. Le regrettable accident qui avait poussé le docteur Barrabil à tirer sur une patiente. Cela ne pouvait tout de même pas provoquer un soulèvement, si ?
Amalia restait en retrait, derrière la haute silhouette du marquis. Elle voulait se dérober à la vue de Donatien Elpida. Elle ne le craignait pas non, ils se haïssaient trop pour cela, mais lui ne l'avait pas encore remarquée, contrairement à elle. Elle voulait encore profiter de l'effet de surprise, le voir déchanter quand il comprendrait qu'elle était revenue. Que, contrairement à la promesse qui avait été faite sur ce lancer de pièce, elle était de nouveau présente. Elle avait voulu respecter ce serment mais elle avait finalement préféré suivre le marquis. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient, les imbéciles. Elle n'en faisait pas partie.
Je ne le saurais jamais.
En prenant place dans la salle, je vois Katerina avec qui je n'ai pas parlé depuis des lustres. J'espère vraiment qu'elle va bien... Puis je vois Donatien, qui m'observe de son oeil mauvais, comme si j'avais apporté le malheur dans sa vie. Et quand je dis "le malheur", je veux parler de tout le malheur. Il lui faut un bouc émissaire, et il l'a tout trouvé. Je ne sais pas quel scénario tordu il a imaginé dans son esprit pour qu'il n'ait aucun remord, mais il doit bien me rendre coupable...
Victor fait aussi partie des présents, évidemment. Le souhait du Directeur pour garder ses médecins les plus compétents s'est exaucé à coup de chantages, pots-de-vin et je ne sais qu'elle autre magouille. Honnêtement, je ne sais même plus quoi penser de cet Institut.
Lilith O'Brien est aussi présente. Ca ne fait qu'un mois qu'elle a rejoint les rangs de l'Institut et la voilà déjà en plein drame. Je la plains, surtout qu'elle n'est que professeure des écoles. Elle veut transmettre le savoir aux jeunes générations et elle se retrouve en pleine bataille contre eux. Et en dehors de ça... Je ne sais pas si c'est parce que ça fait longtemps que je n'ai pas connu la chaleur d'une femme ou autre chose, mais elle a un quelque chose qui m'attire... Il faudrait être fou pour ne pas reconnaître qu'elle est très attirante.
Je me place dans un coin, à côté d'Hyppolite. Il y a plusieurs mois j'aurais été à côté de Donatien et j'aurais craché sur Hyppolite, et me voilà en train de préférer la compagnie de la dame de cantine que du médecin en chef. J'ai vraiment revu mes relations. Et dans un sens, même si Donatien m'a sauvé d'un emprisonnement certain, qu'a-t-il fait pour moi? Pas grand chose. Hyppolite m'a apporté bien plus en quelques semaines que Donatien en plusieurs années.
J'écoute sagement le Directeur m'énoncer des faits dont je suis déjà au courant. Et dire que je suis ici à coup de chantages, ça me dégoûte. Il sait vraiment toucher là il faut.
Et comme personne n'ose parler pour l'instant et que j'étais l'ancien Directeur, j'imagine que c'est à moi d'ouvrir le bal :
- On pourrait commencer par le plus évident : le Journal Clandestin. On ne sait toujours pas où il se trouve.
Et ce sera mon unique intervention. Je commence franchement à en avoir ras-le-cul de tout ça. Si j'avais suivi mes plans, je serais déjà dans un autre hôpital à sauver des patients à l'heure qu'il est.
Ophelia a peut-être raison après tout...
Une réunion. Sa première, une officielle, avec tous les gens qui régissent l'Institut. Elle était toute excitée. Elle avait laissé Wendy à une infirmière et s'était dirigée, toute guillerette, à cette réunion mystère. C'était avec surprise qu'elle vit le Directeur. Il lui avait tellement manqué ! Sa prestance, son charisme... Tout scintillait chez cet homme. Il inspirait une telle autorité et un telle importance, qui pouvait se liguer contre lui ? A part ces dégénérés, bien sûr... Pas étonnant qu'ils aient construit un Asile, des fous veulent s'en prendre à l'Homme qui les soignent.
