on vient en famille ou pas ici —

Les délices d’un sentiment coloré se mélangeaient au sel d’une amertume naissante. Les lèvres chaudes d’un regard de chêne claquèrent sa joue qui n’avait point demandé d’affection. Instinctivement le géant l’essuya du revers de sa main bien qu’il n’avait senti aucune bave y perler.
L’asiatique glissa sans gêne un ami-tueur dans la poche d’un autre. La déesse de la discrétion serait son ennemie jurée. Le noctambule ne disait rien, il n’y avait plus rien à supplier des décisions d’autrui. Il prévenait mais la liberté était laissée au détenteur des consciences.

L’écossais regarda la foule s’asseoir à la table, dont une vieille amie aux cheveux d’ébène. Il lui adressa un mince sourire silencieux. Son envie d’aller la saluer était coupée par celui de leur mémoire partagée. Le regard d’or et de saphir se balada une nouvelle fois sur la tablée qu’il n’a pas rejointe. Un autre visage agréable se dessine à lui, taché de blancheur fascinante, ses yeux parlent pour lui. Protecteur des plus jeunes, le noctambule le comprend. Les mineurs sont interdis mais ils sont tout autour, et bien que certains soient majeur ils n’en restaient pas moins innocents. Solveig restait une enfant, enfant du soleil, et Artémis une enfant sans mémoire. Des yeux si candides avaient le temps de grandir sans s’infliger la vision mature de corps dénudés ou la honte de devoir montrer sa propre chair à des regards mal avisés.

_Bonsoir Nevrabriel, tu te portes bien ?

Sans émotions, il acquiesça doucement la tête. Leurs regards restèrent longtemps figer l’un dans l’autre, communiquant sans paroles. Les iris inquiets du protecteur ne firent pas vaciller celui de l’échalas. Muet, son visage retourna vers la tablé où s’était assises Elizabeth et Reano. Sa conscience ne comprenait pas qu’on puisse prendre à la légère l’innocence des plus jeunes.

_Il faut laisser les enfants grandir, j’imagine. Ils n’en feront qu’à leur tête. Tu ne peux rien faire à part les sensibiliser.

Un regard désolé pour son ainé qui devait surement souffrir professionnellement de cette situation. Cependant, le noctambule voulait tout de même lui prouver son soutient en s’approchant de l’enfant du soleil. Il se pencha sur son épaule mais parla assez fort pour que les autres jeunes de cette table prennent conscience du jeu auquel ils devront se soumettre.

_ « Strip » ça veut dire « retirer ses vêtements ». Tu es déjà assez peu vêtue comme ça Solveig. Si tu perds tu risques de te retrouver toute nue.

Il lui avait déjà dis de ne pas jouer à cela, mais elle ne l’avait pas écouté. L’écossais avait compris à force de mépris que donner des conseils ne servaient à rien, il fallait laisser les enfants se faire mal sans pour autant que cela ne soit mortelle. Bien qu’il voulait éviter à Solveig de subir l’humiliation de parader nue au milieu du lac, devant tout le monde, avait-il réellement le pouvoir de l’en empêcher si telle était sa volonté ?

Sensibiliser. C’était tout ce qu’il pouvait pour eux. Le jeune homme fit le tour de la table avant de venir poser un genou à terre face à Artémis afin qu’elle soit plus haute que lui. Il lui adressa un sourire fraternel qu’il a toujours eu à son égard.

_Majestée ?

A chacune de leur rencontre il espérait que ce surnom entre eux lui rappelle les couleurs de son visage, ou du moins que son cœur se souvienne de lui comme un ami ayant veillé sur elle autrefois.

_Personne ne te forcera à jouer si tu ne le veux pas.

Avec la bienveillance dont il a toujours fait preuve à son égard, le noctambule agrippa délicatement la main de la jeune femme à peine adulte et écrivit de sa plus belle écriture, du stylo qu’il portait toujours dans sa poche, les mots qu’il venait de formuler « Tu n’es pas obligé de jouer » afin qu’elle se le rappelle si elle venait à oublier ses paroles la secondes d’après. Il l’aimait autant qu’il la plaignait et comprenait sans peine son état agars, condamner à suivre et obéir, dépassé par la frontière de l’inconscience, hypnotisée par des souvenirs qui ne lui appartiennent peut-être pas … Un jour le noctambule finira comme la déesse mais il espérait que lorsqu’il sera ainsi, aucun être vil ou pur ne profitera de la faiblesse de sa mémoire mourante.