Ils devraient être reconnaissant.
Elle balaya son regard sur la salle, et s'aperçut que Amalia était de retour. Un sourire se dessina avec légèreté et elle s'installa à côté d'elle - non sans prendre la place de quelqu'un qui comptait s'y asseoir - et lui fit un signe de la main.
Dieu que cette réunion commençait bien ! En plus, Ange Barrabil prit la parole de sa voix chaude et suave. Elle ne savait pas Dieu pourquoi il s'était posé à côté de cette femme de cantine mais ça ne lui retirait rien de son charisme. Tous les directeurs qui eurent foulé l'Institut étaient des bêtes de charisme.
Elle se pencha vers Amalia et lui glissa ce mot :
- Comment va ma tortionnaire préférée ?
J'y comprends rien |
Hyppolite était là pour Aida. En tant que cuisinière du médecin en chef, elle était conviée, évidemment. Elle lui avait appris ce matin pour sa réunion mystère et en tant que prince charmant, surprotégeant sa princesse, il avait voulu l'accompagner. Après tout, rien n'interdisait les invités dans cette réunion.
Il avait mis un bonnet noir sur sa tête pour cacher sa tête bleue facilement reconnaissable - bien que ce soit un gars passe-partout - et portait un tee-shirt qu'Aida lui avait offert sur lequel était inscrit "On ne rencontre personne par hasard". C'est quand le directeur arriva qu'Hyppolite plissa les paupières, tel un détective tentant de comprendre la situation. Le directeur était de retour ... Alors Ange était quoi ?
Il écouta attentivement, main dans les poches. De quoi il parlait ce dirlo ? Une Révolution ? Et puis quoi encore ? Ce n'était que des enfants.
Il éprouva une petite fierté en voyant Agnès. Il essaya d'intercepter un regard entre elle et Katou. D'ailleurs, quand il croisa le regard de la brune, il lui fit un petit signe de main pour la saluer.
Ange était près de lui et Hyppolite s'apprêta à lui glisser une blague pour détendre l'atmosphère mais, très sérieux, son ami - peut-être le meilleur - s'exprima en premier :
- On pourrait commencer par le plus évident : le Journal Clandestin. On ne sait toujours pas où il se trouve.
Hyppolite hocha la tête vigoureusement, encourageant Ange même s'il ne bitait rien. Un Journal Clandestin ? Il y avait la presse ici ?
Ça ne fait même pas un mois que je suis dans l’institut et il m’arrive souvent de tomber sur le Dr.Elpida et de parler avec lui. Je me rapproche petit à petit de lui, à contrecœur, mais c’est pour la bonne cause, c’est pour elle. Cependant, je ne sais pas quoi penser du fait qu’il m’attende régulièrement à la fin de mes cours pour discuter… C’est comme s’il… cherchait le contact, et… J’avoue que, ça me gêne un peu. C’est étrange… c’est super… super étrange. Je dois continuellement garder mon masque car, je sais que je le verrais vraiment tous les jours… sans exception.
Ce matin, j’ai reçu un mail de Mademoiselle Dessanges, m’informant d’une réunion importante à 23h. Si tard ? C’est... inhabituel. Sans vraiment chercher à poser des questions, je continue ma journée comme d’habitude, et quand vient l’heure, je me dirige sagement vers la salle de réunion. Quand j’y entre, le docteur Elpida est déjà là, je lui lance un regard et lui sourit poliment avant de m’installer, ni trop loin, ni trop proche. Mes collègues et médecins entrent dans la salle à leur tour, puis un homme imposant se fait remarquer, et annonce que M.Barrabil n’est plus le directeur, avant de reprendre rapidement.
Il n’est plus le directeur ? C’était un remplacement ? Je reste interdite, surprise de savoir que j’ai été embauchée dans ces conditions. Mon regard se pose sur le véritable directeur et j’écoute attentivement. Et ce que j’apprends me surprend énormément. Un espion ? Des patients qui montent quelque chose contre eux ? Mais… intérieurement, je jubile. J’avais raison alors ? Mes soupçons étaient justifiés ?! Ça veut dire que… mon cœur se brise alors que je me retiens de faire transparaitre mes émotions sur mon visage. Mia… Je suis désolée… Je suis tellement désolée…
Le premier à prendre la parole, c’est le directeur que j’ai connu, parlant d’un journal clandestin tenu par des patients. Je reste silencieuse, essayant de m’imprégner des informations pour nourrir mon masque. Je suis de leur côté. Je dois les soutenir. Il ne faut pas que je l’oubli, sinon tout tombera à l’eau.
-On pourrait commencer par le plus évident : le Journal Clandestin. On ne sait toujours pas où il se trouve.
Ce n'était donc pas qu'un bruit de couloir, ce Journal existait vraiment, c'était une première nouvelle pour Aida. elle aurait peut-être du se tenir plus au courant.
Alors que son attention était portée sur le Directeur, elle se retourna vivement en sentant une présence s'asseoir à ses côtés. Son visage s'illumina quand elle reconnut la longue chevelure violette de la plantureuse W05. Elle en oublia même l'intervention d'Ange et se rapprocha de la nouvelle concierge avec un sourire complice, récupérant son mot discrètement.
-Comment va ma tortionnaire préférée ?
-Mieux, je n'aurais jamais pensé être de l'autre côté de la hiérarchie, chuchota-t-elle avec malice. Et toi ?
Plus en forme depuis que monsieur Ange a remplacé mon médecin, je suis tout de même bien heureuse de redevenir aujourd’hui la patiente de Donatien.
J’arrive un peu en avance à la salle de réunion, mon temps loin de monsieur Elpida n’a en rien altéré mon besoin de ne pas le décevoir.
Quelques personnes sont déjà là. Un peu raide, j’hésite à entrer dans cette salle. En uniforme blanc impeccable, figée depuis quelques minutes, je me sens dépareillée. Je repère rapidement mon médecin en blanc lui aussi. Je souris et me faufile à sa rencontre. Je remarque au passage le médecin de l’estrade et les regards que lui adresse Donatien, j’accélère le pas et me place près de lui sans oser m’asseoir, les chaises sont peut-être réservées aux employés…
Je frôle à peine mon médecin pour lui signifier ma présence, il semble absorbé par la situation.
Groupe : La FamilleDate d'arrivée à l'Institut : 20/02/2018Age : 25
Donatien avait gardé une place au chaud pour Lucy. Elle l'avait frôlé avec timidité, alors il lui désigna la chaise près de lui sur laquelle elle pourrait s'asseoir. Il lui avait demandé sa présence pour deux raisons : la première était humaine. Lucy était la seule de son côté, la seule à lui être fidèle, la seule qui l'aidait à tenir. La deuxième était technique : elle le soutiendrait lors d'un débat. De plus, c'était une patiente, elle savait sûrement plus de choses qu'elle ne le pensait. Donatien lui vouait une totale confiance; La retrouver lui faisait beaucoup de bien.
Le directeur finissait son discours et l'oeil de Donatien bifurqua vers Lilith O'Brien. Il lui adressa un signe de tête poli. Cette dame était fort belle, si angélique, si innocente. Il se sentait à la fois coupable lorsqu'elle était là et revigoré. Il ne savait sur quel pied danser avec elle, leur relation étant un fil tendu dans le vide sur lequel il jouait au funambule.
- On pourrait commencer par le plus évident : le Journal Clandestin. On ne sait toujours pas où il se trouve.
La voix d'Ange gronda dans la salle. Donatien était persuadé que Graham serait le premier à sauté sur l'occasion.
Nonchalant, bien installé sur sa chaise, Donatien ne put s'empêcher de répliquer.
- Parce que quand tu avais tous les pouvoirs, tu n'as rien fait pour le chercher. En revanche, alors que je n'étais même pas obligé de le faire, j'ai réussi à trouver quelque informations.
Il laissa planer un suspens.
- Quelqu'un est dans ce cas aussi ?