Se redressant, le jeune homme caressa doucement le nez d’Artémis du dos de son indexe, sentant la légère bosse de celle-ci, rappelant à tout deux que leur chemin s’était croisé autrefois. Un geste pouvant paraitre anodin ou fraternel qui avait cependant pour espérance de lui rappeler qu’il était le seul à le faire.

Il ne pouvait rien faire de plus.

Nevrabriel alla vers la famille réunit et prit le bébé par les aisselles afin de la porter correctement, la laissant jubiler de la hauteur qu’elle venait de prendre dans les bras du géant. Son regard passa du père à la mère, revenant au père pour qui il avait plus d’affection.

_Je ne pense pas que Wendy ait très envie de jouer avec vous à ce genre de jeu. Je vais m’en occuper, on ne va pas loin. Si vous voulez surveiller.

La messe dite, le regard hétérochrome alla rejoindre celui inquiet de son comparse tacheté, lui parlant sans mots qu’il ne pouvait rien faire de plus. A lui à présent de veiller sur les jeunes à la façon qui lui conviendra le mieux.
Comme affirmer aux parents de la petite, il commença à se retirer pour aller jouer avec Wendy sous l’ombre bienveillante d’un arbre afin que l’enfant ne prenne pas un coup de soleil affligeant, mais sa course fut arrêtée par une main aussi blanche que la neige. La chaleur familière de cette personne l’immobilisa. Le visage immaculé et rayonnant d’une lorialet élargit le sourire de son âme perdue. Le bébé dans ses bras semblait aussi reconnaitre l’arrivante qui lui a conté tant d’histoires pendant des mois durant.

_Tu nous a manqué.

Singulièrement, avide de tendresse, imaginer l’être qui n’est pas encore né ressentir un manque à son égard offrait bien de la chaleur en son cœur.

_Vous aussi.

Le noctambule se pencha pour déposer de la bonté sur le front de sa lorialet. Il resta quelques secondes ainsi afin que Lucy puisse embrasser Wendy, imaginant sans mal que ses nouveaux instinct maternelle souhait prendre soin de cette petite qu’elle a bercé jadis.

_Allons mettre Wendy à l’abri de ses nudistes avant qu’Elizabeth décide de la reprendre et que Wendy soit traumatisée.

Il prit dans sa large main celle plus chétive mais plus chaleureuse de son amie pour s’abriter tous les trois à l’ombre d’un arbre où il s'y sentait bien plus apaisé que sous le regard su soleil.

_ Au moins la chaleur est de leur côté…

L’écossais se savait plus pudique que sa comparse. Peut-être avait-il passé trop de temps sous la religion de l’Institut ? peut-être a-t-il toujours été ainsi ? La mémoire lui manquait par moment. Lucy étendit son châle et Nevrabriel y posa le bébé. Il joua avec sans se soucier des activités de son amie dont la rondeur de son futur enfant était  à découverte à présent.
Ce fut la voix familière de Solveig qui attira son attention :

_ Tu ne m'avais pas présenté ta femme ! Félicitations à tous les deux !

Nevrabriel leva la tête pour regarder Solveig, puis il jeta un regard à Lucy avant de lui sourire avec tendresse. Il reporta son attention à Solveig avant de lui répondre finalement :

_Ce n’est pas ma femme, c’est mon âme-sœur.

Nevrabriel n’arrivait pas à se souvenir s’il l’avait déjà exprimer cela à haute voix, même pour Lucy. Peut-être allait-elle le contredire ? Mais c’était ce qu’il ressentait pour sa lorialet et personne ne pourrait comprendre ce qu’il venait de dire, surement que Jessy lui arracherait les yeux mais personne ne pourrait changer ce lien qui les unissait.
Cependant, l’écossais savait qu’il avait utilisé des termes bien trop complexes pour la jeune suédoise qui avait déjà du mal avec de simples mots comme « strip ».

_Disons que dans mon cœur, c’est plus qu’une sœur, mais nous n’avons pas de sentiments amoureux.

Nevrabriel avait essayé de trouver des mots simples à comprendre pour sa jeune amie, il espérait avoir touché juste. Il reporta son attention vers Lucy en posant Wendy sur ses genoux pour qu’elle n’aille pas gambader trop près du lac. Inconsciemment, il caressait les cheveux de l’enfant pendant qu’elle jouait avec la large main de Nevrabriel qui était plus grosse que sa tête de petite fille.

_Lucy, je te présente Solveig, tu sais, la fille dans la cabane ? Et Solveig, je te présente Lucy.

Nevrabriel avait vaguement parlé de Solveig à Lucy, ce n’était pas leur principal sujet de conversation lors de leurs rencontres mais avec les informations qu’il avait offert à son amie, cette dernière devait situer à peu près qui elle était.