A croire qu'il n'avait pas parlé depuis sa suspension. C'était bien la première fois qu'il s'exprimait autant.
Pendant toutes ces années, Agnès avait copieusement ignoré ces rumeurs de Journal Clandestin, convaincue que ce n’étaient que des élucubrations de médecins paranos. L’endroit n’était certes pas parfait, mais aucun ne l’était. Ange et elle-même avait fait du bon travail dernièrement, essayant de recadrer les médecins qui prenaient trop de libertés. Même si certains leur posait particulièrement problème, elle était convaincue qu’avec Ange en tant que directeur, ils auraient pu redresser la barre de cet Institut.
Auraient pu.
Le directeur avait été si longtemps absent que personne ne pensait plus qu’il reviendrait un jour. Mais il était revenu, et, elle le savait, il allait gâcher tous leurs efforts. Elle aurait beau être sa secrétaire, elle ne serait désormais plus qu’une fonctionnaire bonne à faire de la paperasse. Son nouveau patron n’était pas homme à se laisser conseiller par une subalterne. Elle jeta un œil à Ange. Jamais elle n’aurait pensé qu’elle regretterait de ne plus travailler pour lui.
Pour l’heure, elle se tenait debout, les bras croisés. Rencognée contre un angle de la pièce dont elle n’avait pas bougé depuis qu’elle était arrivée, elle avait soigneusement éludé les questions de ceux, qui, comme elle, arrivés en avance, s’interrogeaient sur les raisons de cette convocation.
Elle n’osait même pas croiser les quelques regards amicaux qui étaient présents. Hyppolite était là pour soutenir Aida – comme si c’était elle qui avait le plus besoin de soutien – Ange balayait la zone avec des yeux furieux – ce qu’elle comprenait – et Katerina se trouvait trop loin d’elle pour qu’un regard appuyé n’attire pas l’attention.
Elle s’était donc mise complètement en retrait, subissant la situation en écoutant d’une oreille distraite. La seule chose dont elle avait vraiment conscience, c’était le regard de Donatien qui pesait de tout son poids sur elle, comme si elle était l’unique responsable de tout ce merdier.
Pourvu que cette réunion finisse vite.
Victor Graham observait la scène avec une indifférence arrogante. D'abord : Elpida, qui lui faisait de l'oeil comme une vulgaire coureuse de rempart. Ensuite, Katarina, qui cherchait son attention avec la ferveur d'une adoratrice oubliée. Puis Barrabil, déchu mais non moins insolent dans sa présence, et non loin de lui la secrétaire Dessanges, toujours aussi hypermétrope et réservée. Enfin, le Directeur, qui trônait parmi eux comme un roi mécontent venu réprimander la plèbe qui était la sienne.
Et, extérieur à cette scène pathétique, se tenait Victor et sa toute nouvelle auxiliaire, Amalia. Le marquis n'était parti que quelques mois, mais rien n'avait changé, la même saynète se répétait devant ses yeux de pure ardeur.
Peut-être qu'à l'issue de cette réunion, quelque chose changerait. Mais Victor en doutait. Du moins, il doutait que le Directeur y parvienne sans son aide. Peut-être était-ce la raison pour laquelle il lui avait demandé - voire même supplié, diraient certains ! - de revenir.
Il écouta les paroles de l'enfant-roi Elpida, tout en accordant finalement un bref regard à Katarina lui signifiant qu'il lui parlerait plus tard. Il eut un rictus de mépris en faisant face à la vacuité du discours du médecin en chef - ignorait-il qu'il leur faisait perdre leur temps avec des questions d'une rhétorique imbécile ? Victor passa une main dans sa barbe.
Pour lui, la solution à cet ennui mineur de sédition était simple : enfermer tous les gosses à problème à l'Asile. A peine revenu, il avait entendu les rumeurs sur la réputation de certains patients : Nevrabriel, une certaine Ophélia également...Certains membres du personnel avaient relevé leurs comportements étranges. Pourquoi diable s'embarrasser de patients irrespectueux ? Peu importe qu'il y ait des preuves ou non : l'Institut ne s'était jamais encombré de telles imbécilités.
Mais pour le moment, Victor garda le silence, son habituel masque aristocratique recouvrant ses traits. Il voulait voir comment cette saynète se profilait. Cela ne rendrait son intervention que plus brillante, d'autant qu'il n'avait pas envie de parler pour débiter des choses que tout le monde savait déjà, comme les actuels intervenants semblaient aimer le faire.
Je comprends pas l'intérêt de cette réunion. Je les vois tous les jours les patients, et c'est juste des compotes. Je veux dire, si le directeur se sent menacé par des manchots, il doit revoir son estime de soi. Ce n'est pas trois péquenauds qui font de l'asthme et qui ont une jambe en moins qui vont gagner contre une bonne centaine d'adultes en parfaite santé. En plus, la moitié d'entre eux sont des gosses. Sérieusement, je préférais quand c'était Ange le directeur, il s'occupait de ce qui en valait la peine.
Du coup je suis assise à côté de Marga, à me demander quand est-ce qu'on pourra se mettre quelque chose sous la dent durant cette réunion. Je fixe Victor le Duc du regard, amusée par son allure. C'est un bon comédien, il attend sûrement son moment, celui où il nous fera un exposé détaillé sur sa petite personne et sur ses qualités. Je pourrais bien m'amuser à lui faire du pied pour passer le temps mais il est trop loin. Si j'essaie, je risque d’atterrir sur la cheville de Dracula au féminin ou sur notre nouvelle concierge. Quoique, ça me dérangeait pas de faire du rentre-dedans à notre concierge, elle est plutôt sexy. Et elle a deux bons arguments pour me convaincre d'aller lui parler.
J'abandonne l'idée quand même et continue de fouiller la salle du regard. Il y a Agnès, dans un coin, soumise à garder une position dans l'ombre du directeur. Je comprends pas pourquoi elle se met autant en retrait : après tout, elle a encore grimpé les échelons. Son salaire doit être aussi gros que les miches de la concierge maintenant, ça a de quoi faire sourire. Non ? Et puis, je l'imaginais en bonne compagnie Agnès, depuis notre baiser. Visiblement, ça ne lui a pas redonné espoir dans sa sexualité.
Du coup, j'en profite pour placer mes mains sous la table et lui envoyer un texto. Je zappe mes nudes à Victor et mes gossip avec Marga pour enfin trouver une conversation avec Agnès.
A: Agnès
Yo girl, souris un peu :)
Renfrognée dans son coin, elle pourra checker ses sms. Quoique, la connaissant - enfin non - elle doit sûrement avoir éteint son téléphone. Super, je suis bonne à m'ennuyer, écoutant deux mecs se disputer pour savoir qui a la plus grosse. Qu'est-ce qu'on s'ennuie.
Et là, dans un coin, c'est Agnès que je vois. Elle ne semble pas vouloir se faire remarquer, et bon sang je la comprends. Je suis franchement en colère que le retour du Directeur se soit fait à ce point dans le secret, sans que j'en sois plus informé. Et je plains Agnès. Après Donatien, elle passe au service du père. J'espère que ça ira pour elle...
Je regarde Hyppolite, accompagné d'Aida. Je lui souris, lui donne une tape sur l'épaule, et me déplace en frôlant les murs pour faire le moins de bruit possible. Déjà pour ne pas perturber la réunion mais aussi pour rejoindre tranquillement Agnès et laisser seuls les tourtereaux. Et ça m'évite de répondre à la pique de Donatien, également.
Une fois à côté d'elle, je croise les bras et soupire :
- Je sais pas toi, mais ça n'annonce rien de bon tout ça. Comment tu le vis, toi?
Je peux pas dire que je ne suis pas inquiet pour elle. Après ce que le Directeur m'a fait subir comme entretien, j'imagine le pire quant à elle. Elle le verra tous les jours et devra le suivre dans le moindre de ses déplacements. Alors certes, c'est une grosse promotion qu'elle a eue, mais je ne sais pas si ça lui fait vraiment plaisir.
Aussi y jeta-t-elle un coup d’œil rapidement. Ca aurait pu être n’importe quoi, un vigile qui aurait un souci à signaler au directeur, un médecin qui cherchait encore le lieu de la réunion… Mais non. C’était Eizenjia.
Elle n’eut même à déverrouiller son portable pour lire son message, lapidaire. « Yo girl, souris un peu » et le smiley assorti. Agnès ne savait vraiment pas quoi faire de ce SMS. A vrai dire, elle se posait de plus en plus de question sur cette infirmière qui l’avait… - elle rougit juste à cette pensée – et qui lui adressait régulièrement des signes d’encouragement à travers les fenêtres. Et en dehors de ça, elles ne se parlaient jamais. A se demander des fois si ce n’était pas de la drague juste pour la mettre mal à l’aise.
Pourtant, ce petit message se voulait sympathique – bien qu’agaçant, franchement elle n’avait aucune raison de sourire – alors elle leva les yeux vers l’expéditrice et lui adressa un sourire un rien forcé où pointait l'interrogation. Heureusement, cette étrange interaction à distance fut vite interrompue par l’arrivée inattendue mais néanmoins bienvenue d’Ange.
- Je sais pas toi, mais ça n'annonce rien de bon tout ça. Comment tu le vis, toi?
La secrétaire répondit par une grimace. Avait-il besoin d’une autre réponse à sa question ? Pourtant, ne souhaitant pas qu’il s’en aille, elle développa à voix basse.
- Mal. Cette réunion promet de gâcher tous nos efforts. Je ne veux pas partir à la chasse aux sorcières.
En réalité, Agnès avait peur. Peur de devoir finalement choisir entre son amour des patients et sa tendance naturelle à emboîter le pas à l’autorité.
Elle jeta un coup d’œil à Elpida père. Pour la première fois de sa vie, elle sentait bien que sa loyauté risquait de ne plus échoir à son employeur.
Groupe : La FamilleDate d'arrivée à l'Institut : 20/02/2018Age : 25
Elle se retourna vers Eizenija, décidant d'ignorer ce pleutre, et elle constata sans surprise qu'elle s'ennuyait ferme. Elles étaient au moins deux dans ce cas, le but de cette réunion était d'une inutilité affligeante. Les remarques de l'ancien Directeur et du médecin en chef n'aidaient pas à améliorer cette ambiance des plus lourdes.
Alors, pour en ressortir rapidement, car sa cigarette l'attendait patiemment, elle se tourna vers le Directeur d'un air désabusé et las :
- Si les patients sont une menace, autant redresser les mesures de sécurité et les obliger au confinement le plus strict. Leur rôle est de rester patient, ils feront leur crise d'adolescence quand ils retourneront chez leurs parents. Les plus audacieux iront une semaine à l'Asile, deux si récidives, et ainsi de suite.
Le Directeur pesa les dires des courageux et inspira. Mademoiselle Hernàndez n'avait pas tort.
Victor jeta un regard vers Marjorie. Elle ne lui avait pas manqué, cette femme vulgaire doublée d'une bécasse, mais pour une fois elle disait vrai, et cela lui coûtait de l'admettre - il ne le ferait, d'ailleurs, jamais à l'oral. Le Directeur lui-même sembla y trouver un peu de logique, et il poursuivit tranquillement :
-Dans ce cas, dressons une liste des patients à problèmes. Si vous avez remarqué que certains d'entre eux exerçaient des activités dangereuses, dîtes-le de suite. Mademoiselle Dessanges, prenez en note tout ce qui va être dit.
Victor tourna son regard ardent vers le Directeur, et asséna froidement :
-Une semaine à l'Asile, en réprimande pour les perturbateurs, ce n'est guère suffisant. Ils devraient y rester enfermés jusqu'à nouvel ordre, c'est à dire jusqu'à ce que la situation semble moins envenimée. Ce ne sont que des gamins : une fois sans leurs leaders, ils perdront toutes volonté de défier l'autorité de l'Institut.
Il continua avec sévérité.
-Quant aux patients perturbateurs, il me semble que nous pouvons déjà citer tous ceux qui se sont d'eux mêmes dénoncés lors de la précédente déclaration officielle du Docteur Barrabil, quelques mois auparavant. Une simple verbalisation, cette fois, n'est guère appropriée.
Son ton était précis. C'était une attaque ouverte au comportement de Barrabil, ayant choisi de simplement réprimander les fauteurs de trouble avec une magnanimité des plus ridicules, et le marquis ne voyait nul besoin de s'en cacher : lorsqu'on se comporte comme un imbécile, il ne faut guère s'attendre à être considéré autrement. Le Directeur semblait plus enclin à pencher vers la manière forte, voilà qui était une bonne solution, bien que l'idée originelle provienne de la sorcière nommée Marjorie - ou juste Marge ? Pendant ces quelques mois, Victor avait oublié son prénom.
Il semblait d'ailleurs que parmi les patients que Victor mentionnait se trouvait une des patientes adorées d'Elpida. Quelle coincidence malheureuse, d'autant que le marquis n'était plus sous l'autorité du médecin en chef. S'il avait été moins arrogant, il se serait fait un plaisir de le lui rappeler, mais Elpida n'en valait pas la peine. Pauvre enfant-roi : sa main semblait à peine guérie.
Victor fronça soudain les sourcils en remarquant la présence d'Eugénia aux côtés de Marge. Ces deux-là se connaissaient ? Tiens donc, une alliance entre la peste et le choléra. Quoique la peste en question était bien plus séduisante que le choléra aux lentilles colorées. Il eut un léger sourire à cette pensée avant de détourner son attention vers Amalia. Il lui glissa alors à voix basse, sans se préoccuper du fait qu'elle discute avec une personne sans intérêt :
-N'hésite pas à intervenir. Ils doivent comprendre que ta place est au dessus d'eux.
Après tout, elle avait autrefois été patiente.
Elle opina vigoureusement en guise de réponse. Elle allait bien, très bien même. Avec Wendy et Aeden, les astres semblaient s'être alignés pour son bonheur. Mais elle était d'autant plus heureuse de retrouver Amalia. Elle comprenait la réaction du docteur Barrabil pour avoir renvoyé le docteur Graham, mais elle en voulait au médecin des yeux pour lui avoir arraché une de ses plus précieuses amies. Des semaines d'amusement et de moqueries des dégénérés, envolées.
Quelques autres émettaient des idées, et l'une d'elle fut approuvée par le Directeur. S'en suivit le médecin des yeux qui prit la parole, et pendant longtemps qui plus est.
Elle leva le bras, des noms écrits sur un bout de papier, et le tendit au Directeur. Au moins, elle se sentait utile !
Elle nota également une information importante, qu'elle donna à Amalia pour qu'elle la lise à voix haute :
Lorsque Marga s'exprime, je n'en crois pas mes yeux. Elle qui en a toujours rien à faire des autres, elle qui préfère boire un café - avec, au lieu de deux sucres, les larmes de ses patients -plutôt que de se joindre aux mondanités, elle prend la parole. Je suis aussi émue qu'une mère par rapport à sa fille. C'est pas le moment de la prendre dans mes bras, alors à la place je lui montre discrètement mon pouce levé pour l'encourager. Surtout que, comme d'habitude, elle est pertinente dans ses propos, et le directeur est réceptif à son discours.
- Une semaine à l'Asile, en réprimande pour les perturbateurs, ce n'est guère suffisant. Ils devraient y rester enfermés jusqu'à nouvel ordre, c'est à dire jusqu'à ce que la situation semble moins envenimée. Ce ne sont que des gamins : une fois sans leurs leaders, ils perdront toutes volonté de défier l'autorité de l'Institut.
Le Grand Victor s'exprime enfin. Il n'a pas perdu de sa prestance. Je ne sais pas où il s'est niché avec Vampirella pendant ces derniers mois, mais ça ne l'a pas affecté. Au contraire, je le trouve encore plus ragaillardi.
Dans ses grands mots, il semble attaquer insidieusement ce séduisant Barrabil, ce qui m'arrache un sourire. Y'en a qui changeront pas.
Par contre, je perds le fil de la conversation. Je ne me souviens pas vraiment des patients dénoncés. Il faut avouer que je ne m'y suis pas intéressée. Mais au moins, c'est le moment pour rebondir et de me débarrasser des manchots qui viennent traîner à l'infirmerie. Je jette un regard entendu à Marga avant de prendre la parole :
- En plus de ceux cité par ...
Merde, à force d'en rigoler, j'en ai oublié son titre et son nom de famille.
- ... le docteur Graham, j'ai également détecté des comportements suspects chez certains patients. Et, je peux vous l'affirmer, ces comportements n'ont rien à voir avec des troubles en particulier. Je pense aux jumelles, veuillez me pardonner j'ai oublié leur numéro mais monsieur Barrabil pourra me rafraîchir la mémoire. Mais j'ai été impolie, je vous laisse vous exprimer, madame la revenante. Quel est votre nom ? Je ne connais que votre numéro.
Je l'avoue, je ne suis pas fan du fait qu'une patiente rejoigne nos rangs de membre du personnel. Bien que j'apprécie son mordant et sa réputation, je la trouve assez lâche et profiteuse de la situation.
J'y comprends rien |
Hyppolite était confus - et se blessa dans sa confusion en se rongeant un ongle trop fort. Il essayait de communiquer en morse en clignant des paupières avec Ange mais 1) il ne savait pas parler le morse et 2) Ange était trop loin pour le voir. C'était quoi tout ça ? Hyppolite avait bien cru comprendre que son patron était pas très correct - d'où sa démission - mais il ignorait que le père était encore plus attardé. Comment pouvait-on soupçonner des enfants d'avoir un journal ? Où trouvaient-ils l'encre et comment l'imprimaient-ils en plusieurs exemplaire ? Etait-ce un quotidien ou un mensuel ? Quelqu'un avait-il déjà tenu ici ce journal entre leurs mains pour pouvoir l'affirmer, car à défauts d'avoir des preuves ...?
Hyppolite n'y croyait tout simplement pas. Un peu effrayé à l'idée qu'on enferme pendant des mois des pauvres enfants innocents dans un Asile, il enroula un doigt autour de l'index d'Aida, cherchant du réconfort. Puis il se pencha vers elle :
- Tu y comprends quelque chose toi ? J'ai travaillé pour Donatien et je savais qu'il était bizarre mais ... il s'était calmé, non ?
Aida était peut-être en danger en travaillant pour lui ....
Et c'est à ce moment-là que tout s'enchaîne : le docteur Hernàndez en remet une couche avant de voir sa proposition endurcie par le docteur Graham, puis l'infirmière Vitols accuse mes patientes qui ne sont que des enfants.
Je ne peux pas permettre cette réunion de si mal partir. J'espère que je serais épauler par plusieurs personnes, parce qu'il faut leur rappeler quelques choses à tous ces personnels soignants :
- Je tiens à rappeler que nous sommes dans un hôpital. Notre but est de soigner des patients, pas de les enfermer pour les rendre fous.
Je jette un oeil à Donatien. Cette chambre est la preuve que quelqu'un y a été enfermé, et c'est définitivement Adèlys Valcourt la prisonnière. Et on en voit les conséquences.
Je reprends rapidement, pour ne pas me faire couper :
- J'ai eu entre mes mains la gestion de l'Institut, et je peux affirmer que se déchaîner sur des enfants ne fera qu'aggraver la situation. L'Institut a déjà du sang sur les mains, que ce soit pour A18, Z01 ou Y66 qui est maintenant l'auxiliaire du docteur Graham. Et voyez les conséquences de ces actes : ça n'a rien apporté de bon, du côté des employés ou des patients. Comment vous voulez que les patients se sentent en sécurité quand leurs médecins, ceux qui doivent les soigner, se permettent d'enfermer, torturer voire tuer ?
Et je sais de quoi je parle. Je parle en connaissance de cause. Et il est hors de question que je laisse l'Institut tomber si bas.
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